Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
Avec Régis Le Sommier, reporter de guerre, directeur de la rédaction de Omerta

Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h à 14h sur #SudRadio.

---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://dai.ly/x8jqxru
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

———————————————————————

🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?...
▪️ Instagram : / sudradioofficiel
▪️ Twitter : / sudradio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
———————————————————————

☀️ Et pour plus de vidéos de Bercoff dans tous ses états : • 😤 Bercoff dans tous ses états

##LE_FACE_A_FACE-2025-01-14##

Catégorie

🥇
Sport
Transcription
00:00Et aujourd'hui André Bercoff reçoit Régis Le Semier, reporter de guerre, directeur de la rédaction de Mertin,
00:05ancien directeur adjoint de Paris Match et surtout auteur aujourd'hui de Qui est le diable, l'autre ou l'Occident qui paraît, aux éditions Max Milot.
00:13Alors Régis Le Semier, bonjour, c'est la première fois que je vous reçois et c'est toujours avec plaisir.
00:18Mais alors là, dites-moi, vous devenez mystique pratiquement. Qui est le diable, l'autre ou l'Occident ?
00:24Effectivement, je l'ai lu, je l'ai lu avec intérêt, d'ailleurs vous, tous vos chapitres, en fait, vous faites non pas des personnifications du diable,
00:35mais vous vous posez la question, je rappelle, ça va de Staline à Trump en passant par Bachar el-Assad, Kadhafi, Jerry Adams l'irlandais,
00:43Oussama bin Laden, Poutine et Yahya Sinwar, le leader du Hamas qui a été effectivement un peu éparpillé façon puzzle il n'y a pas si longtemps.
00:54Au fond, et vous êtes reporter de guerre depuis très longtemps, grand reporter déjà, depuis très longtemps,
01:02qu'est-ce qui fait que vous avez eu envie d'utiliser cette métaphore du diable ? Pourquoi ce fil rouge ?
01:08Écoutez, ce fil rouge, il vient d'un constat absolument personnel lié justement à cette activité de reportage.
01:15J'ai pas mal parcouru l'Afrique, notamment avec nos troupes sur l'opération Barkhane,
01:22quasiment tous les ans, j'avais fait pour Paris Match à l'époque, des grands reportages et j'ai voulu comprendre
01:31quelle était l'origine de la détestation de l'Occident, parce que notre retrait de cette Afrique de l'Ouest, il a été absolument spectaculaire.
01:39Et il l'est de plus en plus, enfin.
01:41Oui, alors ça c'est le problème particulier de la France, mais au-delà de ça,
01:46on a vu et on a assisté tous à cette montée en puissance des BRICS,
01:51du Sud Global, qui a commencé à proposer un discours alternatif à celui de l'Occident.
01:56Mais au-delà de ça, j'ai voulu comprendre vraiment dans le fond,
02:00comment et pourquoi on en était arrivé à peut-être se dire, finalement, est-ce que
02:05le diable c'est pas nous ?
02:07C'est pas du tout un comment, une autocritique ou quelque chose d'anti...
02:12C'est pas du masochisme ou de la culpabilisation ou du repentance ?
02:15Non, pas du tout, je ne fais pas non plus de l'anti, je suis un français patriote, j'aime mon pays et j'ai envie de comprendre
02:23pourquoi ceux qu'on a éclairés, alors on les a pas tous toujours éclairés, on a été aussi très cruels, très brutaux
02:29vis-à-vis du reste du monde, mais enfin on avait une voix singulière, nous, et au-delà, l'Occident,
02:35et pourquoi cette voix aujourd'hui est non seulement mise en cause, mais l'objet...
02:40J'écoutais il y a deux jours, par exemple, le président
02:43sénégalais expliquer qu'il allait débaptiser tous les noms des rues
02:48généraux français ou aux personnalités françaises, et donc ça, j'ai voulu aller au fond,
02:53et c'est pour ça que je me suis posé la question de la problématique du diable, et j'en ai déduit plusieurs
02:59points, notamment pour faire court,
03:01que c'est probablement la chute de l'URSS, c'est là que ça commence, c'est-à-dire au moment où on avait un diable
03:08confortable qui était l'URSS, en lequel on pouvait
03:11projeter tous les fantasmes de
03:13de toute notre noirceur, en disant que finalement, nous, on était le camp de la liberté,
03:17Solzhenitsyn, l'ennemi totalitaire,
03:19ce salaud, par rapport à nous qui étions le camp du bien, mais il était confortable,
03:23il était confortable, et là, tout à coup, l'URSS nous prive d'un ennemi, et les choses deviennent tout à coup très très compliquées,
03:30on commence à faire la police dans le monde, on se dit, tiens, Saddam Hussein, on va le dégommer,
03:35Kadhafi, et ce qui est très intéressant, c'est que par rapport à ces diables, alors peut-être, vous avez cité Yair Yassin Noir, quand même un personnage
03:41qui vient, je dirais, s'empiler sur toutes les
03:46couches et les couches de la lutte
03:48palestinienne, mais au-delà de ça, la plupart des gens dont je parle dans ce livre ont été des amis de l'Occident,
03:55ont été des alliés, Saddam Hussein a été notre bouclier face à l'Iran, vous savez,
04:01Kadhafi nous a servi de frontière
04:03du sud de l'Europe, et comment, finalement, en les désignant diables, d'abord, non seulement en allant chez eux et en intervenant, on n'a rien changé,
04:11au contraire, on a anéanti ces pays, et peut-être que vient de là, justement, de cette espèce de suprême arrogance à dire
04:18quel est le bien et le mal, le fait qu'aujourd'hui, on en soit globalement détesté par une grosse partie de l'humanité.
04:25Alors, paradoxe, paradoxe, le sommairien, mais intéressant, je rappelle, vous donnez comme exergue de votre livre,
04:33dans son entretien avec Tucker Carlson en août dernier, Donald Trump dit
04:38nous avons dépensé 9 trillions de dollars, c'est-à-dire 9 000 milliards de dollars, à bombarder comme des malades le Moyen-Orient,
04:45nous y avons semé la mort, y compris celle des nôtres, et qu'est-ce que cela nous a rapporté ? Rien. Et alors, justement,
04:50quand je parlais de paradoxe, c'est que vous finissez vos portraits sur Donald Trump, qui est quand même l'Occidental de chez Occidental.
04:57Occidental de chez Occidental, mais aussi très paradoxal, ça pas toujours. Alors, vous le savez très bien, André, puisque
05:04je me souviens qu'au pronostic
05:07de son élection en 2016, vous et moi avions été
05:12chez du Guillaume Durand sur Radio Classique, si je peux me permettre de le citer, avions été les deux à prédire que Donald Trump allait l'emporter.
05:20Non, Donald Trump, ce qui est très intéressant, c'est que là aussi, ça a été
05:23quelqu'un qui n'était pas le diable à une époque. C'était un milliardaire comme il y en a aux Etats-Unis, un peu fantasque, etc.
05:30Puis à partir du moment où il commence à gêner, on va dire, une narration
05:35voulue par certains, on va dire,
05:38sans faire de complotisme, mais une sorte de camp du bien,
05:42à partir du moment où il entre en politique, en fait, et surtout parce qu'il est élu.
05:46C'est le candidat qui n'était pas attendu, et c'est là où
05:51tout le système va lui faire la guerre pendant quatre ans. Et là, il a compris, quand il prononce cette phrase,
05:56il se place dans une recomposition du monde. C'est là que c'est intéressant. On est dans un monde multipolaire
06:01et Trump dit, si l'Occident et les Etats-Unis, et puis tant pis si vous, l'Occident, les Européens,
06:07ne voulaient pas venir avec nous, mais nous, on va défendre nos intérêts et on va
06:11on va pas abandonner la partie, on va la jouer, on va peut-être étoffer notre précarré, alors le Canada et le Vraie Lange sont inquiets,
06:19Panama...
06:21Et le canal n'a qu'à bien se tenir.
06:23Mais c'est le tempo de l'époque, et nous, là-dedans,
06:27finalement, on peut peut-être suivre. En tout cas, Donald Trump a fait un constat absolument
06:32dramatique, enfin un constat, je dirais, au scalpel, sur
06:36l'importance et le comment, ce que ça a pu, les dégâts qu'ont pu causer, justement, cet interventionnisme
06:43forcené, au nom de prétextes souvent, d'ailleurs,
06:47liés à la liberté, la démocratie, puis on s'aperçoit qu'au final, c'est pas du tout ça.
06:52Donc voilà, donc on est dans une recomposition, voilà.
06:56Et Régis Saumier, justement, vous parlez de tout ça au long de votre livre, mais est-ce que c'est un
07:01interventionnisme, bien sûr qu'il y a un interventionnisme français, mais enfin, il a surtout été américain depuis,
07:06comme vous l'y devinez, depuis une cinquantaine d'années, est-ce que c'est toujours au nom
07:11du bien, au nom de... parce que c'est surtout les néo-conservateurs, toute la doctrine, effectivement, de
07:19Zbigniew Brzezinski, enfin de toute cette époque-là, vous connaissez très bien, vous avez été très longtemps correspondant aux Etats-Unis de
07:25matchs, mais est-ce qu'on est encore aujourd'hui où, justement,
07:30pour rester juste un peu sur Trump, Trump signale la rupture avec
07:34ce courant qui est quand même, qui a duré 50 ans, en disant, oui, nous sommes les gendarmes du monde et nous allons continuer à l'être.
07:42Trump va jouer de la puissance américaine, mais il est plutôt dans le...
07:46ce qui est intéressant, c'est qu'il est dans le rapport de force, en fait. Il n'est pas forcément dans l'affrontement militaire. Je pense pas qu'avec
07:51la Chine, Trump a le désir profond d'arriver jusqu'à un conflit autour de Taïwan. En revanche, il va y avoir...
07:58on va discuter, ça va être... on va retrousser ses manches, ça va pas être simple.
08:03Alors, il s'est posé en faiseur de paix, ce qui est quand même un paradoxe, c'est-à-dire que Trump, le milliardaire
08:09républicain, fantasque, tout ce qu'on veut, tous les... comment les adjectifs peu aimables qu'on a pu...
08:15eh bien, va peut-être être celui qui ramène la paix, parce que la paix est devenue même un élément
08:20contesté. C'est-à-dire, si vous demandez la paix,
08:23notamment en Ukraine ou entre la Russie et l'Ukraine, eh bien, vous êtes classé dans le clan de Poutine. Donc ça,
08:28c'est une chose qui est quand même assez aberrante, au niveau de l'inversion des valeurs à laquelle on a assisté. Je crois que Trump,
08:36aujourd'hui, bon,
08:37pose les choses,
08:39pose le rapport de force, et que, oui, il s'est rendu compte d'un certain nombre de choses.
08:44Je pense que les choses vont être différentes.
08:46On arrive à la fin d'une époque. Alors, la vraie question, vous connaissez comme moi ce vieux, ce vieil adage d'Antonio Gramsci,
08:53qui dit, le vieux monde se meurt, le nouveau monde n'est pas encore né, et entre les deux, c'est la crise, dans le clair-obscur,
09:00surgissent des monstres. J'ai encore du mal à déterminer si Donald Trump fait partie de ces monstres, ou s'il fait partie du nouveau monde.
09:06Mais, en tout cas, il est clair qu'on est dans une époque transitoire,
09:09extrêmement intéressante pour, quand on est journaliste, mais en tout cas,
09:12sur laquelle ce manichéisme, peut-être, va arrêter. On va commencer à regarder, peut-être, l'autre avec ses avantages, ses inconvénients,
09:19et se dire, de toute façon, il existe. On ne va pas pacifier le monde avec notre idéologie sociale démocrate. C'est fini.
09:26C'est, en tout cas, c'est ce que, si ceux qui se dessinent, et on le voit, effectivement, dans
09:32le 20, à partir du 20 janvier, on verra, hein, qui vivra, verra, et qui votera, verra.
09:37Régis Soussomier, justement, vous prenez un certain nombre de gens, c'est très intéressant de voir, au fond,
09:45parce que, ce que vous dites, aussi, il y a de ça. On a,
09:49à travers les chapitres, vous dites qu'il y a des gens qui ont été presque
09:53enfantés par l'Occident, en général, ou l'Amérique, en particulier, et qui, comme Frankenstein, se retournent contre
09:59les créateurs. Et ça, c'est quelque chose de passionnant à montrer. On va en parler, juste après cette petite pause.
10:05On va rentrer dans l'univers de Oussama Ben Laden,
10:09de Bachar el-Assad, etc. C'est vrai, c'est des gens qui, au départ, étaient considérés formidables.
10:15Rappelez-vous, Ben Laden va détruire les soviétiques, donc il va être avec nous, Bachar el-Assad, etc., etc.
10:21Mais on va en parler, tout de suite, après cette petite pause. A tout de suite. Et n'hésitez pas à réagir en appelant le 0
10:27826 300 300. A tout de suite. Bercoff, dans tous ses états, midi, 14h, André Bercoff.
10:31Et nous sommes toujours avec Régis Le Saumier, qui est le diable, l'autre, ou l'Occident.
10:38C'est aux éditions Max Milot, le livre paraît dans 48 heures. Lisez-le,
10:42parce que, effectivement, c'est une promenade, un voyage à travers un certain nombre de gens qui se sont
10:50portés, à un moment donné, considérés comme
10:53interlocuteurs très valables par l'Occident. Et puis, et puis, ça a changé. Et, justement, Régis Le Saumier, on pourrait parler d'Oussama Ben Laden,
11:00personnage assez exemplaire, de ce point de vue-là. Oui, assez exemplaire, puisque, moi, j'ai eu l'occasion, dans ma carrière, d'interviewer
11:07un personnage qui s'appelait Michael Shoyer, qui était le patron de la CIA à Peshawar, au moment de l'occupation
11:13soviétique en Afghanistan. Et je lui ai posé la question
11:16sur Ben Laden, et il me disait, oui, oui, Ben Laden, alors, c'était un de nos alliés,
11:20nous n'avions pas de relation directe avec lui, mais nous lui fournissions des armes. Quand vous avez le
11:25le chef de la CIA, de l'époque, qui vous dit on fournissait des armes à Ben Laden, c'est un peu autre chose que
11:32la CIA donnait des armes à Ben Laden, c'est lui qui vous le dit, donc.
11:35Et là, vous comprenez qu'on est à l'origine du mal, quelque part. Origine du mal qui est,
11:41non pas de vouloir sauver les Afghans de la tyrannie soviétique et du régime de Najib Oulah, etc.,
11:48de faire que, oui, les soviétiques ont
11:51fait beaucoup de dégâts et ont tué beaucoup d'Afghans, mais c'est que les Américains jouent,
11:58contre les Russes, la carte religieuse. C'est-à-dire, ils s'engouffrent dans le radicalisme, dans le soutien au radicalisme religieux.
12:05C'est pas la seule fois, on va le voir par la suite, qu'ils vont le faire,
12:09où ils privilégient, finalement, cette dimension-là. Et quand on le sait,
12:14voilà, du radicalisme religieux islamique n'est jamais amené, n'est jamais venu la stabilité
12:21au départ, contre Bachar el-Assad, c'était la même chose. Donc, on se rend compte qu'en fait, on a un personnage qui a été, donc,
12:29nursed par l'Occident, qui avait d'ailleurs,
12:31sur la personnalité de Ben Laden, elle est très intéressante, parce que c'était un véritable internationaliste. C'est quelqu'un qui vient d'une famille riche,
12:38saoudienne, qui a voyagé en Europe. Et donc, il y avait cette ouverture au monde, et ouverture
12:44contrariée, puisqu'il choisit la voie du djihad, il se fait exclure d'Arabie Saoudite, il va au Soudan, et ensuite en Afghanistan.
12:50Mais, pour ce qui est de Ben Laden, on est vraiment dans le personnage qui, voilà, pour une raison,
12:57va se retourner contre l'Occident, va se retourner contre les États-Unis, jusqu'à faire, quand même, le 11 septembre.
13:04Et c'est la créature, au départ, qui est, effectivement...
13:07Mais, Régis Soussomy, est-ce que vous ne pensez pas, déjà,
13:10qu'il était, il s'est battu contre les Soviétiques ? Est-ce que vous ne pensez pas, on ne peut pas parler à sa place, mais, dans sa tête,
13:17il pensait que, après les Soviétiques,
13:19arrivait l'Occident ? Il était déjà anti-occidental, même s'il ne le montrait pas.
13:24Oui, alors, en fait, l'idée, c'est que le premier djihad, enfin, l'un des premiers, s'est fait contre les Soviétiques, c'était,
13:29à l'époque, l'argument, c'était la, comment, la
13:33domination des athées, de l'Empire athée, voilà. Et donc, là, il y avait une mobilisation,
13:39et c'est là qu'est née Al-Qaïda. Al-Qaïda, ça veut dire la base,
13:42il faut le prendre sous l'acceptation, la base de données, pas la base secrète, c'est l'ensemble
13:47des combattants, des moudjaïdines, ayant fait le djihad en Afghanistan contre les Russes. Ensuite, il va se retourner pour une raison simple,
13:53c'est-à-dire qu'il va comprendre, il est déjà très hostile à la famille saoudienne, mais la famille saoudienne, pour
13:58la première guerre du Golfe, va accueillir les marines sur le sol des deux mosquées, de Médine et de l'Amec, et ça, pour lui, c'est insupportable.
14:05C'est les, comment, les kouffars,
14:07les, comment, les mécréants, qui viennent fouler le sol, et du coup, il retourne son djihad contre l'Occident,
14:13contre les alliés des saoudiens, la famille saoud, et aussi l'Occident et les États-Unis, jusqu'à faire,
14:19jusqu'à concevoir le 11 septembre.
14:21Et alors, justement, c'est très intéressant, est-ce que les États-Unis, d'après, vous étiez
14:27déjà, et depuis longtemps, journaliste, est-ce que les États-Unis ont vraiment cru que, pendant un moment, enfin, ils pensaient que...
14:33ils ne pensaient pas une minute que Ben Laden, ou les gens qui travaillaient autour, pourraient se retourner contre eux ?
14:38Non, je pense qu'il y a une sorte d'aveuglement par,
14:41c'est une constante dans la vie des politiques américaines, par
14:45obsession anti-russes.
14:47Une obsession qu'on retrouve encore aujourd'hui.
14:49L'ennemi principal, c'est les russes, et les ennemis de nos ennemis sont nos amis.
14:52Vous savez, quand j'étais correspondant aux États-Unis, je me souviens très bien, à l'époque, c'était
14:56donc Ben Laden, il y avait aussi le califat, il y avait les Daesh, etc., qui remontaient.
15:01Je me souviens d'avoir vu des propos de sénateurs comme McCain ou Lindsey Graham, nous expliquer que
15:07c'était un peu une distraction, cette lutte contre l'islamisme radical, le vrai ennemi, c'est resté la Russie, la Chine,
15:14l'Iran, et ça a duré très longtemps, ça.
15:16Tout à fait, et c'est toujours quelque chose d'extrêmement important qui est là.
15:21C'est les 50 ans d'affrontements est-ouest, qui ont laissé ça, et on a retrouvé, un peu à la faveur de la guerre en Ukraine,
15:30cette idée que le diable qu'on avait avant, on aimerait bien le retrouver, parce que c'est un ennemi digne de nous, il y a ça aussi.
15:36Très intéressant, sans faire de transition, mais c'est vrai, on parlait de l'Ukraine, que vous avez beaucoup suivi, vous avez fait bonjour aux refuges.
15:44Effectivement, et donc, si vous voulez, quelque part, le diable, pour un certain nombre d'américains,
15:50c'est toujours la Russie. Pas pour tous, mais pour un certain nombre de responsables, je dirais.
15:55Oui, et puis pour un certain nombre d'intellectuels en France aussi,
15:58qui sont dans cette ligne de néo-conservatrices obsessionnelles anti-russes,
16:04qui se sont, je dirais, défoulés au regard de la guerre en Ukraine.
16:09Alors maintenant, on les entend un peu moins, parce que ce qu'ils avaient prédit ne s'est pas réalisé.
16:14Le réel frappa la porte, quand même.
16:16Et c'est ça le problème, mais je reproche aussi, et ça c'est d'un point de vue journalistique, et vous allez y être sensibles, je pense, André,
16:23c'est qu'on nous plaque une narration plus qu'on s'en tient aux faits.
16:29C'est ça le problème, c'est que d'avoir imaginé que l'Ukraine, avec ses 40 millions d'habitants,
16:34pouvait mettre à genoux, même avec le matériel occidental, 141 millions de Russes,
16:40à la base, c'était illusoire. Mais on a voulu y croire.
16:42Et on s'est embarqué dans une narration précise, construite par des agences de communication,
16:49par des relais think-tank, par des officines, vous savez que les Etats-Unis en ont plein.
16:54Et par des généraux de plateau sur certaines chaînes d'infos en continu.
16:58Et ça a été un festival, et la construction de ce diable.
17:02Alors Poutine mérite d'être le diable, c'est lui qui avait attaqué, il a énormément de tort aussi.
17:08Mais si vous voulez, on ne pouvait plus, et c'est là où j'ai trouvé un parallèle avec la guerre en Syrie,
17:13avec la guerre en Irak, c'est que pendant une période, toute opinion,
17:17ou toute, comment on va dire, vision un peu alternative,
17:22toute nuance même, était considérée comme suspecte, voire dénoncée.
17:27Et c'est là où il y a un vrai problème journalistique avec cette façon de voir le diable,
17:31ou de désigner les diables, c'est que la vérité, ou en tout cas ceux qui cherchent la vérité,
17:37ou qui cherchent à s'en approcher, sont contrariés,
17:40parce que ça ne correspond pas à la narration voulue pour tel ou tel conflit.
17:43Et ça dure pendant longtemps, jusqu'à ce que le réel vienne frapper à la porte, vous l'avez dit,
17:47et là tout à coup on s'aperçoit que, bah oui, on considère par exemple sur l'Ukraine,
17:51que la guerre n'a pas démarré en 2022, elle a peut-être démarré en 2014,
17:56que tiens, les accords de Minsk n'ont pas été appliqués,
17:59tiens, c'est pas Poutine qui a fait sauter Nord Stream,
18:03enfin voilà, tout ce qu'on entendait au début de la guerre,
18:06devient contesté, et devient, je dirais, une évidence.
18:10Alors que, vous le disiez à l'époque, et vous le savez très bien,
18:13ce n'était pas acceptable, ce n'était pas entendable,
18:16et vous étiez dénoncé, c'est ça qui est pire.
18:18Et c'est fou, parce que cette espèce d'entêtement dans leur narratif,
18:24qu'on entend encore aujourd'hui si vous voulez, encore une fois on ne nommera personne,
18:27mais vous aurez certaines télévisions et certaines chaînes,
18:31ça continue, c'est comme il ne se passe rien,
18:35ils vivent dans le métaverse, moi j'ai ma réalité à moi, le reste j'en ai rien à faire.
18:39– Non mais totalement, et ensuite il y a toujours cette difficulté,
18:44qui n'existe pas chez les Américains je trouve,
18:46et c'est pour ça que je sais que vous appréciez l'Amérique,
18:49il y a dans le journalisme américain une sorte de repentance quand on s'est trompé,
18:52ça n'existe pas en France, jamais, jamais.
18:55– Reconnaissez que vous vous êtes trompé, tout le monde se trompe.
18:57– Bien sûr, le New York Times l'a fait, le Washington Post l'a fait,
19:00sur plein de faits liés à la guerre en Ukraine justement,
19:03en France, je ne verrai jamais ça dans le monde,
19:05à mea culpa, ça n'existe pas, ils ont raison par définition,
19:08aujourd'hui ils sont un petit peu seuls,
19:10on sent quand même qu'il y a une certaine fébrilité,
19:13d'autres médias se sont construits,
19:14les gens à force d'entendre des âneries, ils ont voulu aller écouter ailleurs,
19:18et ben voilà, c'est une époque aussi qui est en train de changer.
19:21– C'est vrai, c'est vrai, on va en parler aussi,
19:24juste après cette petite pause,
19:26on est toujours avec Régis Le Saumier,
19:27et c'est très intéressant,
19:29parce que le diable se cache aussi dans des détails,
19:32ne l'oubliez jamais.
19:33– Soud Radio Bercoff, dans tous ses états,
19:37midi 14h, André Bercoff.
19:40– Qui est le diable, l'autre ou l'Occident ?
19:42Régis Le Saumier, aux éditions Max Milot,
19:45voyage très intéressant, voyage d'ailleurs très animé,
19:50à travers un certain nombre de personnalités,
19:52et surtout ce qu'ils ont représenté,
19:55parce que ce qui est intéressant dans le livre de Régis Le Saumier,
19:58c'est qu'on voit aussi les différentes visions successives d'ailleurs,
20:03au fil de l'histoire,
20:05comment on considère Staline,
20:07qui était, je le rappelle quand même, dans les années 50,
20:10c'était le grand homme, c'était le petit père des peuples,
20:13y compris en Occident, en tout cas chez les communistes et ailleurs,
20:15qui était bon.
20:16Alors justement, remontons un peu à Staline,
20:20qui est votre premier chapitre, Régis Le Saumier.
20:24Staline, c'est vrai, parce que jusqu'à présent,
20:26d'ailleurs dans l'exclusion, il dit oui d'accord, d'accord Staline,
20:29mais si l'Eruscov n'était pas là, vous seriez tous en Germanie,
20:33ce qui n'est pas totalement faux d'ailleurs.
20:35Comme dirait Michel Sardou.
20:36Comme disait Michel Sardou, voilà, en adaptant.
20:39Oui tout à fait, ce qui m'a intéressé,
20:41alors pourquoi je suis parti de Staline,
20:44parce qu'évidemment derrière Staline il y a Eclair,
20:46donc ça me permet de traiter deux diables dans le même chapitre,
20:48et ce qui est très intéressant dans Staline,
20:51et l'exemple est assez parlant,
20:53parce qu'on part avec Corbat, de son nom de guerre,
20:58quand il est en lutte pour le parti bolchevique dans sa Géorgie natale,
21:04il commet des crimes, il commet des braquages pour financer la lutte.
21:10C'est un voyou, c'est un voyou.
21:12Mais au départ, c'est vraiment le communiste avec le couteau entre les dents,
21:16et quand il arrive au pouvoir, il est traité aussi comme un danger,
21:21c'est le diable.
21:23Et on va s'allier avec lui pour conjurer un diable qu'on juge plus dangereux évidemment,
21:29qui est Hitler.
21:30Et en fait ce qui est intéressant avec Staline,
21:31c'est qu'à partir du moment où Hitler est éliminé,
21:34où la menace de l'Allemagne nazie est terminée, 1945,
21:38alors vous l'avez souligné à part dans certains,
21:40mais ça faisait beaucoup de monde,
21:42qui allumaient Staline dans le parti communiste.
21:45En France il faisait 25 à 30% le parti communiste.
21:47C'est les Français aux élections.
21:49Absolument, mais Staline redevient dans le cadre de la guerre froide,
21:52un diable, donc en fait il est diable au départ,
21:54il ne l'est plus pendant la période de la seconde guerre mondiale.
21:57Bon, les américains le regardent en disant,
22:02voilà, on l'aura sans doute sur notre route très rapidement.
22:06Certains comme MacArthur pensent que d'ailleurs,
22:09ou le général Patton pense que les soviétiques sont presque plus dangereux que les nazis.
22:16Et donc on sait qu'un jour il y aura affrontement,
22:19mais donc il va y avoir une utilisation,
22:22parce que c'est toujours la question du rapport entre l'Occident et le reste du monde,
22:25une utilisation de Staline à des fins pratiques,
22:28simplement pour nous débarrasser d'Hitler.
22:30Donc voilà, c'est mon premier,
22:33et j'ai glissé aussi le personnage de Jerry Adams aussi,
22:37pour dire que les Irlandais, l'Ira, les attentats, le groupe terroriste,
22:44les campagnes d'attentats de l'Ira des années 70-80,
22:48contre la couronne britannique, l'assassinat de Lord Mountbatten,
22:51bref, tout ce qui fait des républicains irlandais un groupe démoniaque,
22:58qui a utilisé toutes les possibilités qu'ils avaient du terrorisme de l'époque,
23:04avec Carlos, voilà, exactement,
23:07et qui aujourd'hui, dont un des représentants vient de siège aujourd'hui
23:11comme premier ministre d'Irlande du Nord.
23:13Voilà, on peut être diable et ne plus l'être,
23:17en fonction des circonstances.
23:19Donc il y a toujours un rapport,
23:21mais ce qui est surtout très intéressant je trouve,
23:24moi c'est la manière, c'est ça que j'ai ausculté,
23:26vous avez évoqué Trump tout à l'heure,
23:28mais comment quelqu'un de jugé acceptable, normal,
23:33va tout à coup passer dans l'autre camp.
23:36Bachar el-Assad est un exemple incroyable,
23:38avec les espoirs que Chirac avait fondés sur sa présidence,
23:43et comment à la faveur d'Hariri, l'assassinat d'Hariri,
23:46il redevient dans le camp du mal.
23:48Premier ministre libanais de l'époque.
23:50Bien sûr, il est ressuscité, ressorti par Nicolas Sarkozy
23:53dans le cadre de l'union de la Méditerranée.
23:55Donc il y a toujours, voilà, avec ces notions,
23:58on joue sur ces notions, en fonction de nos intérêts,
24:01on désigne les diables,
24:03mais le problème c'est qu'in fine on ne solutionne rien.
24:05Quand on voit ce que nous prépare le nouveau gouvernement en Syrie,
24:09on sait que ce sont des djihadistes,
24:10on sait qu'encore une fois, voilà,
24:12on cède à la pression radicale.
24:14C'est intéressant, des djihadistes modérés.
24:15Oui, un peu comme les talibans.
24:17Alors les talibans, c'est encore plus dingue.
24:19On passe, il y a 20 ans,
24:21on va les déboulonner parce qu'ils hébergent Oussama Ben Laden,
24:25et 20 ans plus tard, on leur redonne les clés.
24:27Absolument.
24:27Voilà.
24:28D'une manière d'ailleurs assez honteuse.
24:29Alors, justement, je voudrais qu'on en parle,
24:31je rappelle, 0 826 300 300 pour tous ceux qui veulent intervenir,
24:37vous êtes évidemment les bienvenus.
24:39Mais quand même, est-ce qu'on fout ce que vous dites ?
24:43Parce qu'en lisant votre livre,
24:45on se dit, est-ce que c'est quand même,
24:47quelque part, je schématise bien sûr,
24:50est-ce que c'est l'Occident qui tire les ficelles ?
24:52Je m'explique, même contre lui,
24:53parce que la corde se casse quelquefois.
24:56Comment on décide ?
24:59On dit, tiens, celui-là, il est avec nous,
25:00puis ça ne va pas, il est contre nous,
25:02puis il redevient avec nous, puis il est contre nous.
25:04C'est en fonction, en fait, des intérêts,
25:07une nation, vous savez, on l'a dit, n'a pas des amis,
25:09il n'a que des intérêts,
25:10ou c'est en fonction de quoi ?
25:12Cette espèce de retour, d'aller-retour de flammes.
25:14Et je dirais que ce serait excusable
25:16si c'était strictement en fonction de nos intérêts.
25:19Pour les Américains, ça ne pose pas de problème,
25:22mais il y a quand même le vernis autour de tout ça.
25:24Quand les Américains interviennent en Irak,
25:26qui est une des grosses fractures,
25:28quand même, des 20 dernières années en politique internationale,
25:31il y a cette idée de,
25:34il y a plusieurs convergences d'intérêts,
25:36les néo-conservateurs avec leur théorie,
25:38la prédominance américaine dans le monde,
25:40les intérêts économiques,
25:42le fait que,
25:44voilà, il y a plein de,
25:46il y a une conjonction d'intérêts qui fait que,
25:48pendant le gouvernement Bush, on intervient en Irak.
25:50Mais l'Irak va provoquer finalement
25:52une sorte de tectonique des plaques, déjà,
25:54puisqu'il y a une chose
25:56qui se passe avec l'Irak qui est très intéressante
25:58par rapport à la promesse de 1991,
26:00c'est-à-dire, vous vous souvenez,
26:02l'époque où les gens écrivaient des livres sur la fin de l'Histoire ?
26:04– Oui, Francis Fukuyama, etc.
26:06– Voilà, et on disait,
26:08le modèle libéral occidental
26:10triomphe,
26:12il ne reste plus finalement que des pays
26:14qu'on appelait émergents,
26:16ça voulait dire qu'ils étaient amenés à devenir comme nous,
26:18et puis il y avait le fond de la cuve, c'est-à-dire
26:20le tiers-monde, qui était là,
26:22qui servait de main-d'œuvre, bref.
26:24Dans notre vision, on avait gagné
26:26et l'Union soviétique avait perdu.
26:28Mais avec l'Irak,
26:30l'Amérique commence à se comporter
26:32comme un État voyou,
26:34c'est-à-dire qu'il y a eu
26:36plein de gens qui ont attaqué
26:38leurs voisins,
26:40il y avait plein d'afro-jojos dans le monde,
26:42mais quand la puissance
26:44qui semble
26:46finalement détenir
26:48la super-puissance,
26:50d'être la super-puissance,
26:52il y a un magistère moral
26:54qui se crée,
26:56et à partir du moment où l'Amérique le brise,
26:58les autres se disent,
27:00l'Iran, la Turquie,
27:02pourquoi est-ce que nous, on obéirait
27:04à des règles, puisque regardez,
27:06les Américains font une guerre illégale,
27:08une guerre
27:10basée sur des mensonges,
27:12et tout ça crée
27:14ce qu'appelle
27:16le diplomate Rassam Salameh,
27:18diplomate libanais Rassam Salameh,
27:20qui dit, c'est la dérégulation
27:22de la force, en fait.
27:24Et ça, ça va changer beaucoup de choses.
27:26– Mais est-ce qu'elle n'a pas toujours existé ?
27:28J'ai soumis à la dérégulation de la force.
27:30– La force a existé.
27:32Le monde de l'après-guerre avait ses règles,
27:34l'ONU,
27:36de Gaulle l'appelait le machin,
27:38mais si vous voulez, il y avait quand même
27:40les puissances occidentales derrière,
27:42et puis il y avait ce monde soviétique qui nous permettait,
27:44comme je l'ai dit, de façon assez pratique
27:46et confortable, de nous voir comme
27:48les parangons de la liberté.
27:50– Est-ce que, je n'en parlais pas directement
27:52dans votre livre encore,
27:54est-ce que quand même,
27:56parmi les points de rupture,
27:58ça n'a pas été l'OTAN
28:00qui bombarde la Yougoslavie en 1999 ?
28:02– Totalement, totalement.
28:04– Sans l'avis de l'ONU, je crois que ça a été un point de rupture.
28:06– Oui, il y a ce point de rupture-là,
28:08il y a des moments
28:10où on se comporte,
28:12voilà,
28:14en inventant des choses,
28:16en inventant des massacres qui…
28:18– On se rappelle la viol de Colin Powell.
28:20– Oui, c'est l'exemple le plus parachevé.
28:22Et je crois que cette guerre en Irak,
28:24elle est encore plus incroyable,
28:26parce qu'on a été loin jusqu'à imaginer
28:28un lien entre Saddam Hussein et Al-Qaïda,
28:30via Abou Moussa Balzac-Kaoui,
28:32on a sorti
28:34un djihadiste obscur
28:36qui vivait au Kurdistan avec ses 500 types,
28:38et on en a fait le héros de l'insurrection.
28:40Et d'ailleurs, il a été très efficace
28:42puisqu'il a posé beaucoup de problèmes aux Américains
28:44et il en a tué pas mal par la suite,
28:46et de son mouvement est né Daesh.
28:48À chaque fois, c'est des expérimentations
28:50comme ça, mais ça participe
28:52toujours du même principe,
28:54ça vient de chez nous et ça dit
28:56lui il est bon, lui il n'est pas bon.
28:58Aussi, il y a une chose qui est très intéressante
29:00d'un point de vue, il y a aussi le vocabulaire
29:02de tout ça. Quand vous êtes,
29:04par exemple, prenez le Venezuela,
29:06Chavez a toujours
29:08posé des problèmes aux Etats-Unis,
29:10à l'Occident, Maduro,
29:12à la suite, mais au départ,
29:14Chavez est considéré
29:16et fait partie,
29:18c'est le président du Venezuela,
29:20et puis tout à coup, du jour au lendemain,
29:22le gouvernement
29:24venezuelien, on l'appelle régime.
29:26Quand il y a des manifestations,
29:28on dit ce sont des combattants de la liberté.
29:30Par contre, s'il y a des manifestations pour
29:32le dictateur, c'est une foule haineuse.
29:34Donc en fait, le vocabulaire évolue,
29:36le glissement
29:38se fait, ces partisans
29:40sont appelés des miliciens, par exemple.
29:42Voilà, il y a tout un vocabulaire
29:44qui se met en place,
29:46et le terme régime,
29:48quand on commence à vous appeler votre
29:50gouvernement régime, en général, ce n'est pas bon.
29:52– Alors justement,
29:54par rapport à ça,
29:56je voudrais en venir, on en a parlé un peu,
29:58et par rapport à
30:00tout ce que vous décrivez,
30:02que ce soit, encore une fois, Bachar el-Assad,
30:04que ce soit Saddam Hussein,
30:06que ce soit le Hamas
30:08et son chef, et puis les autres,
30:10au fond, on a l'impression
30:12que, de ce point de vue-là,
30:14je voudrais qu'on parle un peu, non seulement des journalistes,
30:16d'un certain nombre de journalistes,
30:18qui font très bien leur métier,
30:20et heureusement, un certain nombre d'intellectuels
30:22qui font aussi leur métier, mais d'autres,
30:24je voudrais revenir à ce narratif,
30:26parce qu'on parlait du narratif au départ,
30:28et ce narratif,
30:30et qu'est-ce qui fait que,
30:32on l'a vu pour le Covid,
30:34on l'a vu pour l'échappement climatique,
30:36mais parlons des guerres,
30:38que ce soit le Proche-Orient,
30:40ou que ce soit l'Ukraine, la Russie-Ukraine,
30:42vous avez des gens,
30:44et non des moindres, en tout cas,
30:46qui sont dans les médias
30:48dits mainstream, etc.,
30:50et ailleurs,
30:52qui restent vraiment
30:54mordicus
30:56dans leur couloir idéologique,
30:58et qui n'en démordent jamais.
31:00Sauf que beaucoup de gens les écoutent,
31:02et ça fait un problème, quand même.
31:04Oui, on est arrivé, je crois,
31:06sur, si on prend simplement
31:08le cas de l'Ukraine,
31:10il faut la nommer
31:12la chaîne LCI,
31:14à une fantasmagorie
31:16absolue.
31:18Vous avez, d'ailleurs,
31:20le problème qui est posé, aussi,
31:22c'est un problème entre
31:24deux types de journalisme,
31:26dont l'un a pris
31:28l'ascendant sur l'autre,
31:30qui est le journalisme de plateau,
31:32vous appelez les généraux de plateau, aussi.
31:34Comme on a eu les médecins de plateau, etc.
31:36Tout à fait, et ça, si vous avez parlé
31:38du Covid, ce qui est très intéressant,
31:40c'est qu'il y a eu le Covid, il y a eu l'Ukraine,
31:42il y a eu des experts qui, tout à coup,
31:44du jour au lendemain, deviennent experts,
31:46il y a un tremblement de terre, quelque part,
31:48ça y est, c'est des schismologues.
31:50Là, il y a une sorte de dévoiement de l'expertise,
31:52mais surtout, moi, je dirais qu'il y a
31:54un recul du travail
31:56de terrain, c'est-à-dire que,
31:58beaucoup de choses qui se passent
32:00pendant la guerre en Ukraine,
32:02sur les fronts, sont
32:04absolument visibles quand on va sur place.
32:06Des deux côtés,
32:08du côté ukrainien, comme du côté russe,
32:10si on passe 15 jours
32:12sur une ligne de front...
32:14— Comme vous l'avez fait. — Oui, on comprend.
32:16Moi, j'étais au début avec l'Ukraine,
32:18d'ailleurs, je suis allé côté ukrainien pour le Figaro magazine.
32:20Donc, c'était l'époque euphorique
32:22où le monde entier, où les jeunes volontaires,
32:24dont des Français, venaient aider
32:26l'armée ukrainienne, il y avait des
32:28humanitaires, on aidait l'Ukraine,
32:30il y avait un petit côté brigade internationale
32:32en Espagne.
32:34Donc, j'ai vécu cette période-là
32:36en Ukraine, et puis je suis allé sur le front côté russe.
32:38Quand vous passez 15 jours
32:40avec des soldats, avec les mêmes soldats,
32:42vous allez au front avec eux,
32:44vous allez sur les lignes, etc.,
32:46vous comprenez leur morale.
32:48Vous comprenez que...
32:50Je pense, par exemple,
32:52à un argument
32:54tarte à la crème qu'on entend,
32:56que j'ai encore entendu ce matin,
32:58sur France Info, c'est
33:00comment, dans la bouche d'un bureau notaire très...
33:02Oui, la Russie perd énormément
33:04d'hommes. Moi, j'ai passé 15 jours...
33:06Je parle juste de mon dernier reportage
33:08à Kursk.
33:10Donc,
33:12là où l'Ukraine
33:14a conquis des territoires
33:16à la Russie, où la bataille est terrible,
33:18quand vous êtes dans la zone de course
33:20pour Chatov, etc., pendant 15 jours,
33:22s'il y a un millier,
33:24comme ça avait été évoqué,
33:26de soldats russes qui tombent tous les jours,
33:28vous devez quand même voir
33:30quelques ambulances, vous devez voir des hélicos,
33:32des évacuations, puisque vous êtes avec l'armée russe.
33:34Moi, je n'ai pas vu tout ça.
33:36Donc, il y a des morts,
33:38oui, tous les jours, peut-être des dizaines
33:40et des centaines de morts, mais il n'y a pas un millier
33:42de soldats russes qui meurent tous les jours.
33:44Donc, tout ça, c'est des chiffres balancés.
33:46Donc, en allant au côté ukrainien,
33:48on peut se rendre compte aussi de beaucoup de choses.
33:50Malheureusement, ces informations-là
33:52ne sont jamais retenues.
33:54Elles ne sont jamais retenues parce que,
33:56autour de la table, dans des plateaux comme LCI,
33:58vous avez quatre experts qui n'ont
34:00jamais, pour certains, j'ai vu ça l'autre jour,
34:02jamais mis les pieds en Ukraine,
34:04au bout de trois ans, et qui continuent
34:06à commenter sur ce conflit.
34:08C'est là où il y a un vrai problème.
34:10Moi, je crois qu'il est,
34:12c'est ce déni de réalité,
34:14cette fiction, c'est même plus une narration,
34:16c'est une fiction qu'on porte, et on continue
34:18à expérer, on continue à dire,
34:20voilà, ah oui, oui, les Russes avancent,
34:22mais auprès de pertes terribles.
34:24Bah oui, mais en fait, même si c'était auprès
34:26de pertes terribles, la réalité, c'est qu'ils avancent.
34:28Et d'avoir dit pendant deux ans
34:30qu'ils allaient s'écrouler, qu'ils mettaient
34:32des puces de machines à laver dans leurs
34:34tanks, etc., finalement, ça n'a pas
34:36servi, parce que ça induit dans le public
34:38l'idée que les Russes allaient
34:40perdre, et on s'aperçoit qu'ils ne perdent pas.
34:42Et c'est un vrai problème.
34:44Et les chiffres,
34:46je crois, d'audience
34:48de LCI sont catastrophiques à cause de ça.
34:50Mais alors justement,
34:52élargissons,
34:54vous êtes journaliste, vous avez été toute votre vie
34:56journaliste, enfin jusqu'ici, vous continuerez,
34:58comme moi d'ailleurs.
35:00C'est un sacerdoce.
35:02Mais qu'est-ce qui fait que,
35:04je ne sais pas si c'était, on ne va pas dire
35:06si c'était mieux avant ou pas,
35:08qu'est-ce qui fait quand même que le journaliste d'investigation,
35:10le journaliste sur le terrain,
35:12est-ce que c'est des raisons économiques,
35:14éthiques ou autres,
35:16a quand même perdu pas mal
35:18de terrain au profit, effectivement,
35:20de la parlotte ? Je ne dis pas que
35:22la parlotte n'existe pas, il y a des analystes
35:24remarquables, d'historiens remarquables, mais
35:26on revient au journaliste de terrain, qui est quand même
35:28la plume dans la plaie, comme disait
35:30Albert Londres, et je n'évoquerai
35:32pas les Joseph Kessel et autres.
35:34Qu'est-ce qui fait que ça,
35:36je ne dirais pas disparu, heureusement, mais enfin
35:38que ça a beaucoup diminué, à votre avis ?
35:40Parce que, alors il y a deux choses, il y a le contexte économique
35:42qui fait qu'envoyer un reporter,
35:44ça coûte de l'argent, donc
35:46c'est plus facile
35:48de faire un tweet, c'est plus facile
35:50de rester et de faire une analyse
35:52à froid, ou de relayer une
35:54information, ou d'essayer de rebâtonner des dépêches.
35:56Ça, c'est un premier point,
35:58il y a le contexte économique. L'autre,
36:00c'est que le journalisme de terrain, par rapport à
36:02une narration imposée, est dangereux.
36:04Parce que le type qui va et qui
36:06dit, moi je me souviens,
36:08je vais le citer, comment Jacques-Marie Bourget,
36:10grand reporter à Paris Match,
36:12qui pendant la première guerre du Golfe,
36:14alors que les Etats-Unis nous disaient
36:16à sa d'Abu-Sain, à femme sa population,
36:18disait, ben non, je suis allé sur le marché à Bagdad,
36:20je suis à Bagdad, non, non, les marchés
36:22sont pleins. Voilà, c'est
36:24un empêcheur de tourner en rond, et il y a
36:26eu des cas, et je pense en particulier
36:28au Vietnam, où le journaliste et
36:30le photographe ont,
36:32eh bien, se sont rentrés de
36:34plein fouet contre la communication de l'armée
36:36américaine, qui expliquait qu'on allait gagner
36:38la guerre, et puis quand les
36:40américains, chez eux, regardaient CBS le soir,
36:42et voyaient l'état de leurs soldats,
36:44et les massacres qui pouvaient être
36:46faits, quand vous aviez un type comme Simon
36:48Hirsch, qui révélait le massacre de
36:50Baye, où on se demandait, on se dit,
36:52mais attendez, il y a eu Horadour-sur-Glane, c'était les nazis,
36:54mais là, on fait la même chose, avec
36:56nos, et c'est nos boys qui font ça.
36:58Donc là, il y a eu une sorte de prise de conscience,
37:00et le journalisme est devenu dangereux.
37:02Donc il y a ça aussi, il vaut mieux
37:04donner ça à des agences de communication
37:06internationales, pilotées par,
37:08vous savez, tous ces, vous connaissez
37:10bien l'Amérique, vous avez tous ces
37:12think tanks, le Hudson Institute,
37:14le National Endowment for Democracy,
37:16qui fabriquent le narratif. Voilà, c'est toujours
37:18avec des noms vertueux, qui
37:20montent la liberté, mais en fait, les fonds sont
37:22d'origine assez obscure. Souvent, il y a
37:24le gouvernement américain là-dedans, et même
37:26les sénateurs et les congressmen américains ne sont
37:28pas au courant de ça. La politique, souvent
37:30américaine, la politique des révolutions
37:32colorées, par exemple, mais
37:34les révolutions colorées, c'est quand même incroyable.
37:36Il y a quelques types qui sont conscients. Moi, j'ai
37:38revu une vidéo, il n'y a pas longtemps, qui est incroyable. Vous avez
37:40Maïden, vous avez la foule,
37:42et vous avez John McCain, en train de filmer
37:44le résultat d'un coup
37:46d'État, quand même. Un sénateur
37:48américain qui vient se réjouir, avec
37:50Victoria Nuland, d'un coup
37:52d'État dans un pays.
37:54C'est incroyable. Où est la démocratie
37:56là-dedans ? Voilà, on va
37:58continuer de parler de tout cela,
38:00c'est vraiment intéressant, et ça vous
38:02concerne tous, et ça nous concerne tous,
38:04après cette petite pause.
38:16...
38:18Et toujours avec Régis Le Saumier,
38:20Qui est le diable, l'autre ou l'Occident ?
38:22Aux éditions Max Milot,
38:24on parle un peu de tous
38:26ces personnages, et surtout
38:28cette espèce de...
38:30à la fois de la manière dont on les traite,
38:32et du narratif. Et justement,
38:34on pourrait aussi parler de
38:36Poutine longuement, mais je voudrais peut-être qu'on aborde,
38:38parce qu'on arrive, hélas, en fin d'émission, on pourra
38:40en parler pendant des heures.
38:42Régis Le Saumier,
38:44que pensez-vous de ces prises
38:46de positions, que
38:48ce soit sur
38:50telle ou telle plateforme,
38:52X pour ne pas la citer,
38:54et d'autres,
38:56par exemple, tel ou tel patron de presse
38:58qui dit, on en parlait tout à l'heure
39:00dans l'émission, j'en parlais,
39:02voilà, moi je vais mettre les
39:04journaux que je contrôle au service de la bataille
39:06contre la droite radicale, l'autre
39:08qui dit autre chose, enfin,
39:10et puis surtout,
39:12les positions du service public, je rappelle, payées
39:14par les français, par les
39:1626 millions de voyous français.
39:18– Oui, tout à fait, moi j'ai une première
39:20remarque là-dessus, ce qui est assez incroyable
39:22dans cette, on va dire, croisade
39:24contre la plateforme X,
39:26avec ses appels
39:28à, je vois d'ailleurs, mais il n'y a pas que
39:30ceux qui disent qu'il faut interdire, vous avez
39:32des journaux, simplement Le Parisien, ce matin,
39:34qui posent la question.
39:36– Oui, c'est ça. – Voilà, donc c'est quand même assez incroyable.
39:38Donc on s'interroge sur le fait qu'on peut
39:40peut-être interdire en France
39:42une plateforme où il y a
39:44330 millions d'habitants, pardon,
39:46d'abonnés. – D'abonnés, oui.
39:48– Donc voilà, alors il y a une chose qui est
39:50absolument paradoxale dans cette attitude,
39:52dans cette croisade vertueuse
39:54contre Lydre et Elon Musk,
39:56qui d'ailleurs ne fait qu'exprimer
39:58des opinions, il n'a pas
40:00d'impact. – Des opinions extrêmement
40:02différentes, 50% démocrate,
40:0450% rédublicaire. – C'est ce qu'il a réussi
40:06à refaire sur X, alors que
40:08à l'époque, le ratio
40:10était différent. Non, il faut
40:12jamais oublier que quand
40:14Poutine a interdit X
40:16en Russie, on criait
40:18à la dictature, et donc
40:20quand X a été...
40:22Et là, on se propose de l'interdire
40:24au nom de la liberté d'expression.
40:26C'est ça qui est absolument...
40:28Moi, je trouve qu'on
40:30entre dans une ère
40:32ubuesque,
40:34et j'ai vraiment l'impression que
40:36ces gens ne réfléchissent pas.
40:38Sur d'autres domaines, j'ai entendu
40:40Thierry Breton parler d'arrêter de supprimer les élections
40:42en Allemagne, après avoir
40:44cautionné la suppression...
40:46– On l'a fait en Roumanie, on le refait en Allemagne.
40:48– Au nom de la liberté, encore une fois, André.
40:50Et donc ça,
40:52c'est vraiment abracadabrantesque,
40:54comme disait Chirac.
40:56Et je trouve,
40:58au-delà de ça, que oui,
41:00l'attitude de M. Pigasse, qui
41:02utilise ses deniers personnels,
41:04pas seulement pour financer une partie de ses médias,
41:06mais participe aussi,
41:08dans certains autres, sur France 5,
41:10de médias qui sont payés
41:12par le service public,
41:14ces médias-là sont payés avec de l'argent collectif.
41:16C'est très bien
41:18de dire, il a tout à fait le droit
41:20de dire qu'il veut faire une croisade,
41:22si c'est son argent, bien lui...
41:24– Bien sûr, c'est légitime.
41:26– La différence entre
41:28Musk, Bolloré et
41:30Mathieu Pigasse, c'est que ni Musk,
41:32ni Bolloré, ne reçoivent
41:34d'argent public, et
41:36ne font leurs médias avec de l'argent public.
41:38Au nom de quoi, devrait-on...
41:40– Ni Sud Radio, ni
41:42Ouberta, ni d'autres. – Exactement, personne ne reçoit
41:44cet argent-là, en tout cas pas l'argent des impôts
41:46des Français, et avec l'argent
41:48des impôts des Français, on vient de leur dire,
41:50on va faire une croisade contre la droite radicale,
41:52parce qu'il faut vous en prémunir.
41:54Toujours avec cette attitude que
41:56on sait mieux que vous, on va vous protéger.
41:58– C'est bon pour vous.
42:00– En plus, ces gens n'ont pas compris
42:02qu'ils avaient changé d'époque, que les gens sont conscients
42:04aujourd'hui, il n'y a pas de...
42:06l'ignorance a reculé, en tout cas
42:08cette sensibilité médiatique,
42:10elle existe, et beaucoup de gens ont un avis
42:12là-dessus, ils ne sont peut-être pas d'accord avec Elon Musk,
42:14peut-être pas d'accord avec Vincent Bolloré,
42:16mais en tout cas ils ont envie que la liberté
42:18demeure, et je crois que c'est une valeur très
42:20importante pour beaucoup de Français de beaucoup
42:22de bords différents. – Tout à fait, Régis Saumier, pour
42:24rejoindre le titre de votre livre, l'enfer est
42:26pavé de bonnes intentions.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations