At the height of the Cold War, a gutsy group of British Jewish women defies the Soviet Union to champion the rights of persecuted Refusenik Jews seeking liberty in Israel. Known as "the 35s," these extraordinary housewives and mothers organized daring protests, smuggled aid behind the Iron Curtain, and partnered with a covert Israeli agency supporting Soviet Jewry. Risking life and liberty, their clandestine missions galvanized international support, secured the release of key dissidents, and paved the way for the liberation of over a million Soviet Jews. Through interviews, archival footage, and vivid storytelling, this inspirational campaign spotlights the transformative power of grassroots activism, celebrating the resilience and strength of those who refuse to be silenced.
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DiversãoTranscrição
00:00Ils étaient isolés, sans argent.
00:26Nos coréligionnaires en Russie faisaient l'objet de persécutions.
00:30Il était temps d'agir.
00:36Nous, les petites femmes au foyer juif, on se mettait soudain à manifester et à faire du bruit.
00:41On tâchait de rester dans la légalité, mais c'était limite.
00:51Quand on allait en Russie, il fallait être très prudente.
00:55Les murs avaient des oreilles.
00:56J'ai caché les noms dans un poudrier.
01:03Sans ce groupe des 35, nous serions tous morts.
01:07Ça fait presque 40 ans que je n'ai pas raconté cette histoire.
01:36Mon voyage en Russie restera un souvenir inoubliable.
01:44Au moment où j'allais repartir, une femme m'a glissé ce petit bibelot dans la main en me disant « Souvenez-vous de moi et souvenez-vous qu'un oiseau peut voler et un oiseau est libre. »
02:06Cet oiseau ne m'a jamais quitté depuis.
02:10C'est le seul objet que j'ai rapporté de Russie.
02:13Et je chéris ce petit oiseau.
02:20Ce voyage ne m'a pas véritablement changé.
02:23Mais en rentrant, je me suis sentie privilégiée d'être libre.
02:28J'ai eu une enfance agréable.
02:35Je me sentais totalement acceptée.
02:38Le judaïsme était important pour ma famille, qui était très traditionnelle.
02:44Je ne sortais jamais le vendredi soir.
02:48C'était notre soirée en famille.
02:50J'avais beaucoup d'oncles, de tantes, de cousins.
02:54On célébrait toutes les fêtes religieuses ensemble.
02:59C'était bien.
03:01Idéal même.
03:15J'ai grandi pendant la Seconde Guerre mondiale à Londres.
03:19Hélas, ma mère est morte à cette période.
03:23Et mon frère, ma sœur et moi avons été balottés de foyer en foyer.
03:31Enfant, ça ne nous paraissait pas si terrible.
03:34Mais ça l'était.
03:37J'avais 4 ans quand la guerre a éclaté.
03:39Et 11 quand elle s'est achevée.
03:42Et même si nous n'étions pas responsables de l'Holocauste,
03:45de ce qu'on appelle la Shoah,
03:47nous avions tous la sensation atroce
03:50que personne n'en avait fait assez.
03:53Personne n'a arrêté les trains pour Auschwitz.
03:56Personne n'a arrêté les forces en action.
03:58J'ai demandé à mon père
03:59pourquoi il n'avait pas fait plus.
04:02Il m'a dit,
04:02on avait une guerre à mener.
04:04C'était sa réponse.
04:05J'ai entendu parler de l'Holocauste par ma tante.
04:12Elle était à Auschwitz.
04:15Et quand elle a quitté le camp,
04:17elle n'avait pas de chaussures.
04:20Il y avait une femme à la grille
04:22qui lui a dit,
04:25prenez mes souliers.
04:27Moi, je ne survivrai pas.
04:29J'étais au courant pour l'Holocauste.
04:37C'est quelque chose qu'on ne peut pas oublier.
04:40Et puis, nos co-religionnaires en Russie
04:42faisaient l'objet de persécutions.
04:43Alors, on s'est dit qu'il était temps d'agir.
04:46L'antisémitisme a toujours été une composante
05:00des sociétés d'Europe de l'Est.
05:03Pas seulement de l'Union soviétique,
05:06qui était officiellement athée.
05:09Éliminer la religion était censée aider la population
05:12à se libérer des chaînes du capitalisme.
05:16L'URSS a voulu convertir son peuple à l'athéisme,
05:21souvent de force,
05:22en réprimant les pratiques religieuses.
05:23Devant la réaction des juifs du RSS
05:45à la création de l'État d'Israël en 1948,
05:48les dirigeants soviétiques ont compris
05:51qu'ils faisaient allégeance à Israël
05:53et non à leur propre pays.
05:56Et ça, c'était inacceptable.
06:00Les juifs du RSS se sont retrouvés
06:02de plus en plus sous pression,
06:04culturellement, politiquement et socialement parlant.
06:08Les représentants de la culture juive étaient réprimés.
06:10S'ils contrariaient le KGB,
06:14une campagne de harcèlement était menée contre eux.
06:17Et ils se faisaient arrêter pour des motifs fallacieux,
06:20accusés de trahison, d'activités antisoviétiques,
06:23voire d'actes criminels.
06:24Raïssa Palatnik est devenue un symbole.
06:33Elle était bibliothécaire
06:34et son crime, c'était de vouloir se rendre en Israël.
06:39Elle a été arrêtée pour des motifs inventés de toutes pièces.
06:43Par chance, un membre de sa famille
06:45a réussi à diffuser l'information.
06:47Raïssa était ma sœur,
06:56mon modèle et mon amie.
06:58On était très proches.
07:03Elle s'intéressait beaucoup au judaïsme.
07:06Elle voulait étudier l'hébreu.
07:08Moi, j'étais très loin de tout ça.
07:13Après ses études,
07:17elle a décidé de devenir bibliothécaire.
07:20Je crois qu'il n'y a pas un seul livre
07:22qu'elle n'ait pas lu.
07:24Elle consacrait toute sa vie aux livres.
07:30Un jour, en rentrant à l'appartement,
07:36j'ai vu des gens chez nous
07:37et je lui ai demandé qui c'était.
07:40Elle m'a dit,
07:41ils ont l'intention d'aller en Israël avec moi.
07:44On étudie l'hébreu.
07:47J'ai répondu,
07:48si papa la prend,
07:49il va nous tuer.
07:50Je ne partirai pas avec toi.
07:52Je reste ici.
07:53Et elle a dit,
07:55tôt ou tard,
07:56on ira tous là-bas.
08:00Au bout de quelques mois,
08:05deux agents du KGB sont venus chez nous
08:07et ont fouillé tout l'appartement.
08:10Ils ont trouvé du matériel
08:12avec lequel elle transcrivait
08:13tout ce qui concernait Israël.
08:16Il n'en fallait pas plus.
08:17Ils l'ont mise en prison.
08:27Un vendredi après-midi du mois de mai,
08:31mes quatre enfants prenaient leur bain
08:33et mon amie Barbara Obermann,
08:36qui habitait au bout de la rue,
08:38m'a dit,
08:39une certaine Raïssa Palatnik
08:41a été jetée en prison
08:43et personne ne sait où elle est.
08:46Il faut faire quelque chose.
08:49Je me suis demandé
08:50ce que je pouvais bien faire,
08:52moi,
08:53avec mes quatre petits dans leur bain.
08:55Elle a dit,
08:57on voudrait faire un sit-in
08:58devant l'ambassade de Russie
08:59pour se faire entendre.
09:03Mes enfants allaient
09:04dans trois écoles juives différentes.
09:06J'ai téléphoné à toutes les mères
09:07que je connaissais
09:08et on a décidé
09:09de faire une grève de la faim
09:11pendant 24 heures.
09:12On s'est mises d'accord
09:14pour s'habiller en noir
09:15et on a prévenu la presse
09:17qu'on était
09:1835 femmes de 35 ans
09:20en grève de la faim
09:21pour une femme juive
09:23de 35 ans également
09:25emprisonnée en Union soviétique.
09:29On a contacté la presse
09:31à maintes et maintes reprises.
09:33Un jour,
09:35l'employé qui a décroché
09:37a dit à l'un de ses collègues,
09:40oh, c'est encore
09:41le groupe des 35.
09:44C'est devenu notre nom.
09:45On avait atteint notre but,
09:47faire parler de nous
09:48à la télévision,
09:50à la radio
09:50et dans les journaux.
09:52Pour nous,
09:52c'était réussi
09:53et à partir de là,
09:55j'ai continué.
09:59Le lendemain matin,
10:00quelqu'un a reçu
10:02un appel d'Odessa
10:03disant que les parents
10:05de Raisa Palatnik
10:06avaient eu le droit
10:07de lui rendre visite
10:08en prison.
10:10Imaginez un peu
10:11ce qu'on a ressenti.
10:13On ne pouvait plus
10:14s'arrêter.
10:15Il fallait continuer
10:16et c'est ce qu'on a fait.
10:18C'est ce qu'on a fait.
10:19La guerre des six jours
10:34est une attaque préventive
10:35lancée par l'État hébreu
10:36contre les États arabes voisins
10:38parce qu'il était persuadé
10:40que ces pays déployaient
10:41leurs troupes
10:42pour l'envahir
10:43et l'anéantir.
10:46L'équipement militaire
10:47des pays arabes
10:48reposait sur une importante
10:49technologie russe.
10:51Tanks, avions, missiles,
10:53armements,
10:54tout était fourni
10:54par l'Union soviétique.
10:56Mais Israël a remporté
10:58une victoire sans appel
10:59et éliminé
11:00la menace perçue.
11:11Après la guerre des six jours,
11:15tout a changé
11:16et les juifs du RSS
11:17se sont interrogés
11:18sur ce que ça signifiait
11:20d'être juif.
11:20Avons-nous une histoire ?
11:24Un passé ?
11:25Quel en est le sens ?
11:26La renaissance juive
11:29qui a suivi
11:29est en grande partie
11:30la conséquence
11:31de ce conflit.
11:34Les juifs se sont dit
11:35« C'est le moment.
11:36On en a assez
11:36d'être opprimés
11:37et de cacher notre judéité. »
11:39Et ils ont déposé
11:40des demandes de visa
11:41pour quitter le pays.
11:41Dès lors,
11:43ils ont eu des ennuis
11:44car ça voulait dire
11:45qu'ils contestaient
11:46leur nation
11:46et ils ont été
11:47immédiatement pris pour cibles.
11:49À partir du moment
11:50où ils demandaient
11:51un visa,
11:52ils perdaient leur emploi,
11:53leurs enfants pouvaient
11:54être renvoyés de l'école.
11:56Et ce n'était pas tout.
11:57Si on n'avait pas de travail,
11:58on était considéré
11:59comme un parasite.
12:01Donc, il fallait absolument
12:02trouver un travail.
12:03Alors, il y avait
12:05de grands ingénieurs
12:06ou d'éminents professeurs
12:07qui se retrouvaient
12:08réduits à balayer les rues
12:09uniquement parce qu'ils
12:11avaient demandé
12:11à émigrer.
12:13Ces gens à qui on a
12:14refusé un visa de sortie
12:16ont été appelés
12:17les réfuseniques.
12:20Tandis qu'on militait
12:21encore pour Raisa,
12:23d'autres cas
12:24nous sont parvenus.
12:27Je travaillais
12:32dans les relations publiques.
12:33Alors, j'ai compris
12:34qu'on devait lancer
12:35un mouvement
12:36qui soit cohérent
12:37et pérenne
12:38si on voulait contrer
12:39le gouvernement soviétique.
12:45Ayant été mannequin,
12:47je savais qu'une bonne photo
12:48avait plus de poids
12:49que mille mots.
12:51On avait eu droit
12:52à des petits entrefilets
12:53que personne ne lisait
12:54dans les dernières pages
12:56du journal.
12:56Mais quand ces clichés
12:58formidables ont été pris,
12:59ils ont été publiés
13:00en une
13:01et les gens ont lu
13:02les articles.
13:03On mettait
13:04nos plus beaux
13:05déshabillés
13:06et on se postait
13:08sur un camion
13:09qui faisait le tour
13:10de l'ambassade américaine
13:11à Grosvenor Square.
13:14Quand les gens
13:15ont vu
13:15de jolies femmes
13:16habillées tout en noir
13:17qui manifestaient
13:18dans Fleet Street
13:19ou ailleurs,
13:20d'autres nous ont rejointes
13:21et le mouvement
13:22a pris de l'ampleur.
13:26Petit à petit,
13:27des groupes
13:27se sont montés
13:28dans tout le pays
13:29et même à l'étranger.
13:30c'est devenu
13:31international.
13:33Les Irlandaises
13:34étaient formidables,
13:35notamment parce
13:36qu'elles avaient
13:36du bagon.
13:42C'est Doreen Gainsford
13:44qui a été un déclic
13:47pour moi.
13:49J'avais des enfants
13:50en bas âge,
13:51je n'avais pas une minute,
13:53mais en tant que communauté,
13:54on ne pouvait pas faire
13:55autrement que de se mobiliser
13:56pour aider.
14:01Les femmes ont créé
14:04un comité dynamique
14:05ici.
14:07On faisait énormément
14:08de collecte de fonds
14:10et dans un second temps,
14:12on est devenus
14:12plus militantes.
14:15On a passé beaucoup d'heures
14:16devant l'ambassade
14:17à scander des slogans,
14:19à brandir des pancartes.
14:22On devait alerter
14:23la population irlandaise
14:24sur cette situation.
14:27On se retrouvait
14:29chez les unes
14:29ou les autres
14:30et on discutait
14:31stratégie et marche
14:31à suivre.
14:33Certaines femmes
14:33avaient des bébés,
14:34elles les prenaient
14:35avec elles.
14:38Parfois,
14:39on se réunissait
14:40le matin,
14:40parfois le soir,
14:41selon nos obligations,
14:43si le dîner du mari
14:43était prêt
14:44et si les enfants
14:45étaient couchés.
14:46Il fallait prendre
14:47tout cela en compte
14:48puisqu'on restait
14:49avant tout
14:49des femmes au foyer.
14:50La plupart du temps,
14:54on manifestait
14:57en pyjamas rayés
14:58et on mettait
14:59des bonnets de bain blanc
15:01pour symboliser
15:01un crâne rasé.
15:05Dès qu'il y avait
15:06un événement
15:07en lien avec la Russie,
15:09on y allait,
15:10quel que soit
15:11le lieu de Dublin
15:11où il se déroulait.
15:12on se postait
15:18à l'extérieur
15:18et on offrait
15:20aux gens des fleurs
15:21avec un message
15:24disant qu'on représentait
15:25des personnes persécutées
15:27pour leur religion
15:28et parfois même
15:29déportées en Sibérie.
15:33La manifestation
15:36qui reste gravée
15:37dans mon esprit,
15:38c'est celle
15:39du 2 juin 1977.
15:42J'étais enceinte
15:45de 9 mois
15:46et avec mon pyjama rayé,
15:49mon bonnet de bain
15:49et ma pancarte,
15:51j'ai défilé
15:51devant l'ambassade russe.
15:54De là,
15:55je suis allée
15:55directement à la maternité
15:57où mon bébé est né
15:58quelques heures plus tard.
16:00Ma fille Suzy
16:02et ma petite
16:02réfusenique.
16:03J'ai souvent été impressionnée
16:24de voir comment des filles
16:26tout à fait charmantes
16:27pouvaient se métamorphoser.
16:29Tout à coup,
16:31elles développaient
16:32une force nouvelle
16:33parce qu'elles avaient
16:35constaté que
16:35quand on s'exprimait,
16:37on était entendus.
16:39Alertés sur le fait
16:40que les juifs
16:41étaient persécutés
16:42et jetés en prison,
16:44c'était notre mission.
16:47On a vite compris
16:48qu'il fallait obtenir
16:49des informations
16:50de première main.
16:52Il y avait un groupe
16:55en Israël
16:55qui s'appelait Nativ,
16:59ce qui veut dire
17:00chemin.
17:02Il s'agissait
17:02d'une branche
17:03du Mossad Ali Abed,
17:05un organisme
17:06qui avait aidé
17:06les juifs
17:07à fuir l'Europe nazie
17:08en 1939-1940
17:10et à venir
17:11s'installer en Palestine.
17:14Nativ
17:14s'occupait des gens
17:17qui voulaient quitter
17:18l'Union soviétique.
17:19Quand Nativ
17:23et le groupe
17:24des 35
17:25ont entendu parler
17:26l'un de l'autre,
17:28l'entente
17:28a été immédiate.
17:31Nativ
17:32a été créé
17:34en 1952
17:35au sein du service
17:36de renseignement israélien.
17:39Notre but,
17:40c'était d'entrer
17:41en contact
17:41avec les juifs
17:42d'Union soviétique
17:43pour savoir
17:44s'ils avaient l'intention
17:45de venir en Israël.
17:46On a abouti
17:50à la conclusion
17:50qu'ils quitteraient
17:51volontiers le pays
17:52s'ils le pouvaient.
17:54Alors Nativ
17:55a lancé une campagne
17:56pour le droit
17:56des juifs
17:57à l'émigration,
17:58ce qui n'était pas simple
17:59pour une organisation
18:00secrète comme la nôtre.
18:03D'une part,
18:05Nativ échangeait
18:06des informations
18:07avec les militants
18:08juifs
18:08d'Union soviétique.
18:10Les gens prenaient
18:11beaucoup de risques.
18:12Et d'autre part,
18:14on a mené
18:14une campagne
18:15de sensibilisation
18:16à l'Ouest.
18:21On a envoyé
18:22des agents
18:23en Angleterre,
18:23en France,
18:24en Italie,
18:25aux États-Unis,
18:26en Argentine.
18:27Le représentant
18:28de Nativ
18:28en Grande-Bretagne
18:29était un homme
18:30plein de ressources,
18:31du nom
18:31de Ijo Rager.
18:36Officiellement,
18:36Rager était
18:37un diplomate
18:37de l'ambassade
18:38d'Israël.
18:40En réalité,
18:40il avait été nommé
18:41pour s'occuper
18:42spécifiquement
18:42de la campagne
18:43pour les Juifs
18:43soviétiques.
18:45Il avait été
18:46journaliste,
18:47il s'y connaissait
18:48en relations publiques.
18:50Il avait compris
18:50que le groupe
18:51des 35
18:51pouvait grandement
18:52participer
18:53à sensibiliser
18:54la population
18:55et à aider
18:56les réfuseniques.
18:59J'étais en lien
19:00avec Rager
19:01parce que je présidais
19:02le comité universitaire
19:03pour la communauté
19:04juive soviétique
19:05qui recueillait
19:06les informations
19:07les plus récentes
19:08sur les réfuseniques.
19:10Mon travail
19:13consistait
19:14à me rendre
19:15tous les lundis
19:15matin dans nos locaux
19:16de Golders Green
19:17pour informer
19:18les autres
19:19des derniers développements
19:20et leur décrire
19:21les problèmes
19:22que rencontraient
19:22les candidats
19:23à l'émigration.
19:26Ijo nous aidait
19:28beaucoup.
19:29On était un groupe
19:30de femmes
19:30qui essayaient
19:31d'agir
19:31et lui nous apportait
19:33son expérience,
19:35ses idées
19:35et des informations
19:37sur les gens
19:37qui étaient emprisonnés.
19:40Rien ne transitait
19:41jamais par l'ambassade.
19:42Quelqu'un appelait
19:43Doreen,
19:44puis Doreen
19:45nous appelait
19:45et on se mobilisait
19:47rapidement.
19:48Ça fonctionnait
19:48comme ça.
19:53On a organisé
19:55une manifestation
19:56pour dénoncer
19:57la façon
19:58dont les Juifs
19:58du RSS
19:59étaient traités
20:00et le fait
20:00qu'ils en étaient
20:01réduits
20:01à balayer les rues.
20:03Ça a été
20:04l'une des plus marquantes.
20:05Tous les soirs,
20:08on était devant
20:09la salle
20:09où se produisait
20:10le Bolshoi.
20:11On ne perturbait
20:12pas le spectacle,
20:14mais on était
20:14là à chaque
20:15représentation.
20:17On avait demandé
20:17à des chauffeurs
20:18de taxi
20:18de mettre
20:19des tutus.
20:20C'était amusant
20:21à voir.
20:21On n'était pas
20:22agressives.
20:23On était des femmes
20:23respectables.
20:24On tâchait
20:25de rester
20:25dans la légalité,
20:27mais c'était limite.
20:29L'une de nos actions
20:30a eu lieu
20:30au cimetière
20:31de Highgate
20:31à Londres.
20:33Une délégation
20:34russe
20:34devait venir
20:35le visiter.
20:36On s'est cachés
20:37derrière les pierres
20:37tombales
20:38avec un drap
20:39blanc sur la tête.
20:40Quand la délégation
20:41est arrivée,
20:42on a surgi
20:43de derrière
20:43les tombes.
20:44C'était du jamais vu.
20:45Ça a fait
20:46la une
20:46de tous les journaux.
20:48Une autre
20:49de nos actions
20:50consistait
20:51à suivre
20:52l'ambassadeur
20:52soviétique
20:53partout
20:54où il allait.
20:56On savait
20:57que l'ambassadeur
20:58devait se rendre
20:59à une exposition
20:59de photos
21:00et nous,
21:01on essayait
21:01d'obtenir
21:02la libération
21:03d'un détenu.
21:04En marchant
21:05dans la rue,
21:06j'ai vu
21:06un magasin de chapeaux
21:07avec un modèle
21:08ravissant en vitrine.
21:10Je suis entrée
21:11et j'ai demandé
21:11au gérant
21:12de me le prêter
21:13deux heures
21:13en lui expliquant
21:14pourquoi.
21:16Il m'a dit
21:16« Avec plaisir,
21:17prenez-le ».
21:18Je suis arrivée
21:19à l'exposition
21:20avec ce couvre-chef
21:21sublime.
21:22L'ambassadeur
21:24est venu
21:24me demander
21:25qui j'étais.
21:26J'ai sorti
21:27la photo
21:27du détenu.
21:28Il ne s'y attendait
21:29pas du tout.
21:31L'une de nos
21:32plus grosses actions
21:32s'est déroulée
21:33à Portsmouth
21:34quand le croiseur
21:35soviétique
21:35est arrivé.
21:37On avait déployé
21:37une armada
21:38de petits bateaux
21:39avec des slogans.
21:40Notre démarche
21:41était facétieuse
21:42et sérieuse
21:43à la fois.
21:44Et elle créait
21:44des liens solides
21:45entre nous
21:46parce qu'on agissait
21:47et qu'on obtenait
21:48des résultats.
21:48Les gens
21:56étaient impressionnés
21:57de voir que nous,
21:59les petites femmes
21:59au foyer juif
22:00à la vie tranquille,
22:02on se mettait
22:02soudain à militer,
22:04à manifester
22:04et à faire du bruit.
22:07« Où est ta maman ?
22:08Elle manifeste.
22:09Encore ?
22:11Il y a toujours
22:11des manifestations,
22:12ma parole.
22:13C'était comme ça.
22:14On en avait décidé ainsi.
22:16On était quelques-unes
22:17à être vraiment investies,
22:18et toujours partantes
22:19pour agir. »
22:22Cet engagement
22:22perturbait la vie
22:23de famille.
22:24On ne peut pas
22:25le nier.
22:26Malheureusement,
22:27plusieurs femmes
22:27ont même divorcé.
22:29Elles avaient découvert
22:30qu'elles avaient une voix,
22:31qu'elles étaient
22:32de vraies personnes,
22:33pas juste bonnes
22:34à tenir une maison.
22:35Toute personne importante
22:43ou célèbre
22:43qui s'engageait
22:44auprès de nous
22:45ne pouvaient qu'aider
22:46à sensibiliser
22:47l'opinion.
22:50L'un des premiers
22:52à nous avoir soutenus,
22:53c'est Laurence Olivier.
22:55On est allé le voir
22:56pour les pan-offs.
22:57Les pan-offs
22:58étaient danseurs.
23:02Ils ont demandé
23:03à se rendre
23:04en Israël.
23:05Et à partir
23:06de ce moment-là,
23:07ils ont été exclus
23:08de leur ballet.
23:13Un artiste
23:14qui ne peut plus exercer,
23:16sa vie est terminée.
23:18On a dû redoubler
23:19d'efforts
23:19pour les faire sortir.
23:21Et ça a fonctionné.
23:22Et puis,
23:26il y a eu un repas
23:27pour les prisonniers
23:28auquel on a invité
23:29Ingrid Bergman,
23:31vedette de cinéma
23:32international.
23:34Et elle aussi
23:35a été heureuse
23:36de participer.
23:38Il y a eu également
23:39Golda Mare.
23:41Elle était de passage
23:42à Londres
23:42et on a été invités
23:43à la rencontrer
23:44dans un hôtel particulier.
23:46Elle était habillée
23:47en noir.
23:48Elle s'est levée
23:49en disant
23:50« Je tiens à féliciter
23:51ces femmes
23:52toutes de noir ».
23:52Et je suis fière
23:54d'être l'une d'entre elles.
24:04L'Union soviétique
24:07était sensible
24:08aux pressions
24:08parce qu'elle commençait
24:09à avoir des problèmes
24:10économiques
24:11dans les années 1970.
24:13Alors,
24:14pour des raisons
24:15essentiellement financières,
24:16elle a conclu
24:17les accords d'Helsinki.
24:18tout en reconnaissant
24:23la division
24:23territoriale
24:24de l'Europe,
24:25ces accords
24:26engageaient
24:26les États signataires
24:27à respecter
24:28des droits humains
24:29fondamentaux.
24:30Les accords d'Helsinki
24:33constituaient un levier
24:35contre l'Union soviétique.
24:37Ils permettaient
24:37d'exiger
24:38que les citoyens
24:39désireux
24:40de pratiquer
24:40leur religion
24:41puissent le faire
24:42et que les candidats
24:43à l'immigration
24:44soient autorisés
24:45à partir.
24:46Ce sont
24:46des droits
24:47élémentaires.
24:47J'avais l'habitude
25:04d'écouter
25:04la radio
25:05en anglais.
25:06Un jour,
25:07j'ai entendu
25:07une émission israélienne
25:08qui abordait
25:09un sujet intéressant.
25:11Elle parlait
25:11d'un groupe
25:11de jeunes juifs
25:12de Moscou
25:12qui se réunissaient
25:13pour célébrer
25:14ensemble
25:15les fêtes juives.
25:17Il y avait
25:17des cercles
25:17pour apprendre
25:18l'histoire du judaïsme
25:19et plus surprenante encore,
25:22il y avait même
25:22des cercles
25:23pour apprendre
25:24l'hébreu.
25:26J'ai tout de suite
25:27eu envie
25:28d'intégrer ces groupes
25:29et j'ai commencé
25:31mon apprentissage.
25:35Le KGB
25:35avait un service
25:36dédié aux juifs
25:37dont le rôle
25:38était précisément
25:39d'empêcher
25:39ce genre d'initiative.
25:43Je vais vous donner
25:45un exemple concret
25:46de leurs actions.
25:47Vous marchez
25:51dans la rue.
25:53Tout à coup,
25:54une voiture noire
25:55surgit de nulle part.
25:58Vous avancez,
25:59ils vous suivent.
26:01Vous vous arrêtez
26:02eux aussi.
26:03Vous entrez
26:03dans un bâtiment,
26:04ils vous attendent dehors.
26:05Tout ça pour dire
26:06qu'on est là.
26:08A l'époque,
26:16au tournant
26:16des années 1970
26:17et 1980,
26:20les gens considéraient
26:21ceux qui voulaient
26:22émigrer
26:22comme des traîtres.
26:26Parce qu'ils étaient
26:27persuadés
26:27que tous les juifs
26:28voulaient quitter le pays.
26:30Certains russes
26:31ont jugé
26:31que tous
26:32étaient coupables
26:33de trahison.
26:34De nombreux juifs
26:42n'avaient aucun problème
26:43avec le régime soviétique
26:44et vivaient bien.
26:47Mais ceux
26:47qui cherchaient
26:48à partir
26:48étaient souvent
26:49impliqués
26:50dans des activités
26:51clandestines
26:52anti-soviétiques
26:52ou encore
26:54dans l'aide
26:54à l'émigration
26:55des juifs
26:56du RSS.
26:56En 1984,
27:04je courais
27:05un danger immédiat.
27:06Et effectivement,
27:07j'ai été arrêté
27:08quelques mois plus tard.
27:11Les conditions
27:11en cellules d'isolement
27:14étaient si dures
27:15qu'ils s'attendaient
27:16à ce que je craque
27:16dès les premiers jours.
27:19Deux mois et demi
27:20après le début
27:21de ma grève de la faim,
27:22Margaret Thatcher
27:23a demandé
27:24à avoir
27:24des nouvelles
27:24de ma santé.
27:26Pourquoi ?
27:28Le groupe des 35
27:29avait très certainement
27:30sonné l'alerte.
27:33Sans cela,
27:34Margaret Thatcher
27:34ne se serait jamais
27:35intéressée
27:35à mon petit cas personnel.
27:44On avait
27:45dans nos rangs
27:46un homme formidable,
27:48un enseignant
27:49qui parlait russe.
27:50Il consacrait
27:51tout son temps
27:52à passer des coups
27:53de fil
27:53en Union soviétique.
27:54Michael téléphonait
27:58pour recueillir
27:58des informations
27:59directes
27:59qu'il nous transmettait
28:01pour qu'on les relaie
28:01à notre tour.
28:03Il représentait
28:04un maillon essentiel
28:05pour nous
28:05et bon nombre
28:06de réfuseniques.
28:09C'était un réseau
28:09et Michael
28:10avait une longue liste
28:12de contacts.
28:13On pouvait lui demander
28:13téléphone à un tel
28:15et vérifier
28:16s'il lui est bien arrivé
28:16ceci ou cela.
28:18À chaque fois
28:18qu'il appelait,
28:19il recueillait
28:20d'autres renseignements
28:21par la même occasion.
28:22Il pouvait obtenir
28:25pratiquement n'importe
28:26quelle information.
28:27On était sûr
28:28que les autorités
28:29sur place mentaient
28:30puisqu'elles pouvaient
28:31affirmer qu'il n'y avait
28:32aucun problème
28:33alors même
28:33que Michael savait.
28:38Le KGB mettait souvent
28:41nos conversations
28:42sur écoute.
28:44Un jour,
28:45en décrochant le combiné,
28:47quelqu'un a entendu
28:47l'enregistrement
28:48de la conversation
28:49téléphonique
28:50qu'il avait eue
28:51cinq minutes avant.
28:52Vous voyez ?
28:55On m'a dit
28:57d'appeler
28:57Colin Schindler.
28:59Il avait une liste
29:00des premiers réfusenics.
29:03Il a fallu
29:03se demander
29:04comment communiquer
29:05avec eux
29:06et comment agir
29:06puisque dès que
29:08le KGB découvrait
29:09l'identité
29:10des dissidents,
29:11il commençait
29:11par leur couper
29:12le téléphone
29:12avant de confisquer
29:13leur courrier
29:14ce qui fait
29:15qu'on ne pouvait
29:15même plus
29:16leur écrire.
29:20Les réfusenics
29:21devaient aller
29:21à deux heures du matin
29:22au bureau de poste
29:23et nous téléphoner
29:24de là-bas.
29:26On ne disait même pas
29:27quel temps fait-il
29:28ou comment ça va,
29:29juste parler.
29:32Eux disaient
29:32un tel a été arrêté
29:34et ça coupait
29:35parce que le KGB
29:37avait mis les lignes
29:38sur écoute.
29:40Colin avait une liste
29:41des militants
29:42les plus investis
29:43et le vendredi soir
29:44on priait pour eux.
29:46On leur faisait
29:47parvenir des choses.
29:49Quand l'un de nous
29:50se rendait en Russie,
29:51il emportait
29:51des cadeaux avec lui.
29:57Les visites ont commencé
29:58quand les agences
29:59de voyage
30:00ont proposé
30:01des week-ends
30:01à bas prix,
30:03ce qui permettait
30:03de faire de courts
30:04séjours
30:05en Union soviétique
30:06sans se ruiner.
30:09Il y avait
30:10un flux constant
30:11de visiteurs
30:11qui se rendaient là-bas
30:12avec des objets
30:13demandés par les réfuseniques
30:15pour ceux
30:15qui étaient prisonniers.
30:17Ça leur facilitait
30:19grandement la vie.
30:22Ces familles
30:23étaient sans le sou,
30:24notamment les réfuseniques
30:25qui ne travaillaient pas.
30:26Ils étaient
30:27vraiment pauvres.
30:29Alors on bourrait
30:30les valises
30:30avec des vêtements,
30:31surtout des jeans,
30:32des appareils photos
30:33dernier cri
30:34et même parfois
30:34un ordinateur.
30:36On leur laissait
30:37ces articles
30:37pour qu'ils les revendent,
30:39ce qui leur permettait
30:40de survivre.
30:41du rouge à lèvres,
30:44du maquillage,
30:46des cartes postales
30:46suggestives,
30:47tout.
30:48Si on nous demandait
30:49six culottes de femmes,
30:50le plus sexy possible,
30:53on les apportait.
30:55On a compris
30:56que tout cela servait
30:57à soudoyer
30:57les gardiens de prison.
30:58Charanski était vraiment
31:08le plus célèbre
31:09des réfuseniques.
31:11Ses prises de position
31:12contre les autorités
31:13russes faisaient
31:14grand bruit.
31:14Le judaïsme était absent
31:32de mon enfance.
31:34Tout ce qu'on connaissait,
31:35c'était l'antisémitisme.
31:37Et ça,
31:38on n'en manquait pas.
31:38Le jour de la mort
31:46de Staline,
31:46j'avais cinq ans
31:47et mon père m'a expliqué
31:49que c'était une bonne nouvelle
31:50pour nous,
31:50les Juifs.
31:52Mais il a ajouté,
31:53ne le répète à personne
31:55et fait comme tout le monde.
31:56Le lendemain,
32:05je vais à l'école maternelle
32:06et je pleure
32:07avec tous les autres enfants
32:08la mort de notre chef suprême,
32:11le soleil du peuple.
32:13Cette double vie
32:15a continué
32:16jusqu'à ce que je redécouvre
32:18mon identité juive.
32:19J'ai commencé
32:26par dire ouvertement
32:27que je voulais émigrer.
32:29Ensuite,
32:29j'ai participé
32:31à des manifestations
32:31pour la liberté,
32:33la mienne
32:34et celle des autres Juifs,
32:36puis celle du peuple
32:37tout entier.
32:43Bien sûr,
32:43ça voulait dire
32:47qu'on défiait
32:48les autorités,
32:49et qu'on était
32:49constamment fouillés,
32:51interrogés,
32:51arrêtés,
32:52détenus une quinzaine
32:53de jours
32:54et menacés
32:55d'être inculpés
32:55pour haute trahison.
33:00Oh mon Dieu,
33:02Nathan Sharansky.
33:04Si je vous parle
33:05de Nathan,
33:07je dois aussi parler
33:07d'Avital Sharansky.
33:13Nathan a rencontré
33:14son épouse,
33:15Avital,
33:16dans les années 70.
33:17Elle voulait apprendre
33:20l'hébreu.
33:21Ils se sont rencontrés
33:22devant la synagogue
33:23qui était le point
33:24de rendez-vous
33:24des réfuseniques.
33:26Ils se sont mariés
33:27un 4 juillet
33:28et le 5,
33:29les autorités
33:30ont autorisé
33:31Avital à partir.
33:33Elle ne voulait pas
33:33émigrer seule.
33:35Mais Nathan lui a dit
33:36« Vas-y,
33:37je te rejoins très vite ».
33:39Je lui ai promis
33:40qu'en moins de six mois
33:41on serait réunis.
33:43En attendant,
33:44elle pouvait préparer
33:45notre nouveau chez nous
33:46à Jérusalem.
33:47Nous y sommes allés
33:4812 ans plus tard.
34:00Les autorités soviétiques
34:01n'ont pas apprécié
34:02qu'ils soient impliqués
34:03à la fois dans le mouvement
34:04juif et dans le mouvement
34:05dissident.
34:06Elles ont décidé
34:07de sévir
34:07et l'ont arrêtée
34:08pour trahison.
34:09Dans les camps d'enfermement,
34:36les détenus subissaient
34:37des tortures,
34:38le froid
34:39et les travaux forcés.
34:41La déshumanisation
34:43faisait partie
34:43du système
34:44de détention soviétique.
34:47En prison,
34:50je me suis dit
34:50que mon objectif
34:51ne devait pas être
34:52de survivre
34:53mais de rester libre
34:54même si j'étais enfermé.
35:00J'étais coupé
35:01du reste du monde.
35:06Pendant des années,
35:07ils ont confisqué
35:08tout mon courrier.
35:10J'ai dû entamer
35:10une grève de la faim
35:11qui a duré 110 jours
35:13pour qu'ils m'autorisent
35:14à écrire des lettres.
35:15normalement,
35:20on avait le droit
35:21de voir notre famille
35:22une fois
35:23tous les six mois.
35:25Mais sous prétexte
35:26de mauvaise conduite,
35:27je n'ai été autorisé
35:28à voir la mienne
35:29que deux fois
35:30en neuf ans.
35:32Alors l'information
35:33que je pouvais recevoir
35:34était très limitée.
35:36Mais malgré tout,
35:37je savais au fond de moi
35:38que la lutte continuait.
35:39C'est avec une très bonne
35:51amie, Joyce,
35:53que je suis allée
35:53pour la première fois
35:54en Russie.
35:56On a rejoint un groupe
35:58qui partait de Londres
35:59et on a pris un vol
36:00British Airways
36:01pour Moscou.
36:02Ça a été le début
36:04de notre aventure.
36:06Et quelle aventure !
36:08La seule personne
36:11qui était au courant,
36:12c'était mon mari.
36:14Il a dit,
36:15si c'est ce que tu veux,
36:16vas-y,
36:17mais débrouille-toi
36:17pour revenir.
36:20Moi, je voulais
36:22vraiment y aller.
36:24Mais les enfants
36:25étaient petits
36:26et si mes parents
36:27l'avaient su,
36:28ils me l'auraient interdit.
36:31Jamais de la vie.
36:32Imagine si tu ne peux
36:32pas rentrer.
36:33Comment peux-tu être
36:34aussi irresponsable ?
36:36Alors j'ai demandé
36:37à John d'y aller
36:37à ma place.
36:41On a été briefés ici
36:44par quelqu'un
36:45qui venait de Londres,
36:46je crois.
36:48Il nous a donné
36:49quatre noms,
36:50adresses
36:50et numéros de téléphone.
36:53Ces gens voulaient
36:54des cigarettes
36:54et des vêtements chauds
36:56pour les prisonniers
36:57du goulag.
36:58Il fait très froid là-bas
36:59et en hiver,
37:00c'est terrible.
37:00j'imagine qu'il y avait
37:04un risque,
37:06mais le pire
37:06qui pouvait nous arriver,
37:08c'était d'être
37:09renvoyé chez nous.
37:10On fonctionnait toujours par deux.
37:16On ne pouvait pas agir seuls,
37:18c'était trop stressant.
37:19On avait des noms,
37:21des adresses
37:22et un guide touristique.
37:24On emportait
37:25quelques livres
37:26de prières juives.
37:27Ma valise
37:28était remplie
37:29de jeans.
37:30On apportait
37:31beaucoup
37:32de sous-vêtements
37:32thermiques.
37:33On nous en demandait
37:34surtout des grilles,
37:35si possible,
37:37pour les prisonniers
37:37en Sibérie.
37:41Tout cela remonte
37:43à une quarantaine d'années.
37:45Je ne suis pas sûre
37:45d'avoir tous les détails
37:46en tête.
37:51On nous a communiqué
37:52le nom des personnes
37:53à aller voir
37:54et j'ai caché
37:55les noms et adresses
37:56dans un poudrier.
38:00Je les ai mis
38:01sous le miroir
38:02qui se soulevaient
38:03en espérant
38:04que personne
38:05ne trouve le papier.
38:13Je ne me souviens pas
38:14d'avoir été
38:15particulièrement inquiète.
38:17Sharon est quelqu'un
38:17de très fiable.
38:19Je savais qu'au pire,
38:20elle serait de retour
38:21plus tôt,
38:21ce qui m'aurait fait plaisir.
38:23Donc,
38:23je ne m'en faisais pas trop.
38:24On ne savait pas vraiment
38:32ce qui allait se passer,
38:34mais on est sortis
38:35de l'avion,
38:37on a franchi la douane,
38:39on a eu quelques frayeurs
38:40au contrôle.
38:42On pense que c'est
38:43le papier argenté
38:44des paquets de cigarettes
38:45qui a déclenché l'alarme,
38:47mais on est passés
38:47malgré tout.
38:48On avait tous les deux
38:53de bons appareils photos
38:54et on a mitraillé
38:56tout ce qu'on avait
38:56le droit de photographier.
39:02On avait toujours l'impression
39:03qu'on pouvait être
39:04surveillés ou suivis.
39:06C'était assez angoissant
39:08en réalité.
39:13Les enfants étaient petits.
39:14Pour eux,
39:16leur père était
39:17à une conférence médicale.
39:18Voilà tout.
39:20Alors,
39:20si quelque chose
39:21m'inquiétait,
39:22je devais le garder
39:23pour moi.
39:26Dans chaque couloir
39:28de l'hôtel,
39:29il y avait une femme
39:30assise à un bureau.
39:32Dès qu'on revenait
39:33ou qu'on sortait,
39:35elle notait l'heure
39:35de nous aller et venus.
39:40Dans les chambres,
39:41on ne parlait pas.
39:43On s'échangeait
39:44des petits mots
39:44qu'on déchirait
39:46avant de les jeter
39:46dans les toilettes.
39:49Dans notre chambre,
39:51il y avait une horloge
39:52qui reculait.
39:53J'étais sûre
39:54que c'était
39:55à cause des micros.
39:56Il fallait être
39:57très prudente.
39:59Les murs
39:59avaient des oreilles.
40:04En journée,
40:06on faisait
40:06les excursions
40:07prévues avec
40:07le reste du groupe,
40:09que ce soit
40:09au musée
40:10ou autre.
40:11Mais en soirée,
40:12on avait une mission
40:13à accomplir.
40:16Un soir,
40:18le guide nous a dit
40:19qu'il avait des places
40:19pour aller au cirque.
40:21J'ai répondu,
40:22c'est une question
40:23de principe.
40:24Je refuse de voir
40:25des animaux exploités
40:26sur scène.
40:27Et on n'y est pas allé.
40:29Le lendemain soir,
40:30alors qu'il voulait
40:31nous emmener voir
40:32un spectacle du Bolshoi,
40:34Joyce a prétexté
40:35qu'elle ne tenait pas
40:36à voir des hommes
40:36se dandiner en collant.
40:38et on y a échappé.
40:40Il fallait qu'on aille
40:41retrouver nos contacts
40:42dans la nuit noire.
40:46On avait un plan
40:48du métro
40:48qui était compliqué
40:49à comprendre
40:50parce qu'il était
40:51en cyrillique.
40:53Et quand on descendait
40:56à une station,
40:57on ne voyait
40:58qu'une suite
40:58d'immeubles gris
41:00et terres.
41:02C'était toujours
41:03un peu inquiétant
41:04parce qu'on ne savait
41:05jamais sur quoi
41:06ou sur qui on allait tomber.
41:09Un jour,
41:09on s'est perdu
41:10et j'ai dit
41:10« Je ne reverrai plus
41:11jamais David ».
41:13Joyce m'a répondu
41:14« Ne dis pas de bêtises ».
41:16Elle répétait
41:18« On ne va pas
41:19s'en sortir ».
41:20Et moi,
41:21je lui disais
41:21« Mais si,
41:22ne t'inquiète pas,
41:22on va trouver une solution ».
41:24On s'entraidait,
41:25on formait un bon binôme.
41:29À Moscou,
41:31on nous a suggéré
41:32d'aller visiter
41:32une école secrète.
41:35Et là,
41:36il y avait des gens
41:37qui apprenaient l'hébreu.
41:40Je leur ai demandé
41:40pourquoi ils étudiaient
41:41la langue.
41:44Ils étaient sûrs
41:45qu'un jour ou l'autre,
41:46ils pourraient aller
41:47s'installer en Israël
41:48et ils voulaient
41:49s'y préparer.
41:54Ils étaient heureux
41:55d'entendre parler
41:56du monde extérieur,
41:57de la communauté juive
41:58et d'apprendre
42:00qu'on était solidaires.
42:02Parce qu'évidemment,
42:04ils n'avaient pas accès
42:04aux informations
42:05que nous,
42:06on avait.
42:08De savoir
42:08qu'ils n'étaient pas
42:09seuls,
42:10qu'ils n'étaient pas
42:10coupés du monde
42:11et qu'on les soutenait,
42:13c'était très important.
42:16Quelques-uns d'entre eux
42:18parlaient mieux anglais
42:19que les autres.
42:21Ils nous ont raconté
42:22leur situation
42:22et leurs besoins.
42:26Ils nous demandaient
42:27d'aller dans les Beriochka,
42:28une chaîne de magasins
42:29destinée uniquement
42:30aux touristes
42:31avec des devises fortes.
42:32Eux n'y avaient pas accès.
42:36Quand on revenait
42:37à Dublin,
42:38on faisait toujours
42:39un rapport complet.
42:40Les personnes
42:41qu'on avait vues,
42:42où et comment
42:42on les avait rencontrées,
42:44ce dont elles avaient besoin.
42:46Ça permettait
42:47d'organiser
42:47les visites suivantes
42:48qu'elles partent
42:49d'Irlande
42:50ou du Royaume-Uni.
42:51On trouvait que les gens
42:56étaient très accueillants,
42:58résilients,
42:58courageux
42:59et chaleureux.
43:02Ils nous proposaient
43:03toujours quelque chose
43:04quand on allait les voir
43:05et beaucoup nous ont même
43:07offert des cadeaux.
43:08Ils avaient tous
43:09une histoire à raconter.
43:10Le groupe des 35
43:17était le genre
43:18d'organisation
43:19qui voulait
43:19sensibiliser l'opinion.
43:22Elle essayait
43:23d'entretenir
43:23un lien individuel
43:24avec les familles.
43:26Avital a apprécié
43:27leur soutien
43:28dès le départ.
43:28Quand elle a pu
43:32s'exiler,
43:33elle est venue
43:34immédiatement
43:35nous trouver à Londres
43:36en vue de militer
43:37pour son mari.
43:40Elle a fait
43:41un travail
43:42extraordinaire.
43:44Elle a expliqué
43:45la situation
43:46à chaque journaliste
43:47et à chaque membre
43:48du Parlement
43:49jusqu'à ce que
43:50l'affaire parvienne
43:51aux oreilles
43:52de la première ministre.
43:54À ce moment-là,
43:56Sharansky était
43:57au goulag.
43:58Avital était
44:10la meilleure ambassadrice
44:12pour la communauté
44:12juive d'Union soviétique.
44:14C'était une femme
44:15remarquable.
44:17Elle luttait
44:17sans relâche
44:18pour son mari.
44:20Il n'y avait
44:20pas un pays
44:21au monde
44:22qui ne connaissait
44:22pas Sharansky.
44:27Lors de sa
44:28toute première rencontre
44:29avec le président
44:30Gorbatchev,
44:31le président Reagan
44:32lui a dit
44:32« Je ne vous ferai
44:33pas confiance
44:34tant que Sharansky
44:35sera en prison ».
44:36Gorbatchev
44:38en était
44:38au premier mois
44:39de son mandat
44:40et il cherchait
44:41absolument
44:41à changer
44:42l'opinion
44:42internationale
44:43sur l'URSS.
44:46Quelques semaines
44:48plus tard,
44:49ils m'ont transféré
44:50de ma cellule
44:50en isolement
44:51vers un hôpital.
44:52et pendant plus
44:53d'un mois,
44:54ils m'ont nourri
44:55avec des aliments
44:55dont j'avais même
44:56oublié l'existence.
44:58Ils m'ont fait
44:59tout un tas
44:59de piqûres
45:00fortifiantes.
45:03Ensuite,
45:04ils m'ont mis
45:04dans un avion.
45:08Ils m'ont dit
45:08de façon très formelle
45:09que le chef suprême
45:11de l'Union soviétique
45:12avait pris sa décision.
45:14En raison
45:15de ma mauvaise conduite,
45:17indigne
45:17d'un citoyen soviétique,
45:19j'étais déchu
45:20de ma nationalité
45:21et envoyé
45:22en exil.
45:28Je suis descendu
45:29de l'avion,
45:30je suis monté
45:31dans le véhicule
45:32du KGB
45:32qui m'attendait
45:33en RDA
45:33et on m'a conduit
45:35jusqu'au pont.
45:37Là,
45:38l'ambassadeur américain
45:39m'a accompagné
45:40de l'Allemagne de l'Est
45:41à l'Allemagne de l'Ouest.
45:42Anatoly Sharansky,
45:44le campagneur de l'humanité
45:45qui a passé
45:469 ans
45:47dans les prisonniers
45:48et les labor camps
45:48a été relé
45:49dans un exchange
45:50de prison
45:51à la glenica bridge
45:52de Berlin.
45:53Quand Sharansky
45:54a pu quitter le pays,
45:56ça a été mémorable.
46:00Je l'ai accueilli
46:01de l'autre côté du pont,
46:02c'était incroyable.
46:07De là,
46:07je suis allé
46:08à Francfort
46:09où j'ai retrouvé
46:10ma femme
46:10après 12 ans
46:11de séparation.
46:12Je lui ai dit
46:13« Désolé,
46:14je suis en retard. »
46:15Et on est tout de suite
46:16partis en Israël.
46:21J'étais le premier
46:25prisonnier politique,
46:27le premier réfusinique,
46:28libéré par Gorbatchev.
46:30Mais tous nos amis
46:30étaient encore détenus.
46:32Il y avait au moins
46:32400 000 juifs
46:34en Union soviétique
46:35qui attendaient
46:35d'être libérés.
46:36Donc c'était important
46:37de continuer la lutte.
46:38Et c'est pourquoi
46:40nos millions
46:41juifs sont réunis.
46:43Et c'est pourquoi
46:43je...
46:44Le rassemblement
46:46le plus spectaculaire
46:47a eu lieu
46:48quand Nathan-Charanski
46:50a réuni
46:50400 000 manifestants.
46:53Au même moment,
46:55Gorbatchev était
46:55en visite aux Etats-Unis
46:57et Reagan lui a dit
46:58« Monsieur Gorbatchev,
47:00regardez devant vous.
47:01Il y a
47:02un demi-million
47:03de citoyens
47:04qui me demandent
47:05de vous soumettre
47:05la question
47:06de l'émigration
47:07des Juifs soviétiques. »
47:09Mon peuple avait parlé,
47:13c'était indéniable.
47:15Et ça a été
47:15le dernier grand combat
47:17pour la communauté
47:17juive du RSS.
47:20Après ça,
47:22il a dû libérer
47:23tous les réfuseniques
47:24et les détenus.
47:26Deux ans plus tard,
47:27le rideau de fer
47:28est tombé.
47:31400 000 personnes
47:32ont pu venir en Israël
47:33rien qu'en deux ou trois ans.
47:35Ensuite,
47:36il y en a eu
47:36plus d'un million.
47:37Un million de personnes
47:40qui arrivent dans un pays
47:41de 8 millions d'habitants,
47:42ce n'est pas simple.
47:43Ça a posé
47:44un problème d'intégration.
47:47Ces gens venaient
47:48de rejeter
47:49une idéologie de gauche.
47:51Donc,
47:52on avait une communauté
47:53fraîchement arrivée
47:54qui n'était pas très à l'aise
47:55avec la notion
47:55de compromis territorial
47:57et qui recherchait
47:58plutôt une gouvernance
47:59à poignes.
48:01D'ailleurs,
48:02elle a fortement
48:02appuyé la droite
48:03dans le système
48:04politique israélien.
48:07C'était en septembre,
48:12je crois.
48:14J'ai appris par téléphone
48:15que ma mère,
48:16mon père
48:16et Raïssa
48:17allaient venir en Israël.
48:21J'étais très heureuse.
48:22Au bout de deux mois
48:31et demi de grève
48:32de la faim,
48:33je suis enfin passé
48:34devant un juge.
48:36Le KGB avait requis
48:38contre moi
48:39cinq ans d'emprisonnement
48:40plus sept ans d'exil,
48:42mais je n'ai eu
48:43qu'une peine
48:44d'un an et demi
48:44que j'ai purgé.
48:45On ne peut pas
48:50appeler ça autrement
48:51qu'un miracle.
48:56S'il n'y avait pas eu
48:57le groupe
48:58des 35 femmes,
49:00nous serions
49:00tous morts.
49:02Quand j'y repense,
49:11le groupe des 35
49:12m'a apporté
49:13bien plus
49:13que je ne lui ai sacrifié.
49:16Certains nous ont
49:16traité de femmes
49:17au foyer
49:17qui avaient du temps
49:18à perdre,
49:19mais c'est faux.
49:21Élever un enfant,
49:22faire les courses,
49:25c'était barbant
49:26jusqu'à la création
49:29du groupe des 35.
49:30Je crois vraiment
49:33que je suis sortie
49:34transformée
49:35de cette organisation.
49:39J'ai compris
49:40l'importance
49:41des actes
49:42plutôt que des paroles.
49:44C'est en agissant
49:45chaque jour
49:46sans relâche
49:47qu'on peut faire
49:48plier un gouvernement,
49:50même si on ne l'aurait
49:51jamais cru
49:52disposé à écouter.
49:54C'est très important
49:56de savoir
49:56qu'un petit groupe
49:57de gens
49:57peut changer les choses.
49:59donc si vous vous demandez
50:01ce que vous pouvez faire
50:02pour aider des personnes
50:03en difficulté,
50:05même si ce n'est pas
50:06grand-chose,
50:07foncez.
50:10C'est tout ce qui compte.
50:12c'est tout ce qui compte.
50:13C'est tout ce qui compte.
50:14C'est tout ce qui compte.
50:15Sous-titrage Société Radio-Canada
50:19Sous-titrage Société Radio-Canada
50:49Sous-titrage Société Radio-Canada
50:51C'est tout ce qui compte.
50:52Sous-titrage Société Radio-Canada