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  • 21/05/2025
"Dites-lui que je l’aime” est une adaptation sensible du livre éponyme de Clémentine Autain et retrace leurs propres histoires, celles d’enfances abîmées par l’absence d’une mère. Un film fort, qui sonne comme une réparation.
Transcription
00:00Quand on vit un traumatisme, et singulièrement dans l'enfance,
00:04parce que je pense que les traumatismes de l'enfance sont quand même les plus violents, les plus durables,
00:08ça fait vachement de bien de sentir qu'on a des sœurs de vie, en fait,
00:14avec qui on partage la douleur et on partage aussi plein de choses qu'il y a dans ma vie.
00:21Au début, quand on discutait, on discutait aussi beaucoup de comment on était maman,
00:25et on s'est rendu compte qu'on était maman de la même manière,
00:27c'est-à-dire avec beaucoup d'angoisse très similaire, de ne pas y arriver, de vouloir bien faire,
00:32de vouloir absolument être comblé, cette angoisse d'abandon qui est la nôtre,
00:36qui n'est en fait pas celle de nos enfants, mais qu'on ne voulait pas transmettre.
00:38Vous aviez quel âge quand elle vous a abandonné à votre père ?
00:42Neuf mois, je crois. Enfin, pas vraiment abandonné, elle est partie.
00:51N'ayez pas peur de dire abandonné, abandonné.
00:57C'est sans doute comme ça que vous vous êtes sentie.
01:00Je me souviens avoir ouvert le livre.
01:03Donc finalement, je... En fait, à cette époque-là, on ne se connaissait pas si intimement du tout.
01:08Je n'avais aucune idée que notre histoire était si similaire.
01:11Clémentine me dit, j'ai écrit un livre sur ma maman, je te l'envoie.
01:14J'ai ouvert le livre. Je crois que les premiers mots, c'est...
01:17Je t'avais rangé, je m'étais arrangée.
01:21Dès les six premiers mots, j'en ai encore le frisson.
01:25C'est comme... Moi, c'est quelque chose que j'étais totalement enfouie.
01:29C'est comme si elle était mes mots.
01:30Et je peux dire ça sur 97% des chapitres du livre.
01:36C'est comme si elle arrivait à mettre des mots sur des scènes.
01:41Enfin, c'était comme... J'étais sidérée, j'étais stupéfaite.
01:45J'ai fait une plongée dans le livre.
01:47J'ai refermé le livre.
01:49J'étais effondrée.
01:51J'ai appelé mes producteurs immédiatement en disant, moi, je sais...
01:54Parce qu'elle était ma parole.
01:55J'avais une idée de comment filmer, mais je n'avais pas une idée de comment dire.
02:00Et donc, filmer, moi, une enfant qui déambule dans un couloir,
02:03et tout ça, c'est toujours été...
02:05C'est dans mon fantasme, dans mon imagerie.
02:09En revanche, les mots me manquaient.
02:11C'est un film qui raconte une histoire...
02:15J'aimais l'air, qui est celle de Romane avec sa maman et de moi avec ma maman.
02:20Et qui parle, au fond, d'une colère, d'une mémoire défaillante
02:26par rapport à des mamans qui n'étaient pas en état de s'occuper de nous,
02:31qui étaient prises par la dépression, l'addiction.
02:34Et quand nous, on arrive à la maturité, qu'on devient des mamans,
02:38on s'interroge, en fait, sur ces femmes,
02:39et on est peut-être plus en capacité de les regarder non plus seulement comme des mères,
02:44mais comme des femmes qui étaient dans l'incapacité, en fait, de s'occuper de nous.
02:48Donc c'est un cheminement, c'est un film sur un cheminement
02:51et peut-être qui va de la colère au pardon,
02:56mais en passant par plein de biais.
02:59Et je pense que ça interroge beaucoup aussi la mémoire qu'on se fabrique,
03:02parce que la mémoire, elle est construite.
03:04Et nous, on s'est construit plutôt dans l'opposition,
03:06dans l'envie de faire autrement, dans l'envie de s'en sortir.
03:09Et puis à un moment donné, il faut aussi regarder ces failles
03:12et la blessure qu'on a en nous, qui est liée à cette histoire
03:17et qui fait écho à des millions de femmes, en fait, aujourd'hui,
03:20qui sont prises par l'alcool, qui sont prises par la drogue,
03:23qui sont prises par la dépression et qui n'arrivent pas à élever leurs enfants.
03:27Et ça, ça crée des blessures profondes.
03:30Ça crée de la maltraitance.
03:31Et donc ce film, il parle de ça.
03:32Moi, j'étais vraiment, comme spectatrice,
03:37omnibulé par des films comme...
03:39Bon, alors, je vais faire des grandes...
03:41Mais tous les films qui faisaient des portraits de mères comme ça,
03:46vulnérables,
03:48que ça aille d'une femme sous influence,
03:50à Partie Girl,
03:51L'incompris,
03:53Ponette,
03:55L'enfance nue,
03:56enfin, c'est des films qui m'ont...
03:57Et j'ai toujours rêvé de faire un film sur cet enfant.
04:02Il est par brive dans le film,
04:04et j'aurais pu faire tout un film sur filmer une enfance.
04:07Mais j'ai toujours ces films qui m'ont vraiment hanté.
04:12J'ai toujours eu un fantasme,
04:14qu'un jour, je ferais moi-même un film sur cet enfant.
04:17Cet enfant qui, finalement, est le même pour nous deux.
04:22Et je me suis offert la possibilité
04:26de faire ce film un peu fantasmé sur l'enfance blessée.
04:30C'est vous que vous avez envie d'en raconter à travers cette histoire.
04:35Vous êtes...
04:36Comme écrit Pérec.
04:41Une enfant qui joue à cache-cache
04:43et qui ne sait pas ce qu'elle craint ou désire le plus.
04:48Rester cachée,
04:49être découverte.
04:50C'est aussi un cri d'alarme.
04:55Plus vous laissez les femmes dans la souffrance
04:57et dans l'incapacité de résoudre leurs propres failles,
05:01plus vous avez des enfants qui subissent les conséquences de ça.
05:05Et c'est vrai qu'on met beaucoup aussi sur les mères.
05:07On leur met beaucoup sur le dos.
05:09Elles doivent être des bonnes mères.
05:11C'est lourd aussi.
05:13Et là, c'est une époque aussi
05:14où il y avait la tension entre ces femmes
05:16qui cherchaient à être libres.
05:18Et je pense que les deux,
05:19et Maggie et ma mère,
05:21cherchaient à être des femmes libres.
05:22On est en plein post-68.
05:25C'est cette ambiance.
05:26Elles veulent être libres.
05:27Et comment on fait pour être une femme libre
05:28tout en étant une maman suffisamment bonne,
05:31comme dit Winnicott ?
05:33C'est ça l'équation.
05:35Et je pense qu'elles,
05:35elles ont payé un peu les peaux cassées
05:37de quelque chose qui se cherche encore.
05:39Je veux dire,
05:39ce n'est pas du tout simple aujourd'hui non plus.
05:41Et donc, moi, je le vis comme ça.
05:46Et je trouve que le fait qu'il y ait deux histoires,
05:48ça renforce la dimension plus globale
05:54d'un fait de société
05:55qu'il faut regarder en face.
06:11Sous-titrage Société Radio-Canada

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