Jean-Marc est contraint de jeter son lait suite à un arrêté préfectoral publié après l'incendie de l'usine Lubrizol. Il raconte à Brut comment il vit cette situation…
00:00Donc voilà, voilà ce qu'on peut faire, alors, je préfère me dire que j'ai pas de résultats d'analyse donc pour l'instant je préfère me dire que j'ai mieux fait de l'être que de tuer quelqu'un peut-être, je sais pas, aujourd'hui je sais pas vous dire.
00:31Ça fait mal au cœur, la nature.
00:33Jeter du lait, franchement sachant qu'on sait aussi qu'il y a des gens qui meurent de faim etc, c'est pas notre boulot de jeter du lait.
01:03Il y a combien de litres dans cette cuve actuellement ?
01:08Donc là c'est 3500 litres, c'est la production de deux jours de vos vaches laitières qui disparaît.
01:17C'est déjà arrivé aussi que vous vous retrouvez dans cette situation de devoir jeter vos productions comme ça ou c'est vraiment ?
01:25Oui, c'est déjà arrivé dans la mesure où c'est nous qui avons fait une erreur, je vais dire une bêtise, d'une vache qui a un traitement antibio.
01:34On s'aperçoit que la vache, on la traite parce qu'il faut la traire mais on n'a pas écarté le lait ou les vaches sont identifiées avec des bracelets.
01:44Elle a perdu son bracelet, malheureusement on s'aperçoit qu'on a fait une vache antibio, on ouvre la vanne mais là on a fait l'erreur.
01:55C'est nous qui avons fait l'erreur, on n'a à s'en vouloir qu'à nous-mêmes.
02:02On sait qu'il y a des antibiotiques dedans parce qu'on fait généralement faire une analyse qui nous dit qu'il y a des traces d'antibiotiques, vous ne pouvez pas garder le lait, il faut le jeter.
02:13Là on y va sans avoir de résultat, peut-être qu'il est très bon, peut-être qu'il y a des traces, peut-être qu'il est très contaminé, pour l'instant je ne sais pas du tout vous répondre.
02:31Je veux dire que pour un agriculteur c'est toujours difficile de voir jeter sa production, ce n'est pas le destin qu'on aimerait avoir, que ce soit pour les denrées alimentaires.
02:43Je ne suis pas élevé pour jeter ma production.
02:47Puis comme mes collègues maraîchers ne sont pas maraîchers pour jeter leur salade ou leurs légumes, à la base on est là pour nourrir les gens, on n'est pas là pour justement nous regarder jeter la nourriture.
03:02C'est différent, mais comme je pouvais l'expliquer tout à l'heure, je préfère avoir conscience tranquille.
03:19Quel est l'impact pour vous en tant qu'agriculteur ?
03:22Aujourd'hui l'impact principal c'est la perte de lait.
03:28On a vraiment l'impression de travailler pour rien, sans avoir nos réponses par rapport aux analyses, ce qui fait qu'on est vraiment dans le principe de précaution pur et dur.
03:43Je suis 100% pour le principe de précaution.
03:51On joue le jeu, je préfère être dans le principe de précaution plutôt que dire que j'empoisonne les gens.
03:58De toute façon on ne peut pas faire autrement, puisqu'aujourd'hui on n'est pas collecté, donc on n'a pas le choix que de toute façon de jeter le lait.
04:08Donc là vous depuis une semaine, toute votre production de lait n'est pas récoltée, elle finit à l'égout ?
04:15Pas depuis une semaine, puisqu'il faut savoir qu'il faut à peu près 48 heures pour qu'une vache synthétise le lait à partir de son alimentation.
04:23En fait j'ai commencé à jeter le lait dimanche soir, ce qui fait que c'est la production de samedi et dimanche, c'est à dire que le lait de jeudi et vendredi a été collecté.
04:42Mais on était aussi dans le doute et malgré tout mes vaches étaient sorties jeudi un petit peu, mais dès le soir même elles ont été confinées.
04:58Donc au final est-ce que ça a été vraiment contaminé ?
05:04Le principe de précaution s'est vraiment fait sur les jours de samedi et dimanche.
05:13Donc là aujourd'hui on est mardi soir au moment où on tourne ces images, ça fait donc 4 jours maintenant que votre lait n'est plus collecté ?
05:19N'est plus collecté. Nous ce qu'on aurait voulu c'est qu'il soit collecté et que la coopérative se charge de la destruction.
05:30Parce qu'aujourd'hui ce qu'on fait c'est qu'on le vide, non pas dans le caniveau, parce qu'on peut dire dans le caniveau ça part sur la voie publique.
05:40Non c'est quand on dit qu'on le met dans le caniveau, ça part avec les effluents dans les fosses à lisier, c'est stocké.
05:49Le problème c'est qu'un jour il faudra le répandre et selon les analyses qui sortiront où on le répandra je ne sais pas.
06:01L'impact financier justement à chaque fois que vous jetez une production, combien vous perdez d'argent aujourd'hui concrètement par jour ?
06:05Aujourd'hui c'est 1500 euros tous les deux jours.
06:09On a eu l'occasion de rencontrer le ministre de l'agriculture hier qui nous a parlé d'indemnisation totale, qu'on était les victimes et non...
06:31qu'on était les victimes tout simplement, qu'on allait être indemnisés mais on nous parlait aussi, et c'est ce qui me fait peur, d'avance de trésorerie.
06:48Moi une avance de trésorerie c'est pas ce que je demande, des crédits on en a par-dessus la tête.
06:56Ce qu'on veut surtout c'est être payé de nos produits, être indemnisé comme quand on fait notre travail et point.
07:05Donc c'est la crainte justement de devoir nous voir des crédits en plus, de ne pas avoir une situation normale rapidement.
07:13Disons que les avances du ministre de l'agriculture ne sont pas assez claires.
07:19C'est encore trop vague et c'est pareil on peut faire face dans la mesure où c'est sur de la courte durée mais pour l'instant on est dans l'inconnu par rapport à la durée de cette crise.
07:35Donc l'urgence de nos indemnisations va être de plus en plus urgente si ça dure dans la durée.
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