Au Tchad, l'avortement est illégal, et c'est le sujet de Lingui. Avec ce film, ils veulent provoquer un débat sur la condition des femmes dans leur pays d'origine. L'actrice Rihane Khalil Alio et le réalisateur Mahamat-Saleh Haroun racontent.
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00:00Très souvent, on retrouve des nouveau-nés abandonnés dans les décharges, enfin, tout ça.
00:04Surtout les mamans.
00:07Les filles-mères, quoi.
00:08Les femmes violées, les voitures.
00:11Absolument.
00:12C'est considéré comme des choses qui n'existent pas.
00:15En fait, quand une société nie la réalité de quelque chose, elle ne le comptabilise pas.
00:20Et c'est la meilleure façon pour dire que ça n'existe pas, vous voyez.
00:30C'est la meilleure façon pour dire que ça n'existe pas, vous voyez.
00:42Rian, est-ce que tu te considères comme féministe ?
00:45Ouais.
00:46Pourquoi ?
00:48Non mais moi, je me bats pour la femme.
00:52En tout cas, au Tchad, là-bas, les femmes sont, je ne sais pas, démigrées un peu.
00:56Genre, elles sont souvent, je ne sais pas comment dire.
01:02Il faut qu'elles soient soumises ou tout.
01:04Déjà, il y a la religion et tout.
01:07En tant que femme, tu dois respecter telle, tu ne dois pas faire telle.
01:10Alors que moi, je ne suis pas dans ça.
01:14Quand tu as envie de faire quelque chose, tu peux le faire.
01:16Ndi, ça parle de quoi ?
01:17Ça parle d'une jeune maman avec sa fille.
01:20Une jeune maman célibataire qui a eu sa fille très jeune aussi.
01:25Maintenant, sa fille a 15 ans, elle a été violée.
01:28Elle est tombée enceinte, elle ne veut pas de l'enfant.
01:31Il faut qu'elle avorte maintenant.
01:33Et vu qu'au Tchad, l'avortement, c'est interdit.
01:36Absolument, c'est interdit par la religion, par la loi.
01:40Et donc, il faut qu'elle se débrouille, la mère et la fille, pour trouver une solution.
01:45Et c'est donc l'État et la religion qui interdisent l'avortement ?
01:49Oui, c'est l'État par une loi.
01:52Et la religion par un dogme, comme toutes les religions, par des croyances.
01:57Au Tchad, il y a eu un projet de code de la famille qui prévoyait d'aider les femmes
02:01sur les sujets de grossesse, de contraception.
02:04Qu'en est-il ?
02:05Justement.
02:06Si j'ai fait le film, c'est parce que ce code de la famille adopté
02:10ne marche pas.
02:11n'a jamais été voté.
02:15Il a été adopté par le gouvernement, mais jamais il n'est passé à l'Assemblée nationale.
02:19Et ça fait, je pense, au minimum 15 ans que c'est bloqué.
02:25Aujourd'hui, on ne sait plus du tout d'actualité.
02:27Personne ne se bat pour instaurer ça ?
02:31Non, il n'y a pas beaucoup de monde qui se bat pour instaurer ça, en fait.
02:35Et c'est bien dommage.
02:37Et moi, je m'en étais rendu compte et je voulais qu'avec ce film-là,
02:41peut-être qu'on revienne un peu, qu'on soulève le débat
02:44et qu'on revienne sur ce sujet-là.
02:46Ce qui me paraît important, c'est qu'on veut que les femmes,
02:49à un moment donné, disposent un peu de leur corps
02:53et choisissent ce qu'elles veulent, ce qui est bien, ce qui est mieux pour elles.
02:57J'ai parlé avec des filles comme ça et à chaque fois, on me disait
03:02« Mais toi, tu débarques là, c'est un truc qui se passe tous les jours. »
03:09Et là, je me suis dit qu'il fallait poser le débat.
03:13Il fallait questionner notre société sur ce rapport
03:17et cette volonté de mettre sous cloche, comme ça, les femmes.
03:23Donc l'avortement est illégal, pourtant certains médecins le pratiquent.
03:27Que risquent les médecins qui s'adonnent à cette pratique ?
03:30La prison ?
03:31La prison, oui, parce que c'est dit dans le film.
03:34Et radiation à vie, donc c'est quand même un gros risque.
03:38Mais au Tchad, je sais qu'il y a des médecins qui, au risque de cela,
03:42le font quand même parce qu'ils estiment qu'ils font le bien
03:45pour les patients qui se présentent.