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Vaincre l'anorexie
Brut
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il y a 6 mois
"C'était comme une drogue, l'anorexie m'a bouffée." Son parcours de guérison, Solène a choisi de le partager dans un documentaire. Réalisé par Juliette Deshormes.
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00:00
Salut, c'est Juliette, et aujourd'hui je voulais vous raconter l'histoire de Solène.
00:03
Solène, elle souffre d'anorexie depuis qu'elle a 13 ans, et aujourd'hui elle en a 18.
00:12
Il y a un an, je suis tombée sur une de ses vidéos TikTok, où elle racontait son quotidien.
00:26
C'était pendant le confinement, et du coup, on s'était rencontré via Zoom.
00:30
J'ai juste demandé de décaler la caméra, ou toi, un tout petit peu.
00:33
On a fait une interview pour Brut ensemble, où elle nous racontait un peu sa maladie.
00:37
Elle m'a raconté les moments difficiles qu'elle avait traversés avec l'anorexie,
00:40
mais à ce moment-là, elle allait beaucoup mieux.
00:42
Quand la vidéo est sortie, elle a touché énormément de personnes,
00:45
et Solène a reçu des centaines de messages de soutien.
00:47
On est restés en contact toute l'année, mais malheureusement, en mai 2021, Solène a rechuté.
00:52
Et en juin 2021, elle est repartie à l'hôpital pour une troisième fois.
00:56
Elle porte une sonde depuis 7 mois, et elle ne peut qu'aller en cours 2 fois par semaine,
00:59
parce que sinon, elle est trop fatiguée.
01:01
On ne s'est encore jamais rencontré, parce que quand on s'était parlé, c'était via Zoom et téléphone.
01:05
Donc pour cette vidéo, je suis allée rencontrer Solène pour la première fois.
01:12
Ça fait trop plaisir de voir, en vrai !
01:15
C'est trop cool !
01:23
Attends, je fais juste mon ménage de mise au point.
01:27
Ok, du coup, là, je suis avec Solène.
01:29
Je suis dans le miroir derrière toi.
01:31
Et là, on est en train de se dire, la dernière fois qu'on a fait la vidéo, c'était quand, du coup ?
01:35
Le 19 février 2021.
01:37
Et aujourd'hui, on est quoi ?
01:39
On est le 16 février 2022.
01:43
Et là, on voit toutes les réactions de mes amis qui avaient vu la vidéo brute.
01:50
J'ai changé en un an !
01:53
Là, tu te sens comment ?
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Comparée à un an.
01:58
Forcément, moins bien.
02:01
Déjà, physiquement, je ne suis plus la même.
02:05
Ça fait depuis que j'ai 13 ans que je souffre de cette maladie.
02:10
Et j'en ai 18 aujourd'hui.
02:12
J'ai eu un traumatisme quand j'avais 12 ans.
02:16
Et je pense que c'est le fait d'avoir pas contrôlé ce traumatisme
02:20
qui a fait que j'ai voulu contrôler quelque chose d'autre dans ma vie quotidienne.
02:24
Et ça a été la nourriture.
02:28
Donc là, il y a mon petit café, mon petit expresso.
02:32
Mais par exemple, le gâteau, je l'ai pas mangé.
02:35
C'est un truc, genre même le sucre et tout, je suis en mode, no thanks !
02:40
Ce qui est dur, c'est que nos propres médicaments, c'est nous-mêmes.
02:45
Comme nous-mêmes, on est nos propres ennemis dans la maladie.
02:55
C'est comme si on était deux personnes.
02:57
Donc il y a le soleil qui est « normal », qui est pas malade,
03:03
qui a envie de vivre, qui a envie de sortir, d'aller mieux, de faire ses études.
03:07
Après, d'être psychologue ou d'être professeure, ça je ne sais pas encore.
03:11
Et le soleil qui est malade, qui me bouffe littéralement en fait.
03:17
Et de l'intérieur comme de l'extérieur, qui est constamment là.
03:21
Et qui prend plus partie dans ma vie que l'eau de solenne « normale » sans la maladie.
03:36
Je fais des TikTok et les gens me disent « Oh, t'es belle ! »
03:41
« Oh, t'es magnifique ! » etc.
03:43
Et du coup, après, il y a d'autres commentaires qui font
03:45
« Mais non, mais il ne faut pas que tu lui dises ça,
03:47
parce qu'après, elle va croire qu'elle est magnifique ! »
03:49
« Mais non, mais il ne faut pas que tu lui dises ça, parce qu'après, elle va croire qu'elle est belle ! »
03:52
Et du coup, elle va continuer dans cette continuité d'être mal,
03:55
et d'être maigre, et d'être squelettique, et c'est moche.
03:59
Parfois, il y a des filles qui mettent en valeur leur maigreur.
04:02
Moi, je ne le fais pas.
04:04
Ou alors, je le fais inconsciemment.
04:06
Mais c'est juste que moi, je suis une fille,
04:09
donc cette soleille « normale » a toujours aimé être coquette,
04:14
se maquiller, être bien apprêtée.
04:20
J'ai toujours gardé ça, même en étant malade.
04:23
Et c'est vrai que parfois, ça peut être pris comme une glamorisation de l'anorexie,
04:30
alors qu'en final, pas du tout, c'est juste prendre soin de soi,
04:33
même dans le plus mal.
04:39
C'est un combat tous les jours sur comment manger,
04:44
combien de calories, combien d'heures je fais de sport,
04:48
au lieu de travailler, au lieu de sortir avec ses potes.
04:52
C'est être détachée du monde.
04:56
C'est perdre la vie, en fait.
04:58
C'est perdre toute vie normale.
05:01
Est-ce que tu prends une petite courgette ?
05:04
Oui.
05:05
Tu as pris tes médocs ?
05:06
Oui.
05:09
Il y a des troubles physiques, clair, pour le malade.
05:14
Il y a des souffrances physiques pour le malade.
05:17
Et il y a...
05:18
Pardon.
05:20
Et c'est la psychiatre de Solène.
05:24
Je peux ?
05:25
Allô, bonjour docteur.
05:27
Avant, j'étais dans...
05:30
Elle est à l'hôpital, elle est à la clinique.
05:32
Elle va sortir, elle sera guérie.
05:34
J'ai mis beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à comprendre
05:37
que cette maladie était extrêmement sournoise,
05:39
qu'elle était imprévisible.
05:41
C'est une maladie psychiatrique et on n'en sait pas grand-chose.
05:44
On voit les conséquences.
05:46
On peut voir même un peu les causes.
05:48
Mais après, il y a la réalité de cette maladie.
05:51
Et ça, c'est...
05:53
Difficile.
05:55
Là, je vais prendre des courgettes.
05:57
Il y a deux semaines, j'en prenais pas
06:00
parce que j'avais peur de ça, entre guillemets.
06:03
Alors qu'en fait, c'est rien.
06:05
C'est juste un légume qui est bon pour toi et tout.
06:09
C'est juste le fait de rajouter quelque chose dans mon alimentation.
06:12
Je pensais que j'allais grossir alors qu'en fait, pas du tout.
06:14
Et pour les proches, c'est compliqué aussi
06:16
parce qu'ils voient que j'avance, mais très, très doucement.
06:23
Qu'est-ce qu'il y a ?
06:24
Je te mets un couteau ?
06:25
Oui, s'il te plaît.
06:26
Enfin, non attends, je n'en ai pas besoin aujourd'hui.
06:29
Tu ne me mets pas de couteau ?
06:30
Non.
06:31
Tiens, ça c'est... Tu sais où c'est ?
06:32
Oui.
06:33
Ok. Merci.
06:35
Elle n'est pas drôle, notre vie.
06:37
C'est...
06:39
A aucun membre de la famille.
06:42
Tout le monde est...
06:44
On est tous prisonniers et victimes de cette maladie.
06:49
C'est difficile de se réjouir de...
06:52
Même une fête de famille, un repas de Noël,
06:56
c'est compliqué.
06:59
Voyager, c'est compliqué.
07:02
Voilà.
07:03
Tout, tout est difficile.
07:07
Hop.
07:08
C'est la machine.
07:09
Et dedans, en fait, vous avez...
07:12
Vous devez accrocher ça.
07:15
Solène porte une sonde.
07:16
C'est un petit tuyau qui passe du nez jusqu'à l'estomac.
07:18
Et ça lui permet de s'alimenter de manière régulière et efficace.
07:22
Et là, il y a le sac à dos pour l'école.
07:26
Et du coup, je mets juste ça.
07:28
Alors, j'ai lui.
07:29
C'est lui des cours.
07:31
Et aussi, j'ai mon déjeuner, du coup.
07:33
J'ai trois sacs.
07:34
Et du coup, tout le monde est en mode,
07:35
mais qu'est-ce que tu fais avec trois sacs ?
07:37
Tu déménages.
07:38
Ah non, non, c'est juste ça, ça, ça.
07:40
Du coup, je dois expliquer.
07:41
Et du coup, parfois, c'est un peu gênant.
07:43
Mais ça va.
07:44
Elle a toujours des moments de joie, de bonne humeur, de gaieté.
07:49
Mais vous savez, cet espace de petite impulsion, d'insouciance
07:54
qu'on devrait avoir quand on a 18 ans,
07:58
elle ne l'a pas du tout.
08:00
Ce côté...
08:02
Je fais ce que je veux.
08:03
Je m'en fous de la vie.
08:04
C'est sympa.
08:05
Oh, mes parents, je les emmerde.
08:07
Je rentrerai quand je voudrais.
08:09
Des trucs que tous les ados font,
08:11
qui mettent les parents en rage,
08:14
mais qui n'arriveront pas
08:17
ou qui ne se produisent pas ici.
08:22
En fait, je me dis que la bouteille en entier, c'est trop,
08:25
alors que...
08:27
C'est juste une soupe.
08:30
Je mange cru des courgettes ?
08:32
Oui.
08:33
Je sais que ce n'est pas très bien pour mon ventre, mais...
08:36
Mais ça se mange cru normalement ?
08:38
C'est cuit ?
08:39
C'est cru.
08:40
Ça peut se manger cru et cuit.
08:42
Ah oui.
08:43
En fait, j'ai plus mal à m'imaginer manger des légumes cuits que crus.
08:48
Parce que pour moi, cuit, tu dois rajouter des matières claires, c'est tout.
08:52
Ah non, je crois pas.
08:53
Juste, tu mets dans la poêle.
08:55
Si c'est une poêle antiadhésive,
08:58
normalement, tu n'as même pas besoin de matière grasse,
09:00
ça va cuire tout seul.
09:01
Oui.
09:02
Ce sera meilleur, surtout, et je pense que pour ton ventre,
09:04
ça va peut-être être meilleur quand c'est cuit.
09:09
Mais oui.
09:10
Je ne sais pas, dans ma tête, c'est comme ça.
09:12
En vrai, toi qui manges la courgette,
09:14
je ne pense pas.
09:16
Je redécouvre aussi à manger littéralement,
09:19
et ça fait bizarre au début.
09:22
Au début, je me sens coupable de me dire que c'est bon.
09:25
Je me sens coupable de m'autoriser à manger,
09:28
alors qu'en fait, c'est juste normal.
09:34
Je suis fière d'en être arrivée au moins là.
09:41
Comment est la soupe ?
09:42
C'est pas bonne.
09:44
À chaque fois que je reprenais du poids et que je recommençais à manger,
09:47
c'était pour les autres, pour ma famille, pour mes amis.
09:51
Et en fait, je me suis rendue compte que c'était bien,
09:54
c'était bien, mais c'était pas suffisant.
09:56
À chaque fois, je rechutais parce que justement,
09:59
la maladie me disait que je ne m'arrêtais pas de guérir.
10:04
Et on sait que parfois, elle essaye.
10:08
Mais bon, elle peut finir en larmes,
10:10
parce que pour aussi nous faire plaisir et nous soulager,
10:15
elle va finir un bol de soupe qu'elle s'était préparée
10:18
et qui était peut-être un peu important.
10:22
Moi, je l'ai vue pleurer à la fin d'un dîner qui était très léger, malgré tout.
10:26
Et elle finit le dîner en larmes.
10:30
Et elle quitte la table et elle va dans sa chambre et elle pleure.
10:33
Mais vraiment des sanglots de douleur.
10:37
C'est fou.
10:38
Parce qu'elle trouve qu'elle a trop mangé.
10:40
Parce qu'elle trouve qu'elle a trop mangé, voilà.
10:43
Donc, c'est assez incroyable de vivre ça.
10:51
Je fais souffrir mes proches.
10:53
Et à un moment, je sais que forcément, je me fais souffrir moi-même aussi.
10:58
Mais pourtant, je continue à faire les choses qu'il ne faut pas faire.
11:02
J'ai l'impression que ça m'apporte quelque chose,
11:04
mais en fait, c'est juste éphémère.
11:06
Et c'est juste... c'est faux, en fait.
11:08
C'est juste un faux semblant de quelque chose.
11:13
En fait, Solène, ce n'est pas la seule à vivre ce qu'elle vit.
11:16
La semaine passée, j'ai lancé une messagerie
11:18
pour avoir un peu vos retours et vos expériences sur cette maladie.
11:20
Et vous avez été très, très nombreux à me répondre.
11:23
Jusqu'au jour où mon père m'a dit que je ressemblais à un squelette.
11:26
Et je me rappelle de cette phrase qui m'a choquée,
11:30
qui m'a fait un peu prendre conscience des choses.
11:32
Et moi, j'ai souffert pendant quatre ans d'anorexie.
11:36
C'est maintenant la troisième fois que je lance une messagerie
11:38
pour une de mes vidéos,
11:39
et je n'ai jamais reçu autant de messages en une journée.
11:51
Comme Solène, beaucoup de vos messages témoignent
11:53
de ce paradoxe de l'anorexie.
11:54
On sait qu'on doit guérir,
11:55
mais en même temps, on n'en a pas vraiment envie.
12:05
Et ce qui est terrible, c'est qu'encore aujourd'hui,
12:07
on aurait tout pour retourner à school,
12:09
alors que je sais que c'est encore malade.
12:13
Depuis notre dernière rencontre,
12:14
Solène a pu finalement retirer sa sonde.
12:16
C'est un énorme pas en avant.
12:18
Par contre, ça présente plein de nouveaux problèmes.
12:20
Notamment, le fait que maintenant,
12:21
elle doit prendre du poids toute seule,
12:22
sans l'aide de sa sonde,
12:23
qui lui apportait environ 700 calories par jour.
12:26
Coucou !
12:27
Hello !
12:28
Ça va ?
12:29
Ça va, et toi ?
12:30
Du coup, on est back avec Solène ?
12:32
Yes.
12:33
Solène, c'est quoi la différence aujourd'hui
12:35
qu'il y a deux semaines ?
12:36
J'ai plus la sonde !
12:38
Et ça fait comment ?
12:40
Ça fait 10 biens.
12:42
Je suis libre de moi-même.
12:45
Donc, tant mieux.
12:54
Céleste !
12:56
Allô !
13:00
Voilà, c'est bien.
13:01
Mon espoir pour le futur,
13:02
c'est que le processus dans lequel
13:04
Solène, à mes yeux,
13:06
est en train d'entrer,
13:08
va être un espèce de cercle vertueux,
13:11
parce qu'on ne vit pas toute sa vie
13:12
avec une sonde,
13:14
parce qu'on ne vit pas toute sa vie
13:15
avec sa mère,
13:17
parce qu'on ne vit pas toute sa vie
13:18
à voir une activité deux jours par semaine,
13:22
et le reste du temps,
13:23
seule, dans une solitude atroce
13:26
pour une jeune fille de son âge,
13:29
dans sa chambre.
13:30
Voilà.
13:31
Il faut que tu prévoies...
13:33
Des légumes.
13:34
Des légumes.
13:35
Skire ?
13:36
Oui, skire.
13:38
Aller mieux, c'est
13:40
ne pas être focalisée sur la maladie,
13:44
plus être focalisée sur
13:46
ce que l'on veut vraiment,
13:48
la Solène, la vraie Solène.
13:50
J'essaie d'aller mieux,
13:52
mais en même temps,
13:53
j'ai envie de perdre du poids encore.
13:55
J'ai encore du chemin à faire,
13:57
mais je sais que je vais y arriver,
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parce que je suis bien entourée.
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