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  • il y a 5 mois
Piste largement évoquée par le gouvernement, le gel des prestations sociales et du barème de l’impôt sur le revenu permettrait d’économiser 6,2 milliards d’euros, selon l’OFCE. C'est ce que l'on appelle une "année blanche". Mais à quel prix ? Les retraités seraient les plus durement touchés par cette mesure. Des économistes suggèrent une autre mesure plus juste socialement. 

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Transcription
00:00Et avec nous pour en parler en plateau, Aurore Malval, toujours éditorialiste politique,
00:05et Mathieu Plannes qui nous a rejoint, économiste à l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques.
00:11Mathieu, premier élément pour qu'on comprenne vraiment l'enjeu.
00:1440 milliards d'euros à trouver, est-ce que ça a déjà été fait par le passé ?
00:19Ça a été fait, j'allais dire, très rarement, c'est quand même assez exceptionnel,
00:23une somme aussi importante en si peu de temps, j'allais dire,
00:26et surtout au regard de la configuration politique.
00:30C'est bien ça la difficulté, parce que ce n'est pas juste trouver 40 milliards,
00:32c'est faire accepter 40 milliards d'euros aux Français, mais aussi à l'Assemblée nationale.
00:37Et c'est là qu'on va voir les arbitrages budgétaires qui sont complexes,
00:40parce que 40 milliards, ce n'est pas une seule mesure,
00:42mais ça va être une multitude de mesures qui vont porter sur un certain nombre de ménages,
00:45éventuellement même sur des entreprises.
00:47La question, c'est est-ce qu'il y a des lignes rouges d'un côté ou de l'autre,
00:50et est-ce que ce budget va pouvoir être voté ?
00:52Est-ce que vu la somme en jeu, un effort pareil, c'est possible,
00:56sans qu'à peu près tout le monde soit concerné directement ou indirectement ?
00:59J'allais dire que c'est difficile.
01:01En réalité, 40 milliards, c'est massif,
01:03et donc on ne pouvait pas cibler juste une population,
01:05un type de ménage ou un type d'entreprise.
01:08C'est-à-dire que globalement, moi je pense que tout le monde,
01:10plus ou moins, va être mis à contribution.
01:12Donc on voit qu'il y a des populations qui sont plus exposées que d'autres
01:15à cet ajustement budgétaire,
01:17mais il ne faut pas penser qu'on va dire,
01:19on va juste cibler une catégorie et que les autres vont être épargnés.
01:22Là, ce qu'on voit assez clairement, c'est que par exemple,
01:24s'il y a un gel, en tout cas une année blanche,
01:27un gel des prestations sociales,
01:29clairement, les retraités vont être mis à contribution,
01:31mais aussi les plus modestes, ceux qui touchent les prestations sociales,
01:34les minima sociaux par exemple, ou les APL.
01:37Mais on voit qu'on aura aussi certainement une contribution sur les plus riches,
01:40en réalité.
01:41Donc finalement, tout le monde va être mis plus ou moins à contribution,
01:44et puis si on fait aussi un gel sur la fiscalité,
01:47et sur l'impôt sur le revenu,
01:47ça sera aussi certains actifs qui payent l'impôt sur le revenu.
01:50Donc, j'allais dire, l'idée c'est justement d'essayer de répartir cet effort le plus possible,
01:56et du coup, ça risque de concerner à peu près tout le monde.
01:58Or, il va falloir que le Premier ministre soit pédagogue, soit convaincant,
02:02parce que forcément, il va présenter des mesures impopulaires.
02:06Il faut aussi montrer que l'État va être mis à contribution,
02:09sinon ça ne va pas passer comme message.
02:11Oui, tout à fait.
02:12Alors, ce qui est intéressant, je reviens sur le chiffre de 40 milliards,
02:15qui est devenu vraiment un totem aussi politique,
02:17qui est censé signifier l'ampleur de la crise,
02:21et le courage politique justement qu'il va falloir pour le résoudre.
02:25Parce qu'en fait, c'est assez étonnant,
02:27et c'est le cas depuis l'an dernier,
02:28de présenter comme ça le futur budget.
02:30Généralement, on présente un budget
02:32en présentant celui qu'il y avait l'année précédente,
02:35et en voyant comment il va être arrangé, amélioré.
02:38Là, c'est le contraire, on se place dans l'hypothèse
02:40que les comptes vont encore continuer à dérailler,
02:42et c'est par rapport à cette projection,
02:44un déficit de 5,9%.
02:46Voilà ce qui se passe si on ne fait rien.
02:47Exactement.
02:47Et ça, c'est assez nouveau.
02:48Et ça, c'est vraiment un symbole politique,
02:50et c'est aussi la façon de faire de François Bayrou,
02:52justement, de faire cette pédagogie,
02:53et de dire, voyez comment on va empêcher le déraillement.
02:57Ce n'est pas tant 40 milliards à trouver
02:58que d'arrêter de les perdre.
03:00Et ça, je pense que c'est vraiment fondamental
03:02dans la façon dont c'est présenté.
03:04Alors justement, dans la façon de présenter les choses,
03:05Mathieu Plagne, il y a un peu un piège sémantique.
03:07On dit parfois, voilà,
03:08l'État va baisser la dépense publique.
03:12D'abord, premièrement, la dépense publique,
03:16il n'y a pas de...
03:17J'allais dire, elle ne va pas sur...
03:19En tout cas, tout le monde, à la fin,
03:21bénéficie plus ou moins de cette dépense publique.
03:22C'est-à-dire que c'est soit des ménages...
03:23Ce n'est pas juste des ménages en moins pour le gouvernement.
03:25Non, mais voilà, ce n'est pas une boîte noire, en fait,
03:27dans laquelle cette dépense publique
03:29irait sur la planète Mars,
03:30et que finalement, si on est touché,
03:32il ne se passerait rien.
03:33Et en réalité, derrière la dépense publique,
03:35soit c'est des services publics,
03:37soit c'est des prestations sociales, en réalité.
03:39Donc c'est des retraités,
03:40c'est un certain nombre d'allocations.
03:42Soit ça peut être des collectivités locales,
03:44soit ça peut être aussi des aides aux entreprises,
03:46voire même des niches fiscales.
03:47Les dépenses fiscales sont dans la dépense publique.
03:50Et souvent, j'ai tendance à dire ça.
03:51C'est-à-dire que tant qu'on reste dans les grandes masses
03:53et qu'on parle de grands chiffres,
03:55et on dit qu'il faut trouver 40 milliards sur la dépense publique,
03:57j'allais dire, ça passe assez facilement.
03:59Les gens sont plutôt d'accord en disant
04:00oui, sur 1 600 milliards ou 1 700 milliards de dépenses publiques,
04:03on trouvera bien 40 milliards.
04:04Et puis, c'est quand on regarde les choses un peu en détail,
04:06quand on va dire,
04:06non, finalement, on ne va pas revaloriser les pensions de retraite,
04:10non, on va peut-être faire des efforts sur les collectivités locales,
04:12non, on ne va pas embaucher de nouveaux fonctionnaires,
04:14on va geler l'indice de fonction publique, etc.
04:17Que là, les choses commencent à être concrètes
04:19et qu'on voit qu'à la fin, derrière,
04:21il y a des ménages qui en bénéficient ou des entreprises.
04:23Et c'est là où les choses deviennent de plus en plus difficiles.
04:26Il y a une sorte de prérequis,
04:27c'est le pas de hausse d'impôts.
04:29Est-ce qu'on peut faire des économies pareilles,
04:31donc on revient aux 40 milliards,
04:32sans augmenter directement ou indirectement les impôts ?
04:35Ça vous paraît possible ?
04:36Tout est possible, ça me paraît difficile.
04:39Difficile, en réalité, pour équilibrer les choses,
04:41parce qu'on voit que souvent les prestations sociales
04:43ou la dépense publique va bénéficier plutôt
04:44aux classes moyennes, voire aux ménages les plus modestes,
04:47et si vous les mettez à contribution les plus riches,
04:49en fait, souvent, ça passe par la fiscalité.
04:51Et donc, dans le jeu d'équilibre, on le voit,
04:53il y a ça, première chose.
04:54Et deuxième chose, c'est aussi une façon de présenter,
04:56à mon avis, des choses qui n'est pas tout à fait juste.
05:00Typiquement, ce qu'on appelle les dépenses fiscales,
05:02c'est-à-dire que c'est des niches fiscales,
05:04c'est intégré dans la dépense publique.
05:05Donc, quand on dit qu'on réduit certaines niches fiscales,
05:08en fait, ça vient à réduire la dépense publique
05:10d'un point de vue juste comptable.
05:11Mais en réalité...
05:12Mais bien sûr, ça augmente l'impôt des...
05:14Par exemple, si vous supprimez l'abattement
05:15de 10% de frais professionnels pour les retraités,
05:18c'est une dépense fiscale, ça va venir réduire la dépense publique.
05:20Mais à la fin, c'est quoi ?
05:21C'est les retraités vont payer plus d'impôts.
05:23Donc, c'est en fait une façon déguisée
05:25d'augmenter les impôts.
05:26Donc, les choses ne sont pas si claires
05:27quand on veut séparer les choses entre dépenses et impôts.
05:30Des fois, en fait, il y a un peu de la sémantique.
05:32Pour or, il n'est à échapper à personne
05:33que ce vote du budget se fera cet automne.
05:36Donc, on sera à 18 mois de la présidentielle.
05:39Est-ce que ça peut changer les comportements ?
05:41Ça peut peser sur les attitudes au moment du vote ?
05:43On le voit déjà dans ce qui s'est passé en novembre dernier.
05:46Et pourtant, on était déjà pas encore aussi proche
05:49de l'élection présidentielle.
05:50En France, le système politique est tout entier tourné vers ça.
05:54On a une polarisation extrême
05:55sur la question de l'élection présidentielle.
05:57Donc, évidemment, tous les partis et d'ailleurs
06:01les personnalités politiques jaugent la situation
06:03en fonction de leurs intérêts et de leur positionnement
06:06par rapport à cette campagne.
06:08Et je dirais d'ailleurs aussi que depuis, finalement,
06:10la dissolution de l'été dernier,
06:13on a un petit peu un flou aussi sur la légitimité.
06:18Notre gouvernement actuel n'a pas les moyens,
06:21véritablement, de sa politique.
06:23Il est obligé de dealer avec les différentes forces politiques
06:26qui se projettent vers cette élection.
06:28Donc, le problème, c'est que ça peut effectivement
06:31causer des difficultés.
06:33Ça peut aussi l'arranger, paradoxalement,
06:35si certains partis veulent solder une situation catastrophique
06:39actuellement pour avoir peut-être des marges de manœuvre
06:41en 2027.
06:42La question de l'élection, c'est-ce qui est un combustible ?
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