Face aux incertitudes transatlantiques et à la montée des tensions géopolitiques, la question de la souveraineté numérique revient au cœur du débat. Et si le couple franco-allemand était la dernière chance pour l’Europe de peser dans le jeu ?
00:00C'est notre dernière séquence de l'émission, elle est avec Mathieu Bourgeois. Bonjour Mathieu.
00:11Bonjour Delphine.
00:11Vous êtes avocat, vice-président du Cercle de la Donnée et aujourd'hui vous voulez nous interpeller sur ce rôle
00:17que peut jouer le couple franco-allemand pour réussir cette quête, j'ai envie de dire, d'indépendance numérique de l'Europe.
00:26Tout ça sur fond de turbulences transatlantiques.
00:28Oui, alors Delphine, pour resituer le sujet brièvement, la souveraineté numérique c'est un sujet préoccupant
00:34puisque vous savez, être souverain c'est présider à ses destinées et la question posée c'est
00:38est-ce que nous les Français, les Européens, nous sommes souverains sur les réseaux numériques ?
00:42Est-ce que nous sommes à l'abri des menaces d'espionnage, de captation de valeurs, des puissances étrangères étatiques et non étatiques ?
00:48Alors il est permis d'en douter puisque si on reprend les quatre piliers de la souveraineté, la population et le territoire,
00:53vous savez que les données des Européens sont massivement stockées en dehors de l'Union Européenne
00:56et si on prend les deux autres piliers que sont la puissance et la légitimité politique,
00:59vous savez que les talents, pour une partie en tout cas, sont hors Europe, les talents européens, la puissance et les calculateurs aussi
01:06et la légitimité, vous savez qu'on est envahi de cookies, de CGU, de lois extraterritoriales qui s'appliquent en Europe.
01:12Donc ça a des conséquences tout ça, notamment une que vous connaissez bien qui est la manipulation et l'ingérence dans l'espace informationnel
01:18avec les phénomènes de fake news et de réseaux sociaux et puis aussi une certaine dépendance économique à l'égard des plateformes extra-européennes.
01:24Donc pour ces deux raisons-là, le Cercle de la Donnée et l'Agora 41 ont sorti une étude en 2022 sur la souveraineté numérique en pleine campagne présidentielle.
01:32Je me souviens très bien.
01:33Voilà.
01:33Et précision importante, je le dis parce que le Cercle a été interpellé sur LinkedIn à ce sujet et a répondu,
01:40on a organisé, le Cercle a organisé il y a quelques jours, un événement sur cette étude
01:48en axant les échanges sur le tandem franco-allemand et en intitulant cet événement la souveraineté numérique européenne.
01:54Alors je précise tout de suite pour les auditeurs, puisque c'est un sujet sensible en ce moment,
01:57l'échelle européenne a été jugée pertinente dans cette étude pour rivaliser avec les autres puissances du cyberespace.
02:02Mais les voies politiques pour y parvenir, c'est-à-dire fédération, confédération, coopération, elles sont multiples.
02:09Et bien sûr, on doit peut-être débattu, le Cercle n'a pas pris position sur la souveraineté numérique européenne,
02:13sur la modalité politique de la souveraineté.
02:16Alors cet événement pour terminer, qui a eu lieu le 22 mai, on a eu l'honneur au Cercle de recevoir,
02:20grâce à Philippe Laveau, Jérôme Spinoza, consul général de France à Sarbrück, je vous résumerai ce qu'il a dit,
02:26et puis l'association franco-allemande European Champions Alliance,
02:29avec ses deux responsables, Dominique Tessier et André Avogand,
02:32qui se sont exprimés sur ce tandem, d'ailleurs ils n'aiment pas parler de couple,
02:35ils préfèrent parler de tandem ou de binôme franco-allemand.
02:37Ok, alors justement, rappelez-nous un peu ce qui a été dit lors de cet événement.
02:41Alors, trois constats.
02:42Premièrement, un déficit historique de souveraineté numérique, qui a été exposé par les trois intervenants,
02:47pour premièrement une raison de sous-estimation du sujet dans les années 80-90.
02:52Les Européens ont mis un peu plus de temps que les autres à réaliser que les données avaient une valeur stratégique.
02:56Vous savez, au Cercle, on pense que les données sont le reflet des biens et des personnes.
02:59Je pense qu'en Europe, on a mis un peu de temps à réaliser ça.
03:01Donc quand on a des données clients, en réalité c'est les clients qu'il y a derrière.
03:04Et donc quand on confie tout cela à des opérateurs américains, en réalité ils connaissent très très bien vos clients.
03:09Ils peuvent même à un moment donné, d'une certaine manière, vous bypasser d'une certaine manière.
03:14Deuxième élément de ce premier constat, c'est les racines de cette panne étaient culturelles, économiques et institutionnelles.
03:20Culturel, je viens d'en parler, ce retard.
03:23Économique, en fait il y a un phénomène d'accoutumance et d'acceptation, de résignation en fait, de se dire,
03:29ils ont tellement d'avance, il y a une telle masse, ils font 190 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour Google par exemple,
03:34pour le groupe Google, que nous les Européens économiquement on ne fait pas le poids.
03:37Et donc il y a une forme de résignation qu'il faut peut-être inverser.
03:39Et puis institutionnelle, parce que ce qui est vrai, et ça ça a été dit,
03:42c'est que l'Europe n'est malheureusement pas très efficace dans sa gouvernance.
03:45Et donc ce qui sort, notamment les textes, sont plutôt des entraves que des facilitations
03:49et sont parfois très inintelligibles.
03:52Le deuxième constat, ça a été la nécessité d'un réveil stratégique.
03:55Et le troisième constat, ça a été le rôle structurant du tandem franco-allemand,
04:00avec quelques exemples donnés par le Consul général de France,
04:02notamment la collaboration entre des universités françaises et allemandes, par exemple à Munich,
04:06et aussi le développement d'un cloud souverain, par exemple par le groupe Schwartz.
04:11Alors quelles sont les suites que le Cercle pourrait donner à cet événement
04:15et à ces prises de parole pour favoriser justement ces rencontres franco-allemandes,
04:19faire émerger éventuellement des liens, des partenariats qui vont dans le sens
04:23de cette indépendance numérique européenne,
04:27qui s'appuierait sur donc ce noyau franco-allemand ?
04:30Alors deux idées. Premièrement, on est en train d'en discuter au Cercle
04:33avec l'association Reopen Champions.
04:34Donc premièrement, intégrer dans les groupes de travail du Cercle
04:38des personnalités du monde franco-allemand.
04:40Par exemple, il y a un groupe de travail qui est dirigé par Mathieu Gras,
04:43un des cofondateurs du Cercle, qui est commissaire aux comptes
04:45et qui a un passé dans la data et dans la science de la donnée.
04:48Et bien ce groupe travaille sur les professions réglementées.
04:50Il est question d'intégrer des gens de l'univers franco-allemand dans ce groupe.
04:53En tout cas, on en discute et on en a parlé avec eux.
04:55Ils sont très ouverts.
04:56Deuxième idée, renouveler la tenue d'événements comme celui du 22 mai
04:59sur des sujets de coopération européenne numérique.
05:03Ça, on en a parlé et ça peut être effectivement très important,
05:06très fructueux, qu'on ait des moments comme ça où on se rend compte.
05:09Parce que finalement, ce qu'on a réalisé pendant cet événement,
05:12c'est que les gens, enfin les gens, les personnalités du monde
05:15qui connaissent bien l'économie allemande,
05:16connaissent assez mal en fait le milieu de la tech française et réciproquement.
05:20Et finalement, plutôt que de travailler aux Outre-Atlantique et à l'excès,
05:23peut-être qu'on pourrait travailler à l'Outre-Rhin.
05:25C'est quand même des voisins plus proches.
05:26Et on aurait beaucoup à y gagner.
05:28Merci beaucoup, Mathieu Bourgeois.
05:29Je rappelle que vous êtes avocat et le vice-président du Cercle de la Donnée.
05:33Merci pour vos éclairages très réguliers dans cette émission Smartech.
05:36Merci à vous de nous suivre sur la chaîne Bsmart4Chain.