- il y a 7 semaines
Masterclass philosophie : Qu'est-ce que la liberté ?
par François-Xavier Bellamy
congrès des républicains
Samedi 6 Septembre 2025
Port Marly
par François-Xavier Bellamy
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00:00...non plus parce qu'il y a école de main quand même.
00:03Et puisque le sujet c'est la liberté,
00:05commençons par ce travail tout simple qui consiste à définir les termes du sujet,
00:08en l'occurrence il y en a un.
00:10Comment est-ce que vous définiriez, spontanément,
00:13le plus spontanément possible,
00:14ne vous mettez pas dans la peau du petit Larose,
00:17demandez-vous, comment, spontanément, naturellement,
00:19presque d'une manière triviale,
00:21comment est-ce que vous définiriez la liberté ?
00:22Voilà, je vois déjà une main qui se lève.
00:25L'absence de règles.
00:27Génial.
00:27Très bien, voilà, ça râle dans le public.
00:33On voit qu'on est un public de droite qui veut des règles.
00:36Ici c'est pas la France insoumise,
00:38on veut des règles, on veut de l'ordre, on veut de l'automne.
00:45C'était très corréleux de votre part,
00:47vous l'êtes faites, le porte-parole de l'opinion commune,
00:49mais il y a ici, pour le reste, au moins 300 porte-parole de la place Beauvau,
00:52on se demande bien pourquoi.
00:54L'absence de règles.
00:55Mais c'est vrai que c'est une bonne réponse.
00:58Alors, peut-être une autre réponse possible.
00:59C'est un anarchisme.
01:00Il y a un lien avec la vie.
01:01La vie.
01:03Il y a un lien avec la vie.
01:04Oui, mais vous diriez, la définition de la liberté, c'est la vie.
01:06Non.
01:07C'est très beau, c'est très beau, on va creuser ça.
01:10La liberté, c'est la vie.
01:11Ok, on retient.
01:12L'absence de règles, la vie.
01:13Oui ?
01:13Alors, c'est le fait de pouvoir connaître les conséquences de ses choix.
01:22Oui ?
01:22Oui, non, c'est la joie.
01:24La joie.
01:25Oh là là, mais c'est merveilleux.
01:26Il n'y a pas seulement des philosophes ici, il y a des poètes.
01:30Donc, la liberté, c'est la vie, c'est la joie.
01:32C'est le fait, plus techniquement, de connaître les conséquences de ses choix.
01:35Peut-être on a une dernière définition un peu plus loin, parce que sinon, on va donner la parole au premier rang.
01:39On est égalitaire, démocratique et inclusif ici.
01:42Alors, je vois une main qui se lève là, au milieu devant moi.
01:44On va en voiture dans Paris.
01:48Circuler en voiture dans Paris.
01:49On rouler en voiture dans Paris.
01:50Ah non, ben si, c'est ça.
01:52Si la définition de la liberté, c'est de rouler en voiture dans Paris,
02:01je crois, chère Agnès, que nous sommes tous condamnés à l'aliénation.
02:04Au moins, jusqu'à l'année prochaine, n'est-ce pas ?
02:07Alors, vous voyez une main qui se lève.
02:10C'est l'absence de contrainte.
02:12Génial.
02:13Alors, on va partir de là.
02:13L'absence de contrainte.
02:16Je vous trouve très sophistiqués.
02:17C'est là qu'on voit qu'on est devant un public d'élite.
02:19C'est du très très haut niveau.
02:20Quand vous êtes devant une classe de terminale,
02:23ce qui m'est arrivé pendant des années, le bonheur absolu,
02:26généralement, les élèves vous répondent en premier
02:28la liberté, c'est effectivement l'absence de contrainte.
02:31La liberté, c'est faire ce qu'on veut.
02:34La liberté, c'est avoir le choix.
02:37Vous êtes d'accord avec cette idée ?
02:38Ça paraît relativement spontané
02:41de considérer que la liberté consiste à avoir le choix.
02:45Cette définition de la liberté qui nous vient à l'esprit naturellement,
02:49vous avez répondu tout de suite que la liberté, c'était l'absence de règles,
02:52c'était la première réponse, l'absence de contraintes.
02:55Cette définition de la liberté, c'est en réalité une définition
02:58qui est née assez récemment dans l'histoire de la pensée.
03:03Dans l'histoire de la pensée, on peut dire que c'est la définition
03:06qui vient avec ce qu'on appelle la modernité.
03:08La modernité, en philosophie, elle commence avec la révolution scientifique,
03:12elle commence avec la Renaissance, la sortie du Moyen-Âge.
03:16La modernité commence à faire émerger une nouvelle définition de la vie,
03:23et après tout, c'est en effet de cela que nous parlons,
03:25et une nouvelle définition de la liberté.
03:28On la voit poindre, cette définition, sous la plume d'un philosophe
03:32qui est l'un des premiers penseurs de la modernité,
03:35un philosophe français qui s'appelle René Descartes.
03:39Dans une lettre qu'il écrit à l'un de ses correspondants,
03:42qui s'appelle le père Mélan,
03:43Descartes fait l'hypothèse que la liberté, ça pourrait être précisément
03:47d'avoir le choix de ne pas subir de contraintes.
03:51Pour le dire autrement, la liberté sociale fait de ne pas être déterminé.
03:55Ne pas être déterminé.
03:57Et effectivement, c'est complètement compréhensible.
04:00Si vous êtes déterminé,
04:02si vous obéissez à un déterminisme, quel qu'il soit,
04:05si vous êtes obligé de suivre un ordre de contrainte,
04:09vous ne pouvez pas dire que vous êtes libre.
04:11Imaginons qu'on vous impose quelque chose contre votre gré,
04:16vous n'aurez pas le choix d'y consentir ou non,
04:21et par conséquent, vous devrez bien admettre
04:24que ce que vous êtes en train de vivre, en train de faire,
04:27n'est pas libre.
04:29Donc la liberté, la première définition qu'on peut donner de la liberté,
04:32c'est la liberté d'indétermination,
04:35le fait de ne pas être déterminé.
04:37Si quand vous étiez lycéen, vos parents vous ont dit
04:40« Voilà les études que tu vas faire et ça ne se discute pas,
04:43parce que grand-papa était médecin et papa aussi,
04:46donc tu seras médecin à ton tour »,
04:48et bien d'une certaine manière, vous n'avez pas eu le choix,
04:50vous êtes déterminé.
04:51Si les circonstances sociales ont fait que les conditions de vie de vos parents
04:55ne vous ont pas permis de choisir les études de vos rêves,
04:57vous étiez déterminé pour des raisons matérielles,
05:00vous n'étiez donc pas vraiment libre.
05:01Donc la liberté, c'est le fait d'avoir le choix.
05:05Et plus on a de choix devant soi, et plus on est libre, bien sûr.
05:09Vous le reconnaîtrez avec moi.
05:11Si la liberté, c'est d'avoir le choix,
05:13alors le mieux, c'est d'avoir le plus de choix possible à votre disposition,
05:18d'avoir toutes les options devant vous,
05:20de pouvoir ouvrir le catalogue de l'existence
05:24en ayant de quoi choisir tout ce qui vous semblera bon.
05:27Donc cette liberté d'indétermination,
05:31cette liberté d'indifférence,
05:33qui consiste à pouvoir aller où vous voulez,
05:36à pouvoir faire ce que vous voulez,
05:38à pouvoir devenir ce que bon vous semblera,
05:41cette liberté d'indifférence,
05:43elle s'augmente à mesure que vous avez devant vous
05:46la plus grande palette de choix.
05:49C'est la liberté de l'individu consommateur,
05:52du client de supermarché qui rentre dans un rayon,
05:55qui veut d'un hypermarché pour pouvoir choisir n'importe quoi,
06:00c'est la liberté de celui qui veut pouvoir avoir devant lui
06:02le catalogue de toutes les options disponibles,
06:05la liberté d'indifférence.
06:07Et vous en conviendrez comme moi,
06:08plus vous êtes indifférent,
06:11et plus vous êtes libre aussi.
06:13Peut-être que tout à l'heure,
06:16quand il était déjà 20 heures,
06:18et que vous faisiez la queue depuis trop longtemps maintenant
06:20pour avoir une dédicace de Michel Barnier,
06:24ou bien quand vous étiez en train d'écouter les savants conseils
06:27qui vous étaient dispensés pour communiquer avec la presse,
06:31que vous sentiez votre estomac se rappeler soudain à vous,
06:34que vous commenciez à avoir faim,
06:36peut-être que quand vous avez été vers le buffet,
06:38ça n'était pas complètement libre,
06:39parce que la faim vous attirait.
06:40Vous n'étiez pas indifférent.
06:42Dîner ou ne pas dîner, ça ne vous était pas égal.
06:45Vous étiez très affamé.
06:47Et cette indifférence,
06:49elle vous permet au contraire de recouvrer la liberté.
06:53C'est quand ça vous est égal que vous êtes vraiment libre.
06:56C'est quand vous pourriez faire ceci ou cela
06:58sans y être vraiment incliné.
07:01Être libre, c'est faire ce qu'on veut.
07:02Être libre, c'est avoir le choix.
07:04C'est la définition moderne de la liberté,
07:07la liberté d'indifférence,
07:08la liberté d'indétermination.
07:10C'est la première qui vous est venue à l'esprit,
07:12et d'une manière très légitime,
07:14parce que c'est celle qui nous habite.
07:16Et vous remarquerez que cette idée de la liberté,
07:18elle a du coup quelques adversaires.
07:20Cette liberté-là, elle a des ennemis
07:22qu'il vous faudra sans doute combattre
07:24si vous voulez rester libre.
07:25Si vous voulez avoir le choix,
07:27si vous voulez être indéterminé,
07:28qu'est-ce qui peut bien peser
07:30sur votre liberté d'aujourd'hui ?
07:33La première chose qui pèsera sur votre liberté,
07:36c'est de manière très logique
07:37tout ce qui vous précède,
07:39tout ce qui vient avant votre libre arbitre,
07:42tout ce qui est venu avant vous.
07:44Vous êtes né et vous n'avez pas choisi.
07:48Un auteur absolument remarquable,
07:50qu'il ne faut pas lire dans les soirs de découragement,
07:52un auteur qui s'appelle Sioran,
07:54a écrit « De l'inconvénient d'être né ».
07:56Bon, ben, ça, c'est quelque chose
07:58qui ne dépend pas d'où vous êtes né.
08:00Et ne dépend pas de vous non plus,
08:02le milieu dans lequel vous êtes né,
08:03la famille où vous avez vu le jour,
08:05les circonstances dans lesquelles vous avez grandi,
08:07le passé qui vous précède,
08:10ce passé-là, par définition,
08:13la modernité le regarde comme un poids
08:15qui entrave votre liberté.
08:17Vous vous souvenez peut-être
08:18d'un ministre de l'Éducation nationale
08:20qui s'appelait Vincent Payon
08:21et qui disait que le but de l'école,
08:24c'était d'arracher l'enfant
08:25au déterminisme familial.
08:27Parce que, précisément,
08:29la famille, c'est l'autre nom
08:31de cette espèce de poids
08:33qui pèse de tout son passé
08:35sur le début de nos vies naissantes,
08:38de nos vies commençantes.
08:40La culture,
08:41la culture, d'une manière générale,
08:43entrave notre liberté.
08:45Et par exemple, la langue
08:47dans laquelle nous parlons.
08:48Roland Barthes,
08:49qui était professeur au Collège de France,
08:51avait fait son cours inaugural
08:53de littérature
08:54en affirmant que la langue est fasciste.
08:57Pourquoi la langue est fasciste ?
08:59C'était un grand moment des années 70.
09:01Pourquoi la langue est-elle fasciste ?
09:02Parce que quand vous êtes nés,
09:03on vous a appris à parler une langue
09:04et on ne vous a pas demandé laquelle.
09:06On ne vous a pas consulté sur ce point.
09:08Et quand vous avez appris
09:09à parler cette langue,
09:10en l'occurrence la langue française,
09:11puisque nous la partageons,
09:13quand vous avez appris à parler cette règle,
09:14vous avez dû vous couler dans ces règles,
09:16dans la discipline de cette langue,
09:18dans sa syntaxe, sa grammaire.
09:20Vous avez dû apprendre
09:21qu'il y a des choses qui se disent
09:23et des choses qui ne se disent pas.
09:25Il y a des choses
09:25que vous avez obligé à dire.
09:27Il y a des choses qu'il était interdit de dire.
09:29Et puis ensuite,
09:29comble de l'épreuve,
09:31vous avez été à l'école.
09:33Et là, vous avez appris
09:34que lire et écrire cette langue,
09:36ça suppose à chaque instant d'obéir.
09:39Ça suppose de se couler
09:40dans les règles infinies du langage.
09:43Et vous avez dû faire des dictées
09:45en ayant appris par cœur
09:47l'orthographe et la conjugaison.
09:49Vous avez fait des dictées
09:50et vous avez vu,
09:51comme le disait Pierre Bourdieu,
09:53vous avez vu couler sur vos copies
09:55le rouge sang de la mortalité scolaire.
09:58La culture alienne la liberté.
10:00Si la liberté, c'est d'avoir le choix,
10:02mais pourquoi est-ce qu'on vous oblige
10:03à parler d'une certaine façon ?
10:05Pourquoi est-ce qu'on vous impose
10:06ce carcan de la langue ?
10:07La langue est fasciste
10:08et il faudrait la déconstruire
10:11pour retrouver une forme
10:12de liberté originaire.
10:15N'est-ce pas la langue
10:16qui oblige à définir les choses
10:17d'une certaine manière ?
10:19Qui vous a obligé à vous définir
10:20d'une certaine manière ?
10:22Donc la liberté a pour premier ennemi
10:24le passé qui nous précède
10:25cet héritage,
10:27la culture qui nous a été transmise
10:29et ce faisant qui,
10:30d'une certaine manière,
10:31nous aura été imposée.
10:34Et puis,
10:35cette liberté d'indétermination,
10:37cette liberté d'indifférence,
10:39elle rencontre un dernier danger.
10:42Elle rencontre un danger majeur
10:43qui est un peu tétanisant.
10:45Qu'est-ce qui pourrait bien venir
10:46brider votre liberté d'indétermination ?
10:50Qu'est-ce qui pourrait vous empêcher
10:51d'avoir le choix ?
10:53L'autre.
10:55Alors, les autres,
10:55d'une manière assez générale,
10:56oui, les autres sont un problème
10:57relativement gênant.
10:59C'est pour ça, d'ailleurs,
11:00que dans cette idée
11:01de la liberté d'indifférence,
11:03il faut que chacun vive
11:04dans sa bulle de liberté
11:05en protégeant son propre choix.
11:06Et c'est pour ça qu'on dira,
11:07d'ailleurs,
11:08vous connaissez tous
11:08cette expression si connue
11:10qui nous vient de Montesquieu,
11:11que la liberté des uns
11:12s'arrête là où commence
11:13celle des autres.
11:14Vous voyez,
11:14si j'étais vraiment tout seul,
11:18je pourrais être vraiment libre.
11:20Je pourrais avoir tous les choix.
11:22Mais malheureusement,
11:23il y a des autres.
11:24Il faut bien vivre avec eux.
11:25Donc, je n'ai pas tout à fait
11:26tous les choix.
11:27Tous les choix ne sont pas devant moi
11:28parce qu'il faut bien
11:29que je prenne en compte
11:29le fait que la vie des autres
11:31est là
11:31et qu'eux aussi,
11:33pas de chance.
11:34Eux aussi veulent être libres.
11:36Il n'y a pas seulement moi.
11:37Donc, les autres sont un problème.
11:39Mais est-ce que seulement
11:39les autres sont un problème ?
11:42Si je veux avoir le choix...
11:44Le choix que l'on fait...
11:45Comment ?
11:45Les besoins primaires ?
11:48Les besoins primaires, oui.
11:49Les besoins primaires,
11:50on peut considérer
11:52qu'ils ne sont pas
11:53un grand lieu
11:53d'expression de la liberté.
11:54Encore une fois,
11:54vous avez faim,
11:55vous allez dîner.
11:56On ne peut pas dire
11:56que ce soit l'acte libre
11:57qui parachève
11:58l'affirmation de soi.
12:00C'est simplement,
12:01effectivement,
12:01la satisfaction
12:02d'une nécessité vitale.
12:03L'environnement.
12:05Le désir.
12:06Les lois.
12:07L'absence.
12:08L'absence de règles.
12:10Alors,
12:11l'anarchie,
12:11l'absence de règles.
12:12Le bonheur,
12:13la religion.
12:14Les lois.
12:15Les lois.
12:15En fait,
12:16la religion,
12:17les lois,
12:18tout ça,
12:18ça fait partie
12:18de la culture
12:19que j'évoquais à l'instant.
12:20C'est le monde
12:21dans lequel nous grandissons
12:22et ce monde
12:22qui vient à l'extreindre
12:23l'espace de notre liberté.
12:24Mais il y a
12:25un dernier piège
12:26pour la liberté,
12:27je me permets de l'ajouter.
12:28Si vous voulez avoir le choix...
12:29Il faut vivre.
12:30Exactement.
12:31Vous vous appelez comment ?
12:32France.
12:34Voilà,
12:34France.
12:35C'est France
12:35qui résout tout ses comptes.
12:36C'est toujours le cas.
12:37Il y a France.
12:42On est très fiers de France.
12:44Elle vient de résoudre
12:45notre problème.
12:47Vous avez dit
12:48faire un choix.
12:49Et effectivement,
12:50la condition
12:50pour avoir le choix,
12:52la condition
12:53pour toujours avoir le choix,
12:55c'est de ne jamais
12:56faire un choix.
12:57Parce qu'au moment
12:57où vous faites un choix,
12:59je veux dire,
13:00vous faites un vrai choix,
13:01au moment où vous faites un choix,
13:02ça y est,
13:03vous n'avez plus le choix,
13:04vous avez décidé.
13:05Et cette décision implique
13:07de renoncer.
13:09L'idée de la liberté
13:11comme indétermination,
13:12l'idée que la liberté
13:13c'est d'avoir le choix,
13:14c'est une idée
13:14assez tétanisante.
13:15Parce qu'en réalité,
13:18c'est une liberté
13:19qui ne se possède
13:20qu'à la condition
13:22de ne jamais l'employer.
13:24Vous pouvez être libre
13:25de toujours avoir le choix
13:26à condition
13:27que vous ne fassiez
13:28jamais un choix.
13:29La liberté moderne,
13:32la liberté d'indétermination,
13:33la liberté d'indifférence,
13:35c'est la liberté
13:35de don juan.
13:37Vous pouvez séduire
13:38toutes les femmes
13:39quand vous êtes don juan,
13:40mais la condition
13:40pour pouvoir séduire
13:41toutes les femmes,
13:42c'est de ne jamais
13:42en aimer une.
13:43Parce que si vous aimez
13:44vraiment une femme,
13:45vous n'allez pas pouvoir
13:46séduire toutes les autres.
13:48Il y a bien un moment
13:48où le fait d'aimer
13:49vous engage,
13:51vous détermine.
13:52Vous ne pouvez pas dire
13:52à la femme que vous aimez
13:54que je t'aime,
13:54mais en fait,
13:55ça pourrait être
13:56n'importe quelle autre
13:56à n'importe quel moment.
13:57Elle va probablement
13:58mal le recevoir.
13:59Et elle se demandera
14:00si votre amour
14:01est très sincère.
14:01Et elle aura bien raison.
14:03La vérité,
14:04c'est que la liberté
14:06d'indifférence,
14:07comme son nom l'indique,
14:08implique de rester
14:09d'une certaine manière
14:10à la surface
14:11de sa propre vie
14:12parce que choisir
14:13suppose précisément
14:14d'accepter
14:16de ne plus avoir le choix.
14:18Et c'est la raison
14:19d'ailleurs pour laquelle,
14:19encore une fois,
14:20cette définition de la liberté
14:21a quelque chose
14:22de très angoissant.
14:23Notamment pour l'idée
14:24qu'elle donne,
14:25par exemple,
14:25du passage du temps.
14:27Regardez comme nous idéalisons
14:28la jeunesse.
14:30La jeunesse,
14:30c'est l'âge
14:31de tous les possibles,
14:32n'est-ce pas ?
14:33Quand je suis professeur
14:34et que je suis devant
14:35mes élèves,
14:36je leur parle de la liberté.
14:38Mais si la liberté,
14:39c'est d'avoir le choix,
14:39ils sont tous
14:40bien plus libres que moi.
14:42Parce que eux,
14:43ils ont devant eux
14:44toutes les options disponibles.
14:45alors que moi,
14:47j'ai déjà choisi.
14:48Sauf à vouloir m'en mentir,
14:50je ne serai plus médecin
14:51ou pilote de chasse.
14:53Je suis devenu professeur
14:54de philosophie.
14:54Ça ne veut pas dire
14:55que ma vie était complètement
14:56figée et privée
14:57de toute surprise,
14:58puisqu'il m'est arrivé
14:59de vivre quelques autres aventures.
15:01Mais le fait est que
15:02le temps que j'ai engagé
15:04dans une voie
15:06plutôt qu'une autre,
15:07c'est un temps
15:08que j'ai engagé
15:09d'une manière définitive.
15:11La liberté d'indifférence,
15:13c'est une liberté
15:14qui détannise.
15:15Parce que quand nous disons
15:16à la jeune génération
15:18qu'être libre,
15:18c'est avoir le choix,
15:20nous leur disons en substance
15:21que les années
15:22qui viendront devant eux
15:23ne peuvent être
15:24qu'une longue et lente
15:25diminution,
15:26une longue et lente
15:27décroissance de leur liberté,
15:29une longue et lente
15:30aliénation,
15:31piégée par le fait
15:32qu'un jour,
15:33ils seront obligés
15:34de choisir.
15:36Regardez l'angoisse totale
15:38que représente
15:38cette question
15:39de l'orientation.
15:41Pour les plus jeunes ici,
15:42vous la vivez,
15:43vous la vivez maintenant,
15:44vous venez de la vivre,
15:46mais certains la vivent
15:46comme parents
15:47ou comme grands-parents.
15:48Pourquoi est-ce que
15:49les élèves choisissent
15:50toujours au dernier moment ?
15:52Pourquoi est-ce que
15:52c'est toujours
15:53la veille au soir
15:54de la clôture
15:54de Parcoursup
15:55qu'on clique sur
15:56choisir définitivement ?
15:59Parce que c'est
15:59effectivement terrifiant
16:00de se dire
16:01qu'on engage sa vie
16:01dans une voie
16:02plutôt qu'une autre.
16:04La vérité,
16:05c'est que la liberté,
16:06c'est d'abord un vertige.
16:08Celui qui nous a dit cela,
16:09c'est un très grand philosophe,
16:10danois,
16:11qui s'appelle
16:11Kierkegaard.
16:12J'aime beaucoup
16:13Kierkegaard.
16:14Kierkegaard est le fondateur
16:16du courant existentialiste.
16:18C'est-à-dire un courant
16:19qui revient
16:19à l'expérience même
16:20de la vie,
16:21à l'expérience du vivant.
16:22Vous en parliez tout à l'heure.
16:24Kierkegaard a publié
16:25son premier livre
16:26quand il n'avait pas
16:27encore 30 ans
16:28et il lui a donné
16:29ce titre énigmatique.
16:31Le livre s'appelle
16:31« Ou bien, ou bien ? »
16:34et Kierkegaard dit
16:35que c'est ça la vie,
16:36que c'est ça le privilège
16:38d'être libre,
16:38le vertige de la liberté.
16:40La vie,
16:40c'est « Ou bien, ou bien ? »
16:42Pardon, je ne veux pas sortir
16:44de la philosophie ce soir,
16:45mais pour le dire
16:46très spontanément,
16:48la vie,
16:49c'est pas en même temps.
17:00La vie, c'est « Ou bien, ou bien ? »
17:02Et vous le savez tous,
17:03voilà, il faut choisir,
17:05et vous avez choisi d'ailleurs,
17:07vous avez choisi de venir
17:08passer votre temps
17:09ce week-end, ce soir,
17:10au Congrès des Républicains.
17:11Vous auriez pu faire autre chose.
17:14La seule chose
17:14qui fasse la valeur
17:16de l'existence,
17:17la seule chose
17:17que vous ne retrouverez jamais,
17:19le temps,
17:19ce temps-là,
17:20vous avez choisi
17:21de le donner
17:21à cet engagement précis.
17:24Et ce temps-là,
17:25vous ne le retrouverez pas,
17:26vous l'avez engagé ici.
17:28Vous auriez pu aller ailleurs,
17:29vous auriez pu partir
17:30en week-end,
17:31vous auriez pu
17:31faire bien autre chose,
17:33vous avez choisi
17:34de venir ici,
17:35vous avez choisi
17:35d'être là ce soir,
17:36vous avez choisi
17:37de donner ce temps
17:39dont la valeur
17:40est infinie
17:41à ce moment
17:42de retrouvailles
17:43et de cela,
17:43nous ne pouvons que
17:44vous remercier infiniment.
17:46Ce temps-là,
17:48c'est votre liberté,
17:49l'expression de votre liberté
17:50que vous avez engagée.
17:51La vie,
17:52c'est ou bien ou bien.
17:54Si on regarde,
17:55écrit Kierkegaard,
17:56si on regarde
17:57le ou bien ou bien
17:58de la vie
17:58de cette manière,
17:59on n'a pas facilement
18:00envie de plaisanter
18:01avec lui.
18:03Imagine un capitaine
18:04à bord de son navire,
18:05à l'instant
18:05où il faut faire
18:06une manœuvre.
18:07Il peut dire
18:08« Je peux faire ceci
18:10ou cela. »
18:12Mais si ce n'est pas
18:12un capitaine médiocre,
18:14il se rendra compte
18:15aussi que le navire
18:16pendant ce temps
18:16va son train.
18:18Et c'est ainsi
18:18avec un homme
18:19s'il oublie
18:19ce mouvement de la vie.
18:21Un instant arrivera
18:22à la fin
18:23où il n'est plus question
18:24d'un « ou bien,
18:25ou bien ».
18:27Non pas parce qu'il
18:27aura choisi,
18:29mais parce qu'il aura
18:29négligé de le faire.
18:31Ou si l'on veut
18:32parce que pendant ce temps
18:33d'autres auront choisi
18:34pour lui
18:34et qu'il se sera perdu
18:36lui-même.
18:37On n'a pas envie
18:38de plaisanter avec ça,
18:40dit Kierkegaard.
18:41La première chose
18:42qu'on éprouve
18:42en se disant
18:43qu'on est libre,
18:44si l'on prend au sérieux
18:45ce que c'est
18:45que cette liberté,
18:46la première chose
18:47qu'on éprouve
18:47c'est d'abord
18:48un vertige.
18:50Kierkegaard écrit
18:51« L'angoisse,
18:53c'est le vertige
18:54de la liberté.
18:56Être libre,
18:57c'est d'abord
18:58angoissant.
19:00Vous seriez
19:00un caillou,
19:01vous n'auriez pas
19:02tant de questions
19:03à vous poser.
19:04La liberté,
19:05c'est un privilège
19:07qui se paie.
19:08La liberté,
19:09ça suppose
19:10d'affronter
19:11tous les jours
19:11le « ou bien,
19:12ou bien ».
19:13Et c'est la noblesse
19:14de la vie,
19:15c'est la noblesse
19:16de la liberté
19:16que précisément
19:17on ne peut pas
19:18tout en même temps
19:19et qu'il faut
19:19déterminer sa vie
19:21dans une direction
19:22ou une autre.
19:24La liberté,
19:25ce n'est pas
19:25le fait
19:26d'avoir le choix.
19:28La liberté,
19:28ce n'est pas
19:29quand il n'y a
19:30pas de contraintes,
19:31ce n'est pas
19:31quand il n'y a
19:32pas de règles.
19:33Ça ne suffit pas
19:33pour être libre.
19:34Vous pouvez vivre
19:35dans un univers
19:36où il n'y a
19:36aucune contrainte
19:37et pourtant
19:38n'être pas libre.
19:39Le moment
19:40où vous êtes libre,
19:41c'est le moment
19:42où vous choisissez.
19:44La liberté
19:44n'est pas
19:45le fait
19:45d'avoir le choix.
19:47La liberté,
19:48c'est le fait
19:48de faire un choix.
19:51La liberté,
19:52ce n'est pas
19:52de faire ce qu'on veut.
19:55La liberté,
19:55c'est de vouloir
19:56ce qu'on fait,
19:57de le vouloir
19:58vraiment.
19:59Alors évidemment,
20:00si vous êtes déterminé
20:01par quelqu'un d'autre
20:02que vous,
20:03s'il y a des contraintes
20:04partout autour de vous,
20:05vous n'êtes pas
20:06non plus vraiment libre.
20:07Mais il ne suffit pas
20:08de ne pas être déterminé
20:09par quelqu'un d'autre
20:10que vous.
20:11Il ne suffit pas
20:11de vivre dans un univers
20:12d'indétermination.
20:14Il ne suffit pas
20:14d'avoir sous vos yeux
20:15le catalogue ouvert
20:15de toutes les options
20:16possibles dans l'existence.
20:17Il ne suffit pas
20:18d'avoir le choix
20:19pour être libre.
20:20C'est une fiction.
20:22C'est une pure
20:23représentation abstraite.
20:25Et le grand drame,
20:26c'est quand cette
20:26représentation abstraite
20:28vous empêche de vivre
20:29la réalité concrète
20:31de la liberté
20:31qui est le fait
20:32de s'engager,
20:33qui est le fait
20:34de faire un choix.
20:35Un choix qui vous ressemble
20:36vraiment.
20:37Un choix qui vous représente.
20:39Un choix qui vient
20:40profondément
20:40de tout ce que vous êtes
20:42au fond.
20:44La liberté,
20:45ça consiste
20:46à faire un choix.
20:47C'est la noblesse
20:49de la vie.
20:50C'est la noblesse
20:50de la vie humaine
20:51que précisément
20:52nous devons
20:53nous déterminer.
20:55La liberté
20:55n'est pas le fait
20:56d'être indéterminé,
20:57c'est le fait
20:58de se déterminer.
21:00Ça n'est pas le fait
21:00d'être indifférent,
21:01c'est au contraire
21:02le fait d'être
21:03le plus engagé possible,
21:06le moins indifférent possible.
21:09Je ne suis pas libre
21:09quand je peux aimer
21:11toutes les femmes,
21:12quand je peux aimer
21:12tous les hommes.
21:13Je suis libre
21:14quand je choisis
21:15celle que j'aimerais.
21:17Quand je choisis
21:18celui que j'aimerais.
21:20Cette liberté-là,
21:21c'est une liberté concrète.
21:23Tant que vous avez
21:24devant les yeux
21:24toutes les options disponibles,
21:26ça n'est encore
21:27qu'une option,
21:29ça n'est encore
21:29qu'une représentation,
21:31ça n'est encore
21:31qu'une fiction.
21:33C'est le moment
21:34où vous en faites
21:34l'occasion de choisir
21:35vraiment.
21:36C'est ce moment
21:36qui vous rend libre.
21:38Vouloir vraiment
21:39ce que l'on fait.
21:41C'est la noblesse
21:41de la vie.
21:43Et je vais vous dire aussi
21:43une chose très simple
21:44puisque, évidemment,
21:45ce qui nous réunit ce soir,
21:46ça n'est pas seulement
21:47la philosophie,
21:48c'est aussi
21:48la noblesse
21:49de la politique.
21:50C'est vrai,
21:52et je le disais
21:52en souriant,
21:53la France a élu
21:54il y a maintenant
21:55huit ans
21:55un président de la République
21:57qui disait
21:57c'est la fin des clivages,
21:58maintenant c'est en même temps.
22:00On va être en même temps
22:01de gauche et de droite.
22:03Mais n'importe quel élu
22:04sait très bien
22:04que quand il s'engage
22:07dans un mandat,
22:08que ce soit
22:09dans le conseil municipal
22:10de la plus petite
22:11commune de France
22:12comme dans un parlement
22:14ou au parlement européen,
22:16cher Christophe,
22:17cher Agnès,
22:17n'importe quel élu
22:18sait que la noblesse
22:20de cet engagement
22:21c'est de rendre
22:22pour la communauté civique,
22:24pour un temps
22:25de son existence,
22:26le service de la décision.
22:27Qu'est-ce que ça veut dire
22:28être élu ?
22:28Ça veut dire accepter
22:30de prendre sur ses épaules
22:31pour un temps
22:32de son existence
22:33la décision collective.
22:36Et la décision,
22:37ça suppose précisément
22:38d'être tous les jours
22:38confronté à des
22:40ou bien ou bien.
22:42Je pense à Kierkegaard
22:43à chaque fois que je descends
22:44dans l'hémicycle
22:45du Parlement européen.
22:47Quand vous êtes devant
22:48votre boîtier de vote
22:48et qu'on vous propose
22:50un amendement,
22:51qu'on vous propose
22:52un texte à voter,
22:54vous ne pouvez pas dire
22:55« Oh là là là là là ! »
22:57Je ne vais faire pas pour
22:58ni contre,
22:59je vais faire pour et contre
23:01en même temps.
23:01ça ne marche pas du tout.
23:05Faut-il...
23:05Faut-il voter la confiance lundi ?
23:13Eh bien,
23:14ça n'est pas si simple que ça.
23:15Et on devrait se sentir
23:17infiniment reconnaissant
23:19envers nos députés lundi
23:20parce qu'ils vont affronter
23:21cette question
23:22et qu'il faudra bien
23:23voter oui
23:24ou bien voter non
23:25ou bien peut-être
23:26s'abstenir,
23:27ce qui est aussi un choix
23:28et aussi une manière de dire.
23:29Mais dans tous les cas,
23:30il faudra bien décider
23:32du sens qu'on donnera
23:33à son vote.
23:35Et quel que soit
23:36nos désaccords,
23:36même quand on est
23:37en désaccord,
23:38on devrait commencer
23:39par se sentir
23:39reconnaissant envers ceux
23:41qui acceptent
23:42de se confronter
23:43à cet exercice,
23:44de prendre sur leurs épaules
23:45la responsabilité
23:46du service de la décision
23:48de vivre
23:49d'une manière spécifique
23:50cette noblesse
23:51mais aussi ce poids
23:52de la liberté
23:53qui consiste
23:55à se souvenir
23:55que la vie
23:56c'est ou bien ou bien.
23:59Et pour nous,
24:00citoyens,
24:00qui votons,
24:01eh bien c'est le moment
24:02du vote
24:03qui représente
24:04notre ou bien ou bien.
24:05En allant aux élections,
24:06il faut bien dire
24:07pour qui on vote
24:08et on ne peut pas dire
24:09en même temps.
24:10Et c'est la raison
24:10pour laquelle,
24:11pour ma part,
24:12je n'ai jamais cru
24:13à cette espèce
24:14de supercherie
24:15de principe
24:15parce que je crois
24:16que la noblesse
24:17de la politique
24:18c'est d'assumer
24:18dans quelle direction
24:19on veut s'engager
24:20plutôt que de faire croire
24:21qu'on pourra plaire
24:22à tout le monde.
24:23La liberté
24:24d'indifférence,
24:25la liberté d'indétermination,
24:27c'est une liberté immédiate.
24:29On l'a,
24:29vous avez devant vous
24:30toutes les options disponibles
24:31et cette liberté immédiate,
24:33vous ne pouvez que la perdre
24:33petit à petit
24:34avec le temps qui passe
24:35et les influences
24:36qui s'exercent sur vous,
24:37la culture
24:38qu'on vous transmet
24:39et bien sûr
24:40vos propres choix
24:40qui viendront petit à petit
24:42vous empêcher
24:43de garder devant vous
24:44toute la palette
24:45des options.
24:45La liberté d'indifférence,
24:47vous l'avez au départ,
24:49immédiatement.
24:50Et puis vous ne pouvez
24:51que la perdre
24:52et la voir disparaître
24:53peu à peu.
24:54La liberté qui consiste
24:55au contraire
24:56à choisir,
24:57la liberté qui consiste
24:58à faire un vrai choix,
25:00à faire un choix
25:01qui vous ressemble,
25:02cette liberté-là,
25:03elle n'a rien d'immédiat.
25:05Elle n'a rien
25:06de spontané.
25:08Elle doit se gagner.
25:10Elle doit se cultiver.
25:12Et elle a même,
25:13pourrait-on dire,
25:14des conditions
25:15de possibilité.
25:16Vous les avez effleurées
25:17en commençant.
25:18Quand on se demandait
25:19comment définir la liberté,
25:20vous avez dit
25:20la liberté,
25:21c'est connaître
25:21les conséquences
25:22de ses choix.
25:23Et vous aviez raison.
25:25Si la liberté,
25:25c'est de faire
25:26un vrai choix,
25:28encore une fois,
25:28pas un choix
25:29qui sort de nulle part,
25:30pas une manière
25:31de s'en remettre
25:32à l'aléatoire,
25:33la liberté,
25:33faire un vrai choix,
25:35faire un vrai choix,
25:36un choix qui vous ressemble.
25:38Cette liberté-là,
25:38d'abord,
25:39elle est rare.
25:40Ça n'arrive pas tous les jours
25:41qu'on fasse un vrai choix profond,
25:43un choix qui nous exprime,
25:45qui nous ressemble,
25:46dit Bergson,
25:47comme l'œuvre
25:47ressemble à l'artiste.
25:48Alors,
25:49quelles sont les conditions
25:50de cette liberté ?
25:52La première condition
25:53de cette liberté,
25:55c'est évidemment,
25:56précisément,
25:58de pouvoir reconnaître,
26:00de pouvoir connaître
26:01ce que l'on veut,
26:02de pouvoir se connaître,
26:04se reconnaître soi-même.
26:06La première condition
26:07de cette liberté,
26:08c'est la culture.
26:10La première condition
26:11de cette liberté,
26:12c'est la connaissance,
26:14c'est le savoir,
26:15c'est l'héritage
26:16construit pour nous
26:17par ceux qui nous ont précédés,
26:18et qui nous a été transmis
26:20par nos parents
26:21et par l'école.
26:23La condition de la liberté,
26:24c'est de pouvoir connaître
26:25et reconnaître dans nos vies
26:27l'enjeu de nos propres choix.
26:30Barthes et le mouvement de 68
26:33et celui qui a suivi 68
26:35et toute la théorie française
26:36qui est partie aux Etats-Unis,
26:38qui nous est revenue ensuite
26:39depuis les Etats-Unis
26:41et qu'on appelle le wokisme,
26:43toute cette conception nous dit
26:44que la culture est l'ennemi
26:45de la liberté,
26:46et qu'il faut déconstruire
26:48la culture
26:48pour pouvoir redevenir libre.
26:50Barthes disait,
26:51je vous le rappelais à l'instant,
26:53que la langue est fasciste.
26:55Et si la langue est fasciste,
26:56alors il faut résister à la langue,
26:58il faut détruire,
26:58il faut défaire la langue
26:59pour pouvoir imposer
27:00l'exercice de la liberté.
27:03Moi, je crois au contraire
27:04que la langue
27:05est la condition de la liberté.
27:08La question qui est posée,
27:09elle est très simple,
27:10elle est très incarnée.
27:12Est-ce que vous penseriez
27:13librement aujourd'hui ?
27:14Est-ce que vous penseriez
27:15plus librement ?
27:17Est-ce que vous seriez
27:17plus vous-même
27:18sans la langue
27:20qui vous a été transmise ?
27:22Sans la langue
27:22que vous parlez ?
27:25Impossible de penser.
27:28Et vous avez totalement
27:28raison de le dire.
27:30La vérité,
27:30c'est que sans cette langue,
27:31nous n'arriverions pas seulement
27:32à communiquer avec les autres,
27:35mais nous n'arriverions
27:36même pas à penser.
27:38Parce que nous pensons
27:39dans les mots,
27:40nous pensons
27:41avec les mots.
27:42quand nos parents
27:43nous ont appris
27:44à parler,
27:45ils ne nous ont pas
27:46imposé leur manière
27:47de penser.
27:49Quand nos parents
27:49nous ont appris
27:50à parler,
27:50qu'ils ont fait défiler
27:51sur nos yeux
27:51des livres d'images
27:52en nous apprenant
27:53à nommer les choses
27:54que nous voyons
27:54autour de nous.
27:56Nos parents ne savaient
27:57absolument pas
27:58ce qu'ils feraient
27:59des mots
27:59qu'ils nous transmettaient.
28:01C'est ça le mystère
28:02de la liberté humaine.
28:04Un jour, peut-être,
28:05nous nous sommes disputés
28:06avec nos parents.
28:07Un jour, peut-être,
28:08nous nous sommes gravement
28:09disputés avec eux.
28:10Un jour, nous avons fait
28:11des choses qui les surprenaient,
28:12dit des choses
28:13qui les surprenaient.
28:14Un jour, peut-être même,
28:16nous avons dit
28:16à nos parents
28:17que nous voulions
28:18prendre nos distances
28:19avec ce qu'ils nous avaient
28:20transmis.
28:21Et bien cela,
28:21nous le disions encore
28:22avec les mots
28:23qu'ils nous avaient transmis.
28:25L'aventure de la liberté
28:26commence avec la langue,
28:28commence avec la culture,
28:29commence avec le savoir
28:30qui nous vient des autres
28:31et qui, en nous venant
28:33des autres,
28:34fait grandir
28:34notre liberté.
28:37Nous pensons
28:38dans les mots
28:38et pas seulement nous pensons,
28:40mais nous voyons
28:41le monde à travers
28:42les mots.
28:44Nous regardons le monde
28:45à travers le langage.
28:47Et il nous a fallu
28:48les termes
28:49que nous employons
28:50pour parler
28:51avec les autres,
28:52pour apprendre
28:52à regarder
28:53le monde
28:54qui nous entoure.
28:55D'où la richesse
28:56de la langue
28:56et d'où le fait
28:57que la richesse
28:58de la langue
28:58est si nécessaire
28:59à la richesse
29:00de la vie,
29:00à la richesse
29:01de la vie intérieure,
29:02à la richesse
29:03de la liberté.
29:05D'où l'immense injustice
29:06que représente aujourd'hui,
29:07je me permets
29:08de le dire,
29:09la crise de notre école.
29:11Parce qu'un enfant
29:12qui est privé
29:13de l'accès
29:13à la connaissance,
29:15un enfant
29:15qui a 300 mots
29:16de vocabulaire courant
29:17par rapport
29:18à un enfant
29:18qui a eu la chance
29:19de recevoir
29:193 000,
29:2010 000 mots
29:21de vocabulaire courant,
29:22c'est pas seulement
29:22un enfant
29:23qui aura plus de mal
29:24à rentrer
29:24dans le monde
29:25économique demain,
29:26c'est pas seulement
29:26un enfant
29:26qui est privé
29:27de l'accès
29:28à des professions lucratives,
29:29non,
29:29c'est bien plus grave
29:30encore que cela.
29:31C'est un enfant
29:32qui est privé
29:33de l'accès
29:33à sa propre vie intérieure.
29:36La différence
29:36entre celui
29:37qui sait dire
29:38aimer,
29:39affectionner,
29:40chérir,
29:40estimer,
29:41apprécier,
29:42adorer,
29:43aduler,
29:43et celui
29:44qui sait seulement
29:44dire kiffer,
29:47c'est pas seulement
29:48une différence
29:48dans le capital social
29:50qui permet
29:51de se comporter
29:52dans les beaux salons
29:53de centre-ville,
29:53non,
29:54c'est une différence
29:55qui touche
29:55à la capacité
29:56que nous avons
29:57de connaître
29:58et de reconnaître
29:58notre propre vie intérieure,
30:00nos propres aspirations,
30:02nos propres désirs,
30:03de reconnaître
30:04ce que nous sommes
30:05et donc
30:05à la faculté
30:07que nous aurons
30:08de faire des choix
30:08qui soient les nôtres,
30:10d'être vraiment libres.
30:11La condition
30:12de la liberté,
30:13c'est la culture.
30:15La condition
30:15de la liberté,
30:16c'est la langue.
30:17Et tout cela
30:18nous vient des autres.
30:19Tout cela nous vient
30:20de ceux qui nous précèdent
30:21et qui font venir
30:22jusqu'à nous
30:23la condition
30:23de la liberté.
30:26Le passé
30:26n'est pas l'ennemi
30:27de la liberté.
30:28L'héritage
30:29n'est pas l'ennemi
30:29de la liberté.
30:30Au contraire,
30:31le passé
30:31que nous recevons
30:32est la condition,
30:34la sève,
30:35le milieu
30:36dans lequel
30:37grandit
30:38la liberté nouvelle
30:40qui est en train
30:40de se déployer.
30:42Qu'est-ce que c'est
30:43qu'un enfant ?
30:44Le miracle
30:44de la condition humaine,
30:46dit Anna Arendt,
30:47c'est la natalité.
30:49La natalité,
30:49c'est ce qui fait
30:50que viennent au monde
30:51sans cesse
30:51de nouvelles libertés.
30:53Sans cesse,
30:54les enfants naissent.
30:54la grande nouvelle
30:56de l'expérience humaine,
30:57la grande nouvelle
30:58de toute société humaine,
30:59c'est celle
31:00qui est portée
31:01par cette expression
31:02si simple
31:03« un enfant nous est né »
31:05qui est au cœur
31:05de ce texte fondateur
31:07de notre civilisation.
31:08Et c'est Arendt
31:09qui cite ce texte.
31:10Un enfant nous est né
31:11d'une liberté nouvelle
31:12advient.
31:13Mais pour que cette liberté
31:14soit possible,
31:15dit Arendt,
31:15il faudra d'abord
31:16qu'elle reçoive
31:17la culture
31:18qui la précède.
31:19Toute éducation
31:20est nécessairement
31:21conservatrice,
31:22dit Arendt.
31:22« Nous disons
31:24que nous voulons
31:25tout recevoir
31:26pour l'avenir.
31:27Mais l'avenir est vide,
31:27dit Anna Arendt.
31:28L'avenir ne nous donne rien.
31:30C'est nous
31:30qui devons lui donner,
31:31qui devons tout lui donner.
31:33Mais pour pouvoir lui donner,
31:34encore faut-il
31:35avoir quelque chose
31:36à lui donner.
31:37Encore faut-il
31:37avoir reçu.
31:38Encore faut-il
31:39avoir reçu
31:39la condition de la liberté
31:40qui s'appelle
31:41la langue,
31:43qui s'appelle
31:43la culture,
31:44la connaissance.
31:45Tout ce qui nous vient
31:46des autres,
31:47tout ce qui nous vient
31:48de l'altérité.
31:50La lecture,
31:51chers amis,
31:53je me permets
31:53une toute petite
31:54insiste sur ce mot.
31:56Pour être libre,
31:58il faut lire.
32:00La lecture,
32:01le livre,
32:01sont la source
32:02de la liberté,
32:04la source
32:04indéfectible
32:05de la liberté
32:06au cœur
32:07de l'histoire
32:07de notre civilisation,
32:09au cœur
32:09de l'histoire
32:09de la civilisation humaine.
32:11Le livre,
32:12la lecture,
32:13sont la clé
32:14pour grandir,
32:15pour faire grandir
32:16sa liberté.
32:17C'est ce que nous devons
32:18à l'altérité
32:19de ceux qui nous précèdent.
32:20C'est ce que nous devons
32:21à l'autorité
32:22de ceux qui nous précèdent.
32:23L'autorité
32:24des auteurs.
32:26L'autorité,
32:27c'est d'abord
32:27la marque de l'auteur.
32:29Autorité,
32:30en latin,
32:31ça vient du mot
32:32auctoritas,
32:34ça vient du verbe
32:34augeré,
32:35qui veut dire
32:36augmenter.
32:37Le propre
32:38de l'autorité,
32:39c'est qu'elle augmente
32:40ma liberté.
32:42C'est qu'elle fait
32:43grandir ma liberté.
32:44Et c'est cela
32:45qu'on retrouve d'abord
32:46chez un auteur.
32:47Un auteur
32:48qui fait autorité.
32:50Le livre
32:50libère,
32:52en latin,
32:52a la même racine
32:53étymologique
32:54que la liberté.
32:55Et ça n'est pas
32:56pour rien.
32:58Qu'est-ce que je fais
32:58quand j'ouvre un livre ?
32:59Et c'est pour ça
33:00que le livre
33:00ne sera jamais remplacé.
33:02C'est surtout pour ça
33:02que le livre
33:03ne sera jamais remplacé
33:04par ce petit objet
33:05que j'ai dans la main
33:05et que nous avons tous
33:06dans nos poches.
33:07Le livre ne sera jamais
33:09remplacé par l'écran.
33:11Quand je vais sur
33:12l'imperface
33:13d'un moteur de recherche,
33:14je tape une question
33:15et je vais faire
33:16la réponse.
33:18Je sais déjà
33:19ce que je veux trouver.
33:20Je sais déjà
33:21ce que je cherche.
33:22C'est très utile,
33:23bien sûr,
33:23c'est parfaitement pratique.
33:25Mais je sais
33:25ce que j'attends
33:26du moteur de recherche.
33:28Quand j'ouvre un livre,
33:29je fais l'exact inverse.
33:31J'ouvre un livre
33:31précisément
33:32parce que je ne sais pas
33:33ce qui s'y trouve.
33:34J'ouvre un livre
33:35parce que je suis incapable
33:37de savoir
33:38où l'auteur
33:39va manger.
33:40Et c'est le chemin
33:41qui compte.
33:42Quand vous allez
33:42sur Google,
33:44tout Internet
33:44est fait pour ça.
33:46Le but,
33:46c'est d'aller
33:46le plus vite possible
33:47de la question
33:48à la réponse.
33:49Quand vous utilisez
33:50un écran,
33:51tous nos smartphones
33:52sont faits pour ça.
33:53Le but est d'aller
33:54le plus vite possible
33:55du besoin à la solution,
33:56du désir à sa satisfaction.
33:58Le plus rapidement possible.
34:00Toute l'architecture
34:00des réseaux
34:01est construite
34:01pour aller
34:02de plus en plus vite
34:03du départ à l'arrivée.
34:06On a connu
34:06les modems
34:08pour les plus vieux
34:09d'entre nous.
34:09Pas le modem,
34:10mais non.
34:11C'est pas beaucoup
34:11plus rapide.
34:12On a connu
34:13les modems.
34:20J'avais inutile
34:21de faire un peu
34:22de politique
34:22de temps en temps.
34:23Ensuite,
34:24on a connu
34:24la 3G,
34:26la 4G,
34:26la 5G,
34:27peut-être demain
34:27on aura la 6G,
34:28la 10G.
34:29Le but,
34:30c'est que ça aille
34:30de plus en plus vite.
34:31Le but,
34:32c'est d'abolir le temps.
34:33Mais quand vous ouvrez
34:34un livre,
34:35c'est l'exact inverse
34:35qui compte.
34:36Le but n'est pas
34:37d'aller le plus rapidement
34:38possible.
34:39Si vous ouvrez
34:40un roman policier
34:41et que vous commencez
34:42par la dernière page
34:42parce que vous voulez savoir
34:43qui est le criminel,
34:44c'est que vous n'avez pas
34:45compris ce que c'est
34:45que la lecture.
34:46L'intérêt du livre,
34:47c'est justement la distance.
34:49L'intérêt du livre,
34:50c'est le chemin que vous allez
34:51faire avec l'auteur.
34:52Et c'est ce chemin-là
34:53qui fera grandir
34:54votre liberté,
34:56précisément parce que
34:56vous ne savez pas
34:57où ce livre va vous emmener.
35:00Si vous voulez être libre,
35:01lisez.
35:01Si nous voulons être libres,
35:04nous devons préserver
35:05le livre au cœur
35:06de l'attention
35:07d'une société
35:08parce qu'il n'y a pas
35:09d'autres sources possibles
35:10pour faire grandir
35:11la liberté.
35:12Et lisez de tout,
35:13bien sûr.
35:14Lisez tout.
35:15Lisez de tout
35:16du moment que c'est bon.
35:17Lisez de tout.
35:18La culture
35:19est la condition
35:20de la liberté
35:20et la culture
35:21dans toute sa richesse.
35:24Lisez Tocqueville
35:24et lisez Martin.
35:27Non.
35:27Je ne sais pas
35:28si c'est la première fois
35:29qu'à un congrès
35:30des Républicains
35:31on vous dit
35:32lisez Martin.
35:33Mais lisez-le.
35:34Et dans la culture
35:35française aussi,
35:35bien sûr.
35:39Lisez Pascal
35:40et lisez Voltaire.
35:42Il faut lire Péguy
35:43et il faut lire Proudhon.
35:45Il faut lire Paresse
35:46et il faut lire Aragon.
35:48Celui qui croyait au ciel
35:49et celui qui n'y croyait pas.
35:52Lequel montait à l'échelle
35:53et lequel guettait au bas.
35:55Celui qui croyait au ciel
35:57et celui qui n'y croyait.
35:57les pas.
35:59Qu'importe comment s'appelle
36:00cette clarté sur leurs pas.
36:03Vous connaissez ce texte d'Aragon ?
36:06C'était, n'est-ce pas,
36:08la gauche qu'on aime.
36:10Que l'un fut de la chapelle
36:11que l'autre s'y déroba.
36:13Tous deux étaient fidèles.
36:15Des mains, du cœur, des bras.
36:17Et tous les deux disaient
36:18qu'elles vivent et qui vivra verra.
36:21Quand les blés sont sous la grêle
36:22fou qui fait le délicat.
36:24Fou qui songe à ses querelles
36:25au cœur du commun combat.
36:27Celui qui croyait au ciel.
36:30Celui qui n'y croyait pas.
36:31Ce texte d'Aragon
36:34qui rappelle la résistance,
36:43je ne veux pas le citer en entier,
36:46mais il dit exactement
36:47ce que devrait être
36:48notre relation à toute résistance,
36:52à toute forme de résistance,
36:53à tout espoir de liberté.
36:55Qu'importe quelle est la source
36:57tant qu'elle peut vous faire grandir.
37:00Et c'est là que je vois sans doute,
37:01je dis en souriant,
37:02c'est la gauche qu'on aimait,
37:04c'est là qu'on voit le mal terrible
37:06que fait à notre temps,
37:08que fait à la liberté aujourd'hui,
37:09l'immense sectarisme
37:11qui a regagné la gauche.
37:14Est-ce qu'on dirait aujourd'hui,
37:16dans un congrès du PS,
37:18lisez Proudhon et lisez Barès ?
37:21Il faut tout lire,
37:23il faut lire de tout
37:24du moment que c'est bon
37:25et que ça vous fait grandir,
37:26du moment que ça fait réfléchir,
37:28du moment que ça permet de nourrir
37:29l'aventure de la liberté.
37:32Retrouver la jubilation
37:33de l'expérience,
37:36de la rencontre
37:37avec la pensée d'un autre
37:39qui peut penser contre nous
37:41et nous apprendre parfois
37:42à penser contre nous-mêmes,
37:44pour penser plus librement,
37:45pour penser vraiment par nous-mêmes.
37:49Souvent, les élèves font cette réflexion
37:51quand on fait de la philosophie.
37:54Est-ce qu'on ne pourrait pas
37:54plutôt penser par nous-mêmes
37:56plutôt que de lire des auteurs ?
37:58Mais tout le paradoxe est là.
38:00Est-ce que je serais plus libre
38:01si je n'avais jamais eu l'occasion
38:03de lire Platon, Aristote, Kant, Hegel ?
38:06Est-ce que je serais plus libre
38:07si je n'avais pas lu Nietzsche et Marx ?
38:09Eh bien, la réponse est non.
38:11Nous sommes plus libres
38:12en les rencontrant
38:13et nous pensons plus par nous-mêmes.
38:15Lire Nietzsche ne m'a pas obligé
38:16à devenir Nietzschien.
38:18Lire Marx ne vous fera pas
38:19devenir marxiste.
38:20Mais en lisant Marx,
38:21et même en débattant avec lui,
38:23en discutant avec lui,
38:25en polémiquant avec lui
38:26au milieu de la lecture,
38:28vous pourrez penser plus
38:30par vous-même.
38:31Vous pourrez mieux
38:32fonder vos convictions.
38:33Vous pourrez mieux
38:34les étayer et les construire.
38:35Vous pourrez peut-être
38:36parfois les corriger,
38:37les ajuster.
38:38En tous les cas,
38:38vous aurez l'occasion
38:39de penser plus librement.
38:41La liberté d'indétermination,
38:42elle est immédiate.
38:43Et tout ce que vous liérez
38:44vous fera petit à petit
38:45perdre cette liberté d'indifférence
38:47parce que vous en serez influencé.
38:49Vous n'aurez plus tout à fait
38:50le choix,
38:51vous verrez peser sur vous
38:52tout le poids de ce passé.
38:53La liberté dont nous parlons,
38:55au contraire,
38:55la liberté véritable,
38:57celle qui consiste à
38:57leurrir petit à petit
38:58en soi les conditions
38:59d'un vrai choix,
39:01cette liberté-là,
39:02elle suppose beaucoup de temps,
39:03elle suppose beaucoup de travail,
39:05elle suppose beaucoup d'efforts,
39:06et elle suppose la volonté
39:07de rencontrer l'autre,
39:09de rencontrer l'auteur,
39:10de rencontrer l'autorité,
39:11de rencontrer l'altérité,
39:13de rencontrer ceux
39:13qui ne pensent pas comme nous
39:15et qui nous permettront,
39:16en nous confrontant à eux
39:18de penser plus librement,
39:19retrouver la joie,
39:20comme le disait Montaigne,
39:21de frotter et limer
39:22notre esprit
39:23contre celui d'autrui.
39:25Est-ce que nous n'avons pas
39:26aujourd'hui perdu cette joie ?
39:28Est-ce que nous ne la voyons pas menacée ?
39:29Sans doute pas nous, d'ailleurs.
39:31Mais la vérité,
39:32c'est que,
39:33et je voudrais ici dire
39:34mon admiration
39:35et ma reconnaissance profonde
39:38pour tous les étudiants
39:39qui sont ici
39:40et qui font vivre la cause
39:42de la liberté de pensée,
39:43de la liberté d'expression
39:44sur les campus de France
39:45où elle est si menacée.
39:54La liberté,
39:55c'est que nous sommes confrontés
39:56si souvent à une gauche
39:58qui a oublié Aragon,
39:59à une gauche qui croit
40:00que tous ceux
40:01qui ne pensent pas comme elle
40:02sont nécessairement criminels,
40:03à une gauche qui croit
40:04que ce qui compte,
40:05c'est de répondre
40:05à un argument
40:06par une condamnation
40:07plutôt qu'un autre argument,
40:08à une gauche
40:09qui voudrait empêcher
40:10la discussion
40:11et qui pense
40:11qu'on ne parle bien
40:12que quand on parle
40:13avec des gens
40:14qui sont totalement d'accord
40:15avec soi-même.
40:16Nous, nous croyons le contraire.
40:18Nous aimons le débat,
40:19nous aimons la discussion,
40:20le dialogue,
40:21nous aimons la joute.
40:22Bien sûr,
40:23parfois,
40:23nous devrions nous rappeler aussi
40:24que quand les blés
40:26sont sous la grève,
40:28fou qui sont,
40:28la séquerelle,
40:29peut-être devrons-nous parfois
40:30retrouver aussi
40:31le sens de l'unité,
40:32mais le fait est que
40:34nous aimons cette liberté,
40:36nous aimons la vivre vraiment
40:37et on devrait retrouver
40:38la jubilation
40:39de la conversation
40:40contradictoire.
40:41Quand je vois
40:42des étudiants
40:43de Sciences Po
40:43qui vivent
40:44n'importe quel désaccord
40:45comme une micro-agression
40:47et qui ont besoin
40:48d'un sex-space
40:49pour pouvoir se réfugier
40:50parce que,
40:50oh là là,
40:51terreur,
40:51quelqu'un ne pense pas comme eux,
40:53j'ai envie de leur dire
40:53« mes pauvres,
40:55est-ce qu'on ne peut pas
40:55retrouver un jour ? »
40:57La liberté d'expression
41:04n'est d'ailleurs pas anecdotique
41:05parce que,
41:07nous le disions à l'instant,
41:08nous ne penserions pas
41:09nous-mêmes
41:09sans les mots
41:10qui nous viennent des autres.
41:12Nous ne penserions pas
41:13par nous-mêmes
41:13si nous ne pouvions pas lire,
41:15si nous ne pouvions pas rencontrer
41:17ceux qui,
41:18parfois,
41:18ne pensent pas comme nous.
41:20Et par conséquent,
41:21la liberté d'expression
41:22n'est pas qu'une liberté
41:23d'expression.
41:24On pourra vous dire un jour,
41:26peut-être,
41:27« renoncez à la liberté
41:28de dire ce que vous pensez,
41:30de toute façon,
41:31vous gardez la liberté
41:32de penser ce que vous pensez. »
41:34Sophisme,
41:35absolu.
41:36Comme si,
41:37quand on nous interdit
41:38de dire ce qu'on pensait,
41:39on pouvait encore
41:40le penser pour soi-même.
41:42Mais c'est faux.
41:43Pour pouvoir vraiment penser,
41:45nous devons pouvoir parler.
41:47Pour pouvoir vraiment dire
41:48ce que nous pensons,
41:49nous devons pouvoir l'exprimer.
41:51C'est ce que dit
41:53Emmanuel Kant
41:53au début d'un texte magnifique
41:55qui s'appelle
41:56« Qu'est-ce que les lumières ? »
41:57« Was ist aufklärung ? »
41:59Au tout début de ce texte,
42:01Kant veut précisément
42:02établir la nécessité
42:05de la liberté d'expression
42:06comme absolument
42:08consubstantielle
42:09avec la liberté de penser.
42:11et il dit exactement
42:14ce que nous venons de toucher
42:15du doigt.
42:15« Penserions-nous encore ? »
42:18écrit Kant.
42:19« Penserions-nous encore ? »
42:21Et penserions-nous bien
42:22sans la possibilité
42:24de partager nos pensées
42:26avec les autres,
42:27de leur communiquer
42:28nos idées
42:29et de recevoir les leurs.
42:32Aussi bien,
42:33la souveraine puissance
42:34qui prétend nous interdire
42:36la liberté d'exprimer
42:38publiquement nos pensées
42:39nous retire en même temps
42:41la liberté de penser,
42:43le seul trésor
42:44qui nous reste encore.
42:46Une société
42:46à laquelle on dit
42:47« Vous pouvez penser
42:48ce que vous voulez
42:49mais vous n'avez plus
42:50le droit de le dire »
42:51est une société
42:52dans laquelle,
42:52en réalité,
42:53on interdit aux gens
42:55de penser.
42:56Parce que pour penser
42:57vraiment librement,
42:59il faut pouvoir
42:59dire ce que l'on pense
43:01et confronter
43:01ce que l'on pense
43:02à ce que nous dirons
43:03autrui.
43:05La condition
43:05de la liberté
43:06en ce sens,
43:07c'est la culture,
43:08la connaissance,
43:09c'est la lecture
43:10dont nous parlions,
43:11c'est aussi la discussion,
43:13la conversation,
43:14le débat.
43:14La condition
43:15de la liberté,
43:16c'est le débat
43:17public ouvert
43:18qui permet
43:19de confronter
43:20les idées
43:20et ainsi
43:21de nous faire grandir
43:22et d'augmenter
43:23notre liberté.
43:25C'est une société libre
43:27qui veut précisément
43:29cette ouverture.
43:30La société
43:31la plus libre
43:31est celle
43:32qui veut
43:33permettre à chacun
43:34de produire
43:35dans l'espace public
43:36ce que sa conscience
43:37lui propose.
43:39et je crois
43:40que dans cette société libre,
43:41celle que nous voulons défendre,
43:43dans cette société libre,
43:44il y a un pari profond.
43:46Le pari que précisément
43:47dans ces conditions-là,
43:48avec un accès
43:50à la culture,
43:51à la connaissance
43:51et donc
43:52avec un accès
43:53à l'école,
43:54avec un accès
43:55à la liberté
43:55de l'école,
43:57avec un accès
43:57à l'information,
43:58à la liberté,
43:59au pluralisme
44:00de l'information,
44:01dans une société
44:01comme celle-là,
44:03chacun tendra
44:04vers le meilleur.
44:04Pierre Gugard nous le disait,
44:07le but n'est pas seulement
44:08de choisir
44:08entre le bien
44:09et le mal.
44:10Le mal,
44:10c'est de ne pas choisir.
44:12Le mal,
44:13c'est de ne pas pouvoir choisir.
44:15Et choisir,
44:16bien choisir,
44:18sera choisir le meilleur
44:19parce qu'on ira
44:20à été porté
44:21par cette manière
44:22de faire grandir
44:23la liberté
44:24qui sera venue
44:25des circonstances
44:26dans lesquelles
44:26nous aurons grandi.
44:27ce n'est pas parce
44:29qu'on va voter
44:30qu'on est en démocratie.
44:32Ce n'est pas parce
44:32qu'il y a des élections
44:33qu'on vit dans
44:34un peuple libre.
44:36Il y a beaucoup
44:37de pays
44:37où il y a des élections
44:39et qui ne sont pas
44:40vraiment libres.
44:42Il y a beaucoup
44:42de pays où on vote
44:43qui ne sont pas
44:44des démocraties.
44:45Il y a des élections
44:46en Corée du Nord.
44:47Et le dictateur
44:48de Corée du Nord
44:49est, aux surprises,
44:50régulièrement réélu.
44:52Est-ce qu'il suffit
44:52que les Nord-Coréens
44:53aillent voter
44:54pour que ce soit
44:54une démocratie ?
44:56Certainement pas.
44:57Il faut toujours
44:58s'en souvenir,
44:59chers amis,
45:00parce que c'est aussi
45:01au cœur de bien
45:01des combats
45:02que nous aurons amenés.
45:04Les conditions
45:04de la liberté,
45:06elles ne sont pas
45:06immédiates,
45:07elles ne sont pas
45:07évidentes.
45:08Les conditions
45:09de la liberté,
45:10c'est l'accès
45:10à la connaissance,
45:11à la culture,
45:12à la diversité
45:13des opinions.
45:14C'est donc l'accès
45:15à l'éducation
45:15et l'accès
45:16à l'information.
45:18Et sans cela,
45:19il n'y a pas
45:20de la liberté.
45:24Et si nous faisons
45:25le pari de la liberté,
45:26alors vous l'aurez
45:27compris,
45:27le but n'est plus
45:28d'essayer
45:28de trouver
45:29un compromis.
45:30Quelle idée horrible,
45:31quelle chose horrible
45:32que nous ayons tous
45:33retenu cette expression
45:34de Montesquieu
45:35que je vous citais
45:36tout à l'heure,
45:36la liberté des uns
45:37s'arrête là où commence
45:38celle des autres.
45:39C'est épouvantable.
45:40Dans l'idée
45:40que la liberté d'indétermination,
45:42l'autre,
45:42vous le disiez très bien,
45:43est une menace
45:43pour ma liberté.
45:45Mais si la liberté
45:46est ce que nous venons
45:47de dire,
45:48alors l'autre
45:48est la condition
45:49de ma liberté.
45:51La liberté d'indifférence,
45:52elle postule
45:53que je serais
45:53le plus libre possible
45:54si j'étais
45:55le plus seul possible.
45:56Mais moi,
45:57je crois l'inverse,
45:57cher Janine.
45:58Je crois qu'une société libre,
45:59c'est celle qui sait
46:00que la liberté des uns
46:02commence par la rencontre
46:03avec l'autre,
46:04que la liberté des uns
46:05commence par ce que l'on
46:06reçoit des autres.
46:07Il ne s'agit plus
46:09d'essayer de trouver
46:10un compromis
46:10entre l'autorité
46:11d'un côté
46:11et la liberté de l'autre.
46:13L'autorité
46:14est la condition
46:15de la liberté.
46:17L'autorité
46:18est ce dans quoi
46:19peut grandir
46:19toute liberté.
46:20Il n'y a pas
46:21de liberté
46:22sans autorité.
46:24Nous nous sommes
46:24laissés piéger
46:25par cette espèce
46:26de curieuse équation
46:29que la pensée
46:29que nous décrivions
46:31a voulu nous imposer
46:32dans la post-modernité.
46:33L'idée que l'autorité
46:34c'est l'ennemi
46:34de la liberté
46:35et que donc il faut trouver
46:36le bon curseur
46:37si vous voulez.
46:38Et donc certains diront
46:39peut-être à gauche
46:39il faut plus de liberté
46:41et donc moins d'autorité.
46:42Voir détruire l'autorité
46:43pour que chacun
46:44soit vraiment libre.
46:45Pour que chacun
46:46soit émancipé.
46:47Et de l'autre côté
46:48peut-être nous
46:49à droite
46:50nous nous sommes
46:50laissés piéger
46:51par cette caricature.
46:52Nous avons parfois dit
46:53non ben il faut
46:53moins de liberté
46:54il faut plus d'ordre
46:56il faut plus de sécurité
46:57et donc il faut plus
46:59d'autorité
46:59et tant pis
47:00pour la liberté
47:01acceptons de renoncer.
47:03Mais moi je crois
47:03le contraire.
47:05Je crois que notre mission
47:06pour nous qui croyons
47:07à cette filiation
47:08qui nous sentons héritiers
47:10de cette aventure
47:11de la liberté
47:11notre mission
47:12c'est de rappeler
47:13que l'autorité
47:14est la condition
47:15de la liberté
47:15et qu'il n'y a pas
47:17de liberté
47:17sans autorité
47:18sans autorité
47:19des auteurs
47:20sans autorité
47:20des parents
47:21sans autorité
47:22des professeurs
47:22sans autorité
47:23de l'état
47:23il n'y a pas
47:24de liberté
47:25ce qui donne son sens
47:27à l'autorité
47:27c'est de faire grandir
47:29la liberté
47:29c'est sa mission
47:30et c'est sa finalité
47:32et c'est comme ça
47:33qu'une société libre
47:34finit par s'organiser
47:35alors évidemment
47:37ça perturbe
47:38beaucoup
47:38nos amis de gauche
47:39mais une société libre
47:40s'organise
47:41par la liberté
47:42c'est ce que montre
47:43toute la tradition
47:44du libéralisme classique
47:45vous connaissez peut-être
47:47un auteur
47:48qui s'appelle Hayek
47:49c'est là qu'on voit
47:50qu'on est très ambitieux
47:51chez LRPM
47:52il est 22h30
47:53on est au milieu
47:55d'un congrès
47:56et on commence
47:56à parler de Hayek
47:57alors
47:58je ne vais pas être trop long
48:00on touche presque au but
48:04mais je voulais vous en dire
48:05un mot
48:05parce que je crois
48:05que c'est important
48:06qu'on se réapproprie
48:07ces questions
48:07Hayek c'est un penseur
48:11l'un des plus grands penseurs
48:12de la philosophie libérale
48:14Hayek se demande
48:16comment une société
48:17s'organise
48:19comment une société
48:20s'ordonne
48:21d'où vient l'ordre
48:22les grecs avaient
48:23deux mots
48:24pour dire
48:24ordre
48:25les grecs avaient
48:27deux termes
48:27pour le désigner
48:28l'un de ces termes
48:30c'est
48:31taxis
48:31taxis
48:32c'est un mot
48:33qu'on retrouve
48:33par exemple
48:34dans la taxidermie
48:35ou la taxonomie européenne
48:36on a suffisamment
48:37fait railler
48:37l'espèce
48:38à Ragnès
48:38contre la taxonomie européenne
48:40la version
48:43de l'ordre
48:44que décrit
48:44taxis
48:45c'est l'ordre
48:46établi
48:47c'est l'ordre
48:48institué
48:49c'est l'ordre
48:50par exemple
48:50d'une armée
48:51qui défile
48:51je vois le géant
48:52Algomar devant moi
48:53une armée
48:54qui défile
48:54une armée
48:55qui marche au pas
48:55c'est une armée
48:57à laquelle
48:57on a imposé
48:59un certain ordre
49:00et la musique
49:01est là pour ça
49:02c'est un ordre
49:03artificiel
49:04et ça se voit
49:05d'ailleurs
49:05on voit
49:05que ça n'est pas
49:06naturellement
49:07qu'une armée
49:08marche au pas
49:08il a fallu
49:09s'entraîner
49:09s'exercer
49:10répéter
49:10ça c'est l'ordre
49:12institué
49:13c'est l'ordre
49:14qui vient
49:14d'un esprit
49:15organisateur
49:16qui a fixé un ordre
49:17qui a donné des ordres
49:18et tout le monde
49:19s'est mis au pas
49:20mais la vérité
49:21c'est que ça nous arrive
49:22rarement
49:22vous le reconnaîtrez avec moi
49:23ça nous arrive rarement
49:24de marcher au pas
49:25n'est-ce pas ?
49:26cet été peut-être
49:27vous êtes parti en vacances
49:28et vous avez fait des promenades
49:30avec des amis
49:30vous êtes allé marcher
49:31et quand vous avez commencé
49:33une promenade
49:33vous n'avez pas dit aux amis
49:34bon écoutez
49:35vous êtes prêts
49:36une deux
49:37une deux
49:37non ?
49:38vous vous êtes dit
49:39tiens on va marcher
49:39vous ne vous êtes pas dit
49:41pour qu'on arrive tous ensemble
49:42au point d'arriver en même temps
49:44on va se donner à un rythme
49:45et quelqu'un va fixer la cadence
49:47c'était pas nécessaire
49:48de manière miraculeuse
49:51vous avez commencé à marcher
49:52et personne n'a donné d'ordre
49:54et vous avez marché au même rythme
49:55et vous avez marché du même pas
49:57et vous êtes arrivé en même temps
49:58c'est l'ordre spontané
50:01l'ordre
50:02le plus souvent
50:03dit Hayek
50:04il naît en réalité
50:06de l'intérieur
50:06des organisations
50:08de l'intérieur
50:09des organismes
50:11il naît de l'intérieur même
50:12des interactions
50:13qui peuvent associer
50:14par exemple
50:15des individus
50:16des êtres humains
50:17il n'y a pas eu besoin
50:19que quelqu'un fixe
50:20la cadence de la marche
50:21pour que tout le monde
50:21marche du même pas
50:22et vous l'aurez certainement remarqué
50:24quand vous avez commencé
50:25à marcher
50:25vos pas se sont ajustés
50:27l'un à l'autre
50:28vous avez marché
50:29en même temps
50:30en même temps
50:31non pas parce qu'il fallait
50:32renoncer à ou bien ou bien
50:34vous avez marché
50:35de manière synchronisée
50:36sans que personne
50:37ne le décide
50:38et bien une société libre
50:40ça fonctionne comme ça
50:41sans que personne
50:42ne le décide
50:43si chacun
50:43a mûri les conséquences
50:45d'un choix
50:46qui soit vraiment éclairé
50:48on n'a pas besoin
50:49de tout décider
50:50pour que tout s'organise
50:51naturellement
50:52spontanément
50:53nous sommes ici
50:55dans la charmante commune
50:57de Port-Marly
50:58vous pouvez avoir
50:59la certitude
51:00qu'à moins de 10 minutes
51:02d'ici
51:02vous trouverez
51:03demain
51:04ouverte
51:05demain matin
51:06en tous les cas
51:06vous trouverez
51:07surtout une boulangerie
51:08avec du pain
51:09il n'y a pas eu besoin
51:11qu'un grand dirigeant
51:13quelque part
51:13dans un bureau
51:14à Paris
51:14quadrille la France
51:16avec un plan
51:16pour mettre
51:17les boulangeries
51:18au kilomètre carré
51:19en décidant
51:19de combien de pain
51:20on allait donner
51:21par personne
51:21ça ça s'appelle
51:22le communisme soviétique
51:23et ça n'a pas trop bien marché
51:24la vérité c'est que
51:27la meilleure manière
51:30de faire en sorte
51:32que les choses s'organisent
51:33c'est de laisser
51:33advenir
51:35cet ordre spontané
51:36c'est de laisser
51:37advenir
51:37cet ordre
51:38qui émane
51:40de chacune
51:40de nos libertés
51:42et si
51:42à moins de 10 minutes
51:44d'ici
51:44il n'y a pas
51:45un boulanger ouvert
51:45demain matin
51:46vous pouvez aussi
51:47avoir la certitude
51:48que
51:48si tout est fait
51:50normalement
51:50si tout se passe
51:51correctement
51:51si on a laissé
51:52les étudiants
51:53aller dans les filières
51:54qu'ils voulaient
51:54si on les a bien informés
51:55sur ce qu'il y avait
51:56à faire demain
51:56si on leur a bien appris
51:57la diversité des métiers
51:58si on les a bien attirés
52:00vers ce qui pouvait
52:01les stimuler
52:01vous avez la certitude
52:02que si ici
52:03au port Marly
52:04il n'y a pas un boulanger ouvert
52:05à 10 minutes
52:06un boulanger va s'installer
52:08parce que précisément
52:09c'est
52:10en l'occurrence
52:11le libre jeu du marché
52:12mais ça ne décrit pas
52:14seulement le marché
52:14regardez comment fonctionne
52:16une langue
52:16et je termine
52:17par cet exemple merveilleux
52:18regardez comment fonctionne
52:19une langue
52:20la langue française
52:22a des règles
52:23c'est vrai
52:23mais personne n'a fixé
52:25les règles
52:25l'académie française
52:28c'est l'institution
52:29la plus libérale
52:30du monde
52:31c'est une institution
52:32magnifique
52:32elle n'est pas là
52:33pour dire comment
52:34on doit parler
52:35elle est là
52:36pour dire comment
52:37on parle
52:37elle est là
52:39pour reconnaître
52:40et consacrer l'usage
52:41c'est comme ça
52:42qu'on parle le français
52:43le français se parle ainsi
52:45voilà ce que fait
52:46l'académie
52:46elle consacre l'usage
52:48toute tentation
52:52totalitaire
52:52commence par la volonté
52:54de discipliner la langue
52:56d'imposer un ordre
52:57à la langue
52:58de l'extérieur
52:58toute tentation
53:00totalitaire
53:01commence par
53:01prenez par exemple
53:03cet exemple tout simple
53:04l'écriture inclusive
53:05personne ne parle comme ça
53:08personne n'écrit comme ça
53:09spontanément
53:10vous voyez
53:10personne n'écrit
53:11spontanément
53:12tiret point e point s
53:15ça n'existe pas
53:16mais il y a des gens
53:17qui viennent un jour
53:18et qui sont des militants
53:19et qui disent
53:19c'est comme ça
53:19que vous devez faire
53:20nous nous croyons
53:22à la liberté
53:23nous croyons que la langue
53:24vit
53:24et c'est vrai
53:25elle vit
53:25mais elle vit
53:26de sa propre vie
53:27et cette vie
53:28c'est celle précisément
53:30de nos libertés
53:30c'est la manière
53:31dont chacune
53:32de nos libertés
53:32ajoute quelque chose
53:33à la langue
53:34et vous êtes ici
53:35aujourd'hui
53:35et vous le montrez
53:36suffisamment
53:37j'ai parlé avec
53:38tant d'entre vous
53:39chacun vient
53:40de partout en France
53:41chacun vient
53:42avec son accent
53:42chacun vient
53:44avec sa manière
53:45d'adopter la langue française
53:46et d'en révéler
53:47la richesse
53:48laissez la langue
53:50vivre
53:50laissez les gens
53:52vivre
53:52laissez les libertés
53:54s'accomplir
53:55et laissez en ce sens
53:57la liberté
53:57à avoir
53:58avec la vie
53:59laisser la vie
54:00s'exprimer
54:02dans ce que la liberté
54:03suscite
54:04dans ce que la liberté
54:05peut créer
54:06notre temps
54:08a tellement besoin
54:09et notre pays
54:10en particulier
54:10a tellement besoin
54:12de retrouver
54:12le goût
54:13de la liberté
54:14de retrouver
54:15le goût
54:15de la liberté
54:16c'est à dire
54:16de retrouver
54:17le sens
54:17de la politique
54:18la politique
54:19n'est pas là
54:20pour dire aux gens
54:20comment parler
54:21la politique
54:22n'est pas là
54:22pour dire aux gens
54:23comment penser
54:23la politique
54:24est là seulement
54:25pour garantir
54:26par l'autorité
54:27publique
54:27le cadre
54:28dans lequel
54:29la liberté
54:29pourra s'accomplir
54:30et s'épanouir
54:31pleinement
54:32la liberté
54:33comme condition
54:33de l'équilibre
54:34condition
54:34de toute organisation
54:36féconde
54:36condition
54:37de tout ordre
54:38véritable
54:38l'ordre
54:39condition
54:40de la liberté
54:40et la liberté
54:41condition
54:42de l'ordre
54:42voilà ce que
54:43nous devons retrouver
54:44le goût
54:45de la liberté
54:46mais il y a
54:47une dernière condition
54:54chers amis
54:54et je termine par là
54:56et vous le savez bien
54:56si la liberté
54:58c'est le vertige
54:59qui consiste à reconnaître
55:00la nécessité de choisir
55:01la nécessité de dire
55:02ou bien
55:03ou bien
55:03alors la liberté
55:05a un dernier prix
55:06elle a une dernière condition
55:08et sans doute
55:09est-ce précisément
55:10parce que cette condition
55:11fait défaut
55:11à notre temps
55:12et à tant de nos dirigeants
55:13que nous avons perdu
55:14le goût
55:15le sel
55:16l'aventure de la liberté
55:17cette condition
55:19chers amis
55:19cette condition
55:20c'est le courage
55:21parce que la liberté
55:23je le disais tout à l'heure
55:25cette liberté
55:25dont nous parlons
55:26qui consiste à faire
55:27un vrai choix
55:27un choix qui nous ressemble
55:29un choix qui exprime
55:30la plus haute idée
55:31que nous nous faisons
55:31de ce qu'est la condition humaine
55:33cette liberté là
55:34elle suppose
55:35d'avoir beaucoup travaillé
55:36elle suppose
55:37d'avoir fait effort
55:38sur soi
55:38elle suppose
55:39d'avoir fait l'effort
55:40de penser parfois
55:41contre soi-même
55:42elle suppose
55:42tout ce chemin là
55:43et ce chemin
55:44il n'est pas offert
55:46il n'est pas donné
55:48il n'est pas laissé
55:49aux paresseux
55:50et aux lâches
55:50c'est ce que disait
55:51encore Kant
55:52dans Qu'est-ce que les Lumières
55:53que je vous citais tout à l'heure
55:55la paresse et la lâcheté
55:57la paresse et la lâcheté
55:59écrit Kant
56:00sont les deux causes
56:01qui font
56:02qu'une grande partie
56:03des hommes
56:04après avoir été
56:05depuis si longtemps
56:06affranchis
56:06de la tutelle
56:07de la nature
56:08restent pourtant mineurs
56:10toute leur vie
56:10il est si commode
56:14d'être mineur
56:15il est si confortable
56:18de ne pas être libre
56:19j'ai un directeur
56:22qui a de la conscience
56:23pour moi
56:23un médecin
56:24qui juge pour moi
56:25du régime
56:26qui me convient
56:26un chef d'état
56:28qui décide
56:28de ce que je dois penser
56:29pourquoi me donnerais-je
56:31de la peine
56:32je n'ai plus besoin
56:34de penser
56:34pourvu que je puisse payer
56:36d'autres se chargeront
56:38pour moi
56:38de cette ennuyeuse occupation
56:40ce mot de Kant
56:42tout simple
56:43la paresse
56:43et la lâcheté
56:44montre quels sont
56:46les grands obstacles
56:47qui menacent la liberté
56:48qui menacent toujours
56:49la liberté
56:50Périclès avait ce mot
56:52magnifique
56:52à la source
56:53de notre civilisation
56:54le choix
56:56que nous avons à faire
56:57se reposer
56:58ou être libre
56:59se reposer
57:00ou être libre
57:01voilà ce qu'il faut choisir
57:03la liberté
57:04est une aventure
57:05c'est un privilège
57:06c'est une joie
57:08la liberté
57:09c'est la vie
57:09pour reprendre
57:10chacun de vos mots
57:10mais la liberté
57:11n'est pas un confort
57:12la liberté
57:13n'est pas donnée
57:14la liberté
57:15n'a rien d'immédiat
57:16la liberté
57:17est un combat
57:18et elle le restera toujours
57:20et pour chacun d'entre nous
57:21dans chacune de nos vies
57:22comme pour notre pays
57:24dans notre vie collective
57:25revient aujourd'hui
57:26cette injonction
57:27de Périclès
57:28comme un choix à faire
57:29comme une décision
57:31à prendre
57:31se reposer
57:32ou être libre
57:33nous nous plaignons
57:35aujourd'hui
57:35que dans le monde
57:36qui se dessine
57:36sous nos yeux
57:37nous sommes de plus en plus
57:38souvent en train de subir
57:39ce qui nous arrive
57:40peut-être parce que la France
57:42peut-être parce que l'Europe
57:43on choisit depuis trop longtemps
57:45maintenant de se reposer
57:46à nous de choisir
57:47aujourd'hui
57:48d'être libre
57:48nous le devons
57:50à ceux dont le courage
57:51nous a laissé
57:51la liberté
57:52que nous recevons
57:53aujourd'hui
57:54à ceux qui
57:55c'est la résistance
57:56dont parlait Aragon
57:57ont parfois donné leur vie
57:59pour que nous soyons libres
58:01pour que nous ne soyons pas
58:03contraints
58:04ou déterminés
58:05par un pouvoir
58:05qui s'imposerait à nous
58:07à ceux qui ont placé leur vie
58:09sous le signe de ce choix
58:10vivre libre ou mourir
58:12de cette devise
58:13du plateau des Glières
58:14nous le devons
58:15à ceux qui ont combattu
58:16pour notre liberté
58:17et c'est la raison
58:18pour laquelle
58:19nous allons continuer
58:20je n'en doute pas
58:21à l'instant ce combat
58:22parce que nous sommes
58:23les héritiers de cette histoire
58:24et que nous voulons en faire
58:25l'occasion de tout ce que
58:27le monde de demain
58:27recevra de vie
58:29recevra de liberté
58:31recevra d'humanité
58:32pour construire le monde
58:34qui vient
58:34merci encore infiniment
58:35applaudissements
58:42et la vie
58:44et la vie
58:45et la vie
58:49et la vie
58:50et la vie
58:51et la vie
58:53et la vie
58:53et la vie
58:54merci beaucoup
58:57Merci.
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