Vers un traité mondial pour mettre fin à la pollution plastique ? Jusqu'au 14 août aura lieu la 5e session de négociations à Genève. La Ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, fera partie de cette rencontre internationale. Les questions du changement climatique avec la canicule ou encore de l'usage de la climatisation seront aussi au cœur de cet entretien. Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la Transition écologique, est l'invitée de RTL Matin. Regardez L'invité RTL de 7h40 avec Stéphane Boudsocq du 13 août 2025.
00:00Il est 7h46, jusqu'à demain, 170 pays sont réunis à Genève pour essayer de se mettre d'accord sur la limitation de la pollution au plastique.
00:12Un enjeu majeur des années qui viennent, enjeu environnemental mais aussi économique, puisque le coût de cette pollution est estimé à 1500 milliards de dollars chaque année.
00:22La France est évidemment présente en Suisse, une délégation tricolore, emmenée par celle qui est notre invitée ce matin, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
00:34Bonjour Agnès Pannier-Runacher.
00:36Bonjour Stéphane Boutsoc.
00:37Avant d'évoquer ce sommet sur le plastique, un mot évidemment de la canicule et des incendies, c'est aussi votre domaine de compétence, parce que tout ça nous ramène au réchauffement climatique.
00:46On imagine que vous avez suivi de très près cette vague de chaleur qui touche la France depuis le week-end dernier.
00:51Ces canicules, on le sait, malheureusement, vont se répéter, s'aggraver.
00:56Votre ministère prévoit plus 4 degrés à l'horizon 2100.
01:00Vous avez lancé un troisième plan national d'adaptation au changement climatique l'hiver dernier.
01:05Si je vous demandais ce matin, Agnès Pannier-Runacher, la mesure phare, ce qui est pour vous le plus emblématique dans ce plan ?
01:13Je crois que c'est l'adaptation de tous nos logements et de tous nos bâtiments à ce dérèglement climatique.
01:20Je préfère le mot dérèglement parce que ça rend bien compte de ce que nous vivons.
01:24Plus de chaleur, mais on va avoir plus d'orage dans les heures qui viennent.
01:28C'est en fait le climat qui se détraque et nous en subissons les conséquences.
01:33Alors pourquoi adapter les bâtiments ?
01:34Parce qu'en fait, nous avons construit dans un monde qui n'était pas à plus 1,5 degré comme c'est le cas grosso modo aujourd'hui.
01:41Et en fait, on se rend bien compte, et votre partage le montrait très bien ce matin dans le cas d'un étudiant,
01:48que ce n'est pas adapté à des températures qui dépassent 35, voire qui montent jusqu'à 40.
01:54C'est insoutenable.
01:55Donc il faut adapter ce bâti.
01:58Il faut mieux construire aussi.
02:00Et ça, c'est un des grands axes du plan national d'adaptation au changement climatique,
02:03avec des aides de l'État pour les collectivités locales quand il s'agisse des écoles,
02:08avec un accompagnement du bâti hospitalier,
02:11avec l'obligation qui est ancienne d'avoir une pièce rafraîchie dans tous les EHPAD
02:18parce que ce sont des personnes vulnérables.
02:22Et on peut filer cette métaphore dans toutes les formes de bâti.
02:25Il faut nous adapter.
02:27Alors, vous parlez argent, justement.
02:29C'est un des nerfs de la guerre contre le réchauffement climatique et ses conséquences.
02:32Quand on prépare l'avenir, quand on est ministre de la transition écologique
02:36et que les caisses de l'État ne sont pas tout à fait en bonne santé,
02:39il faut des idées, mais il faut des sous aussi.
02:42Tout à fait.
02:42C'est pour ça que moi, je me suis battue pour mon budget.
02:46La copie telle qu'elle sort aujourd'hui des arbitrages interministériels
02:51prévoit une progression légère de ce budget.
02:53Alors, cette progression, elle est confrontée à des besoins massifs d'investissement,
02:58mais il n'y a pas que le budget de l'État.
03:00Il y a les collectivités locales qui sont en train d'investir massivement aussi dans la transition écologique.
03:06Là où, il y a quelques années, ce n'était pas un sujet.
03:09Elles pouvaient construire des infrastructures sportives, s'intéresser à d'autres sujets.
03:14Là, moi, je discute beaucoup avec des maires, avec des présidents d'agglomérations qui me disent
03:18« Le fait est que la demande de mes habitants, c'est d'adapter au dérèglement climatique tous les services publics. »
03:25Donc, ils le font et on les aide.
03:27Et puis, les entreprises ont également un rôle à jouer dans cela.
03:32Derrière le dérèglement climatique, il y a l'adaptation d'abord du bâti des entreprises,
03:39mais aussi les solutions qu'elles peuvent inventer pour nous permettre de mieux vivre ces périodes d'inondations,
03:47de chaleur, de vent, enfin, tout ce dérèglement climatique que nous subissons.
03:52Alors, on en vient à ce sommet mondial sur la pollution plastique.
03:55Ça se passe donc à Genève, où vous y trouvez Agnès Pannier-Runacher.
03:58Il y a des chiffres quand même assez effarants.
04:0015 tonnes de plastique rejetées chaque minute dans l'océan sur les 430 millions de tonnes qui sont produites tous les ans.
04:07On arrive bientôt au terme des discussions à Genève.
04:09Est-ce que vous avez le sentiment que les choses ont avancé et qu'il va sortir du concret de ce sommet ?
04:15D'abord, je veux redire que la pollution plastique est un fléau.
04:19Vous mentionnez l'enjeu pour l'environnement, l'enjeu économique,
04:24puisque ça coûte très cher de dépolluer et d'aller rechercher notamment les microplastiques dans les océans.
04:30Mais c'est un enjeu sanitaire majeur, dont on n'a pas complètement pris la mesure encore,
04:35parce que les études sont en cours, mais les scientifiques nous alertent très fortement
04:39sur les risques pour la santé humaine et sur le fait que si on continue comme ça,
04:45le risque c'est un triplement de la production plastique dans les 25 ans qui viennent,
04:50ou 30 ans qui viennent, et face à ce triplement,
04:53on pourra mettre toutes les mesures de tri, collecte et recyclage.
04:58On sera totalement débordé par cette pollution.
05:01Donc l'ambition française est élevée.
05:04J'avais réussi à coaliser autour de moi 96 pays pour soutenir un traité ambitieux,
05:12mais je ne vous cache pas que les négociations sont particulièrement difficiles,
05:16parce qu'une poignée de pays bloquent aujourd'hui.
05:19Ce sont des pays producteurs de pétrole, dont les tissus plastiques,
05:23ce sont des pays producteurs de plastique,
05:25et on a beaucoup de mal à avancer.
05:29Et donc tout l'enjeu, c'est effectivement de voir dans les 48 dernières heures
05:34ce que l'on est capable de produire comme texte,
05:37en ayant en tête qu'il vaut mieux sans doute avoir un texte
05:42qui permette vraiment de baisser cette pollution plastique
05:46qu'un bout de papier qui se concentrerait sur la gestion des déchets et le recyclage,
05:52qui sont vraiment des réponses, mais pas du tout à la hauteur du fléau
05:57qui est la pollution plastique.
05:59Oui, c'est-à-dire du concret et pas juste des bonnes intentions.
06:03Même au-delà, c'est-à-dire qu'on peut avoir une démarche qui dise
06:07on se met d'accord sur le fait qu'on doit d'ici 20 ans réduire notre production plastique
06:14et on le fait de manière organisée et par cycle de négociations successives.
06:18Rien que ça, c'est une avancée par rapport à un texte qui dirait
06:23il faut bien trier les déchets et bien les recycler
06:26parce qu'en fait, on ne prendrait que le petit bout du sujet
06:30et donc on passerait à côté de ce qu'est cette pollution plastique.
06:34Il faut avoir en tête que les pays en développement les plus pauvres
06:37sont débordés par cette pollution et attendent des pays développés
06:41qui prennent leur responsabilité aussi sur cette question de production.
06:46Alors, on a vu avec la récente loi Duplomb, même si elle était en partie censurée
06:50sur la réintroduction d'un pesticide interdit, qu'il est difficile souvent
06:55de lutter contre les habitudes de l'industrie ou de certaines corporations.
06:59Il y a des lobbies du plastique qui sont aussi présents en coulisses à Genève
07:04au sommet qui veut lutter contre le plastique.
07:07C'est assez décourageant quand même, non ?
07:09Écoutez, c'est décourageant, mais en même temps, je pense que c'est important
07:15que la société civile, que les ONG, que les scientifiques,
07:22que l'opinion publique se disent qu'elle a du pouvoir.
07:25Elle a du pouvoir.
07:26Elle a du pouvoir en France.
07:28Le gouvernement est particulièrement ambitieux
07:32et moi, je porte vraiment une vision très ambitieuse pour ce traité plastique,
07:36pour faire bouger les lignes de mes collègues.
07:39Mais on a vu beaucoup de pays, par exemple d'Afrique,
07:43qui ont pris conscience de l'impact qu'a cette pollution plastique
07:47sur leur économie, sur la santé de leurs habitants
07:49et qui sont très engagés.
07:51Donc, il ne faut pas désespérer.
07:53Ce sont des négociations qui sont évidemment difficiles
07:55ou des intérêts privés, mais des intérêts aussi nationaux
07:58parce que vous avez des économies qui ont une production plastique importante
08:05et qui craignent pour leur emploi.
08:07Ces intérêts-là, il faut les écouter,
08:11mais il faut aussi leur apporter des réponses
08:13et leur dire que leur position est intenable dans la durée
08:17et que ce réfugié derrière ce pseudo-enjeu économique
08:25va leur coûter très très cher.
08:27Très très cher en santé, très très cher économiquement,
08:30très très cher en dépollution
08:31et qui nous appartient aujourd'hui de prendre les bonnes décisions.
08:35Un mot de politique également, Agnès Pannier-Rudaché.
08:38Le gouvernement va faire sa rentrée d'ici quelques jours
08:40avec l'épineux dossier du budget,
08:42cette menace d'une censure à l'Assemblée.
08:45On voit que le climat social est quand même très tendu
08:47sur les retraites, l'indemnisation du chômage
08:49ou des jours fériés éventuellement supprimés.
08:52Vous faites partie de cette équipe Bayrou.
08:54Vous vous sentez comment là ?
08:55Vous êtes d'humeur combative ou vous êtes déjà un petit peu résignée ?
08:59Non, je suis d'humeur combative parce que ce qui est en jeu,
09:03c'est la stabilité de notre pays,
09:06la capacité à sécuriser les entreprises
09:10et à les faire investir pour qu'elles créent de l'emploi,
09:13pour qu'elles créent de la richesse en France.
09:16Et donc, il ne faut surtout rien lâcher.
09:17Moi, je ne veux pas qu'on se laisse entraîner
09:19dans la spirale dans laquelle nous poussent les extrêmes,
09:23qui est une spirale d'immobilisme et de risques
09:27par rapport à notre situation financière.
09:31Il faut agir, c'est douloureux.
09:34Ce sont des mesures qui ne sont pas populaires.
09:36On en est tout à fait conscients.
09:38On essaye d'avoir le meilleur niveau de dialogue
09:42avec les syndicats, avec les entreprises,
09:45avec les Françaises et les Français
09:48pour trouver les mesures les plus justes.
09:52Je crois que si on arrive à montrer
09:55que la contribution de chacun à cet effort
09:57est proportionnée à ce qu'il peut faire
10:00et qu'il n'y a personne qui y échappe
10:03et que c'est fait de manière équitable,
10:06peut-être alors on aura, je ne dirais pas,
10:09un soutien enthousiaste
10:11parce que toute mesure d'économie
10:14n'est jamais enthousiasmante,
10:16mais au moins un accord de principe
10:19en disant, bon, voilà, c'est équitable,
10:21il faut avancer, on est bien conscients
10:22de la situation financière
10:24et les Françaises et les Français
10:25connaissent cette situation financière.
10:28Ce qu'ils ne veulent pas,
10:29c'est être les dindons de la farce
10:30et je l'entends parfaitement.
10:31Ils veulent que chacun fasse sa part d'effort
10:34et que cet effort soit équitable.
10:36Merci Agnès Pannier,
10:37ministre de la Transition écologique,
10:39de la biodiversité, de la forêt,
10:41de la mer et de la pêche,
10:43d'avoir été notre invitée ce matin
10:44sur RTL en direct de Genève.
10:46pour ce sommet mondial de lutte contre le plastique.
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