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  • il y a 2 mois
Le niveau scolaire s'effondre, l'école devient un lieu d'expérimentation idéologique, et la bienveillance a déconstruit la pédagogie et le rapport entre le maître et l'élève. Mais, pendant que les profs sont contraints de jouer au psy, qui joue au prof pour apprendre les fondamentaux aux élèves ?
Matthieu Grimpret, enseignant en lycée et dans l'enseignement supérieur, décrypte l'imposture de la bienveillance à l'école dans son ouvrage "Bullshit Bienveillance : enquête sur la psychologie positive à l'école". Il avance que ce phénomène est issu d'une idéologie soixante-huitarde, transformant les élèves en cobayes et mettant en danger leur avenir.

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Transcription
00:00Chers téléspectateurs, bonjour. En cette période de rentrée scolaire, nous allons parler, pour notre zoom du jour, de l'école.
00:12Nous recevons un enseignant, Mathieu Grimpré, bonjour.
00:15Bonjour.
00:16Alors, vous êtes professeur d'histoire-géographie dans des lycées et vous avez donné des cours à Sciences Po Paris.
00:23Vous êtes l'auteur de Bullshit Bienveillance, enquête sur la psychologie positive à l'école.
00:29C'est publié aux éditions Magnus. Vous y décryptez la dégringolade du niveau scolaire à l'aune de nouvelles méthodes, du pédagogisme, de la bienveillance, du souci du bien-être, de la psychologie positive.
00:43Bref, beaucoup d'impostures qui, finalement, tyrannisent les professeurs et n'apportent pas de bienfaits aux élèves.
00:52Alors, c'est une véritable enquête coup de poing, votre ouvrage, avec des témoignages concrets.
00:59Vous avez même retranscrit certains courriers en changeant, bien sûr, quelques noms.
01:05Avant toute chose, commençons par quelques définitions.
01:08Qu'est-ce que la pédagogie et qu'est-ce que son détournement très contemporain, le pédagogisme ?
01:14Alors, la pédagogie, il suffit de reprendre l'étymologie grecque, donc ça évoque le fait de conduire les enfants, de les emmener quelque part, et en l'espèce, les emmener vers l'âge adulte.
01:25Je dis d'ailleurs dans le livre que c'est une précision qui s'impose aujourd'hui, les emmener vers l'âge adulte,
01:32mais qui, pour le coup, était superflu pour les anciens, pour les premiers pédagogues dans l'Antiquité,
01:39puisque c'était une évidence que l'enfant n'était qu'un adulte en puissance qui avait vocation à devenir un citoyen,
01:48une personne prenant ses responsabilités dans la cité, dans la famille, etc.
01:52Le pédagogisme, j'utilise une formule en m'inspirant de la fameuse formule de Marcel Gaucher à propos du christianisme.
02:01Marcel Gaucher dit que du christianisme, c'est la religion de la sortie de la religion.
02:05Pour moi, le pédagogisme, c'est la pédagogie de la sortie de la pédagogie,
02:09c'est-à-dire qu'on bazarde complètement, les pédagos, comme on dit, les partisans du pédagogisme,
02:15bazarde complètement la pédagogie au sens noble du terme,
02:18qui consiste à prendre l'enfant, non pas comme un enfant voué à demeurer un enfant,
02:24mais comme un enfant voué à devenir un adulte,
02:26et d'en faire une espèce d'idéologie qui consiste à installer le conflit entre l'élève et le maître, l'enfant et l'adulte.
02:39– Oui, en fait, on déconstruit la figure du maître pour des questions idéologiques.
02:44D'ailleurs, en fait, ce parallèle entre la lutte des classes,
02:47ce n'est plus la lutte des classes entre le patron et le prolétariat,
02:51c'est une sorte de lutte des classes entre le maître et l'élève.
02:55– Oui.
02:55– Et personne n'en est gagnant, au final.
02:57– Exactement, c'est tout à fait ça.
02:59Donc, ce sont mes réminiscences de philosophie politique.
03:03En réalité, je considère que le pédagogisme est une idéologie d'essence marxiste,
03:08c'est-à-dire qu'elle repose sur la dialectique, l'affrontement.
03:12Alors, la dialectique, hégélienne, etc.,
03:15elle peut opposer, comme vous l'avez dit, le prolétaire et le patron,
03:21le colonisé et le colonisateur.
03:24C'est le dominateur le dominé, l'oppresseur l'opprimé.
03:27Et ce que vont faire les pédagogies, c'est qu'ils vont s'inspirer de ce système,
03:35ou même plus que s'inspirer, ils vont appliquer ce système à la réalité des classes,
03:41de l'école, de la pédagogie, en tout cas d'une pédagogie pervertie,
03:46et ils vont faire en sorte que s'installe ce fameux conflit entre le maître et l'élève.
03:50Je signale ce que dit Philippe Mérieux, qui est l'un des pontes du pédagogisme.
03:58Alors, pédagogisme qui commence déjà à virer vers la psychologie positive et la bullshit bienveillance.
04:06Il dit que la relation d'apprentissage est fondamentalement une relation conflictuelle.
04:13Donc forcément, si vous considérez que le conflit est à la base de la relation d'apprentissage,
04:17vous, surtout quand vous avez une visée militante comme ces gens-là,
04:23eh bien vous travaillez à ce que l'un des deux en sorte vainqueur.
04:26Et là, en l'occurrence, c'est l'élève.
04:28Sauf qu'en réalité, ni l'élève ni le maître ne sortent vainqueur.
04:31Oui, bien sûr, parce que s'il voit l'enseignement comme une logique de conflit,
04:36il va être automatiquement porté vers la réunion,
04:38et il ne va pas être tourné vers l'eau, ce qui était l'essence de la pédagogie.
04:41Il va au contraire, plutôt que de devenir un adulte, rester un éternel adolescent.
04:45Absolument, absolument, c'est ce que, bon, je cite Piaget,
04:49alors qui n'est pas tout à fait dans le courant du pédagogisme,
04:53mais qui a été l'un des inspirateurs du pédagogisme.
04:56Lui s'intéresse moins à l'école qu'à la psychologie de l'enfant à proprement parler.
04:59Mais il dit, il faut instaurer l'enfant comme législateur et souverain.
05:04Qu'est-ce que ça veut dire, législateur et souverain ?
05:06Législateur, c'est celui qui fixe les règles.
05:08Et souverain, c'est celui à qui on rend compte, à qui on rend des comptes.
05:14Donc, instaurer l'enfant, en l'occurrence l'élève, comme législateur et souverain dans les classes, à l'école,
05:20c'est précisément l'instaurer, l'instituer même, comme celui qui fixe les règles
05:26et comme celui à qui on doit rendre compte,
05:28quand bien même vous êtes un adulte qui avait plus d'expérience, de savoir, etc.
05:33– Et le comble, c'est que ce législateur, souvent, il a parfois les ministres
05:38qui sont même ses propres parents, parce que les parents, souvent, cautionnent ça.
05:41Je dis ça parce que vous commencez votre ouvrage en introduction
05:46avec une lettre des parents d'un certain Yanis, dont le prénom a été modifié en fait,
05:51mais qui, bon, je vous enlis quelques traits, nous vous permettons de vous envoyer ce message,
05:55car aujourd'hui, Yanis est rentré du collège en pleurs.
05:57Il nous a dit qu'on l'avait puni en lui donnant la leçon du manuel à la recopier,
06:02car il avait oublié ses affaires.
06:03Nous l'avons dispensé de faire cette punition.
06:05J'imagine votre contrariété quand vous avez reçu ce mail.
06:10Vous avez eu le sentiment qu'on bafouait votre autorité.
06:12– Alors, c'est vrai.
06:13Après, si vous voulez, moi, je forme aussi des instituteurs,
06:18enfin des professeurs d'école, et j'ai un principe,
06:20je leur, comment dirais-je, je les invitais toujours à respecter un principe,
06:24il ne faut pas être plus royaliste que le roi.
06:26Ça veut dire que, et il ne faut pas se prendre pour le messie des classes.
06:30Autrement dit, si un enfant ne reçoit pas à la maison le soutien qu'il devrait recevoir
06:37pour que la scolarité qu'il vit et le savoir que nous, profs,
06:42lui dispensons dans le domaine strict de l'instruction,
06:45écoutez, qu'est-ce que vous voulez, on ne peut pas non plus sauver tous les enfants.
06:50Ceux qui portent cette responsabilité-là, ce sont les parents.
06:52Et ça, il y a vraiment une inversion de la responsabilité que je trouve insupportable,
06:58qui consiste à dire, il faut tenir compte de la spécificité des élèves,
07:05il faut que les professeurs tiennent compte de la spécificité des élèves,
07:08sans ça, ils risquent de ne pas réussir leur scolarité,
07:13puis ensuite leurs études, puis ensuite leur vie, et que sais-je encore.
07:15– Mais qui est le premier responsable de la croissance, de l'évolution d'un enfant ?
07:22Ce sont les parents, ce ne sont pas les professeurs.
07:25– Malheureusement, on voit la recrudescence des enfants, entre guillemets,
07:30HP ou que sais-je encore.
07:32Dès qu'un enfant fait mal ses devoirs, c'est qui l'HP ?
07:34C'est l'école qui n'est pas adaptée et qui ne lui est pas adaptée.
07:37On revient à ce que vous dites, il est législateur et souverain,
07:39c'est l'école qui doit s'adapter à lui.
07:40– L'école doit s'adapter, absolument.
07:42C'est ce qu'exigent les parents.
07:43– Ceci dit, il arrive que vous ayez par exemple un lycéen
07:48qui a eu dans son collège ou même dans son primaire
07:51un apprentissage lacunaire, admettons.
07:54Mais avec le pédagogisme, on ne va pas l'aider à combler ses lacunes,
07:57on va au contraire le garder, le laisser avec ses lacunes
07:59parce qu'il ne faut pas le troubler, il ne faut pas le déranger dans son trouble.
08:03– C'est la hantise du trauma qui est une espèce de…
08:08Évidemment, c'est une supercherie anthropologique,
08:11c'est une supercherie scientifique, je cite dans le livre un certain nombre
08:14de spécialistes très renommés qui montrent qu'il y a une épidémie de trauma aujourd'hui
08:20et que tout est trauma, un enfant tombe de son vélo, c'est un traumatisme,
08:25vous faites taire un enfant dans le train qui hurle à la mort, c'est un traumatisme,
08:28bref, il y a une hantise du trauma qui s'est emparée des parents.
08:32D'ailleurs, je tiens à dire, parce que je suis un peu sévère avec les parents,
08:35mais il est vrai aussi que les parents sont culpabilisés par une ambiance
08:38et en particulier par cette ambiance de la bullshit bienveillance.
08:41Donc, ils n'osent plus rien faire de peur de traumatiser leurs enfants
08:44parce qu'on les a convaincus de manière abusive
08:48que les enfants étaient facilement sujets au trauma.
08:52Tout ça, pour eux…
08:53– On leur a même enseigné qu'une punition, ça peut avoir des conséquences…
08:56– Par exemple, non, non, il ne faut pas mettre de fessées
08:58parce que ça peut les traumatiser.
09:00Il ne faut pas que les professeurs donnent des lignes à recopier
09:03parce que ça peut les traumatiser.
09:05Il ne faut pas mettre de zéro parce que ça peut les traumatiser.
09:07Mais, si vous voulez, d'un point de vue quasi philosophique,
09:12ça tient debout comme une bique sur ses cornes.
09:15Il faudrait donc partir de la minorité des cas
09:18pour en faire une loi générale.
09:20Ça n'a aucun sens.
09:23– Alors, il y a aussi une conversation que vous relatez
09:26plutôt, donc pareil, plutôt au début de votre livre,
09:28une très longue conversation avec une enseignante
09:29qui a connu les années mai 68.
09:32– Voilà.
09:32– Et elle admet, en fait, qu'on ne s'intéresse pas tellement
09:34à la réussite des élèves,
09:35mais plutôt à l'expérimentation de nouvelles méthodes.
09:38– Moi, ça m'a fasciné au cours de mon enquête.
09:40J'ai pas mal travaillé sur la biographie de tous ces individus,
09:43les pédagos.
09:44Alors, les pédagos de différentes générations.
09:46J'identifie trois générations.
09:48Je ne vais pas rentrer dans les détails,
09:49mais c'est décrit dans le livre.
09:51Et ce qui m'a fasciné,
09:53en étudiant la biographie de tous ces individus,
09:57c'est qu'en réalité,
09:59ils ne sont pas amoureux d'un savoir
10:04qu'ils voudraient transmettre.
10:05Ce ne sont pas des spécialistes de quoi que ce soit.
10:07Ce ne sont pas des historiens de l'art,
10:08ce ne sont pas des mathématiciens,
10:11ce ne sont pas des spécialistes de sciences physiques,
10:12ce ne sont pas des spécialistes de biologie moléculaire,
10:14ou que sais-je.
10:15Non, ce sont des spécialistes d'éducation.
10:18D'accord ?
10:18Donc, je ne sais pas quoi vous dire, moi.
10:20C'est comme si un coureur automobile
10:23était spécialiste du bitume du circuit
10:27au lieu d'être spécialiste de sa voiture.
10:29C'est à peu près la même chose.
10:32Donc, ça montre qu'en réalité,
10:33leurs soucis ne se dirigent pas vers l'élève.
10:36Leurs soucis ne se dirigent même pas
10:38vers la réussite de l'élève.
10:41Leurs soucis principaux,
10:42je le dis à un moment donné dans le livre,
10:43en étudiant de manière approfondie,
10:45à l'aide d'ailleurs d'autres références très intéressantes,
10:48en étudiant le parcours de Philippe Mérieux.
10:52Ce sont des gens qui rêvent,
10:54ce sont un peu des mégalos,
10:57qui rêvent d'établir le système pédagogique idéal.
11:02Mais pas au sens de la pédagogie ancienne
11:05dont on parlait tout à l'heure,
11:06mais au sens de ce qui est apte
11:09à servir au mieux leur dessin idéologique.
11:12Parce que seconde caractéristique de ces individus,
11:16c'est que ce sont des idéologues.
11:18J'en veux pour preuve la devise des cahiers pédagogiques
11:24qui sont un vieil organe pédago
11:27qui date de l'après-guerre
11:29et qui s'est complètement fourvoyé
11:30dans toutes ses aventures.
11:33C'est changer l'école pour changer la société,
11:36changer la société pour changer l'école.
11:38Tout est dit.
11:39Ce n'est pas faire fonctionner l'école
11:42pour transmettre le savoir.
11:44Ce qui est ce, d'ailleurs,
11:46pourquoi nous, citoyens,
11:48demandons à l'école de continuer à fonctionner
11:50avec nos impôts en particulier.
11:52Ce n'est pas faire en sorte
11:54que l'école transmette le savoir
11:55et cultive nos enfants.
12:00Non.
12:00C'est changer la société.
12:03On revient au marxisme.
12:04Oui, puisque cette transmission du savoir,
12:08elle est en faillite, en quelque sorte.
12:10D'abord, on voit que nous dégringolons
12:11dans tous les classements,
12:13les classements PISA.
12:15Dans tous les classements
12:15et même nos propres classements.
12:18Les autorités de l'éducation nationale
12:19ont bien dû être, comment dirais-je,
12:21gros gens comme devant
12:22quand elles ont inventé leurs propres évaluations
12:25en fin de quatrième,
12:27qui sont donc différentes des évaluations PISA,
12:30lesquelles sont, comment dirais-je,
12:34organisées par l'OCDE.
12:36Les évaluations franco-françaises
12:38de fin de quatrième ont été une catastrophe.
12:41Ça a révélé que la moitié des élèves de quatrième
12:44ne savent pas écrire le français.
12:48Une part substantielle d'entre eux
12:49ne savent même pas former les lettres.
12:51En quatrième,
12:53l'immense majorité d'entre eux
12:56ne perçoivent même pas
12:59la nature de la géométrie,
13:00ce qu'est la géométrie,
13:02différente de l'algèbre.
13:03Moi, je me souviens, en quatrième,
13:05non, ça devait être en...
13:06Oui, en quatrième,
13:07on avait divisé l'année,
13:08mon prof de maths,
13:09il avait divisé l'année
13:10entre l'algèbre et la géométrie.
13:12Et on voyait bien la différence
13:13qu'il pouvait y avoir entre les deux.
13:16Aujourd'hui, les élèves
13:16ne font même pas cette différence.
13:18Par exemple,
13:19la moitié des élèves de quatrième
13:20n'ont pas le sens des ordres de grandeur.
13:22C'est-à-dire que pour eux,
13:23multiplier 10 par 10,
13:25c'est la même chose
13:25que multiplier un million par un million.
13:27Ils ne verront pas la différence.
13:29Vous voyez,
13:30on ne mesure pas
13:31l'effondrement,
13:35la gravité,
13:36l'intensité de l'effondrement
13:37à une époque
13:38où précisément
13:40l'or gris ou l'or noir,
13:42je ne sais pas comment dire,
13:43du XXIe siècle,
13:45c'est le savoir.
13:46C'est le savoir.
13:47C'est la maîtrise
13:48des fondamentaux intellectuels
13:50qui permettent
13:51d'être créatifs ensuite
13:52et de créer de la richesse,
13:55de la croissance, etc.
13:56selon les bons vieux principes
13:58schumpeteriens
14:00de création.
14:02Ce sont les mots
14:03de votre enseignante
14:04dont vous relatez
14:05la longue conversation.
14:06Les pédagogues sont inaptes
14:08à former,
14:08selon ces mots,
14:09des gamins qui sachent lire,
14:10écrire et compter.
14:10Absolument.
14:11Et de toute façon,
14:12au fond,
14:13ça ne les intéresse pas.
14:14Ça ne les intéresse pas.
14:15Ce qui les intéresse,
14:16c'est de...
14:17Un autre témoignage du livre.
14:19Ce qui les intéresse,
14:20c'est de faire
14:21des élèves autonomes.
14:22Et le professeur
14:24dont j'ai reçu le témoignage
14:25pour le livre,
14:27lui,
14:27il s'insurge en disant
14:29mais avant d'en faire
14:30des élèves autonomes,
14:31faisons des élèves déjà.
14:34Ils seront autonomes
14:35le moment venu,
14:36le moment où ils pourront
14:37se donner à eux-mêmes
14:38leur propre loi.
14:40C'est le sens de l'autonomie.
14:41Ce qui est évidemment impossible
14:42avant,
14:44je ne sais même pas
14:45s'il y a 20, 25, 30 ans,
14:46on a encore la...
14:48Oui, la rigueur
14:48dans les études supérieures.
14:49Oui, la rigueur.
14:51Et encore,
14:51même si c'est un peu ça,
14:52on a encore besoin d'un savoir.
14:54J'allais dire,
14:54l'autonomie pure,
14:55alors on ne va pas se lancer
14:55dans un débat philosophique,
14:56mais l'autonomie pure,
14:58elle n'existe pas.
15:00On reçoit la règle
15:01à laquelle on décide d'obéir.
15:05Alors bien sûr,
15:05il y a la liberté
15:06dans la décision
15:06d'obéir à la règle,
15:08mais les règles,
15:08on ne les invente pas.
15:12Ça vient dans le réceptacle
15:14d'une tradition civilisationnelle.
15:16Oui, parce que du coup,
15:18cette absence de règles,
15:19elle n'est qu'apparente,
15:21parce qu'un élève
15:24qui n'a pas de règles posées
15:25dans un cadre précis,
15:27il va faire selon son bon vouloir,
15:30et en fait,
15:30il va forcément se heurter
15:31in fine à une autorité.
15:33Alors, soit il se heurte
15:34à une autorité,
15:35soit c'est la loi du plus fort.
15:37C'est Sa majesté des mouches,
15:38le fameux roman de William Golding,
15:42où en fin de compte,
15:44faute d'autorité,
15:45faute de règles,
15:46les enfants,
15:48en particulier les enfants,
15:49naturellement,
15:50parce que les enfants
15:50sont plus encore que les adultes,
15:55des êtres en croissance,
15:56en maturation,
15:58donc,
15:59si aucune règle
16:02ne vient régir leur relation,
16:05ce sera la règle
16:06fixée par le plus fort.
16:08Donc,
16:09le plus fort en gueule,
16:12le plus charismatique,
16:15alors,
16:15je vous laisse juger
16:16du charisme qu'on peut avoir
16:18quand on a 13-14 ans,
16:21le plus physiquement fort,
16:23qui pourra cogner sur les autres,
16:25et donc,
16:26qui est victime ?
16:26Moi, je l'ai vu,
16:27ça,
16:27dans des circonstances
16:28qui,
16:28vraiment,
16:29m'ont à la fois
16:31révolté,
16:33contrarié,
16:34et chagriné,
16:34ce sont les plus petits
16:36qui en souffrent.
16:38Ce sont,
16:38le petit gamin
16:41qui a un petit peu chétif,
16:42qui ne peut pas s'imposer,
16:44c'est celui qui est un peu timide,
16:46donc qui ne peut pas
16:46s'opposer aux grandes gueules,
16:49c'est celui qui ne comprend pas
16:50très vite,
16:52mais enfin,
16:52il y a un tel brouhaha autour
16:53qui comprend encore moins facilement.
16:56Vous voyez,
16:56ce sont tous ceux-là
16:57pour qui il faut,
16:58impérativement,
17:01restaurer ou instaurer
17:02l'école de la règle,
17:04comme je le dis
17:05dans les chapitres
17:07de la fin.
17:09Parce que l'école,
17:10c'est coller avec la règle
17:11est aussi nécessaire
17:12puisque,
17:13comme vous le dites,
17:14on ne peut pas particulariser
17:15le savoir
17:16qui est par essence
17:16universel.
17:18Absolument.
17:18Quand on prétend,
17:20alors ça,
17:20c'est tout le thème
17:22de la pédagogie différenciée,
17:23de la différenciation pédagogique,
17:26en soi,
17:26je comprends l'intention,
17:28mais comme toujours,
17:29l'enfer n'est pas
17:29avec de bonnes intentions.
17:31Bien sûr qu'il faut
17:32être à l'écoute
17:34de l'individualité,
17:36de la spécificité de l'élève,
17:37mais jusqu'à un certain point.
17:39Jusqu'à un certain point.
17:40Sans ça,
17:43à chaque élève
17:43va correspondre une école,
17:44à chaque élève
17:45va correspondre une instruction,
17:46à chaque élève
17:46va correspondre un ministère
17:48de l'éducation nationale.
17:49Ça n'aurait aucun sens.
17:51Et par ailleurs,
17:51la différenciation pédagogique
17:52telle qu'elle est adoptée
17:53et pratiquée aujourd'hui,
17:55c'est en fin de compte
17:56le nivellement par le bas.
17:58Car si on prétend donner
18:00à tous le même savoir
18:02de la même manière,
18:04ou plutôt,
18:05je corrige,
18:06si on prétend donner
18:08le même savoir à tous
18:09en l'adaptant à chacun,
18:12on tire l'ensemble par le bas.
18:15Ça, c'est indiscutable.
18:16Donc finalement,
18:18vouloir donner
18:19le savoir à une classe
18:22sous cette forme
18:23de la pédagogie différenciée,
18:25le savoir va se réduire
18:26à une portion congrue.
18:28– Et ce phénomène
18:30que vous décrivez
18:31en une vingtaine d'années,
18:33puisque vous vous enseignez
18:33depuis une vingtaine d'années,
18:35vous l'avez vu évoluer.
18:37Est-ce qu'on va de mal en pi ?
18:40– Alors,
18:42c'est une question difficile
18:43qui mérite de la nuance
18:45parce qu'en un sens,
18:47on va de mal en pi
18:48car il n'y a pas de prise
18:49de conscience des phénomènes.
18:51C'est la fameuse phrase
18:52de Peggy
18:53qui est de plus en plus
18:54à la mode
18:54et je m'en réjouis.
18:55Il ne faut pas seulement
18:56dire ce qu'on voit,
18:58mais il faut voir ce qu'on voit.
18:59Je crois que de plus en plus,
19:01des acteurs
19:02du système éducatif
19:03acceptent de voir
19:05ce qu'ils voient.
19:08Par exemple,
19:09je salue dans le livre
19:10la réforme
19:11de l'école maternelle
19:13qu'a mise en œuvre
19:17Jean-Michel Blanquer,
19:18qui, sur d'autres points,
19:20de mon point de vue,
19:21a adopté
19:21des positions erronées.
19:23Mais en tout cas,
19:24sur l'école maternelle,
19:27ce qu'a fait
19:27Jean-Michel Blanquer
19:28était assez pertinent.
19:32D'ailleurs,
19:32ça lui a valué
19:32énormément de critiques
19:33de la part
19:35de certains syndicats,
19:37de certains lobbies,
19:37etc.
19:38Mais pour le reste,
19:39je ne vois pas
19:40grand-chose changer.
19:40Et puis,
19:41vous savez,
19:43je ne veux pas me perdre
19:46dans les facteurs
19:47parce que tout ça
19:47est multifactoriel,
19:48c'est un phénomène
19:49multifactoriel,
19:50mais je voudrais
19:51quand même
19:52souligner
19:53que
19:54l'immense majorité
19:57des responsables
19:58administratifs,
19:59c'est-à-dire dans l'administration,
20:00dans les services
20:01de l'éducation nationale,
20:02ne connaissent absolument rien
20:03au métier
20:04de la transmission
20:05du savoir.
20:06Donc,
20:07ça n'est pas étonnant
20:08que les choses
20:09ne s'arrangent pas.
20:11Et si,
20:11là-dessus,
20:12vous ajoutez
20:13toutes les missions
20:15qui sont assignées
20:16à l'école
20:16alors que
20:18l'école
20:19n'a ni la vocation
20:20ni les moyens
20:21de les remplir,
20:24vous arrivez
20:24à une espèce
20:25d'usine à gaz
20:26dont d'ailleurs
20:28les effets négatifs
20:31sont de plus en plus
20:34multiformes.
20:36Oui,
20:36ce que vous dites,
20:37pendant que les enseignants
20:39jouent au psy,
20:40qui joue au prof ?
20:41C'est ça.
20:42Alors,
20:42vous savez que
20:43le bien-être
20:44est désormais
20:45officiellement classé
20:46comme l'une des missions
20:47de l'école.
20:48Le bien-être de l'élève
20:49est officiellement
20:49maintenant une des missions
20:50de l'école.
20:51Dans le bien-être
20:51de l'élève,
20:51il y a la santé.
20:53Bon,
20:54pourquoi pas ?
20:54D'ailleurs,
20:55c'est travailler
20:56dans les cours
20:59de sciences de la vie
21:00et de la terre
21:00et puis on peut
21:01tout à fait envisager,
21:02moi je l'ai eu
21:03quand j'étais en 3ème,
21:04à une visite médicale,
21:06etc.
21:06Enfin,
21:07la visite médicale,
21:08moi quand je l'ai subie
21:08en 3ème,
21:09c'était des médecins
21:09qui la faisaient,
21:10ce n'était pas les profs.
21:12La santé mentale,
21:13c'est déjà
21:14beaucoup plus subjectif,
21:16beaucoup plus complexe.
21:18Et là encore,
21:19le temps qui est consacré
21:20à tout ça,
21:21il n'est pas consacré
21:22les journées
21:22n'ayant que 24 heures,
21:24les journées de classe
21:25que 8 heures,
21:27tout le temps,
21:28les ressources,
21:29l'énergie,
21:30l'argent
21:30qui sont consacrés
21:32à ces missions
21:33qui sont de mon point
21:34de vue marginal,
21:36tout cela n'est pas consacré
21:37à la mission centrale
21:38de l'école
21:38qui est d'instruire,
21:40d'apprendre,
21:40à lire,
21:40à écrire
21:41et à compter.
21:44Donc là,
21:44c'est véritablement problématique.
21:46Moi,
21:47mon analyse,
21:48c'est une thèse,
21:49elle peut être contestée,
21:52on peut évidemment
21:53la discuter,
21:53mais c'est qu'en réalité,
21:55il y a malgré tout
21:56une démission
21:57des familles,
22:00une démission
22:01de l'État,
22:02une confusion
22:03des ordres
22:04qui fait que tout
22:05revient sur la tête
22:07de l'école,
22:08en réalité.
22:08Donc il faut à la fois
22:09éduquer les enfants,
22:10les instruire,
22:11leur assurer la sécurité,
22:12leur assurer la santé,
22:13la santé mentale,
22:14repérer quand il y a
22:16une petite baisse
22:18de morale,
22:20etc.
22:21Ce n'est pas gérable.
22:23Ce n'est pas gérable.
22:24Alors,
22:24ceci dit,
22:25c'est vrai qu'une école,
22:27il y a toujours
22:27une vie en société,
22:28donc il y a toujours
22:29des problèmes de harcèlement,
22:30ça a toujours existé,
22:32sous des formes différentes,
22:34et ce n'est pas absurde
22:34que l'école,
22:36le corps professoral
22:37soit impliqué dedans,
22:38justement.
22:38ça je suis tout à fait
22:40d'accord avec vous,
22:40mais vous savez,
22:41moi j'ai commencé ma carrière
22:42il y a 20 ans,
22:43on ne parlait pas encore
22:44de toutes ces histoires
22:45de harcèlement scolaire,
22:47alors c'est une question
22:47compliquée,
22:48je ne veux pas avoir l'air
22:49d'asséner des vérités
22:51toutes faites,
22:51mais quand chacun est à sa place
22:57et rempli de sa mission,
23:00les phénomènes parasites
23:02de ce type-là
23:02qui peuvent être dramatiques,
23:04existent beaucoup moins.
23:07Exemple,
23:08moi je suis pour la théorie
23:09du carreau cassé,
23:11dans l'histoire
23:12du harcèlement scolaire,
23:13la théorie du carreau cassé,
23:14ça vient des politiques pénales
23:16des années 80 à New York,
23:18la peine était infligée
23:22à celui qui cassait le carreau
23:24dès le premier carreau,
23:26on n'attendait pas
23:27le troisième,
23:27le quatrième,
23:28le cinquième,
23:28premier carreau cassé,
23:31peine,
23:31et peine ferme.
23:33Ça a réduit
23:34ce qu'on appelle
23:35l'incivilité,
23:37la délinquance
23:38de manière drastique
23:39dans les années 80
23:40à New York
23:40qui était un véritable coupe-gorge
23:41et qui ensuite
23:42est devenu une ville fréquentable.
23:44Il faut appliquer la même chose
23:45sur le harcèlement scolaire.
23:48Et je peux vous assurer
23:49qu'un gamin
23:50qui en harcèle un autre,
23:52s'il se confronte
23:53à une autorité
23:54qui lui dit
23:55ce que tu fais,
23:56non seulement c'est mal
23:57d'un point de vue moral,
23:58mais c'est contraire
23:58à la règle
23:59d'un point de vue,
24:00disons, juridique.
24:01Et tu vas prendre
24:01une punition pour ça.
24:02On ne va pas t'envoyer
24:03dans un atelier d'empathie,
24:05dans un groupe de parole
24:06ou dans un,
24:07je ne sais quoi,
24:08un atelier de matramé
24:09ou je ne sais quoi.
24:10On punit,
24:10on punit de manière ferme,
24:11de manière intransigeante
24:13pour dissuader l'enfant
24:15de recommencer.
24:16C'est la fonction dissuasive
24:18des peines,
24:19je veux dire,
24:20c'est quand même
24:20à la base
24:21de notre conception pénale
24:23et juridique
24:23depuis Rome.
24:25Donc,
24:26on fait ainsi
24:27et je vous garantis
24:28qu'il y aura
24:28beaucoup moins de harcèlement.
24:30Quant au harcèlement pathologique,
24:31il existe aussi
24:32parce qu'il existe
24:33des petits monstres,
24:34ça existe.
24:35Bon, c'est comme ça,
24:36c'est la nature.
24:38Ces individus-là,
24:40quel que soit leur âge,
24:42doivent être pris en charge
24:43à la fois d'un point de vue pénal
24:46et d'un point de vue psychiatrique
24:48pour qu'on réponde au mieux
24:52qu'on trouve les solutions
24:54à leurs problèmes.
24:55Mais pas à l'école.
24:57Pas à l'école.
24:58Les profs ne sont ni des psychiatres
25:00ni des policiers.
25:01– Ce sont des enseignants
25:02et s'ils rétablissent bien sûr
25:03la règle, l'autorité,
25:05ils seront beaucoup plus aptes
25:05à transmettre le savoir.
25:06– Les élèves sont plus aptes
25:08à le recevoir, le savoir.
25:09– Et à nouveau,
25:11évidemment,
25:11nous n'avons pas de statistiques
25:12là-dessus,
25:12d'ailleurs, ça méritait
25:13qu'on en fasse.
25:13Ce sera, voilà, pour le coup,
25:14des statistiques vraiment utiles.
25:15Mais la portion d'enfants
25:17véritablement pervers
25:21qui nécessiteraient
25:22une prise en charge
25:23psychologique,
25:24pédopsychiatrique
25:25de leur travers,
25:27c'est-à-dire de leur tendance
25:28à harceler,
25:30je ne vais pas me lancer
25:31dans des pourcentages,
25:32mais ça doit être
25:33maximum 5% des cas.
25:35Le reste des cas,
25:36ce sont des gosses,
25:37des sales gosses,
25:39comme nous l'avons tous été
25:40à un moment ou à un autre,
25:42et qui doivent faire face
25:44à des adultes
25:45qui s'assument comme adultes,
25:46qui n'ont pas peur
25:47d'être des adultes.
25:48– Et qui pourront aussi
25:48former les enfants
25:49à devenir de meilleurs adultes,
25:50à devenir des adultes,
25:51tout simplement.
25:52– En plus, en plus.
25:52– Voilà.
25:53Écoutez, merci beaucoup
25:54Mathieu Grimpré.
25:55Donc, chers téléspectateurs,
25:57Bullshit Bienveillance
25:58enquête sur la psychologie
25:59positive à l'école,
26:01c'est sur la boutique en ligne
26:02de TVL, bien sûr.
26:03et je vous souhaite
26:05une bonne fin de journée.
26:06À très bientôt.
26:07– Sous-titrage ST' 501
26:08– Sous-titrage ST' 501
26:12– Sous-titrage ST' 501
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