00:00Europe 1, il est 7h12, votre invité ce matin, Alexandre Lemaire, c'est Yonatan Arfi, le président du CRIF, le conseil représentatif des institutions juives de France.
00:09Bonjour Yonatan Arfi.
00:11Bonjour.
00:11Beaucoup de questions d'actualité sur lesquelles j'aimerais vous faire réagir ce matin sur Europe 1.
00:16Je voudrais d'abord revenir sur ces mots très forts que vous avez eus dans votre discours, c'est-à-dire juste une semaine, au 39e dîner annuel du CRIF, en présence du Premier ministre François Bayrou.
00:27Vous avez dit, Yonatan Arfi, je refuse qu'en France, les juifs aient à choisir entre leur identité et leur sécurité. On en est arrivé là, aujourd'hui.
00:36Oui, on en est là, parce qu'il faut imaginer ce que sont les doutes des familles juives lorsqu'il s'agit de laisser sortir les enfants avec une étoile de David autour du cou,
00:45lorsqu'il s'agit de se promener avec une kippa sur la tête, avec un signe qui permet de les identifier comme juifs, non seulement dans des quartiers difficiles,
00:53mais aussi, malheureusement, dans beaucoup de quartiers de notre pays maintenant. C'est ça, la réalité des questions auxquelles font face les juifs de France.
01:01Faut-il cacher le fait d'être juif pour pouvoir vivre sereinement dans notre pays ? C'est ça, la difficulté du moment, et en particulier depuis le 7 octobre,
01:11parce qu'il y a eu une libération des discours de stigmatisation des juifs, mais aussi, malheureusement, des passages à l'acte.
01:18Alors, à cette question-là, j'espère qu'évidemment, on sera capable de répondre que non et qu'on peut être librement juif en France.
01:26Mais oui, il y a aujourd'hui des doutes qu'il n'y avait pas avant.
01:28Donc, l'antisémitisme reste effectivement, depuis le 7 octobre 2023, à un niveau très très élevé, Yonatan Arfi.
01:34Vous avez appelé le Premier ministre, François Bayrou, à redonner aux Français juifs confiance dans l'avenir, parce que vous l'avez perdue, cette confiance.
01:43Parce qu'il y a, oui, il y a des doutes, il y a des questions qu'on pensait réserver au passé,
01:47qui imaginaient que les Français juifs s'interrogeraient sur leur capacité à ce que leurs enfants vivent en France.
01:54Nous avons aujourd'hui des familles qui ont le sentiment que leurs enfants ne pourront pas grandir en tant que juifs dans la société française.
02:00Ça n'est pas acceptable, parce que c'est une défaite pour tous les Français.
02:04Le fait que des Juifs doutent de leur capacité à vivre dans ce pays,
02:08eh bien, c'est d'abord le signe du fait que notre pays est dans une forme de faillite démocratique.
02:15Et ça, c'est quelque chose qui est inacceptable, qui menace tous les Français.
02:18Que la communauté juive de France est la première d'Europe.
02:21C'est la communauté, effectivement, la plus nombreuse en Europe.
02:235-600 000 personnes, sans doute, un peu moins de 1% de la population française.
02:28Mais c'est toujours été un symptôme.
02:31C'est-à-dire que quand la condition des Juifs se dégrade dans une société,
02:34c'est toujours le signe d'une société malade,
02:37d'une société qui perd ses valeurs démocratiques fondamentales.
02:41Donc, on en est aujourd'hui là.
02:43Et je crois que notre responsabilité, c'est de tirer la sonnette d'alarme sur cette question.
02:48C'était le sens de mon discours la semaine dernière.
02:49Jonathan Arfi, vous avez entendu cette polémique entretenue par la CGT,
02:53par des élus qui s'opposent à la venue du chanteur Amir.
02:56On rappelle qu'il est franco-israélien, qu'il a été révélé notamment comme finaliste de The Voice,
03:01c'était en 2014.
03:02À la fin de ce mois, c'est 25 et 26 juillet,
03:05il est notamment à l'affiche d'un festival à Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône.
03:09On y voit la CGT ainsi que des élus d'opposition lui reprocher d'avoir servi dans l'armée israélienne,
03:14ainsi que sa complaisance pour les citer avec la guerre en cours à Gaza.
03:17Votre réaction ? On est dans l'amalgame là ?
03:20Leur réaction est un scandale.
03:22D'abord parce que boycotter Amir, c'est pas boycotter Israël,
03:27c'est d'abord boycotter la France et boycotter la paix.
03:29Boycotter la France parce qu'Amir a été le représentant de notre pays à l'Eurovision,
03:33que c'est un grand chanteur français.
03:35et je veux lui exprimer ce matin mon soutien,
03:38comme je crois beaucoup de gens en France qui ne comprennent pas et n'acceptent pas cette polémique.
03:43Et puis c'est boycotter la paix parce que c'est quelqu'un qui a toujours été très engagé sur les questions de coexistence.
03:49Donc je crois que ça démoigne d'abord d'une approche idéologique scandaleuse de la CGT,
03:53une fois de plus, qui a choisi de faire de la question de Gaza une question pour diviser les Français,
03:58d'en faire aussi malheureusement une manière d'hystériser le débat public.
04:03Je ne l'accepte pas et je souhaite que nous soyons nombreux, notre pays,
04:06à apporter notre soutien à tous ceux qui seront visés par ces campagnes de haine, comme Amir aujourd'hui.
04:10Rima Hassan annonce qu'un nouveau bateau humanitaire de la flottille de la liberté va partir dans quelques jours pour Gaza.
04:17Alors on se souvient que sa première tentative il y a un mois,
04:19c'était soldé par son arrestation par Israël au large de Gaza, qu'elle avait mise en scène.
04:25Pour la population de Gaza, c'est pour la population de Gaza qu'elle fait cela ou pour sa propre image, cette eurodéputée insoumise ?
04:32C'est d'abord effectivement pour sa propre campagne de communication, nous le savons,
04:36et les mêmes causes produiront les mêmes effets.
04:38Vraisemblablement, elle ne pourra pas accéder à Gaza,
04:40vraisemblablement, elle choisira de se victimiser puisque ses campagnes n'ont que cet objectif.
04:45Mais surtout, moi, ce qui me gêne davantage que ça, c'est au fond l'instrumentalisation des populations civiles de Gaza,
04:51l'instrumentalisation de leur détresse par quelqu'un qui prétend les soutenir.
04:56Je crois qu'aujourd'hui, une partie de ceux qui se saisissent,
05:01qui brandissent la cause palestinienne de manière aussi caricaturale,
05:05se servent des palestiniens pour leurs propres intérêts, pour leurs propres communications politiques,
05:09comme si c'était une chair à canon électorale.
05:11Eh bien, ça n'est pas acceptable.
05:13La cause palestinienne, si j'ose dire, mérite mieux que Rima Hassan.
05:17Je reviens à votre intervention au dîner du CRIF, Jonathan Arfi.
05:21Vous en êtes pris à la fois à deux personnalités politiques de premier plan,
05:24Jean-Luc Mélenchon et à Dominique de Villepin.
05:27Sur le leader des Insoumis, d'abord, vous dites, pour lui,
05:30nous sommes tous d'extrême droite, cette extrême droite dont il est devenu le plus puissant carburant dans les urnes.
05:36Oui, pour Jean-Luc Mélenchon, effectivement.
05:39Tous ceux qui sont dans la critique de LFI sont d'extrême droite à ses yeux.
05:44C'est son argument massue, celui par lequel il souhaite faire taire toutes les critiques.
05:49C'est l'argument qu'il renvoie sans cesse au CRIF,
05:52alors que d'ailleurs, vous connaissez les positions du CRIF sur l'extrême droite,
05:55donc on n'est pas soupçonnable de ce point de vue-là.
05:57Mais je crois que ça traduit surtout la confusion idéologique qu'il veut entretenir.
06:02Il veut polariser la société française, il veut l'hystériser,
06:05parce qu'il pense que ça n'est que dans cette polarisation qu'il trouvera sa place
06:10et qu'il a une chance d'accéder au deuxième tour de l'élection présidentielle.
06:13C'est ça l'objectif de Jean-Luc Mélenchon.
06:15Tout le reste ne l'intéresse pas.
06:16Vous avez dénoncé aussi, vous dénoncez l'attitude de Dominique de Villepin.
06:20Vous avez eu cette formule marquante quand même.
06:22Vous dites qu'il est devenu un Mélenchon des beaux quartiers, Dominique de Villepin.
06:26Tout à fait, parce qu'il a effectivement avec Jean-Luc Mélenchon
06:29beaucoup de points en commun, beaucoup plus que ceux qu'il veut bien assumer.
06:33D'abord, je rappelle sa visite, pour le moins incongrue,
06:36à la fête de l'humanité l'an dernier,
06:38où il a été accueilli comme une rockstar, surprenant pour quelqu'un qui avait été l'homme du CPE,
06:44qui vient de la droite française.
06:46Donc on a quand même des ambivalences idéologiques chez Dominique de Villepin extrêmement fortes.
06:52Il y a pour lui, chez Dominique de Villepin, également une servilité
06:55vis-à-vis d'un certain nombre de régimes autoritaires, de pétromonarchies.
06:59Je pense au Qatar, bien sûr, mais pas seulement.
07:01Et puis, il y a une forme d'intransigeance absolue vis-à-vis des démocraties,
07:06à commencer par Israël, que l'on retrouve évidemment aussi chez Jean-Luc Mélenchon.
07:11Au-delà de ça, évidemment, les formes sont différentes.
07:14Il y a, chez Dominique de Villepin, une forme de populisme mondain dans l'expression,
07:18de grande élégance dans la forme,
07:20et qui ne traduit pas pour autant davantage de, je dirais,
07:25sur le fond, quelque chose de différent de ce que fait Jean-Luc Mélenchon,
07:31d'où la formule, effectivement, de Mélenchon des Beaux-Quartiers.
07:33Merci, Jonathan Arfi.
07:35Merci à vous.
07:35Président du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France sur Europa.