- 31/03/2025
En avril 1968, Henry Marais, un professeur de la Sorbonne, évoque cette théorie selon laquelle Corneille aurait écrit les pièces de Molière : L’ Affaire Corneille - Molière. Intrigués par ce mystère non encore élucidé, trois étudiants, Alaïa, Arthur et Avrell, décident de mener l’enquête. Tous les éléments trouvent un contre-argument, on tente de les décourager, de les dissuader... jusqu’au moment où une question se pose … Et si quelqu’un ne voulait pas que l’on sache ? Christophe Segura, directeur du Théâtre de la Comédie Bastille et producteur, qui nous dévoile les coulisses de la programmation et les défis financiers d’un théâtre privé.
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00:00Bonjour Christophe Ségura, vous êtes directeur de la Comédie Bastille et aussi producteur
00:09de la pièce L'Affaire Corneille-Molière, merci d'être parmi nous.
00:13Merci Marie-Laure de m'accueillir.
00:15On va d'abord parler un peu de la programmation, comment choisissez-vous les pièces pour la
00:20Comédie Bastille ?
00:21Disons qu'il y a plusieurs vecteurs, moyens pour choisir les pièces, tout d'abord je
00:26reçois des textes, je lis, on organise des lectures et puis après j'ai des projets
00:30qui arrivent déjà montés, mais je pars toujours sur des sujets qui me tiennent à
00:35cœur et au feeling, il faut que le sujet de la pièce m'intéresse et puisse aussi
00:43intéresser les spectateurs.
00:45Est-ce que vous cherchez à ce que le maximum de public soit intéressé des jeunes ou plus
00:51âgés à chaque fois pour chaque pièce ?
00:53Ça dépend les pièces, il y a des pièces qui sont pour un public large et d'autres
00:58pièces qui sont pour un public plus restreint, ça dépend les projets, ça dépend des envies
01:03aussi.
01:04Voilà, des coups de cœur.
01:05Et quand vous parlez d'une équipe montée, c'est-à-dire qu'il y a déjà les comédiens
01:09qui peuvent venir sur scène, ça a déjà été répété et préparé ?
01:13Le texte arrive avec déjà les comédiens, les metteurs en scène, l'équipe a été
01:20formée déjà.
01:21Et à partir de là, on organise ce qu'on appelle de premier temps, c'est une lecture
01:24au plateau pour voir ce que ça va donner le texte en bouche avec les comédiens.
01:27Et vous, en tant que producteur, vous ne produisez pas toutes les pièces qui sont jouées à
01:31la Comédie Bastille, comment vous choisissez en fait ?
01:34En fait, je pense que je dois être l'un des seuls directeurs de Paris à produire
01:37la majorité des pièces qui sont à l'affiche, puisqu'actuellement sur sept pièces qui
01:41se jouent, j'en produis cinq, tout seul.
01:43Après, on ne peut pas tout produire parce que ça a un coût financier conséquent.
01:49Les autres pièces que je ne produis pas, ce sont des projets qui me tiennent à cœur
01:53et qu'ils peuvent se financer eux-mêmes parce qu'ils ont des productions pour les accompagner.
01:56Et il y a un intérêt à être producteur aussi ? C'est lucratif quelque part ? On
02:02entend tellement souvent dire que c'est quand même compliqué d'avoir une pièce rentable.
02:07Est-ce que vous vous y retrouvez en termes de viabilité par pièce finalement en tant
02:11que producteur ?
02:12Alors c'est vrai que c'est un métier dur puisque nous, on est un théâtre privé,
02:15donc on ne fonctionne majoritairement qu'à la billetterie.
02:18Pourquoi déjà ? Parce qu'en fait, je suis directeur de la Comédie Blastive, mais je
02:22suis aussi producteur puisque j'ai une société qui s'appelle Marie du Production depuis
02:25quinze ans où je produis des spectacles sur le Festival d'Avignon et j'organise
02:28des tournées.
02:29Donc mon métier, mon cœur, c'est d'être producteur.
02:31Alors quand on est producteur, on est joueur aussi.
02:33Et l'autre chose, pourquoi tant de production ? C'est parce que les associations sont compliquées
02:38et des fois, il vaut mieux être producteur seul que d'avoir des coproducteurs avec qui
02:43ça ne se passerait pas très bien.
02:44La majorité, c'est parce qu'effectivement, je suis habitué à produire seul des spectacles.
02:50C'est pour ça que j'ai toujours fait comme ça.
02:51Alors c'est vrai que tous ne sont pas viables et que vous connaissez l'histoire, comment
02:55devenir millionnaire en ayant un théâtre ? Il faut d'abord être milliardaire.
02:59C'est bien dit.
03:01Et donc, il n'y a pas de subvention, c'est ça ? Comment ça se passe ? Est-ce que de
03:07temps en temps, vous en avez ? Vous avez des partenariats pour vous aider ?
03:09Alors, partenariat, non.
03:11Par contre, effectivement, on a l'association de soutien au théâtre privé qui nous aide
03:16dans certains cas.
03:17C'est-à-dire qu'en faisant une création, on a le droit à une allocation, ce qu'on
03:24appelle allocation montage.
03:25La STP nous aide sur le montage du spectacle et après, on a ce qu'on appelle l'aide
03:30au déficit.
03:31C'est-à-dire que la STP nous garantit 30% des pertes du spectacle qu'on a créé.
03:38Mais c'est pas une subvention systématique.
03:48Elle n'existe que si on fait de la création.
03:50Oui, je comprends.
03:52Et donc, pour l'affaire Corneille-Molière, c'est pareil, vous avez eu le coup de cœur
04:02pour produire la pièce.
04:03C'est aussi, je crois, la troisième fois que vous produisez des pièces de Marc Tourneboeuf.
04:07C'est parce qu'il y a un feeling entre vous ?
04:09Oui.
04:10Il faut dire que Marc, c'est un jeune auteur puisqu'il vient de fêter ses 30 ans.
04:14J'ai eu l'occasion de le rencontrer à la sortie du Covid en 2021.
04:19On avait fait partie d'un festival où on accueillait une de ses pièces qui s'appelait
04:24Astrid, 12 comédiens qui jouaient pas moins de 50 personnages, 1h45 en alexandrin.
04:28Donc, c'est une grosse gageure pour le théâtre.
04:30Parce qu'il faut rappeler que la Comédie Bastille, c'est un théâtre de 188 places
04:33et qui dit 188 places dans la salle, forcément, les loges ne sont pas adaptées pour des
04:38grosses équipes.
04:39Donc, sur cet événement, c'était très drôle puisqu'on a carrément monté une
04:42loge éphémère à l'extérieur avec une tente pour qu'ils puissent changer ces 12
04:46comédiens.
04:47À partir de là, le spectacle m'a plu et je l'ai produit pendant un an à la Comédie
04:51Bastille.
04:52Suite à ça, j'ai produit cette pièce qui s'appelait Astrid, une deuxième pièce
04:55à lui qui s'appelait L'ambition des damnés.
04:56Et la pièce actuelle, L'affaire Cornet et Molière, en fait, ça a été un peu plus
05:01long.
05:02Ça m'a pris deux ans pour pouvoir la monter.
05:03J'ai assisté à plusieurs lectures, trois lectures, mais après, c'est toujours pareil,
05:07ce n'est jamais le bon moment.
05:08Tout le monde, les acteurs disponibles connaissent la production.
05:11Ça s'est fait pour février 2025 et on est très content parce que ça démarre plutôt
05:16bien.
05:17Ça démarre plutôt bien.
05:18Très encourageant.
05:19Et vous l'avez joué jusqu'à quand ?
05:20Pour l'instant, c'est jusqu'au dimanche 29 juin.
05:22D'accord.
05:23Et Avignon est prévu pour cette pièce ou pas ?
05:25Non, pas pour l'instant.
05:26On va laisser sa chance à Paris.
05:28Effectivement, si ça fonctionne bien, on la prolongera jusqu'à la fin de l'année.
05:31Ah oui, d'accord.
05:32Et quels sont… Est-ce que vous avez des projets futurs déjà ? Est-ce que la programmation
05:36est déjà faite pour la rentrée en septembre 2025 ? Comment vous procédez en fait ?
05:41Alors là vraiment, cette année, j'ai travaillé très en amont puisque j'ai déjà deux
05:45de mes spectacles dont ma création sur septembre qui est déjà prévue.
05:49C'est une pièce sur Diderot-Rousseau qui s'appelle La raison du plus fou, qui est
05:57une pièce de Franck Mercadal avec Franck Mercadal et Grégory Baquet.
06:01Donc, je suis vraiment très heureux d'avoir Grégory au théâtre chez nous puisque Grégory
06:04est sur 50 000 trucs et c'est vraiment toujours compliqué d'avoir un créneau pour qu'il
06:08puisse être disponible sur Paris.
06:10Effectivement, c'est l'un de mes spectacles, donc la rentrée.
06:12Et le deuxième, nous avons la chance d'accueillir Ziz.
06:15Je ne sais pas si vous connaissez Ziz, ce personnage en couleur qui vient de Marseille
06:19et qui est dans Les grosses têtes avec Ruquier, voilà, et qui crée son nouveau spectacle
06:22qui s'appelle Irrésistible à la Comédie Bastille à partir de septembre.
06:25D'accord.
06:26Voilà.
06:27Et en parlant de programmation, puisque je vais faire un petit peu de publicité aussi,
06:29on a un spectacle qui se joue depuis huit ans maintenant.
06:31On a dépassé les 1800 représentations et qui parle de l'évolution des droits de
06:34la femme sur les 60 dernières années, qui s'appelle, et pendant ce temps Simone Veil.
06:38Gros, gros succès.
06:39Après, spectacle nécessaire parce que les droits des femmes, il y a des choses qui ont
06:42été faites.
06:43Malheureusement, il y a encore beaucoup, beaucoup de choses à faire et c'est vraiment un spectacle
06:47qui draine énormément de jeunes publics.
06:49On fait beaucoup de scolaires et de collèges et de lycées sur ce spectacle qui est vraiment
06:54nécessaire autant pour les garçons que pour les filles.
06:57Bien sûr, bien sûr.
06:58Et oui, donc depuis huit ans.
07:00Oui, exactement.
07:01Formidable.
07:02Depuis mai 2017.
07:03Ah oui.
07:04Joli.
07:05Joli succès.
07:06Et en termes d'enjeux financiers, comment trouvez-vous l'équilibre pour, alors les
07:10productions, on a compris que c'était un petit peu compliqué, mais pour le théâtre
07:13lui-même, comment vous fonctionnez en fait ?
07:15On fonctionne à la billetterie.
07:16À la billetterie.
07:17Exactement.
07:18C'est tout.
07:19Oui.
07:20Donc je repris, moi, juste pour avoir un petit peu l'historique, j'ai repris le théâtre
07:22en direction depuis juin 2015.
07:25Donc on est arrivé juste après les attentats de Charlie Hebdo, parce qu'il faut savoir
07:28que la Comédie Bastille se situe aux cinq rues Nicolas Perthes, Charlie Hebdo était
07:32aux dix rues Nicolas Perthes, donc vraiment le sauvetage d'en face.
07:34Et après, malheureusement, on a eu des attentats de novembre du Bataclan.
07:38On s'est vraiment trouvé au milieu de ces deux attentats horribles et il a fallu déjà
07:43dans un premier temps refaire surface parce que le deuxième attentat étant dans une
07:46salle de spectacle, on a perdu du jour au lendemain, on a perdu 90% du public parce
07:52que le public avait eu peur, ce qui est normal.
07:54Donc il a fallu travailler là-dessus, reconquérir un public de quartier.
07:59Donc on a mis en place un tarif professionnel pour les habitants du 11e, donc à 12,50€
08:04au lieu de 39,50€.
08:05C'est moins cher qu'une place de cinéma.
08:06Et ce qui permet en fait du dernier moment, ils se disent tiens, qu'est-ce qu'on fait
08:09ce soir ? Tiens, si on allait au théâtre, ils descendent et ils viennent nous voir.
08:12Ça c'est une bonne chose, très bonne chose.
08:14Est-ce que les entreprises vous aident ou est-ce que vous souhaiteriez qu'elles vous
08:18aident ? Si elles ne le font pas, comment elles pourraient vous aider ?
08:21Alors je vais sortir une phrase que m'a sortie Marc Tourneboeuf, cet auteur jeune talentueux,
08:26en me disant, il faudrait demander à nos chers mécènes qui nous aident pour mécènes
08:32au théâtre.
08:33Effectivement, c'est vrai que tout ce qui est mécénat, c'est plus pour, on va dire
08:37pour tout ce qui est le musée, ou alors c'est les grands théâtres, c'est comme la Comédie
08:44française, l'Hôtel du Châtelet, ils ont des mécènes, mais c'est vrai que nous les
08:46petits théâtres, non, on ne bénéficie d'aucun mécène, sachant qu'en plus ils ont
08:50le droit d'une défiscalisation, comme partout, à 60% je crois, d'autofiscalisation s'ils
08:56aident à une production.
08:57Donc aux entrepreneurs, un bon message, le théâtre privé peut être aidé de façon
09:05intéressante.
09:06Bien sûr.
09:07C'est vrai que c'est la différence entre le public et le privé qui se joue là.
09:12Il y a les subventions et le mécénat pour le public, et en fait rien pour le privé.
09:16On essaye, mais c'est vrai que c'est compliqué.
09:20Qu'est-ce que vous diriez aux spectateurs pour qu'ils viennent voir l'affaire Gornay-Molière
09:26notamment, parce que vous êtes producteur quand même de cette pièce.
09:29Disons que c'est une, ce que j'adore, déjà l'écriture est très jeune, c'est très
09:34dynamique, ça va très vite, on a 5 comédiens sur scène qui jouent 40 personnages, donc
09:38ça va vraiment très très vite, 1h20, et l'avantage de cette pièce, je trouve aussi,
09:42ça a été l'originalité, c'est-à-dire de mettre un musicien en live, donc qui est
09:45là avec le public, et qui fait toutes les musiques de scène et tout le bruitage, c'est
09:50vraiment très intéressant.
09:51Ah oui, ça rythme complètement la pièce.
09:53Exactement, et puis le fait de partir comme ça, de se retrouver en 1968 avec 3 étudiants
09:57qui repartent chercher la théorie de Pierre-Louis en 1919, et ensuite on repart dans les années,
10:02enfin 17e, c'est-à-dire en 1772, à l'époque de Gornay-Molière à Rouen, ça passe d'une
10:08époque à l'autre, d'une rapidité phénoménale, et en plus il y a un jeu de lumière avec
10:12des LED, qui est vraiment très original aussi, puisque ça nous permet vraiment de
10:16découper, comment dire, de créer les ambiances et les lieux en 2 secondes, vous avez une
10:22fenêtre, vous avez la voiture, c'est vraiment hyper bien fait et original.
10:25Oui, oui, c'est très innovant aussi, et est-ce que vous accordez une place particulière
10:31aux jeunes créateurs, aux jeunes metteurs en scène, ou est-ce que c'est selon les
10:35coups de cœur, comme vous le disiez au début ?
10:38Alors, je travaille vraiment majoritairement avec des auteurs vivants, contemporains vivants,
10:43c'est rare d'avoir, que je fasse du classique, après je n'ai pas plus de prédilection
10:48pour l'âge, enfin c'est vraiment les coups de cœur et c'est l'écriture qui
10:52me tient à cœur, après effectivement quand Marc Tourneboeuf, disons que c'est quelqu'un
10:55avec qui je travaillais, c'est un auteur avec qui je travaille depuis 3 ans, enfin
10:57c'est la 3e année que je travaille, pardon, la 3e fois que je travaille avec lui, donc
11:00effectivement il y a des liens qui se créent, c'est plus facile, et quand ça marche bien
11:04avec quelqu'un, comme partout, vous gardez toujours les équipes avec lesquelles ça
11:07fonctionne bien.
11:08Mais sinon il n'y a pas de critères pour du jeunisme, pas du tout.
11:13On ne change pas une équipe qui gagne quoi, c'est un peu ça.
11:16On vous voit très très actif au théâtre, tous les soirs vous êtes présent, vous accueillez
11:21absolument tout le monde, vous faites plein de vidéos pour montrer ce que vous avez fait
11:25de nouveau, comme décoration, vous êtes très investi, c'est presque un sacerdoce
11:30en fait, votre métier.
11:31Non, je ne dirais pas un sacerdoce, c'est une passion, effectivement je suis 7 jours
11:36sur 7 au théâtre, du matin au soir, pour moi l'accueil du public c'est ce qu'il
11:41y a de primordial.
11:42Donc on fait tout au théâtre pour que le public, de toute façon il est là pour passer
11:45un bon moment, pour qu'on les accueille, qu'ils soient accueillis dans les meilleures
11:48conditions et pour venir se distraire et se divertir, puisqu'on est là pour offrir
11:52pendant 1h20 ou 1h30 un sac de décompression, c'est-à-dire qu'il va rentrer dans la
11:57salle, il va s'installer et on va lui faire oublier pendant 1h, voilà un peu plus d'une
12:01heure, les tracas du quotidien.
12:04C'est hyper important pour moi, et ce que je disais, en 10 ans effectivement, j'ai
12:08la chance, et c'est une chance qui a été travaillée avec mes équipes, c'est vraiment
12:11un travail de faire venir au théâtre un public, en plus j'ai vraiment une programmation
12:17très éclectique, vraiment très très large, il y en a pour tous les goûts, et on a la
12:20chance d'avoir un public qui nous suit et généralement quand ils voient nos pièces
12:23ils viennent après voir toutes les autres.
12:24Exactement, c'est ce que je disais souvent, c'est qu'il y a une programmation formidable
12:30à la Comédie Bastille, et on peut les demander, c'est toujours des pièces merveilleuses
12:34à voir.
12:35Et puis l'accueil de vous, de vos équipes, est aussi merveilleuse, il y a le petit bar,
12:41c'est très cosy en plus je trouve.
12:43Merci beaucoup Christophe Ségura, merci infiniment, et on va venir vous voir ou vous revoir à
12:52la Comédie Bastille, et donc c'est ainsi que se termine notre émission, j'espère
12:56que vous allez tous aller voir l'affaire Cornaille-Molière à la Comédie Bastille
12:59qui se joue jusqu'à fin juin 2025, et merci à Christophe Ségura et à Marc Tourneboeuf
13:05et à une prochaine fois pour une prochaine émission, à très vite sur Scènes en Lumière.
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