"Je pensais que j'étais peut-être au paradis après avoir vécu l'enfer."
En novembre 1980, Soc Lam et sa famille atterrissent à Roissy après avoir fui le génocide cambodgien. Il a alors 9 ans. Et son premier jour en France, voilà comment il l'a vécu.
En novembre 1980, Soc Lam et sa famille atterrissent à Roissy après avoir fui le génocide cambodgien. Il a alors 9 ans. Et son premier jour en France, voilà comment il l'a vécu.
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00:00C'est ici que je suis arrivé à l'âge de 9 ans,
00:02en novembre, fin novembre 1980.
00:06C'était à l'aéroport.
00:07Moi c'est Charles de Gaulle.
00:08Je me souviens, c'est au moment de l'atterrissage
00:11où les pistes étaient recouvertes de neige.
00:14Je n'avais jamais vu avant les flocons.
00:17C'était très beau, ça me marque encore aujourd'hui.
00:19Je pensais que j'étais peut-être au paradis,
00:21je ne sais pas, après avoir vécu l'enfer.
00:24On était venus les années 80 pour fuir le génocide cambodgien
00:29qui a décimé à peu près un tiers de la population.
00:33Donc c'était vraiment pour notre survie
00:35et pour notre vie et pour se reconstruire qu'on est venus.
00:38Donc on a rejoint mes grands-parents
00:41dans un premier temps, dans cette tour.
00:44Quand je suis arrivé, la hauteur de l'immeuble m'impressionnait
00:47puisqu'il n'y avait rien de tel au Cambodge.
00:50Je m'amusais à monter les 28e étage
00:53et redescendre à pied à l'époque.
00:56L'appartement qu'on voit derrière,
00:58c'est l'appartement dans lequel on a vécu
01:00notre premier appartement en France, en famille.
01:04On avait une petite chambre,
01:07on logeait à quatre sur des lits superposés.
01:11Cet premier appartement, c'était l'endroit
01:15où on se sentait vraiment en famille, en sécurité,
01:19et qu'on n'était pas restreints à ce qu'on nous demandait
01:24dans les camps où on mangeait à notre faim, à notre rythme.
01:30Là, on va aller à l'école de la rue Pajol.
01:33C'est la première école où j'ai été scolarisé en France.
01:37Je crois que j'avais peut-être deux années de retard
01:41sur la scolarité normale.
01:43J'aimais assez aller à l'école,
01:45sauf les premiers jours où je pensais
01:50qu'on me séparait à nouveau de mes parents.
01:52C'était extrêmement difficile, cette séparation.
01:55Les premiers jours ici ont été difficiles,
01:59non pas à cause des profs qui ont été, je pense,
02:02très patients et très compréhensifs,
02:05mais à cause du regard des autres personnes.
02:10On ne se comprenait pas.
02:12Ils pensaient sans doute que je moquais d'eux, et réciproquement.
02:16Il y avait sur une classe de 25 peut-être un Asiatique
02:20avec qui je pouvais à peu près correspondre.
02:23C'est là également que j'ai eu des soutiens renforcés en français
02:30avec une prof extraordinaire qui s'appelait Aline.
02:34Le revers de la médaille, c'est qu'en apprenant le français,
02:39j'oubliais aussi ma langue natale.
02:43Là, on est dans une des tours du 13e,
02:46où j'ai vécu avec mes parents lorsque je suis arrivé au collège
02:51à l'âge de 13-14 ans, au 13e étage.
02:55C'est là où j'ai découvert que, contrairement à l'école délémentaire
03:00où j'étais dans le 18e,
03:02qu'il y avait aussi d'autres personnes d'origine tsinaoumère,
03:07qui avaient la même histoire que moi.
03:11Eux ou les membres de leur famille ont vécu le génocide canvodgien.
03:21Là, on est à la dalle des Olympiades,
03:24où j'ai également pas mal de souvenirs,
03:26parce que j'avais cours à la faculté de droit parisien-sorbonne,
03:31qui est juste à la fin de l'année.
03:34J'ai choisi d'étudier le droit,
03:37je pense que c'était inconscient,
03:39déjà dès le premier jour où j'ai posé les pieds en France,
03:42et même avant,
03:44parce que mes parents m'ont dit que la France,
03:47en chinois, ça veut dire fa,
03:49et fa, en chinois, c'est le droit.
03:52Et puis, je pense que c'était également pour remercier
03:57et comprendre un peu quelques choses,
04:01quelque part, mon histoire,
04:03par rapport au statut spécifique des études des réfugiés,
04:08que je comprends aujourd'hui,
04:11mais que je ne comprenais pas à l'époque,
04:14lorsque je suis arrivé en France,
04:16cette générosité qu'avait la France à accueillir les réfugiés.