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Avant de partir au Japon pour tenter une nouvelle fois de faire avancer le dossier de sa sœur disparue depuis 2018, Damien Véron nous a accordé une interview pour notre émission Story à retrouver sur notre site. Un cold-case au cœur d’un pays à la justice presque incompréhensible pour les Français.
Tiphaine Véron disparaît le 29 juillet 2018 au cœur du Japon, à Nikko. Cela fait seulement quelques jours que la jeune française, qui voyage seule, est sur place lorsque, brusquement, ses contributions régulières au groupe Whatsapp familial s’arrêtent. Ses proches s’inquiètent et reçoivent bientôt un message du consulat français au Japon qui leur annonce qu’elle a disparu.
Dès lors, la fratrie Véron s’organise et part sur place pour tenter de la retrouver, mais lorsqu’ils arrivent, ils se heurtent rapidement à une justice japonaise qui jouit d’une réputation d’efficacité en matière judiciaire, mais qui ne semble pas s’empresser de retrouver leur sœur. Et pour cause, ainsi que nous l’a décrit son frère Damien Véron, en interview dans notre émission Story : “Les Japonais n’ouvrent pas d’enquête criminelle tant que la personne n’est pas arrêtée”.
La pression médiatique sera-t-elle suffisante ?
Depuis la France, les Véron se tournent à plusieurs reprises vers la justice, vers la diplomatie, vers le monde politique, mais se heurtent autant de fois aux mêmes difficultés : la justice japonaise fonctionne très différemment de la nôtre. 
Damien Véron se trouve actuellement au Japon pour rencontrer ses contacts locaux et assister à la pose d’une statue commémorative représentant Tiphaine près du lieu où elle a été vue pour la dernière fois. Ce nouveau voyage suscite déjà l’intérêt de nombreux médias qui s’en sont fait l’écho en juillet, en même temps qu’un documentaire est paru au mois de juin (L’Air mouillé de Cécile Juan), qui relate le combat de la fratrie Véron. Mais l’exposition médiatique permettra-t-elle d’obtenir enfin des réponses sur l’affaire ?

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Transcription
00:00Ce qu'on a découvert aussi, c'est que de manière très large, dans la région de Nico,
00:03il y a énormément de corps retrouvés, il y a eu des corps démembrés,
00:07il y a eu aussi des tentatives de kidnapping, donc en fait, ça nous glace le sang.
00:16Pour trouver quelqu'un, c'est seulement par des objets.
00:19On peut prendre un téléphone, le sac, des vêtements, ce qui est plastique.
00:25Est-ce que ça a un intérêt ?
00:28Finalement, rien n'a un intérêt depuis 4 ans.
00:39Je m'appelle Damien Veyron, je suis le frère de Tiffen Veyron,
00:42qui a disparu au Japon le 29 juillet 2018,
00:45et je vais vous raconter l'histoire que nous menons avec ma famille pour la retrouver.
00:53Alors Tiffen était une jeune femme radieuse, qui était passionnée du Japon.
00:57Elle avait appris à écrire en japonais, et donc son rêve, c'était de pouvoir aller au Japon.
01:03Mais cette fois-ci, elle avait déjà fait un voyage en 2013, où elle avait seulement visité Tokyo.
01:07Cette fois-ci, son objectif en 2018, c'était de faire le tour du Japon.
01:11Et ce qui était aussi intéressant pour nous, c'est qu'elle voulait nous faire partager son voyage,
01:15et donc nous avions un groupe WhatsApp où elle nous disait absolument tout ce qu'elle voulait faire.
01:20Donc sa disparition, qui est survenue le 29 juillet 2018, a été assez brutale.
01:25Tiffen, tout de suite, quand elle est arrivée au Japon, nous a tout de suite dit
01:29« ça y est, je suis arrivé », elle nous a envoyé énormément de WhatsApp.
01:31On avait un groupe familial sur lequel on s'écrivait,
01:34donc on voyait tout son enthousiasme, elle était ravie de démarrer son voyage.
01:38Donc le premier jour, elle nous explique qu'elle est bien arrivée à Narita,
01:41une petite ville qui est à côté de l'aéroport.
01:44Puis le deuxième jour, lorsqu'elle arrive à Nico, tout de suite,
01:46elle nous fait part de son enthousiasme, nous dit qu'elle est enfin arrivée,
01:49que le voyage de ses rêves va débuter.
01:51Puis le 29 juillet, plus rien.
01:53Donc ça a été pour nous assez brutal,
01:57puisqu'on avait l'habitude d'avoir énormément de messages,
02:00puis dans ce coup, plus rien.
02:01Et pendant quelques jours, on a commencé à s'angoisser.
02:04Moi, en plus, dans la nuit du 29, j'ai eu comme un flash,
02:08imaginant que Tiffen était en danger, donc j'avais une boule au ventre.
02:11Donc le 29, le 28, enfin les jours passés,
02:14on était tous très angoissés,
02:16on essayait d'interagir sur notre groupe familial.
02:18Puis en fait, le 1er août, d'un seul coup,
02:21je reçois un message de l'ambassade qui nous explique que Tiffen a disparu.
02:25Et là, ce message, je m'en souviendrai toute ma vie,
02:26ça a été comme un coup de poignard, je me suis dit « ah, c'est pas possible ».
02:29Toute cette angoisse qui était en nous, d'un seul coup,
02:32s'est manifestée par ce message.
02:34Donc non, ça a été une angoisse terrible.
02:35Nous, alors, on ne s'est pas posé de questions.
02:43Dès que Tiffen a disparu, on s'est dit « non, mais de toute façon,
02:45on est parti tout de suite au Japon ».
02:47On n'a pas hésité, nous devions y aller.
02:49C'était presque, enfin vraiment, c'était logique pour nous d'y aller.
02:54Donc moi, Sibyl et Stanislas, donc ma petite sœur et mon petit frère,
02:58parce que nous sommes quatre, donc je suis l'aîné,
03:00Tiffen la deuxième, Sibyl la troisième et Stanislas le quatrième.
03:02Donc on est assez soudés les uns et les autres.
03:06Donc tout de suite, on décide de partir au Japon.
03:09Et d'abord, Sibyl et moi, arrivons les premiers.
03:11Et là, la police de Toshigi vient directement nous chercher à l'aéroport de Tsunomiya,
03:16donc la capitale de la préfecture de Toshigi.
03:20Donc la police vient nous chercher directement.
03:22Et là, déjà, on voit que le dialogue est difficile,
03:24puisque tout de suite, ils nous montrent un foulard sur une photo.
03:27Donc on se dit « quel est ce foulard ? ».
03:29Et en fait, rien n'est évident, parce qu'on voit que la discussion n'est pas fluide.
03:33Et en fait, à partir de là, on a compris très rapidement
03:36que déjà la police ne voulait pas chercher, ne ferait pas de recherche.
03:40Et surtout, dès le premier jour, ils nous ont donné la valise de Tiffen,
03:42en disant « voilà, c'est terminé, il n'y aura pas de recherche ».
03:44Donc tout de suite, on s'est heurté à vraiment des problèmes de communication.
03:49On voyait vraiment deux cultures qui n'arrivaient pas à communiquer.
03:52Et donc après tout ça, pendant ensuite des mois,
03:55le premier mois où on a recherché Tiffen,
03:57on a vu que les problèmes de communication s'accentuaient.
04:01Et puis en fait, on a découvert que le système judiciaire japonais
04:03était très différent du nôtre.
04:05Il a fallu, là où on en est maintenant, en fait,
04:13c'est aussi la réflexion et un travail de plus de six ans de recherche.
04:17Donc tout de suite, en fait, quand on est arrivé au Japon,
04:19on voyait qu'il n'y avait pas de recherche menée.
04:21Donc on a compris d'abord, enfin il a fallu un certain temps,
04:24mais qu'au Japon, quand vous avez des disparus,
04:25il n'y a pas de recherche organisée.
04:27Donc c'est pour ça qu'il n'y a pas eu de battue et que rien n'a été fait.
04:30C'est ce qu'on appelle le phénomène des évaporés jouets dessous.
04:32Donc on a été confronté à ce premier problème.
04:34Donc il n'y avait aucune recherche terrain menée.
04:37Parce que nous, on se disait qu'on est arrivé,
04:38il y avait quand même un caractère d'urgence.
04:41On s'est dit peut-être que Tiffany est blessé quelque part et qu'elle nous attend.
04:44Et ensuite, lorsqu'on a compris que la piste accidentelle était peu probable
04:47et que c'était probablement la piste criminelle,
04:50c'est celle maintenant qui ressort le plus,
04:52que les Japonais n'ouvraient pas d'enquête criminelle
04:54tant que la personne n'était pas arrêtée,
04:57soit prise en flagrant délit ou même arrêtée.
04:59Donc ça, c'était un vrai problème culturel qu'on a.
05:03D'ailleurs, auquel on est encore confronté.
05:05Puisque la justice japonaise, pour ces deux raisons-là,
05:09le phénomène des évaporés et l'absence d'ouverture d'enquête,
05:13refuse en parallèle de collaborer avec la France
05:16qui, eux, aimerait que des véritables investigations soient menées.
05:19Donc le pôle essaye, en ce moment le pôle cold case,
05:22qui a repris l'affaire de Tiffen en janvier 2023,
05:25essaye d'obtenir des informations,
05:27mais on est toujours bloqués à ce niveau-là.
05:28Donc là, ça sera la troisième commission régatoire internationale
05:33qui est au Japon actuellement.
05:36Les deux hôtes, les Japonais, n'ont pas renvoyé ce qui avait été demandé.
05:41Et là, la troisième commission régatoire est au Japon en ce moment.
05:44Donc les juges, évidemment, espèrent pouvoir obtenir des informations
05:47sur l'enquête qui a été menée par les Japonais.
05:49Ils espèrent aussi avoir les 800 heures de vidéos de caméra surveillance
05:54que les Japonais expliquent avoir conservées.
05:57Donc ça, c'est un élément important
05:58puisque le pôle aimerait pouvoir analyser ces vidéos
06:01pour être sûr que Tiffen n'était pas sur ces vidéos
06:04à l'aide de logiciels sophistiqués.
06:09Ce qui permettrait aussi de montrer
06:10qu'il est peu probable que Tiffen soit sorti de l'hôtel
06:16si, en plus de ça, on ne la trouve sur aucune des vidéos de surveillance.
06:18Donc cette CRI est en cours actuellement.
06:25Nous, ils nous ont redonné la valise de Tiffen
06:26en disant qu'il n'y aurait plus rien.
06:27Donc nous, on a commencé à mener nos actions.
06:29Et ça, c'est par là aussi, le premier mois,
06:33par la volonté de Sybille, qui est journaliste,
06:36qui a commencé elle-même à trouver des contacts
06:38et à auditionner les gens qui auraient pu croiser Tiffen.
06:42Et donc, on a eu des retours.
06:43Par exemple, on a su que Tiffen avait dîné
06:46avec un couple de Français le 28 juillet à Nico.
06:49Donc ils nous ont expliqué dans quel état d'esprit elle était.
06:52Donc elle était radieuse,
06:53elle était déterminée à vivre son voyage pleinement.
06:56On a pu aussi interroger les gens
06:58qui avaient pris le petit déjeuner avec Tiffen
07:00le dimanche matin, avant 10h.
07:04Donc en fait, effectivement,
07:05on a pu nous-mêmes recueillir des témoignages essentiels
07:08que les Japonais n'avaient pas fait.
07:11Et surtout, les Japonais ont fait ce type d'audition longtemps après
07:15et on voyait qu'elles étaient presque moins complètes que les nôtres.
07:17Donc oui, en fait, depuis 5 ans,
07:18on a continué à collecter un maximum d'indices.
07:23Et oui, on mène une véritable enquête.
07:25À chaque voyage, on a des objectifs précis.
07:27Là, on est arrivé, je trouve, à peut-être un voyage qui est essentiel,
07:31puisqu'il y a eu un fait majeur.
07:34Donc l'ONU a fait une demande d'action en urgence,
07:37c'est-à-dire qu'ils ont demandé à la police de Nico d'enquêter,
07:42que les suspects soient identifiés et donc interrogés,
07:45et aussi qu'on nous communique le dossier d'enquête.
07:49Donc le fait que l'ONU demande au Japon d'intervenir,
07:53ça a intéressé les médias qui ont beaucoup parlé de l'affaire de Tiffen.
07:57Et ça a conduit à une autorité publique,
07:59donc à un gouverneur, au gouverneur de Toshigi,
08:01la préfecture où Tiffen a disparu.
08:05Ça l'a conduit à me recevoir et à s'excuser publiquement.
08:08Et ces excuses publiques au Japon, c'est quelque chose de très très fort,
08:11parce que c'est un petit peu un aveu de culpabilité.
08:13Et depuis, ça a énormément mobilisé les Japonais,
08:16qui nous aident de plus en plus.
08:17Et donc, l'objectif de ce prochain voyage,
08:19c'est de, maintenant que les Japonais sont prêts à nous aider,
08:23c'est de faire un appel à témoins aux Japonais
08:25pour obtenir tous les témoignages
08:27qui avaient été donnés à la police
08:31et qui n'ont jamais été donnés à la justice française.
08:33Donc ça, cet appel à témoins,
08:34c'est vraiment un point essentiel du voyage.
08:37Après, ce qui est important aussi,
08:38c'est qu'on n'oublie pas Tiffen.
08:39Donc on a prévu qu'une statue de Tiffen
08:43soit déposée à Nico le 29 juillet,
08:45pour les 7 ans de sa disparition.
08:47Et puis après, il y a toujours dans ce voyage
08:48les réunions avec la police.
08:51D'ailleurs, on prépare cette réunion-là
08:54où, en amont, on envoie nos questions à la police
08:57pour qu'ils puissent les traiter.
08:58Donc on va essayer d'être le plus rigoureux possible
09:00et de continuer à grappiller un maximum d'informations
09:04comme on fait depuis pratiquement 7 ans.
09:06Donc ça, c'est des points essentiels.
09:07Évidemment, la rencontre avec l'ambassade est essentielle.
09:10Et puis on va rencontrer nos soutiens japonais
09:11qui continuent à se mobiliser
09:13depuis la prise de parole du gouverneur en 2023.
09:22Lorsque Sybille a interpellé Emmanuel Macron
09:25et Shinzo Abe à l'Élysée,
09:28je pense que ça a été un tournant pour nous
09:30parce que ça a permis de comprendre
09:33que malgré le fait qu'à l'époque
09:34le premier ministre japonais Shinzo Abe
09:36appelle directement la police locale,
09:39n'avait pas non plus...
09:41Alors certes, ils avaient été mis sous pression
09:42mais ça n'avait pas engendré plus de recherches.
09:44Donc c'est ce qui nous avait permis de comprendre
09:45qu'en fait, il n'y en aurait jamais
09:46donc qu'il fallait les faire nous-mêmes.
09:48Moi, quand Sybille a interpellé Emmanuel Macron
09:51et Shinzo Abe, j'étais évidemment stressé
09:52surtout que moi, j'étais au Japon à ce moment-là
09:54donc je l'ai vu sur mon écran d'ordinateur.
09:57Donc oui, j'ai eu très peur pour Sybille.
09:59En plus, j'entendais dans le son de sa voix
10:00qu'elle était très émue et très stressée
10:02parce qu'interpeller un chef d'État,
10:05des chefs d'État comme ça,
10:07un petit peu de manière improvisée,
10:09moi, j'avais très peur qu'elle se fasse sortir
10:13ou en tout cas qu'elle se fasse rabrouiller.
10:15Mais ouais, donc ça a été beaucoup de stress
10:16surtout que le temps que Sybille me rappelle,
10:18il y a eu un temps assez long.
10:20Donc non, cette interpellation a...
10:23Je pense que ça a été essentiel dans notre combat
10:25ça nous a permis de comprendre des choses
10:26mais ça a été très très stressant.
10:28Alors nous, on a été élevés seuls par notre mère
10:29mais en fait, on est quatre en pratiquement six ans.
10:32Donc en fait, on est très proches en âge
10:34et donc on est extrêmement solidaires.
10:36Donc non, il y a eu tout de suite, le premier mois,
10:40on pleurait dans les bras les uns des autres,
10:42on était extrêmement solidaires, on se battait, on était organisés.
10:45Donc non, non, ça n'a pas...
10:46Évidemment, il y a eu des moments où ça pouvait être plus difficile
10:49notamment lorsqu'on a des choix à faire,
10:51des choix d'avocat, des choix politiques aussi
10:53puisqu'on a sollicité nos élus sur la manière
10:56mais on est toujours restés extrêmement soudés.
10:59Moi, en quelque sorte, je suis le leader du combat
11:01mais sans Sibylle et sa rigueur journalistique
11:07qui permet de mener des enquêtes,
11:08sans notre mère qui est là en pilier,
11:10je pense que ça aurait été compliqué.
11:12Donc oui, c'est grâce à ce soutien.
11:13Et puis de manière plus large en fait,
11:15c'est qu'on a réussi à fédérer,
11:17on a énormément de gens qui nous ont rejoints
11:21soit par le biais de l'association qu'on a créée en 2019
11:23mais aussi par les réseaux sociaux.
11:24Donc là, il y a un élan de solidarité derrière nous
11:26qui est colossal
11:27mais c'est aussi le cas au Japon
11:29où je suis hébergé, aidé, aiguillé.
11:33Donc non, il y a une vraie solidarité.
11:39C'est évident qu'il était impossible
11:40de ne pas savoir ce qui était arrivé à Tiffin
11:41et puis en plus, on l'a évoqué,
11:42c'est que dans le cadre de l'affaire de Tiffin,
11:44il y a quand même des suspects
11:45qui n'ont pas été interrogés.
11:46Donc ça, ça multiplie l'énergie pour se battre.
11:50Donc vous savez que des choses n'ont pas été faites
11:54et peut-être qu'il nous permettrait de savoir la vérité.
11:57Donc pour nous, c'est logique de se battre.
12:00Évidemment, c'est usant, ça vient de faire 7 ans.
12:02Je l'évoquais tout à l'heure,
12:03il y a la diplomatie, il y a la politique,
12:05il y a l'enquête.
12:07Il faut faire, nous, la famille,
12:08on est obligé de faire le trait d'union
12:09entre la France et le Japon.
12:11Donc ça aussi, c'est épuisant.
12:12Donc tout ça, c'est de l'énergie
12:13mais on est toujours déterminés.
12:14Je pense que c'est effectivement,
12:15ça a été particulièrement pour moi, je pense,
12:18même si ça a été dur aussi pour les autres.
12:20Mais moi, j'ai vraiment fait le choix
12:21voyant qu'on avait besoin d'argent pour l'association,
12:24voyant qu'on avait besoin aussi,
12:26parce que c'est formidable,
12:27il y a une vraie bienveillance des médias
12:29mais tout ça, c'est aussi du temps,
12:30de l'énergie pour l'organiser,
12:32pour créer des événements.
12:33On a créé une fresque à Poitiers,
12:34enfin là, il y a la statue qui va arriver à Nico.
12:36Donc tout ça, c'est un temps colossal.
12:38Donc oui, moi, j'ai mis ma vie personnelle de côté.
12:44Je suis content de l'avoir fait.
12:45Je ne regrette pas.
12:46Mais là, effectivement, il y a une période
12:47après pratiquement 7 ans
12:49où là, ça commence plutôt à être rusant.
12:51Et je pense qu'on a presque été au bout
12:53de ce qu'on pouvait faire.
12:55Donc là, je parle plutôt pour moi,
12:57parce que je ne sais pas pour les autres,
12:58mais on arrive plutôt vers la fin
13:00d'un investissement total
13:01pour retrouver Tiffin.
13:08Au début, oui, le premier mois au Japon,
13:10c'est horrible pour moi.
13:11Alors là, j'avais envie de respecter aucun code,
13:12j'étais frustré.
13:13Et Sybille, je me rappelle,
13:15on avait une discussion intéressante.
13:16Elle a dit, mais ne rejette pas le Japon.
13:20C'est le pays que Tiffin aime.
13:21Et elle aurait été tellement heureuse
13:22qu'on soit avec elle.
13:23Donc cette phrase, ça a été un peu un électrochoc.
13:26Ce qui fait que ça a mis de côté
13:27tous mes états d'âme.
13:29Et puis surtout, en fait,
13:30c'est qu'autour de la disparition de Tiffin,
13:33en fait, il y a beaucoup d'amour
13:34et de bienveillance.
13:35Donc on est entouré, en fait,
13:36de gens bienveillants qui veulent nous aider.
13:38Des gens qui font le maximum.
13:39Donc en fait, il y a des frustrations,
13:41notamment parce que les acteurs
13:43qui pouvaient agir
13:44n'ont pas agi comme ils auraient pu le faire.
13:47Je pense à la juge, notamment de Poitiers,
13:49où un déplacement au Japon
13:52avait été obtenu par la diplomatie
13:54et a refusé.
13:56Donc ça, pour nous, c'est horrible.
13:57C'est quand des acteurs,
13:59quand vraiment les acteurs majeurs
14:00qui ont le plus de pouvoir,
14:02finalement, ne vont pas au bout.
14:05Par contre, tout le reste,
14:06tous les gens qui nous ont aidés,
14:07il y a de l'amour et de la bienveillance.
14:09Donc ça, c'est quand même plus facile.
14:11Moi aussi, Tiffany serait ravi,
14:17mais je pense que je suis tombé amoureux du Japon
14:18petit à petit,
14:19parce qu'il y a vraiment des amis japonais.
14:22On a des amis japonais à Nico ou ailleurs
14:24qui sont vraiment tellement admirables,
14:26déterminés.
14:27Donc je pense que j'ai beaucoup d'affection
14:28pour le Japon.
14:31Et après, ce qui me frustre,
14:32mais c'est plus pour les japonais
14:33de manière globale,
14:33c'est que le système judiciaire est dur.
14:37Je veux dire, les victimes,
14:38qui sont souvent des femmes,
14:39n'ont pratiquement aucun moyen
14:40de porter plainte
14:42ou en tout cas de faire
14:44écrouer leurs agresseurs.
14:46À Nico, grâce à un de nos enquêteurs privés,
14:49on a découvert qu'il y avait
14:49une trentaine d'agressions sexuelles
14:51entre 2018 et 2021.
14:53Et moi, voyant la complexité
14:56du système judiciaire
14:57qui arrête les agresseurs
14:58pratiquement en flagrant délit,
14:59je veux dire, je suis très pessimiste
15:01sur le fait qu'elles puissent obtenir
15:02un gain de cause.
15:03Donc, non, je pense que le système judiciaire,
15:05il est avant tout violent
15:06pour les japonais.
15:12Lorsque Tiffany a disparu,
15:13on a fédéré
15:15et beaucoup de gens nous ont aidé.
15:16Et une amie d'enfance
15:18qui s'appelle Cécile Rouane
15:19qui était venue avec moi
15:21en octobre 2018.
15:22On avait pratiquement arpenté
15:23pendant des semaines
15:24toutes les montagnes, les conines.
15:26Parce qu'à ce moment-là,
15:27on n'avait pas encore totalement
15:28écarté la piste accidentelle.
15:30Vraiment, Cécile Rouane
15:32est très proche de nous.
15:34Et donc, petit à petit,
15:35elle s'est dit,
15:35mais pourquoi ?
15:36Cécile Rouane,
15:37qui est réalisatrice,
15:39qui fait des documentaires,
15:41s'est dit,
15:41mais pourquoi pas filmer
15:43tout ce que vous êtes en train
15:45de traverser ?
15:46Elle a eu le déclic
15:47en juin 2019
15:49quand on a déménagé
15:50l'appartement de Tiffany
15:51où là, elle s'est dit,
15:52mais en fait,
15:53tous ces moments-là
15:53sont tellement durs,
15:55j'aimerais en faire un film.
15:56Donc, c'est ce que a fait Cécile
15:57pendant pratiquement quatre ans.
15:59Elle nous a suivis,
16:00elle m'a suivi au Japon en 2022.
16:01Et donc,
16:04toutes ces séquences,
16:07tout son travail colossal
16:08de réalisatrice,
16:09elle a décidé d'en faire un film.
16:10Donc, ce film qui sort
16:12le 18 juin
16:14en plateforme
16:15et qui s'appelle
16:15L'air mouillé,
16:16raconte tout ce que j'explique
16:17sur le combat titanesque
16:19qu'on doit mener
16:19pour retrouver Tiffany.
16:20Très rapidement, en fait,
16:28après la disparition de Tiffany,
16:30on a vu qu'il y avait
16:30d'autres Français
16:32qui disparaissaient à l'étranger.
16:33Donc, petit à petit,
16:33on s'est rapproché
16:34de nombreuses familles
16:35qui étaient dans le même cas que nous.
16:37Et en fait,
16:37on a vu que les problématiques
16:38étaient les mêmes.
16:40C'est-à-dire que,
16:41ce que j'expliquais tout à l'heure,
16:42enfin, la famille,
16:43elle doit faire un petit peu
16:45la jonction
16:46entre le pays du lieu
16:46de la disparition
16:47et la France,
16:48qui a aussi un rôle à jouer essentiel.
16:50Et donc, j'ai vu que c'était comme nous.
16:51C'est-à-dire qu'elle devait porter
16:52ce combat à part entière
16:53et on s'est dit
16:54qu'il n'existait aucun support.
16:56Donc, rapidement,
16:56on s'est dit
16:56mais en fait,
16:58je pense qu'il serait important,
16:59on a discuté avec Sybille,
17:01qu'il serait important
17:01qu'il y ait une association spécialisée
17:03pour aider les familles françaises
17:05qui ont des disparitions à l'étranger.
17:07Et donc, après cette réflexion,
17:09il y a maintenant plus d'un an,
17:10on a essayé de créer l'Entraide,
17:12l'Association nationale Tiffaine
17:13pour la recherche à l'étranger des disparus.
17:16Donc, de créer cette association
17:18pour aider les familles
17:19qui ont des disparitions à l'étranger,
17:22que ce soit pour financer leurs actions,
17:23pour les aider d'un point de vue diplomatique.
17:26Les ambassades ont un rôle essentiel à jouer,
17:28mais tout ça, il faut les mobiliser.
17:30Donc, l'existence de cette association
17:32a pris sens
17:32après tout ce qu'on a traversé.
17:34Pendant les premiers mois,
17:36après les premiers mois de sa disparition,
17:37ça m'arrivait parfois
17:38d'employer le passé.
17:39Et en fait, je me suis vite corrigé.
17:41Et maintenant, en général,
17:42enfin, à moins que je l'ai fait là,
17:43mais je ne me suis pas rendu compte,
17:44en général, j'utilise toujours le présent.
17:46Puisqu'on ne sait pas.
17:47C'est tout le drame d'une disparition.
17:48C'est qu'on ne sait pas.
17:50On voit qu'au Japon,
17:51il y a aussi des cas de kidnapping
17:52et de séquestration.
17:53Donc, comme on voit
17:55que la piste accidentelle est peu probable,
17:57on se dit qu'il est peut-être possible
17:58qu'elle ait été kidnappée.
17:59Donc, moi, j'utilise le présent.
18:01Tant qu'on ne sait pas,
18:02pour moi, Tiffaine n'est pas décédé.
18:04Même si au fond de moi,
18:05je sais qu'il y a peu d'espoir
18:06que Tiffaine soit en vie quelque part.
18:12Dans le cas de la disparition de Tiffaine,
18:19il y a plusieurs suspects
18:21qui se sont dégagés
18:22au fil de nos investigations.
18:24C'est que déjà,
18:26Tiffaine,
18:26il semblerait qu'il soit peu probable
18:28que Tiffaine soit sorti de son hôtel.
18:30Donc, effectivement,
18:32les premiers suspects,
18:33et nous, ce qu'on pense,
18:34ma mère, moi et Sybille,
18:35c'est qu'il s'est passé quelque chose
18:36dans l'hôtel.
18:37Ça, c'est un petit peu notre conviction.
18:39Le problème, c'est qu'à l'hôtel,
18:41évidemment, il y a
18:42un gérant avec sa famille,
18:44mais il y avait aussi
18:45d'autres touristes japonais.
18:46Donc, pour nous,
18:48il s'est passé quelque chose là.
18:50Donc, c'est très probable
18:51que Tiffaine ait été agressé
18:52dans sa chambre d'hôtel.
18:52Après, le problème,
18:53c'est qu'à force de creuser,
18:54on a vu qu'ensuite,
18:56qu'on sortait de l'hôtel,
18:59un homme nous avait interpellé
19:00en disant qu'il avait vu Tiffaine.
19:02Il avait l'air plutôt agressif.
19:04Il n'avait pas l'air de mentir.
19:05Donc, déjà, il y a un deuxième suspect
19:06direct qui n'a jamais été interrogé.
19:09Puis après,
19:09quand on élargit encore plus le champ,
19:11on découvre qu'il y a
19:12un troisième suspect
19:13qui se fait passer
19:15pour un faux guide
19:16et qui agresse les femmes.
19:17Et enfin, pour couronner le tout,
19:18ce qu'on a découvert aussi,
19:20c'est que de manière très large,
19:21dans la région de Nico,
19:22il y a énormément de corps retrouvés.
19:25Il y a eu des corps démembrés.
19:27Il y a eu aussi
19:27des tentatives de kidnapping.
19:29Donc, en fait,
19:29ça nous glace le sang.
19:32Il y a plusieurs scénarios
19:36qui nous angoissent.
19:38Mais c'est vrai que la police française
19:40l'avait dit tout de suite
19:40et tout le monde était d'accord avec eux.
19:42Tiffaine a disparu d'un hôtel.
19:44Donc, on a un lieu et des gens.
19:45Donc, en fait,
19:45la question ne se pose pas.
19:47L'enquête aurait dû démarrer d'ici
19:48avec une perquisition
19:49et une audition
19:50de tous les gens
19:51qui avaient été en contact avec Tiffaine.
19:53Et ça n'a jamais été fait.
19:55Ce qui nous fait penser,
19:57ce qui nous donne la conviction
19:58que Tiffaine s'est fait agresser
19:59dans sa chambre d'hôtel,
20:01c'est qu'il y a plein d'éléments
20:02qui, au fur et à mesure des années,
20:03se sont dégagés.
20:04Déjà, très rapidement,
20:07lorsque la police
20:08a pu discuter avec le gérant,
20:11il explique que Tiffaine est parti à 10 heures.
20:13Sauf qu'on a pu avoir accès
20:15à sa boîte mail
20:17grâce à notre petit frère
20:18qui a réussi à accéder à ses comptes.
20:20Donc, on a pu accéder
20:21à une application
20:22qui s'appelle Google Maps
20:23qui montre qu'en fait,
20:24en réalité,
20:25Tiffaine n'est pas sorti de l'hôtel
20:26et que surtout,
20:27son téléphone
20:28sur l'application Google
20:30s'arrête à 11h40
20:31et les points indiquent
20:32qu'elle est probablement
20:33dans sa chambre d'hôtel.
20:33Donc, déjà,
20:34il y a eu plusieurs...
20:36Il y a eu ces deux points
20:37qui nous ont interpellés.
20:38C'est le fait que Tiffaine soit parti
20:39donc pas à 10 heures
20:40mais bien après
20:40et que le téléphone montre
20:42qu'elle est plutôt dans l'hôtel.
20:43Donc, déjà,
20:44on a des suspicions.
20:46En plus, ce n'est pas clair
20:47puisque même si c'est des bouts d'audition,
20:50il n'y a pas eu de véritables auditions.
20:52On ne comprend pas
20:53ce qu'explique le gérant de l'hôtel.
20:55Il a sa famille
20:55qui travaille avec lui,
20:57mais on ne sait pas
20:58qui était là.
20:59Ils se contredisent tous.
21:00Donc, en plus,
21:01sur les petits bouts d'audition,
21:02ce n'est pas clair.
21:03Et ensuite,
21:04l'un des éléments majeurs
21:05qui nous a toujours interpellés,
21:07c'est que le début août 2018,
21:11notre maire
21:11qui était restée à Poitiers
21:12avait rédigé une lettre
21:14qu'elle avait adressée
21:15à Emmanuel Macron
21:16et donc la police locale
21:17l'avait su
21:18et vexée
21:19et nous avait convoqués
21:20à l'hôtel
21:21pour nous dire
21:21« Vous allez voir,
21:22nous, on est aussi des spécialistes.
21:25On a de la police scientifique
21:26qui peuvent travailler. »
21:27Et donc,
21:27ils avaient voulu absolument,
21:29en ma présence,
21:30faire un test au luminol
21:30dans la chambre de Tiffen
21:31auquel j'avais été obligé d'assister.
21:35Et en fait,
21:36ils ont fait tout le procédé.
21:38Ils ont mis un temps fou
21:39à fermer le rideau
21:41pour qu'on soit dans l'obscurité
21:43puisque pour faire ce test au luminol,
21:44il faut être dans l'obscurité.
21:45Mais ça m'a fait réaliser
21:46qu'en fait,
21:47ils n'avaient pas fait
21:47de préparation en amont
21:48puisque ça avait mis un temps fou
21:50pour préparer la chambre.
21:51Et donc,
21:52au moment de ces tests,
21:53sur l'un des murs
21:55est apparu des éclaboussures bleues
21:56qui, selon les experts
21:59qu'on a sollicité,
22:01nous disent qu'il est très probable
22:03que ça soit du sang,
22:04selon leur explication
22:05puisque moi,
22:06je n'y connais pas grand-chose.
22:07Et là aussi,
22:08ça va bientôt faire 7 ans.
22:09On n'a jamais eu de réponse
22:11sur ce qui s'est passé.
22:13Ça avait été demandé
22:14dans les différentes séries
22:15de savoir ce qui avait été fait,
22:18quel rapport.
22:19Or, il semblerait
22:20qu'il n'y ait pas eu d'échantillons
22:21à l'endroit
22:22où le luminol est apparu.
22:23Or, selon les experts
22:25qui nous ont conseillé,
22:27la question ne se posait même pas.
22:28Il fallait prendre des échantillons
22:29et des analysés.
22:30Donc, quand on rassemble
22:31tous ces éléments,
22:32effectivement,
22:32on peut se dire que
22:33s'il ne s'est rien passé
22:35dans l'hôtel,
22:36vraiment,
22:37ça serait quand même
22:38étonnant
22:42avec tous les éléments
22:43qu'on a.
22:49qui ne s'est rien passé.
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