- 11/06/2025
Dans un hôpital psychiatrique, soignants et patients vivent au rythme des crises, des traitements et des contentions. Une immersion poignante dans l’univers complexe de la maladie mentale et du soin.
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00:00Dans la salle de soins toujours fermée à clé, Régine, infirmière, a souvent besoin d'un petit
00:07sac blanc. Il contient un traitement spécial. On ne l'administre qu'à l'hôpital psychiatrique.
00:14Les contentions, ce sont des sangles. Régine les installe pour un malade qui arrive dans
00:26quelques instants. C'est un schizophrène en pleine crise et comme tous les schizophrènes,
00:31il a le sentiment que son corps et son esprit explosent en mille morceaux. Alors même si ça
00:35peut paraître étonnant, l'attaché lui fait du bien. On va essayer de faire en sorte de bien l'accueillir
00:42surtout. C'est un moment sympa du soin parce qu'on contient le patient donc on le rassemble et on
00:48sait d'ici 24 heures, la crise aura cédé. Rassembler le patient, c'est lui donner à
00:55nouveau le sentiment qu'il ne fait plus qu'un. En l'attachant, il revient plus vite dans la
01:01réalité. Le malade qui arrive est très excité. Pour ne pas prendre de risques, une dizaine d'infirmiers
01:12est là pour l'accueillir car une crise démultiplie la force du malade. Depuis plusieurs jours, ce jeune
01:30homme fait peur à ses parents. Il reste cloîtré dans sa chambre et ne leur parle plus. C'est attaché
01:35au brancard qu'on le sort de l'ambulance. Le jeune homme a l'air impressionné par l'escorte
01:44d'infirmiers. Il est calme en apparence. Régine prépare quelques gouttes d'un puissant médicament
01:50pour détendre le patient. Comme avec tous les schizophrènes, le plus difficile pour la psychiatre,
02:03c'est de faire comprendre au patient qu'il est malade et qu'il a besoin de se faire
02:07soigner.
02:09Vous acceptez de prendre un traitement par la bouche. Si vous n'acceptez pas, on vous
02:13fait une injection. Il faut que votre comportement soit adapté.
02:22Il faut qu'on comprenne ce qui se passe, qu'on comprenne pourquoi vous inquiétez tout le
02:28monde, alors que vous, vous dites que tout va bien. Il faut qu'on comprenne ce qui vous
02:36arrive.
02:36Pourquoi est-ce qu'on dit qu'il est difficile de communiquer avec moi ?
02:39C'est le fait qu'on n'arrive pas à parler avec vous. Vous n'arrivez pas à entendre
02:42ce qu'on vous dit. C'est ça qui est inquiétant.
02:44Pour Charlotte, la psychiatre, c'est le début d'une longue négociation.
03:00C'est un patient qui est, je pense, assez en colère d'être ici, qui ne comprend pas
03:10pourquoi il est hospitalisé. Et donc, le dialogue était un petit peu compliqué pour
03:14l'instant.
03:15L'équipe de renfort quitte le service. Régine et la psychiatre retrouvent la mère du patient
03:20restée seule dans la salle d'attente.
03:21Malgré toute la détresse de cette mère, faire hospitaliser son fils contre son gré,
03:40ce n'est pas si simple. Pour éviter les internements abusifs, la loi oblige la psychiatre à obtenir
03:46un deuxième avis médical extérieur à l'hôpital.
03:48Au bout du fil, SOS médecin, c'est le moyen le plus rapide pour obtenir le deuxième
03:58certificat. Une demi-heure plus tard, le médecin a déjà vu le patient et aboutit lui aussi
04:04à la même conclusion. L'hospitalisation s'impose.
04:09Moi, j'avoue que ça nécessite quand même qu'on tire des choses au clair.
04:14Que les choses soient tirées au clair, il faut être sûr. Il n'y a pas un risque de passer
04:18à gêne acte.
04:21En quelques heures, le patient a donc vu plusieurs médecins, une psychiatre, des infirmiers.
04:26Il a été admis à l'hôpital à ingurgiter une dose de médicaments. Et même après tout
04:30cela, il reste complètement déconnecté de la réalité.
04:33On vient vous voir un petit moment.
04:41Donc vous avez vu le médecin des SOS médecins ?
04:43La schizophrénie est une maladie mentale encore mal connue. Elle survient le plus souvent à l'adolescence.
05:05Certains ont des hallucinations. D'autres entendent des voix ou se sentent persécutées.
05:101% de la population française, soit plus de 635 000 personnes, seraient schizophrènes.
05:16Une maladie incurable qui nécessite un traitement à vie.
05:21Moi, je m'envoie, hein !
05:24Moi, je n'ai pas 12 ans, j'ai 18 ans. Alors, il n'y a pas de problème. Je ne suis pas morte.
05:36Moi, je ne crois pas aux conneries. Des conneries comme ça, moi, évidemment, je n'y croyerai jamais.
05:40Ce n'est pas possible, c'est impossible, puisque je suis médium.
05:43Une maladie qui fait peur, car elle rend certains malades dangereux et difficilement contrôlables.
05:50Nous l'avions déjà constaté il y a quelques années dans cet hôpital psychiatrique.
05:55Karine ?
05:56Ces derniers temps, la schizophrénie fait souvent la une des journaux.
06:05Tout commence en décembre 2004 avec Romain Dupuis, un malade qui égorge deux infirmières à Pau.
06:10Il expliquera qu'il a pris l'une d'entre elles pour un mort vivant.
06:15L'hiver dernier, c'est à Grenoble qu'un autre schizophrène marque l'actualité.
06:21L'attaque a donc été brutale, sanglante.
06:23Un étudiant de 26 ans est mort hier, poignardé par un déséquilibré dans les rues de Grenoble.
06:28L'homme était interné dans un hôpital psychiatrique.
06:31Il a réussi à fuguer, à acheter un couteau avant de passer à l'acte.
06:34C'est la troisième fois qu'il commet ce type d'agression.
06:39Des affaires qui soulèvent de nombreuses questions et relancent le débat.
06:43Sommes-nous en sécurité face aux schizophrènes dangereux ?
06:47Faut-il les enfermer à vie ?
06:49Pour le président de la République, en tout cas, il y a un problème.
06:53Il faut plus de sécurité et de protection dans les hôpitaux psychiatriques.
06:56On ne peut pas laisser seul un patient qui a un besoin manifeste de soins
07:01et qui peut parfois refuser de s'y soumettre.
07:06La sécurité dans les hôpitaux psychiatriques est-elle bien assurée ?
07:11Qui décide d'enfermer les malades ou de les laisser en liberté ?
07:17David, David !
07:23Dans ce service de l'hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu à Lyon,
07:27un patient est en crise.
07:32Qu'est-ce qui se passe, David ?
07:34Si vous avez envie de crier, vous allez dans votre chambre,
07:39vous savez que c'est autorisé, ça vous dégonflera un petit peu.
07:45David est schizophrène.
07:46Ce matin-là, il est un peu énervé.
07:49Depuis la veille, il est obligé de rester en pyjama,
07:51car il a fait une énorme bêtise qui aurait pu très mal tourner.
07:56Alors, il est en pyjama parce que hier soir,
08:00il a essayé de mettre le feu dans sa chambre.
08:03Bon, je n'ai pas eu la relève,
08:04alors vous dire exactement comment ça s'est passé, je ne pourrais pas.
08:08Et donc, automatiquement, ça évite qu'il puisse sortir sans permission,
08:13qu'il puisse aller se mettre en danger dehors.
08:15Ah non, non, non, non, non, non, non, non, ça ne sert à rien, David.
08:24Comme tous les malades, David a été hospitalisé à la suite d'une crise.
08:28Pour tous, l'objectif est de sortir un jour, même après plusieurs années.
08:32La difficulté, c'est de déterminer le bon moment.
08:34Dans ce service, les équipes soignent 40 malades.
08:50Ils ne sont pas tous dangereux, mais tous sont imprévisibles.
08:54En 18 ans, Françoise a répondu aux questions les plus folles.
09:19Alors, vous regardez l'Olympique lyonnais ce soir ?
09:21Être agent de service en psychiatrie,
09:23c'est aussi subir les sautes d'humeur des patients toute la journée.
09:26Non, non, non, non, non, alors moi non plus, ça, je ne suis pas d'accord.
09:34Allez dans votre chambre, s'il vous plaît.
09:36Après, j'envoie l'infirmière.
09:40C'est vrai qu'on est fatigué, on est stressé,
09:43parce qu'on vit quand même des situations difficiles.
09:47Mais c'est tellement intéressant, puis ils sont tellement touchants
09:50qu'on les fasse tous sables.
09:53Alors, qui met la tête ? On va aller regarder ça.
09:56Qui ?
09:56Pour préparer les malades à la sortie,
09:58les infirmières leur apprennent à être autonomes.
10:02Comme dans ce service, les malades ne sont pas considérés comme dangereux,
10:06fourchette et couteau sont en libre accès.
10:13Couteau à droite, fourchette à gauche.
10:15On n'a encore pas imprimé.
10:18Il manque des couteaux, messieurs.
10:22Ils sont volontaires, mais ils mettent deux trucs et puis hop,
10:25ils s'en vont vite après, ils en vont vite à sec.
10:27Une des principales difficultés, c'est de réussir à leur faire prendre leur traitement.
10:34Jean-Louis n'a pas mis la table depuis 20 ans.
10:36C'est son premier jour dans ce service.
10:39Sans perdre une minute, Monique lui apprend à être responsable.
10:42Venez, je vais vous expliquer quelque chose, c'est important.
10:45Ici, pour gérer un petit peu, il faudra que vous appreniez à préparer vous-même vos médicaments.
10:53Vous êtes entrés aujourd'hui, on ne va pas vous le demander.
10:55Je vous les ai préparés.
10:57Mais petit à petit, il faudra retenir vos médicaments,
11:02savoir un petit peu à quoi ça sert.
11:04Le comprimé vert, c'est le plus important.
11:31Il contrôle les hallucinations, les délires et l'agressivité de Jean-Louis.
11:36Mais l'inconvénient, ce sont les effets secondaires.
11:39Somnolence, tremblements, contractures musculaires, fièvre ou encore violents maux de tête.
11:44Il faut donc prendre d'autres médicaments pour contrer les effets indésirables du premier.
11:49Un traitement que les schizophrènes sont obligés d'avaler 4 fois par jour, toute leur vie.
11:55Ça, ça fait dormir.
11:56Non, ça va vous calmer, c'est le licenciat, ça ne va pas vous endormir, ne vous inquiétez pas.
12:01Messieurs, dames, si vous voulez entrer...
12:03Le rapport de force entre malades et soignants est permanent.
12:06Les infirmières doivent toujours montrer qu'elles sont les plus fortes.
12:09On vous demande d'aller là-bas, vous allez là-bas, s'il vous plaît.
12:11Comme ça, on vous aide.
12:12Par exemple, Anthony est contraint de dîner seul, car dans l'après-midi, il a été agressif.
12:16Un peu plus tard, Françoise remet immédiatement en place une malade qui a été familière.
12:36Vous ne me tutoyez pas, c'est le respect que vous devez avoir envers moi.
12:42Laissez-moi finir.
12:43Je ne vous tutoie pas parce que c'est le respect que j'ai envers vous.
12:46Je ne vous le dirai pas, ça comprends.
12:48Alors après...
12:49Vous voyez ?
12:52Vous levez et vous prenez.
12:55C'est pas simple, vous êtes capable, je suis sûre que vous êtes capable.
12:57Si Françoise parle aussi durement, c'est pour canaliser cette femme qui s'est déjà montrée violente envers elle.
13:04En fait, j'ai reçu une bonne claque et ça m'a dégoûté deux cervicales.
13:11Alors c'est pour ça que maintenant, j'essaye de stopper.
13:14Oh Françoise, est-ce que tu peux pas me voter là-bas ?
13:17J'arrive, j'arrive, j'arrive.
13:19Bon Françoise !
13:21Oui, je vais.
13:22J'ai descendu pendant que vous avez encore des dents.
13:25Vous avez arrivé ?
13:26Vous la t'aimais ?
13:27Dans la journée, les malades ne peuvent pas sortir librement de l'établissement.
13:34Ils ont juste le droit de se promener dans le parc.
13:39Rémi, 48 ans, schizophrène, vit ici depuis 10 ans.
13:43Ses balades le conduisent souvent vers l'enclos des biches.
13:46C'est vivant les biches.
13:51Vous venez souvent par les biches ?
13:52Je viens un peu tout en temps pour surcer si j'ai l'impression qu'elle veut pas les biches moi.
13:56Ah bon ?
13:56Sauf que tous les animaux, j'ai tout un aura énorme qui fait pour communiquer avec eux.
14:03C'est même le thérapeutique, les biches.
14:06Quand on se sent mal, on leur apprend quelque chose et ça va être beaucoup mieux.
14:10Là vous vous sentez bien en ce moment ?
14:12Ça va, j'ai une nature engrossée, mais pas tant que ça, pas l'après-midi, les soirs.
14:19C'est plutôt le matin, le matin.
14:21Mais ça va mieux qu'avant, j'ai beaucoup progressé apparemment.
14:26Vous étiez comment avant ?
14:27Cela fait 30 ans que Rémi est malade.
14:33Ça a commencé pendant son service militaire.
14:36Pendant des années, ces crises l'ont rendu violent.
14:39J'ai pris une crise satanique, vraiment fort.
14:44J'ai eu frappé, j'ai eu frappé, je disais.
14:46Ils m'ont attaché et j'ai eu souffert.
14:49J'ai eu souffert.
14:52On aime bien.
14:53Aujourd'hui, Rémi va mieux.
14:55Mais il ne se sent pas encore capable de quitter l'hôpital.
14:58Impossible de savoir dans combien de temps Rémi sera assez autonome pour aller vivre dehors.
15:28La schizophrénie est une maladie faite de lentes améliorations et de rechutes.
15:34Pour éviter les fugues, certains malades restent en pyjama toute la journée.
15:38Précaution supplémentaire, David, celui qui a mis le feu à sa chambre, est accompagné d'une infirmière.
15:43C'est une sortie exceptionnelle.
15:45Je l'ai accompagnée pour prendre un café.
15:47C'est un petit accompagnement comme ça.
15:49Et il doit rentrer parce qu'il n'a pas le droit de sortir du service normalement.
15:55Voilà.
15:56C'est son cadre en ce moment.
15:58Parce qu'il ne va pas très bien.
16:00Et du coup, on a resserré un peu le cadre avec le médecin.
16:04Ça vous manque de ne pas être habillé ?
16:05Non.
16:10Si, ça me manque.
16:10Il est amené votre cigarette.
16:13Beaucoup de schizophrènes estiment qu'ils ne sont pas malades.
16:19Ils n'ont donc qu'une idée en tête.
16:21Fuir l'hôpital.
16:23Une fugue peut très vite semer la panique.
16:25A Noël, un schizophrène qui a déjà tué un homme s'enfuit d'un hôpital marseillais.
16:30Quelques semaines plus tard, un triple meurtrier réussit à fuguer dans les Yvelines.
16:37Heureusement, à chaque fois, ils ont été rattrapés.
16:39De tels flux sont possibles, car un hôpital psychiatrique n'est pas une prison.
16:47A Lyon, il est grand ouvert.
16:50Trois agents de sécurité surveillent les va-et-vient et ils ont l'œil.
16:53Le plus naturellement du monde, l'homme tente de faire croire qu'il est venu en consultation libre.
17:15Sans un mot, le patient démasqué rebrousse chemin.
17:45C'est un peu au feeling, mais bon, il y a pas mal de mouvements ce matin avec des travaux sur l'établissement.
18:02Il y a pas mal de circulation.
18:05Et là, c'est quelqu'un que je n'avais pas vu du tout, que je ne connaissais pas.
18:08Je n'avais pas vu passer ce matin, donc forcément, c'était quelqu'un qui essayait de...
18:13Il faut être vigilant.
18:15Rien que dans cet hôpital, l'année dernière, il y a eu 237 tentatives de fugue.
18:23Près d'une fois sur trois, les patients ont réussi à s'enfuir.
18:27La plupart du temps, ils sont vite rattrapés, mais certains ne sont jamais retrouvés.
18:31C'est pourquoi, jour et nuit, les gardiens ont pour mission de surveiller l'entrée, de répondre aux alarmes incendies et d'inspecter les 25 hectares de parc.
18:40Les 18 agents de sécurité de l'hôpital ne chôment pas.
18:43Mais il est arrivé qu'on retrouve des gens qui dormaient dans le parc.
18:49Alors, ça peut être des anciens patients qui se sentent en sécurité dans l'établissement, qui viennent pour squatter.
18:57Ça peut être des SDF.
18:58Ça peut être, à cette heure, un patient qui, suite à son traitement, s'est endormi dans l'herbe et qui ne se soit pas réveillé.
19:10Ça vous est arrivé d'avoir peur, déjà ?
19:13Comme tout homme sur Terre, on n'est jamais à l'abri de l'agression et de la peur.
19:28Alors, quand ils patrouillent à pied, c'est toujours en binôme, au cas où.
19:38C'est où, mon frère, les quenales ?
19:41C'est mon bonnet, madame !
19:42Pardon ? Qu'est-ce qui se passe, monsieur ?
19:45Alors, c'est mon bonnet !
19:46Oui ?
19:47Mais vous comprenez que dalle de ce que je dis !
19:50Mais je viens de passer !
19:51Mais vous comprenez que dalle !
19:53Monsieur, monsieur, je viens de passer !
19:55Venez voir, on va aller là-bas.
19:57La nuit, pour gérer les crises des 40 patients du service, les infirmières ne sont que trois.
20:03C'est deux fois moins qu'en pleine journée.
20:05Voilà, monsieur, venez, je vais vous raccompagner.
20:07Laissez-moi tranquille !
20:08Bon, je vous laisse.
20:09Je vous laisse.
20:11Allez, je vous laisse.
20:13Laissez-moi tranquille !
20:15Et si la situation s'envenime, les infirmières peuvent appeler des renforts.
20:20C'est un bouton rouge, vous voyez, il y a noté appel à l'aide.
20:23En fait, il y en a trois dans chaque service.
20:25Et nous appuyons dessus lorsqu'on se trouve confronté à un problème grave, en fait, qui peut engager notre vie ou bien celui des patients.
20:36Vous pensez que l'hôpital psychiatrique, aujourd'hui, est en sécurité ?
20:39Je vous répondrai que non.
20:41On se sent forcément toujours en insécurité.
20:44La demande générale, effectivement, consiste à avoir plus de personnel possible.
20:48Il ne faut pas oublier qu'on a affaire à des patients qui sont malades et qui, la plupart du temps, ne calculent pas leur passage à l'acte.
20:58À 23 heures, chaque patient doit regagner sa chambre.
21:10Pour certains, c'est l'un des moments les plus douloureux de la journée.
21:15C'est l'heure où les peurs et les angoisses se réveillent.
21:19Quelques patients préfèrent être enfermés à clé.
21:21Isabelle, vous allez vous coucher maintenant, hein ?
21:24Passez une bonne nuit.
21:26Je vous ferme.
21:27Vous fermez, d'accord.
21:36C'est quoi ce bazar ?
21:37Les peluches, vous allez les mettre où pour pouvoir dormir ?
21:40La nuit dernière, vous étiez par terre.
21:42C'est normal ?
21:43Je sais pas, je sens quelque chose qui est derrière moi, qui me stimule, quelque chose qui est sexuel sous des matelas.
21:51Et ça me fait des choses...
21:54S'il y a un problème pour dormir, vous pourrez toujours en parler avec le médecin, hein ?
22:01Ça fait cinq mois d'un an que ça fait comme ça.
22:04Tous les soirs, la jeune femme dort par terre car ses hallucinations lui font croire qu'elle se fait violer dans son lit.
22:10Alors elle couche ses peluches à sa place.
22:13C'est une meilleure condition pour dormir.
22:14C'est bon, vous voulez me...
22:16Oui, mais ça, vous savez très bien.
22:17Non, mais je dors, je dors comme ça, mais je cherche quelque chose.
22:20Il se passe rien à la nuit, personne ne rentrera dans votre champ.
22:24Là, on va ressortir.
22:25Je vais te donner un tour de clé et vous allez être tranquille.
22:33C'est très calme.
22:34Hein ?
22:35Oui, c'est très calme.
22:36C'est très calme.
22:36On a une petite, très calme.
22:43Le matin, c'est Pierre, l'éducateur, qui réveille les patients.
22:56Céline, tu as vu ?
22:57Ah, c'est bizarre.
22:58Pas encore.
22:59Bon, bah allez, on y va, alors.
23:01On va aller voir.
23:02Ah, c'est bizarre.
23:04Qu'est-ce qui se passe, André ?
23:06Ça pique ?
23:08Elle arrive, Céline, hein, elle m'a dit.
23:11Cela fait des mois que Pierre essaie de la faire dormir dans son lit.
23:18Oh là là, vous avez vu l'heure ?
23:20Mais à chaque fois, la maladie l'emporte.
23:21Coucou.
23:22Vous avez dormi par terre, cette nuit, alors.
23:24Et visiblement, la nuit de la jeune femme a encore été très mouvementée.
23:29Bon, bah alors, je vous attends.
23:30Ah, c'est bizarre.
24:00On ne savait plus comment s'y prendre avec elle.
24:06Et elle est, c'est une fugueuse.
24:09Même des fois, elle est menaçante.
24:10Et moi, je crois qu'il y a eu des choses essentielles.
24:12C'est qu'on a mis un cadre, nous.
24:14On a dit, tel jour, on ferait ça.
24:16Tel jour, on fera ça.
24:17Maintenant, à longtemps, on va dire.
24:19Avant, ça allait jusqu'au clash.
24:24Il a fallu des mois à l'équipe médicale pour la rendre plus sociable.
24:30Il leur faudra peut-être des années pour parvenir à la faire dormir dans son lit.
24:37Cette patiente est encore loin de pouvoir quitter l'hôpital.
24:40L'homme qui décide des permissions et des sorties définitives, c'est le docteur Levant-Nuit, le psychiatre du service.
24:51Où elles sont, les infirmières ?
24:53Ce n'est pas la peine de crier.
24:55Ils sont certainement de quelque part.
24:59Ce matin, le psychiatre veut évaluer Jean-Louis.
25:03Cet homme a déjà passé 20 ans en hôpital psychiatrique.
25:06Ses tentatives de sortie ont toujours échoué.
25:09Mais aujourd'hui, l'entretien va peut-être aboutir à une petite permission.
25:13Comment ça se passe, justement, depuis votre arrivée ?
25:16Oui, ça se passe pas mal, mais je passe la plupart de mon temps vers le salon de télé.
25:22Moi, il me semble que vous vous occupez beaucoup mieux de vous depuis que vous êtes arrivé.
25:26En une semaine, vous avez quand même beaucoup changé vos habitudes.
25:30Non, il n'y a pas eu un grand changement pour vous depuis votre arrivée ici ?
25:33Non.
25:36Des sorties dans le parc tout seul ?
25:38C'est quand même nouveau, ça.
25:46Monsieur Pierre, on va acheter des cigarettes dans un bureau de tabac.
25:50Dans l'avenir, ça serait bien que ce soit vous.
25:52Vous pensez que je pouvais aller chercher des cigarettes ?
25:56Et pourquoi pas ?
25:59Je pensais à la cafétéria, c'était plus simple.
26:02Oui, mais ça ne serait pas mieux de sortir à l'extérieur ?
26:05Selon le docteur Levant-Nuit,
26:08Lorsqu'il laisse sortir un patient comme Jean-Louis,
26:10il ne prend quasiment aucun risque.
26:18Quelle garantie vous avez qui rentre ?
26:23Déjà l'état clinique,
26:24et puis aussi la confiance qu'on peut avoir mutuellement.
26:28Actuellement, si quelqu'un ne va pas très bien,
26:31on ne laisse pas sortir.
26:34Une heure plus tard, Jean-Louis est fin prêt.
26:38Alors, c'est pour votre permission pour acheter vos cigarettes ?
26:42Oui, pour acheter des cigarettes.
26:43Je vais vous accompagner à la caisse.
26:45Je vais vous accompagner à la caisse.
26:46Le médecin, il vous accorde une heure.
26:47À 14h.
26:48Donc là, je le mets non accompagné ?
26:50Oui, non accompagné.
26:52Ce papier rose officialise la sortie
26:54et déresponsabilise l'hôpital en cas de problème à l'extérieur.
26:57Jean-Louis est sous tutelle de l'Etat.
27:01Il est incapable d'avoir un compte en banque.
27:06Ces 630 euros d'allocations adultes handicapés
27:09sont gérés par l'hôpital.
27:12Merci, merci encore.
27:13A tout à l'heure, monsieur.
27:14C'est un grand jour pour Jean-Louis.
27:17Ça fait 5 ans qu'il n'a pas franchi les grilles de l'hôpital.
27:19Bonjour.
27:19Il va acheter ses cigarettes avec Rémi,
27:22celui qui parle aux biches.
27:24Merci, vous de joindrez.
27:29On s'est emplonné partout, ici.
27:38On se casse ?
27:40Contrairement aux idées reçues,
27:42lorsque les schizophrènes sont dehors,
27:44ils sont plus souvent victimes d'agressions que coupables,
27:47car leur comportement dérange.
27:49Rémi, lui, est plus autonome.
28:02Ça fait un an qu'il sort régulièrement de l'hôpital.
28:05Il a même une carte bancaire.
28:07C'est un joli, ça.
28:08Quand on est extérieur, quand on est bien, c'est super.
28:11C'est sûr qu'il nous a bien, le café, là.
28:12Ouais, c'est pas la vie de l'oeil.
28:15Le voilà, la nuit.
28:16Salut, le monde.
28:17Il est bon, il est plutôt bon, là-bas.
28:23Ils sont forts, le café extérieur.
28:24Super, ouais.
28:27Vous savez, je suis comme le Martial,
28:28j'ai toujours un dolbé.
28:29Ouais, ouais.
28:30Bon, cigare, sauf cigare.
28:33C'est qu'on est bien, là, quand même.
28:35Je me sens bien, là.
28:37On est à l'aise, là.
28:39Ouais, c'est bien, c'est le best post.
28:40Il y a deux fous sur la terrasse et nous deux.
28:52Stabilisés par leur traitement et suivis par un psychiatre,
28:55les schizophrènes comme Jean-Louis et Rémi sont inoffensifs.
28:57Mais en revanche, quand il n'y a plus aucun suivi
29:02et que le malade ne prend plus ses médicaments,
29:06ça peut vite tourner au drame.
29:08Romain en sait quelque chose.
29:10Il a bien failli ne plus jamais se promener dans la montagne avec son père.
29:14En 2006, il a été poignardé par un schizophrène en pleine crise d'hallucination.
29:19Il en garde des séquelles.
29:22J'ai toujours une douleur à l'effort, pectorale gauche.
29:25Au bout d'un moment, quand je gonfle mes poumons à fond,
29:28j'ai une espèce de douleur entre les côtes.
29:30Ça, ça ne me le faisait pas avant.
29:32Et bon, je ne sais pas si c'est quelque chose de sérieux,
29:35mais en tout cas, c'est résiduel.
29:41Cette année-là, après un accident de ski,
29:43Romain est hospitalisé à Chambéry.
29:45Une semaine après son admission dans le service d'orthopédie,
29:50un homme de 33 ans qui s'est cassé le pied
29:52est installé dans sa chambre.
29:55La soirée s'est passée de manière plus ou moins normale et cordiale.
30:00Donc on a eu une discussion.
30:02Comment tu t'appelles ?
30:03Ah ouais, pourquoi t'es là ?
30:04Donc bon, discussion très cordiale.
30:08Donc après, je me suis endormi.
30:10Et j'ai été réveillé par une violente douleur au thorax, ici.
30:15Et en fait, quand je me suis réveillé,
30:19il y avait mon voisin de chambre au pied du lit
30:22avec un couteau à la main, plein de sang.
30:24Et moi, avec une cicatrice ici qui pissait le sang, comme on dit.
30:30Et il me disait des...
30:31Mon visage avait complètement changé.
30:33Et puis il me disait des atrocités.
30:35Il me demandait si je voulais mourir tout de suite,
30:38si je voulais qu'il me finisse maintenant
30:40ou qu'il me coupe les couilles, par exemple.
30:43Donc c'est le genre de choses qu'on dit en rigolant à ses potes.
30:46Mais je peux vous dire que quand vous êtes paralysé dans un lit
30:48face à quelqu'un qui est prêt à en découdre,
30:53ça ne fait pas rire, quoi.
30:55Donc là, j'ai par miracle réussi à garder mon sang-froid
30:59et donc gagner du temps jusqu'à ce qu'il y ait une infirmière qui arrive
31:03parce qu'en plus, la sonnette pour appeler l'infirmière ne marchait pas.
31:06Donc j'ai été cloué au lit avec mon agresseur dans la chambre
31:09sans rien pouvoir faire.
31:12Par chance, l'infirmière entend du bruit.
31:14Son bureau se trouve juste en face de la chambre de Romain.
31:17Quand elle entre, elle n'a aucun mal à éloigner le schizophrène.
31:20Il a le pied dans le plâtre et se déplace en fauteuil roulant.
31:24Elle prévient les secours.
31:25Romain passera plusieurs semaines à l'hôpital.
31:27Il en a conservé quelques photos.
31:29Voilà, bah, là, donc j'ai des photos de la réanimation à Chambéry.
31:35Donc, un moment où j'étais à peine conscient.
31:38Là, j'étais encore sous le coup de l'anesthésie.
31:42Romain sait qu'il a eu beaucoup de chance.
31:45Un caillot de sang a stoppé l'hémorragie.
31:47Sans ça, il serait certainement mort.
31:52Romain vit aujourd'hui en Écosse, où il est étudiant.
31:55Un bon champagne.
31:56Son retour, il le fait toujours chez ses grands-parents, avec son père et sa mère.
32:02Bon, bah, la vôtre, hein ?
32:03Allez.
32:03Tchine.
32:04Alors, attention, t'es à toi, Romain.
32:06Tchine, repé.
32:08La famille n'en veut pas à l'agresseur.
32:10Elle sait qu'il est malade.
32:12Mais il y a une question que tout le monde se pose.
32:15Pourquoi ? Mais pourquoi ? Pourquoi ?
32:17Pourquoi est-ce qu'ils ont mis un schizophrène dans ma chambre ?
32:20En fait, l'hôpital savait que le patient était schizophrène.
32:26Ce jour-là, il arrive aux urgences car il a entendu des voix.
32:30Elles l'ont poussé à sauter par la fenêtre de son appartement.
32:33Voilà comment il s'est cassé le pied.
32:35Lorsque sa mère le dépose à l'hôpital, il est toujours en pleine crise de délire.
32:39Il racontait n'importe quoi, quoi.
32:43C'était incohérent.
32:46Il avait peur de tout.
32:47Il avait peur de tout le monde.
32:49C'était vraiment le moment où on avait l'impression que tout le monde voulait le tuer, quoi.
32:54Aux urgences, elle prévient le psychiatre de garde que son fils est schizophrène
32:58et qu'il n'a pas pris son traitement depuis deux mois.
33:02Et donc, il est allé voir si mon fils voulait le reprendre.
33:05Cinq minutes après, il est revenu me voir en me disant que mon fils ne voulait pas sa piqûre.
33:10Donc, ça en est resté là.
33:13Mais ce que je ne comprends pas, c'est que tout psychiatre sait qu'un traitement de la sorte qui est lourd, interrompu,
33:21il y a des risques derrière.
33:22Donc, je ne comprends pas qu'il n'ait rien fait et qu'il l'ait mis avec quelqu'un.
33:26Franchement, je n'ai pas compris.
33:29Quelques heures plus tard, il agresse son voisin de chambre.
33:31Alors, le psychiatre a-t-il commis une erreur ?
33:36Il y a quelques jours, le tribunal administratif de Chambéry a reconnu la faute de l'hôpital.
33:41Quant à l'agresseur, il a été jugé irresponsable.
33:45Comme à chaque fois dans ces cas-là, il n'est donc pas condamné à une peine de prison,
33:49mais envoyé en hôpital psychiatrique.
33:52Au bout de deux ans, son médecin et le préfet ont estimé qu'il pouvait sortir.
33:55Il a juste l'obligation d'y retourner tous les 15 jours pour prendre son traitement.
34:06Les schizophrènes dangereux ne relèvent donc pas de la justice.
34:10Pour les soignés, ils sont placés dans des unités pour malades difficiles.
34:14En France, il y en a cinq.
34:15Ce ne sont pas des prisons, mais cela y ressemble.
34:17A Avignon, le mur d'enceinte s'élève à plus de 5 mètres.
34:21Un grillage et un fossé dissuadent les malades les plus téméraires.
34:25Il est rare de pouvoir filmer derrière cette porte.
34:28Ici, la sécurité est une obsession.
34:33Tous les matins, quand les infirmiers prennent leur service,
34:36ils s'équipent d'un système d'alarme.
34:38C'est le premier geste de leur journée.
34:41Quand on passe sur une porte, par exemple là, venez voir,
34:44on a des capteurs, on a des capteurs, voilà.
34:48Donc chaque fois qu'on passe, ça fait bip, voilà, t'as entendu le bip.
34:52Si on est à l'extérieur, pareil, ça fait un bip.
34:57Ce système est une localisation GPS.
34:59Si Geneviève, l'infirmière, se fait agresser,
35:02ses collègues savent tout de suite où ça se passe.
35:04Donc si jamais il y a une bagarre, qu'on y va,
35:09on appuie sur ce petit bouton là, ça fait un appel général.
35:13On a des pavillons qui sont avec nous et qui viennent à un renfort.
35:19Car derrière chaque porte, il y a un patient dangereux.
35:22Certains ont déjà tué.
35:24D'autres sont incapables de vivre dans une unité classique d'hôpital psychiatrique
35:28et encore moins en société.
35:31Vous avez pris votre douche ?
35:33Chaque malade a une chambre individuelle, toujours fermée à clé.
35:46Eric, tu penses à te lever, il est l'heure.
35:52Ils sont obligés de se lever ?
35:54Ben oui, parce qu'il y a un règlement et il y a le petit-déjeuner qui les attend.
35:58Donc il prend le temps de prendre la douche, ils se lèvent.
36:02Une fois que les patients quittent leur chambre, ils ne peuvent plus y retourner.
36:06Elles sont toutes identiques, rudimentaires et impersonnelles.
36:08On peut s'apercevoir que toutes les tables sont scellées, les tabourets, les chaises,
36:13les lits, les armoires.
36:16Que dans la salle de bain, tout est fixé aussi, pareil.
36:20Il n'y a aucune possibilité d'arracher les tables.
36:23Du moins, ça peut arriver que les portes d'armoires sont arrachées,
36:27donc elles sont enlevées directement, puis on ne les remet pas.
36:31La chambre d'isolement est réservée aux ultra-violents.
36:33Même la porte d'entrée est renforcée.
36:35Bonjour Laurent, ça va ?
36:37Vous avez bien dormi ?
36:38Les infirmiers n'y entrent jamais seuls.
36:41Bien dormi ?
36:41Bonjour Laurent.
36:43Bonjour.
36:43Il y a une piste de sang là, ce matin.
36:45Vous avez un joli vocat.
36:46Bonjour Laurent.
36:47Ça va Laurent ?
36:48Qu'est-ce que t'as fait Laurent encore ?
36:49L'enfant se marchait.
36:52Hé, c'est quoi ? Tu as vu dans la tête que tu as ?
36:55Ce schizophrène a le visage tuméfié.
36:58Il s'est fait ça tout seul la nuit dernière.
37:01Même avec un lourd traitement, il ne peut pas s'empêcher d'agresser les autres
37:04ou de s'en prendre à lui-même.
37:07Tu vas venir avec nous Laurent ?
37:09On va prendre ta douche, ouais, comme ça tu auras le temps de te doucher, d'accord ?
37:12Je vais te donner un pyjama propre.
37:14Ça va aller ?
37:16En chambre d'isolement, il n'y a pas de douche.
37:19Pour que Laurent se lave, les infirmiers l'escortent dans sa chambre.
37:22Une chambre inhabitable depuis qu'il y a ce gros trou dans le mur.
37:27Hop.
37:28Ça va aller ?
37:30Il s'est un peu excité sur le mur et puis il a cassé le mur.
37:35Un coup de tête.
37:37C'est une chose qui arrive.
37:40Tu prends ta douche, tu fais attention, d'accord ?
37:43Discrètement, Franck surveille ce patient à risque.
37:55Là, on regarde s'il se douche bien et s'il ne fait pas de bêtises, vu qu'il est en isolement.
38:00Vas-y, passe.
38:04Ouais, ben attends, tu ne vas pas passer devant tout le monde quand même ?
38:06Si ?
38:08Oui.
38:09Allez, tu es le roi.
38:10Tu n'as pas fait le roi.
38:11Tu es le roi, allez, tiens, parce que tu es là.
38:13Quatre fois par jour, Geneviève distribue les médicaments préparés à l'avance.
38:18Dans ce genre d'unité, les traitements sont bien plus lourds qu'à l'hôpital psychiatrique.
38:23Ça n'a pas été trop long ?
38:25Bon.
38:26On est sauvés.
38:36Chaque patient a ses petites habitudes.
38:39Avec François, il ne faut pas parler.
38:41Sinon, il s'énerve.
38:43Voilà.
38:49Ah, ça t'a fait du pied.
38:50T'as vu ?
38:51Allez, va déjeuner maintenant, mon poulet.
38:54Allez, attends, il y a encore plein de monde derrière toi.
38:57Gaël, lui, fait très attention à ce qu'il prend.
39:00Oh, il est blanc.
39:01Hein ? Ah, je ne sais pas.
39:03Donc, je dégoûte.
39:05Hein ? Je dégoûte.
39:06Je ne sais pas, demande à Christine.
39:07Christine, pourquoi il est blanc, ça, en pastille, ça ?
39:08Ça arrive que des patients ne veulent pas prendre leur traitement.
39:11Oui.
39:11Comment vous faites ?
39:12On appelle Durant-Fort.
39:14Bon, on y arrive quand même.
39:16On essaye de le prendre.
39:18Enfin, moi, pour ma part, j'essaye de le prendre un peu à la rigolade.
39:22Comme là, j'ai dit, tiens, tiens, bu, allez, bois ton pastis, un truc comme ça.
39:25C'est possible, ça marche.
39:26Le puré calcitrant, c'est surtout celui qui est en iso, là, s'il ne veut pas.
39:31Ou alors, il va le prendre et puis il y en a qui le rejettent, aussi.
39:34C'est pour ça que quand on donne les médicaments comme ça, on ferme la porte de la cour et la porte des WC.
39:39Parce qu'ils disent qu'ils vont au WC.
39:41Et pourquoi ils ne veulent pas prendre leur traitement en général ?
39:46Parce que pour eux, les malades psychiatriques, pour eux, ils ne sont pas malades.
39:53Donc, quand on n'est pas malade, pourquoi voulez-vous qu'on prenne des médicaments ?
39:58Jusque-là, c'est logique.
40:00De toute façon, c'est ça ou les injections.
40:02Donc, quand ils en ont pris une ou deux dans les fesses, ils peuvent faire prendre les médicaments.
40:08Les journées sont aussi rythmées par les repas.
40:12C'est la seule fois où tous les patients sont au même endroit, au même moment.
40:16Raison de plus pour redoubler de vigilance.
40:20Il y a de la salade, aussi.
40:22Vous avez distribué que des cuillères, il n'y a pas de fourchette ?
40:25Non, il n'y a pas de fourchette parce que, en fin de compte, c'est uniquement pour des raisons de sécurité.
40:29Donc, il n'y a que des cuillères.
40:36Les patients ne discutent pas entre eux.
40:39Ils mangent dans un silence pesant.
40:54Les médicaments provoquent cette lenteur et ces tremblements.
40:59Mais ce calme est précaire.
41:08Les infirmières le savent.
41:12Au milieu du repas, au fond de la salle, ça dégénère.
41:16Un patient frappe un infirmier.
41:18François est tout de suite maîtrisé et sorti du réfectoire.
41:31François est tout de suite maîtrisé et sorti du réfectoire.
41:46Au moindre accès de violence, la sanction est immédiate.
41:49On l'isole dans sa chambre et on le met en pyjama.
41:51Et François, ce jour-là, ne leur facilite vraiment pas la tâche.
41:59Il se laisse complètement aller.
42:00Allez, le repas François.
42:10C'est ce qu'il s'est passé.
42:13Il ne faut pas faire des gens, ça.
42:14Est-ce que vous avez pris ?
42:15Il était plutôt nique tout à l'heure, François.
42:19Tu restes un charme, oui.
42:23Voilà, tu vas te reposer, monsieur.
42:24Ouais.
42:25Ok.
42:26Il est parti dans les WC.
42:27Il avait pris son verre et sa cuillère.
42:29Je lui ai dit de retourner à sa place et puis il n'a pas accepté.
42:31Et pourquoi il a pris son verre et sa cuillère ?
42:34Pour des raisons infirmiques.
42:36On ne le connaît pas.
42:36On ne le connaît pas.
42:37Ça monte aussi vite que ça descend aussi vite aussi.
42:40Et là, ça pue.
42:41Voilà, c'est ça.
42:42Là, maintenant, c'est calme.
42:43Voilà, là, maintenant, tout va bien.
42:46Puis on peut repartir très vite.
42:47Toujours être sur le qui-vive.
42:52La fin du déjeuner se déroule dans le calme.
42:55Et comme à la fin de chaque repas,
42:58personne ne bouge avant que les infirmiers aient ramassé 15 verres,
43:0115 assiettes et autant de cuillères.
43:08C'est bon, messieurs ?
43:10Merci.
43:11Nicole, c'est bon.
43:11C'est bon.
43:14Dans la journée, l'univers des patients se réduit à la salle commune.
43:17et à la petite cour attenante.
43:21Les activités sont rares.
43:25En moyenne, les malades passent 9 mois en UMD.
43:27Cela fait 4 ans que l'espace des patients s'est plus que réduit,
43:42car la cour est en chantier.
43:44Juste à côté, des ouvriers construisent une nouvelle UMD ultra moderne.
43:50Ici, pas de lacets aux chaussures.
43:51Question encore de sécurité.
43:52Toutes ces restrictions, ajoutées à la puissance des traitements,
44:00finissent par dompter la maladie et ses psychoses.
44:02C'est le cas de Foued, 37 ans.
44:07Il se sent mieux pour la première fois de sa vie.
44:09Dans le passé, je me suis coupé les veines à la gorge.
44:14J'allais vraiment pas bien.
44:16Et depuis que je suis arrivé ici, ça m'a vraiment aidé beaucoup.
44:18Ça me permet d'oublier, d'évacuer mon stress,
44:22de passer mon temps à mieux aller au fond de moi.
44:27Au lieu d'intérioriser, j'extériorise tous les méfaits qu'il y a au fond.
44:33Eric, lui, est très énervé.
44:35Cela fait 6 mois qu'il fait les 100 pas dans ses quelques mètres carrés.
44:38Il vient juste d'apprendre qu'il n'est pas prêt de sortir d'ici.
44:44Et là, je refais 6 mois encore.
44:45Pourquoi ?
44:46Je sais pas, on passait une commission.
44:50C'est la commission qu'il choisit.
44:52Si on est libre, on n'est pas libre.
44:54Et vous vous sentez mieux que quand vous êtes arrivé ?
44:57Non, c'est pareil.
44:58C'est pareil.
45:00Vous le considérez comment ?
45:01Moi, personnellement, plus dangereux.
45:04C'est une commission composée de plusieurs psychiatres qui décident de la sortie des patients.
45:13Protection supplémentaire, le préfet doit aussi donner son accord.
45:17Mais la remise en liberté n'est pas immédiate.
45:19Le malade devra repasser par l'hôpital psychiatrique pour apprendre à vivre en société.
45:23Allez, bon appétit.
45:29Tu veux un bout de fromage ou pas ?
45:31Ah oui.
45:31Ouais ?
45:32D'accord.
45:33Je te remène un bout de fromage.
45:35Mais quand les médecins décident de laisser sortir ce genre de malade,
45:38sont-ils sûrs qu'ils ne présentent plus aucun risque ?
45:40Le docteur Pandelon, psychiatre de l'UMD, évalue régulièrement l'état de chaque patient.
45:46Il est bien content.
45:47Ce jour-là, il veut comprendre pourquoi Laurent a défoncé un mur avec sa tête.
45:53Bonjour Laurent.
45:55C'est le docteur Pandelon qui est là, Laurent.
45:57Bonjour.
45:58Bonjour.
46:00Asseyez-vous un petit peu qu'on regarde.
46:03Venez de ce côté-là.
46:05Allez.
46:05C'est à quel niveau que ça vous fait mal, Laurent ?
46:09Non, ça fait pas mal.
46:10Ça fait pas mal ?
46:10Non, ça fait pas mal.
46:12Est-ce que vous pouvez m'expliquer ce qui s'est passé ?
46:16J'ai dû faire un cauchemar ou je sais pas quoi.
46:20Et au cours de ces cauchemars, qu'est-ce qui se passe ?
46:24Vous vous rappelez pas que vous vous tapez dessus pendant le cauchemar ?
46:28Non.
46:28Non.
46:29Le matin, vous vous souvenez de rien ?
46:31Non, rien.
46:32Vous vous réveillez avec les yeux comme ça ?
46:34Oui.
46:35D'accord.
46:37Et le mur de la chambre, le coup de tête, vous vous rappelez de ça ?
46:41Oui.
46:42Pourquoi ? Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
46:44Non, mais ça, je fais volontairement.
46:47Volontairement ?
46:48Oui.
46:49Parce que les voix qui me commandaient, comme l'habitude d'ailleurs,
46:54ça fait mieux que j'ai dit, boum, puis ça est mieux après.
46:58C'est les voix qui vous disent ?
46:59Oui.
47:00Tape le mur ?
47:01Oui.
47:01Ou tape la tête ?
47:03Tape le mur.
47:07Elles vous disent juste ça, casse le mur avec la tête ?
47:09Oui.
47:13Et vous pouvez pas résister à ça ?
47:18Un jour, Laurent, comme tous les patients, sortira de l'UMD.
47:33Voilà, ouais, vous serez rassurés.
47:34Mais à quel moment sera-t-il apte à vivre à l'extérieur ?
47:37Voilà.
47:38Son psychiatre reconnaît qu'une telle décision est compliquée à prendre.
47:41Ce qu'il faut, c'est que les patients soient plus soignés, pas qu'ils soient plus enfermés.
47:50Après, il y aura toujours, malheureusement, des patients qui fugueront.
47:54Il y aura toujours, exceptionnellement, des patients qui agresseront quelqu'un.
47:58Mais, ça je tiens toujours à le préciser, le risque zéro chez nous en psychiatrie, non seulement il n'existe pas,
48:03mais le risque zéro, ce serait une position paranoïaque, en miroir avec les paranoïaques que nous avons.
48:12En France, les schizophrènes dangereuses sont de plus en plus nombreuses.
48:17Pour être accepté à l'UMD d'Avignon, il y a une liste d'attente de trois mois.
48:23Pour répondre à toutes ces demandes, les pouvoirs publics ont décidé de construire quatre nouvelles unités pour malades difficiles.
48:33Merci d'avoir regardé cette vidéo !
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