Le 6 décembre 2017, au lendemain de la disparition de Johnny Hallyday, Fabrice Luchini était invité au Journal de 20h de TF1. L’acteur y partage ses souvenirs et revient sur sa collaboration artistique avec l’idole des jeunes, saluant l’immense charisme et le talent du chanteur. Un témoignage fort et émouvant, diffusé en direct devant des millions de téléspectateurs.
00:00Vous avez tourné un film formidable avec Johnny, on vient de voir quelques images, peut-être l'un de ses meilleurs, Jean-Philippe de Laurent Tuelle.
00:06Quel homme avez-vous découvert sur le tournage ? C'était je crois en 2007.
00:14Comment c'est tellement pas réel, on a l'impression, on a une sensation.
00:19La première chose qui vient, c'est l'incroyable, surprenante simplicité.
00:25Une anecdote qui résume, on tournait dans une maison, dans un pavillon de banlieue, qui était très confortable, assez cosy.
00:35Mais toutes les bandes techniciens, il y avait pas mal de bobos, un peu chics, qui n'aimaient pas du tout cette maison, qui la trouvaient, qui avait trop de vis-à-vis.
00:47Et puis, ils sont tous partis, et on s'est retrouvés que tous les deux dans la maison.
00:52Et un moment, Johnny s'est tourné vers moi et m'a dit une phrase très simple.
00:59Il m'a dit, moi j'aime beaucoup cette maison.
01:02Et je pense qu'il n'y a pas plus belle définition.
01:05C'est-à-dire qu'il faisait partie des immenses stars qui enlèvent toute intimidation.
01:12Et quand vous étiez à côté de lui, il te donnait l'illusion ou la réalité, je ne sais pas, qu'il n'était pas cette incroyable légende.
01:23Il avait une manipulation de la simplicité qui était prodigieuse.
01:28Il y a tellement de choses à raconter qu'on est un peu dépassé.
01:33Et surtout, on n'a pas l'impression que c'est réel.
01:35On n'a pas la sensation que cet homme va mourir ou est mort.
01:41C'est inconcevable.
01:43C'est très étrange comme sensation.
01:45Fabrice, j'en dorme son hier.
01:47Et Johnny Hallyday, ce matin, c'est hallucinant.
01:55Deux énormes monuments français.
01:59Vous vouliez nous raconter une dernière anecdote ?
02:01Je vous en prie, je vous en prie.
02:01Alors, je vais vous faire l'anecdote, elle est très simple.
02:05Je vais certainement me planter.
02:08Mais avec le drame que nous traversons, c'est un peu anecdotique.
02:11La dernière semaine de ce tournage, qui s'appelait Jean-Philippe,
02:18nous tournions à Quiberon pour faire comprendre à Johnny
02:21qu'il a été une star énorme et qu'il allait à Quiberon souvent.
02:26Et pendant ce tournage, la dernière semaine était une semaine
02:29où nous tournions de nuit.
02:32Et pour tourner de nuit, il faut attendre la nuit.
02:36Alors, nous allions vers 21h.
02:39Nous allions au maquillage.
02:41Et un soir, Johnny m'a demandé, et tout ça est vrai,
02:45Johnny m'a dit, qu'est-ce que...
02:47Je ne l'imite pas, je n'ai pas envie de m'amuser.
02:50Il me dit, qu'est-ce que tu as fait toute la journée, toi,
02:51pour attendre le tournage ?
02:53Il était très curieux.
02:55Alors, moi, je lui dis, rien de spécial, Johnny.
02:58J'ai fait une heure de marche sur la plage
03:00parce que mon toubib m'a dit qu'il fallait faire du cardio,
03:02au training.
03:03Après, je suis rentré à la maison, j'ai écouté Glenn Gould,
03:07les variations de Goldberg,
03:08et puis quelques parties tasses.
03:11J'ai écouté les suites pour Violoncelle.
03:13Et puis après, j'ai lu ce bouquin que je trouve extraordinaire,
03:16Métaphysique de l'amour et de la mort de Schopenhauer.
03:20Et il m'a répondu cette phrase hallucinante et sublime.
03:22Il m'a dit, tu t'es fait chier, quoi.
03:24Et je ne sais pas si ça passe à la télé,
03:28mais dans le public, c'était un hurlement de rire.
03:31Parce qu'il y a, chez Johnny, un génie de la formule rapide
03:37qui ramène à du réel.
03:40Par exemple, il y avait ce moment incroyable,
03:43une nuit où on ne trouvait pas la manière de jouer la scène.
03:46Il était 5h du matin et je lui dis,
03:49tu sais, c'est normal qu'on bute sur cette scène,
03:52à les structurer dramaturgiquement d'une drôle de manière,
03:56à là quelque chose qui se dérobe à la construction.
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