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  • il y a 2 jours
Alfred Pacquement, commissaire de l'exposition "Soulages, une autre lumière", présentée du 17 septembre 2025 au 11 janvier 2026 au Musée du Luxembourg et Maud Marron-Wojewodzki, directrice et conservatrice du musée Soulages à Rodez sont les invités de Marion L'Hour et Ali Baddou. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/le-grand-entretien-du-dimanche-21-septembre-2025-7517055

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Transcription
00:00Grand entretien ce matin consacré à une exposition, événement à Paris, exposition qui est consacrée à l'un des plus grands artistes français contemporains
00:10et même une figure majeure de l'art abstrait du XXe siècle.
00:14Une expo qui est visible depuis le début de la semaine au musée du Luxembourg à Paris.
00:20Un très bel écrin consacré aux peintures sur papier du maître du noir, même de l'outre-noir.
00:27Pierre Soulages, Soulages, une autre lumière, c'est le titre de cette exposition à laquelle nous vous invitons chaleureusement, chers auditeurs.
00:36Pour en parler avec Marion Lourdes, nous avons le bonheur de recevoir le commissaire de l'exposition.
00:42Il connut, il fut l'ami de Pierre Soulages et il a conçu cette exposition avec la femme de Soulages, Colette.
00:50Bonjour Alfred Pacman et bienvenue.
00:52Bonjour.
00:53Merci d'être avec nous. Nous sommes également en duplex avec Maude Marron-Voyevotsky qui est directrice du musée Soulages à Rodez.
01:01Merci d'être avec nous.
01:03Merci pour votre invitation. Bonjour.
01:05Bonjour et vous pourrez dialoguer dans un instant avec les auditeurs d'Inter au 01 45 24 7000
01:11ou sur l'application Radio France.
01:13Il y a beaucoup de questions à poser sur cet artiste majeur mais qui reste énigmatique.
01:19Commençons, Alfred Pacman, avant la visite guidée.
01:23Un mot quand même sur Pierre Soulages.
01:25C'est l'un des plus grands noms de la peinture contemporaine.
01:28On peut dire que c'est un monument français.
01:31Il est né à Rodez en 1919.
01:33Il est mort en 2022.
01:35Une carrière absolument immense.
01:38Une grande longévité.
01:40Une reconnaissance internationale puisque ses œuvres sont présentes dans les plus grands musées du monde.
01:46Il est exposé jeune déjà au MoMA, au Guggenheim, à New York.
01:51C'est le peintre du noir, de la lumière.
01:54Ce sont les clichés qui accompagnent son œuvre.
01:58Mais qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il fait, Alfred Pacman ?
02:01Son importance et sa place dans l'histoire de l'art.
02:05Pourquoi est-il si grand, Pierre Soulages ?
02:08Je crois que c'est surtout parce que c'est un peintre qui a été très cohérent d'un bout à l'autre de sa peinture.
02:17Et comme vous venez de le dire, il a vécu très longtemps.
02:19Il a travaillé très longtemps.
02:21Et dès le départ, il a mis en place, et c'est ce qu'on voit dans cette exposition d'ailleurs,
02:27une manière de peindre, une manière d'approcher la toile et le papier
02:32qui s'est distingué de ses contemporains par le chromatisme sombre, noir,
02:39par la façon dont il appréhendait la surface sur laquelle il travaillait.
02:45Donc c'est une œuvre qui d'emblée s'est distinguée des autres
02:48et qui est restée très autonome d'un bout à l'autre.
02:52Maud Marron-Voyevotsky, vous qui connaissez parfaitement son œuvre
02:57et qui êtes la gardienne de l'essentiel de ce qu'il a produit,
03:02c'est un peintre qu'on associe au noir.
03:05Alors quand on dit le noir, ce n'est pas l'absence de couleur,
03:07mais c'est comme une matière qui capte et qui transforme la lumière.
03:11Pierre Soulages appelait ça « peindre avec la lumière ».
03:15Est-ce que c'est ça qui fait son importance dans l'histoire de l'art ?
03:19Oui, tout à fait. Je pense que Pierre Soulages a guetté,
03:23a fait la quête de la lumière tout au long de sa carrière,
03:26même avant d'inventer ce qu'il appelle l'outre-noir.
03:29Dès les années 50 et même les années 40,
03:32quand il travaille avec le papier,
03:34et c'est ce qu'on voit d'ailleurs dans l'exposition du Luxembourg,
03:36il cherche la lumière du papier par le noir, par le brou.
03:41Et ça va vraiment s'exacerber avec l'outre-noir à partir de 1979.
03:49En effet, cette couleur, qui est mieux qu'aucune autre,
03:52permet le reflet de la lumière par des effets de matière extrêmement variés.
03:56Le recours à un nombre d'outils phénoménal,
03:59qu'il construit, qu'il bricole par lui-même,
04:02et qui vont permettre aussi ces changements de lumière,
04:06ces changements de mouvement,
04:07au fil du déplacement du spectateur.
04:09Alors justement, avant l'entrée dans l'exposition du Luxembourg
04:12et de suivre cet itinéraire chronologique,
04:15il y a ce terme « outre-noir » qui est assez étrange.
04:19Il ne figure sans doute pas dans le dictionnaire.
04:23Est-ce que c'est comme lorsqu'on parle des mémoires d'outre-tombe ?
04:27Définition, s'il vous plaît, Maud Marron-Voyevotski,
04:31qu'on essaie de comprendre justement ce terme-là
04:34qui définit si bien son œuvre.
04:36Alors il faut savoir que c'est un terme qui vient progressivement,
04:40quand il invente d'abord ce qu'on va appeler le noir-lumière.
04:45Ce terme n'est pas encore dans les mots de Pierre Soulages.
04:49Je pense que c'est un terme volontairement poétique, polysémique,
04:53justement pour ne pas le figer dans une seule et même définition.
04:57Mais en effet, quand on parle d'outre-noir,
05:00on parle de l'au-delà du noir,
05:02l'ouverture d'un nouveau champ mental du noir.
05:05Et justement, on dépasse le noir d'une certaine manière,
05:08comme quand on parle d'outre-tombe, quand on parle d'outre-mer.
05:11On va dans les profondeurs de la matière, dans les profondeurs de la couleur
05:14et au-delà de cette même couleur.
05:17Alfred Pacman ?
05:18Oui, alors précisément, l'exposition que nous ouvrons cette semaine,
05:22il n'y a pas l'outre-noir.
05:24Parce que l'outre-noir, il commence en 79
05:26et quand il commence l'outre-noir, en fait, le papier ne fonctionne plus
05:31puisqu'il travaille avec des épaisseurs de matière
05:35qui ne seraient pas supportées par la feuille de papier.
05:38C'est intéressant de raconter l'exposition
05:40parce que vous montrez que Soulages utilisait énormément le papier,
05:45que c'était une matière qu'il aimait bien.
05:46Ce n'était pas un sous-médium comme pour d'autres artistes
05:49où il les utilise pour faire des esquisses, des brouillons
05:51et puis où ça reste un peu dans leur placard.
05:54Là, c'était vraiment quelque chose qu'il aimait utiliser.
05:56C'est là qu'il pouvait vraiment s'exprimer.
05:58Oui, en effet.
05:58C'est-à-dire qu'il ne fait pas d'esquisses, il ne fait pas de dessin.
06:02Mais parallèlement aux toiles, il travaille sur le papier
06:05et puis d'ailleurs, un autre aspect de son œuvre qui sont les gravures,
06:09enfin les estampes.
06:11Et le papier, pour lui, la peinture sur papier,
06:14c'est un domaine à part entière et ni plus ni moins important que les toiles.
06:19Quand on va à Rhodes, justement, ce qui est assez fascinant,
06:21c'est que quand on voit les classiques de Soulages,
06:23ceux que la plupart des gens ont en tête,
06:25ces peintures à la résine,
06:27elles sont très différentes de ce papier,
06:30de ces œuvres, ces 130 œuvres sur papier.
06:33C'est là que tout a commencé.
06:35Je vous cite Alfred Pacman.
06:37Même question, Maud Marron, Voyevotsky.
06:40Qu'est-ce qui apporte chez Soulages
06:42le travail sur le papier sans la toile
06:45avec des matériaux qui ne sont pas la peinture à l'huile ?
06:50Je pense que l'œuvre sur papier présente aussi une plus grande liberté.
06:55C'est vrai que c'est un autre rythme de travail,
06:57c'est un autre support, c'est d'autres outils.
07:00Et donc, on découvre un autre Pierre Soulages
07:02quand on est face à ces peintures sur papier.
07:04Je précise, il ne considérait pas ces œuvres sur papier
07:07comme des dessins, mais bel et bien comme des peintures.
07:10Et on a, oui, une diversité des essais, une expérimentation
07:15qui, si elle existe dans ces peintures,
07:17se manifeste d'une autre manière, une autre lumière,
07:21pour reprendre le titre de l'exposition,
07:23qui est à l'œuvre dans ces papiers.
07:25Et Alfred Jacquemont, ça fait que dans l'exposition,
07:28effectivement, comme vous le disiez,
07:29on voit des œuvres qu'on n'a pas l'habitude de voir,
07:30notamment au début, dans les premières salles,
07:32celles des années 40.
07:35Il ne faut pas dire dessin parce qu'il n'y met pas, justement,
07:37ces tableaux aux brous de noix,
07:39donc cette résine de noix sur lesquelles on peut jouer
07:42avec les contrastes, la transparence, etc.,
07:45et qui forment comme des signes sur le papier.
07:48Mais pourquoi est-ce qu'il refusait ce terme de dessin, Pierre Soulages ?
07:51On voit la dynamique, on voit une sorte de présence architecturale,
07:55mais il ne voulait pas dire dessin.
07:57C'est-à-dire que quand il travaille sur papier,
07:59il travaille avec des brosses larges,
08:01il travaille avec une matière liquide,
08:03le brou de noix ou l'encre également.
08:06Ou la gouache.
08:06Ou la gouache.
08:08Et donc, un dessin, c'est, disons, avec un crayon
08:12ou avec une pointe, comme ça,
08:15et un travail graphique,
08:19alors que la peinture sur papier de Soulages,
08:21comme la peinture sur toile,
08:23c'est vraiment prendre en compte l'espace
08:24et d'un seul geste, il crée une surface.
08:28Et pour lui, c'est vraiment fondamental.
08:31Est-ce que vous pouvez donner à voir à nos auditeurs,
08:33justement, ce qu'on peut découvrir en allant à cette exposition ?
08:37Là, vous avez sous les yeux,
08:39mais donner à voir à ceux qui nous écoutent,
08:42ces larges bandes noires en gouache sur papier.
08:46Si vous deviez les décrire.
08:47On voit dans l'exposition, d'abord, une transformation,
08:51une évolution, parce que l'exposition s'étale sur plusieurs décennies.
08:55Et dans les années 70, les œuvres que vous évoquez à l'instant,
08:59c'est des œuvres où il y a des grandes barres
09:01ou des grandes traces très larges
09:03qui occupent à peu près toute la surface de la feuille
09:07et où il y a des fragments de blanc.
09:10Et c'est ce noir qui éclaire ce blanc
09:13et qui crée la lumière,
09:15qui est le fondement même de l'œuvre de Soulages.
09:17Ce qui est intéressant, Maude Maron-Voyevotsky aussi,
09:20c'est le côté peut-être architectural
09:22un peu de certaines œuvres qu'on voit,
09:25notamment dans cette exposition,
09:26qu'on voit aussi au musée que vous dirigez à Rodez.
09:30En fait, l'envie, le besoin d'être artiste de Pierre Soulages,
09:36il lui est arrivé à 12 ans,
09:37il a eu la révélation alors qu'il visitait une abbatiale romane.
09:41Et donc, c'est l'architecture qu'il a appelée avant
09:45que ce soit le dessin ou la peinture.
09:48Oui, l'architecture est partout dans l'œuvre de Pierre Soulages.
09:51Donc, il y a cette révélation de l'art, en effet, à 12 ans,
09:54face à l'abbatiale Sainte-Foy de Conques.
09:57Dans les premières peintures des années 30,
09:59figuratives, on retrouve aussi certaines représentations
10:03d'échafaudages, et puis une fascination aussi
10:05pour la structure de l'arbre dans les années 30,
10:09qui vont aller amener plus tard, dans les années 50,
10:12vers, en effet, des œuvres, des peintures
10:15extrêmement architecturées, structurées,
10:17des constructions plutôt que des compositions,
10:20ce qui fait que le futur président du Sénégal,
10:24Léopold Sédar Senghor, parlera d'un peintre-architecte,
10:27lui qui va mettre l'espace au cœur de son travail,
10:32et c'est ce que vont comprendre parfaitement
10:34les architectes du musée Soulages à Rodez,
10:36les RCR-architectes, lorsqu'ils vont concevoir son musée
10:39dans les années 2010.
10:41Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que je vous montre
10:44dans le catalogue Alfred Pacman ?
10:47C'est composition au brou de noix.
10:51Alors, brou de noix, définition ?
10:53Brou de noix, c'est un matériau naturel qui,
10:55comme son nom l'indique, vient de la noix.
10:57C'est la noix qui est devenue une sorte de poudre
11:01qui a été chauffée, qui est devenue une pâte,
11:05et cette pâte, Soulages l'a adoptée à ses débuts, en 1946,
11:10parce que c'était un matériau qui, d'abord artisanal, banal,
11:14qui est bon marché, qui lui plaisait beaucoup,
11:17et qui créait une couleur, une transparence, une luminosité,
11:22pas noir, mais proche du noir,
11:24qui lui convenait parfaitement.
11:26Il dit que c'est là où il s'est rassemblé,
11:29c'est là où il a trouvé véritablement son style,
11:31et c'est pour ça que l'exposition est d'autant plus intéressante,
11:34c'est parce que vraiment, c'est le démarrage de l'œuvre
11:36avec ses peintures au brou de noix.
11:38Mais justement, là, on vient d'entendre le nom de Saint-Gore,
11:40et on comprend d'ailleurs, il y a comme une référence
11:43à quelque chose comme à un imaginaire ou à l'art africain,
11:47on est pourtant en 1946,
11:49une brou de noix sur papier,
11:51c'est une toile, non, ça n'est pas une toile,
11:55c'est justement une œuvre qui est assez grande.
11:59Est-ce que vous pouvez nous la décrire ?
12:02Oui, ce sont des grandes traces, larges,
12:04qui fait avec, non pas avec un petit pinceau,
12:06mais avec une brosse de peintre en bâtiment,
12:09et avec aussi une spatule qui arrache cette couleur
12:14pour créer comme ça des vibrations dans la façon de travailler.
12:19Des vibrations ?
12:20Oui, des vibrations, absolument.
12:22Oui, oui, et donc, il occupe la surface.
12:26Pour lui, c'est quelque chose de très important
12:29de ne pas avoir travaillé une œuvre qui donne l'impression
12:33de raconter un geste, de raconter sa propre histoire,
12:37son état d'âme, etc.,
12:38mais une œuvre qui se livre d'un seul coup, comme il disait,
12:41comme un signe, ce signe qui va petit à petit devenir une surface.
12:45Maude Marron, envoyée de Vodski,
12:47vous avez prêté de nombreuses œuvres, d'ailleurs,
12:50pour cette exposition au musée du Luxembourg.
12:53Qu'est-ce qu'elle dit, cette technique,
12:55cette technique d'utiliser du brou de noix,
12:58d'utiliser ses traits noirs,
13:01de choisir l'abstraction au détriment du figuratif,
13:04ce qui n'est pas absolument évident à l'âge où il commence à peindre ?
13:08Je pense qu'il ne faut pas oublier que Pierre Soulage
13:10commence à travailler véritablement à partir de 1946.
13:15On est au sortir de la Seconde Guerre mondiale,
13:18et il le dira lui-même,
13:19il va développer une forme d'esthétique du débris aussi,
13:22de matières rouillées, de matières qui rappellent la terre.
13:26Il va utiliser des débris de verre, il va utiliser le goudron.
13:30Et il le dit, il le fait notamment après Hiroshima.
13:33Donc c'est aussi une manière de construire à partir de matériaux
13:37qui ne sont pas les matériaux des beaux-arts,
13:39et dans une volonté aussi de rupture
13:41avec ce qu'ont été les beaux-arts jusqu'à présent.
13:45Céline, qui est auditrice d'Inter,
13:48nous dit que découvrir Soulage fut pour elle une émotion sans borne.
13:53Vous la comprenez, Maud, cette expression ?
13:57Une émotion sans borne ?
13:59Oui, oui, oui.
13:59Oui, vous qui vivez avec Soulage ?
14:02Oui, en effet, quand on parcourt quotidiennement,
14:05comme je le fais à Rodez, les salles du musée Soulage,
14:09on est toujours saisi et on ne se lasse pas de la puissance
14:13qui émane des œuvres de Pierre Soulage.
14:17Comme le disait Alfred Pacman, il y a une extrême cohérence
14:20dans l'œuvre de Pierre Soulage,
14:21mais on apprend à voir la diversité aussi,
14:24les expérimentations, les essais,
14:27et le regard aussi qui change continuellement face à ses œuvres
14:31et qui nous renvoie, il le disait lui-même,
14:34il n'impose pas de sens dans ses tableaux,
14:37il laisse les sens que le regardeur veut donner,
14:41veut projeter sur la toile, se manifester,
14:44et c'est ce qui fait résonner en nous puissamment
14:47les œuvres de Pierre Soulage.
14:48Avant de filer au standard,
14:50retrouvez Patrick,
14:52Alfred Pacman, vous qui l'avez connu,
14:54c'est ce qu'il voulait,
14:55qu'est-ce qu'il voulait produire comme émotion ?
14:57Puisque cette émotion sans borne,
14:59on parle Céline,
15:00tout le monde l'a partagé
15:01lorsqu'on a visité des espaces
15:05où étaient exposés des soulages,
15:07comme on dit.
15:08Lui, il avait conscience de vouloir produire ça
15:11et ce choix de l'abstraction.
15:14En tout cas, c'est une œuvre très intégrée
15:17dans son être et dans sa volonté de peindre,
15:20mais moi, c'est une expérience que j'ai vécue
15:22qui m'a beaucoup frappé
15:22quand j'avais fait la rétrospective en 2009
15:25au Centre Pompidou.
15:26Le nombre de réactions que j'avais entendues,
15:30que lui avait reçues d'ailleurs par écrit
15:32ou par tous les témoignages...
15:34Que disaient les visiteurs, justement ?
15:36Oui, j'allais dire que c'est étrange
15:39parce que c'est une œuvre qui ne représente pas,
15:42qui ne renvoie pas à une image connue, etc.
15:46Et pourtant, elle crée chez le spectateur
15:48un rapport très émotionnel.
15:51Y compris chez les enfants.
15:53Moi, je l'ai observé.
15:54Oui, sans doute, toute génération confondue.
15:58Je ne sais pas comment on peut le définir,
15:59mais en tout cas, ça veut dire que cette œuvre,
16:01elle intègre quelque chose de très profond.
16:05On peut le comparer, par exemple, à Rothko ?
16:09On peut le comparer à Rothko.
16:11Ils se sont d'ailleurs très bien connus.
16:13Ils ont eu une certaine amitié entre eux.
16:16Quand Soulages est allé aux États-Unis,
16:17Rothko fait partie des peintres qu'il a rencontrées.
16:20Et une comparaison est toujours limitée.
16:24Mais en effet, c'est la même génération.
16:26C'est une approche d'abstraction, de la couleur,
16:28très différente, mais avec des points communs.
16:31Bonjour Patrick.
16:32Et bienvenue sur France Inter.
16:34Vous nous appelez de Clermont-Ferrand.
16:36Oui, bonjour.
16:38Et bienvenue.
16:38Vous avez un témoignage d'amoureux de Pierre Soulages
16:42et des questions pour nos invités.
16:45Et oui, j'ai été complètement subjugué,
16:48épaté par la visite du musée.
16:51De Rodez.
16:53Du musée à Rodez, bien sûr.
16:55Ce que je disais tout à l'heure,
16:56c'est que comme les Esquimaux,
16:59les Inuits voient tout un tas de nuances de blancs,
17:03et bien avec Soulages,
17:03nous on voit tout un tas de nuances de noir.
17:06Il y a une mise en lumière extraordinaire.
17:07Avec du noir, il fait tout le monde.
17:14Il déclenche des choses dans l'imagination,
17:18des émotions.
17:20C'est extraordinaire.
17:21Voilà l'émotion.
17:23Bel hommage et merci.
17:24Alfred Pacman, vous, vous avez rencontré l'œuvre
17:27avant de rencontrer l'homme, Pierre Soulages ?
17:29Oui, mais j'ai rencontré l'homme très tôt.
17:31C'est-à-dire que j'ai rencontré l'œuvre, en effet,
17:32quand j'étais étudiant en histoire de l'art
17:35et que je visitais des expositions.
17:36Et puis, j'ai eu la chance de le rencontrer très tôt
17:39et d'être très proche,
17:42y compris de réaliser la première exposition
17:44des Outres-Noirs en 79 au Centre Pompidou.
17:47Et ça a été un bel événement pour moi et pour lui,
17:51je crois aussi.
17:52Et nous ne sommes pas quittés.
17:54Et maintenant, je vois très souvent sa veuve,
17:58Colette, qui est une femme extraordinaire
18:00et qui a 104 ans et qui reste très présente
18:03auprès de l'œuvre de Pierre Soulages.
18:04Vous allez peut-être pouvoir répondre à Sandra,
18:06du coup, qui est allée visiter l'exposition
18:08et qui dit « Je me suis demandé s'il était facétieux.
18:11On avait l'impression qu'il jouait et s'amusait beaucoup
18:13en réalisant ses peintures.
18:14Est-ce que c'était le cas ? »
18:16Est-ce qu'il était facétieux dans sa peinture ?
18:20Je ne sais pas.
18:21Mais l'homme avait beaucoup d'ironie,
18:24était un conteur extraordinaire,
18:27avait une culture inouïe.
18:29Il pouvait vous parler de sujets extrêmement variés,
18:32du rugby à la pêche à la mouche,
18:35en passant par les étoiles, etc., le ciel.
18:44Donc, c'était quelqu'un de merveilleux.
18:46Dans sa peinture, je ne sais pas si on retrouve tout ça,
18:48mais sa peinture a une présence physique
18:51et c'est vrai extraordinaire.
18:52C'est l'un des très rares artistes,
18:55Maude Marron-Voyevotsky,
18:57qui a eu sa place en France au centre Georges Pompidou
19:01puisqu'Alfred Pacman a été le commissaire
19:04de cette première grande exposition.
19:06Et puis, 40 ans plus tard, il est entré au Louvre.
19:08C'était Soulages au Louvre
19:10et c'était aussi un événement.
19:12Pompidou, le Louvre, Rodez,
19:15c'est assez impressionnant qu'un artiste
19:18ait sa place dans des espaces aussi différents
19:21et des institutions aussi attachées à leur identité.
19:24Oui, tout à fait.
19:27C'est-à-dire qu'il a eu 100 ans en 2019
19:31et un anniversaire de ce type
19:34pour un peintre déjà très connu,
19:37ça devait se fêter.
19:38Avec mon ami Pierre Ancrevé, malheureusement décédé,
19:41on avait conçu cette exposition au musée du Louvre
19:44et je crois qu'elle était une façon de manifester
19:48l'importance que représente Pierre Soulages
19:50dans l'art français et dans l'art international.
19:54Maud Marron, voyez votre qui ?
19:56Oui, moi je peux parler plus spécifiquement
19:58de son musée à Rodez.
20:01Il faut savoir que c'est exceptionnel
20:03qu'un artiste de son fil vivant
20:05consente une donation aussi importante
20:08avec son épouse Colette Soulages.
20:09quatre donations successives
20:11qui font qu'aujourd'hui,
20:13il y a plus de 500 œuvres présentées à Rodez
20:16et le musée qui représente
20:19l'intégralité de sa carrière
20:21avec des œuvres figuratives des années 30,
20:24plutôt des essais, des débuts,
20:26jusqu'à la toute dernière œuvre réalisée par l'artiste
20:28le 15 mai 2022
20:29qui est conservée dans nos murs
20:32et donc une représentation de l'ensemble de l'œuvre,
20:35de toutes les techniques qu'il a pu explorer
20:37et qui font de la visite du musée Soulages
20:40une expérience, je pense, hors du commun aussi
20:42même pour ceux qui sont peut-être un peu frileux
20:46face à l'œuvre de Pierre Soulages initialement.
20:48Une expérience extraordinaire
20:50et je le dis d'expérience,
20:53Soulages une autre lumière,
20:55c'est au musée du Luxembourg
20:56jusqu'au 11 janvier 2026.
20:59Merci à tous les deux,
21:01Soulages à Rodez, Soulages à Paris,
21:03mais Pierre Soulages toujours.
21:05Bonne journée.
21:06Sous-titrage Société Radio-Canada
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