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  • 10/01/2025
Le réalisateur David Oelhoffen adapte au cinéma le roman de Sorj Chalandon, prix Goncourt des lycéens en 2013. Le film se déroule au Liban, au début des années 1980.

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Transcription
00:00Et dans le grand entretien ce matin, l'un des films les plus attendus de cette rentrée,
00:05« Le quatrième mur » réalisé par David De Lofen, adaptation d'un livre important
00:10qu'avait signé Sorge Chalandon, prix Goncourt des lycéens en 2013, une histoire qui interroge
00:16la tragédie de la guerre civile, celle qui a ravagé le Liban à partir de 1982, un récit
00:23qui est ancré dans le réel, une réflexion également sur le pouvoir de l'art pour transformer
00:29ou non le monde.
00:30« Le quatrième mur » arrive donc en salle mercredi prochain, le 15 janvier.
00:35Chers auditeurs, questions et réactions 0145 24 7000, ou l'application d'Inter, et trois
00:42invités qu'on a le bonheur de recevoir ce matin, Sorge Chalandon, Laurent Laffitte,
00:48Simon Abkarian.
00:49Bonjour à tous les trois.
00:51Bonjour.
00:52Merci d'être les invités d'Inter.
00:53Sorge Chalandon, vous êtes journaliste, grand reporter, reporter de guerre et écrivain
00:57et vous êtes donc l'auteur de ce livre qui a marqué tous ceux qui l'ont lu, « Le quatrième mur ».
01:03Laurent Laffitte, on ne vous présente pas, vous êtes acteur et vous jouez le rôle principal
01:08dans ce film, Simon Abkarian.
01:10Vous êtes acteur, on parlera également de la mise en scène puisque c'est l'une des
01:16cordes que vous avez à votre arc et en l'occurrence, Simon Abkarian, vous connaissez très bien
01:22le Liban pour y avoir vécu.
01:24On va démarrer, messieurs, avec une question toute simple.
01:28Je vais vous la poser d'ailleurs, Sorge Chalandon, « Le quatrième mur », c'est l'histoire
01:32d'un homme, Georges Laurent Laffitte, qui est en fond Sorge, c'est-à-dire vous.
01:38C'est mon deuxième prénom, oui.
01:39C'est votre deuxième prénom, mais Georges décide de relever un défi totalement dingue,
01:46monter une pièce de théâtre, Antigone de Jean Hanouil, à Beyrouth, en pleine guerre
01:52civile libanaise en 1982.
01:55Pourquoi cette envie de raconter ça et qu'est-ce que ce titre énigmatique « Le quatrième
02:02mur » veut dire ?
02:03Il y a plein de questions.
02:04Alors, pourquoi ? D'abord parce que je voulais retourner à Beyrouth, je voulais retourner
02:08à Sabra ou Shatila, c'est-à-dire que nous étions trois journalistes à entrer les premiers
02:11dans les camps palestiniens massacrés par les chrétiens libanais.
02:1482.
02:1582.
02:16Et je m'en suis pas remis en fait.
02:18C'est les enfants, je crois, les enfants assassinés.
02:22Je m'en suis jamais remis.
02:23Et donc j'ai décidé, dans ce roman, de retourner là-bas.
02:26Je pouvais pas être journaliste parce qu'il y en a déjà beaucoup partout des journalistes,
02:29on va pas en plus en mettre dans les romans.
02:31Donc je me suis dit que l'art, peut-être, ça serait un bon moyen d'y retourner et
02:35je voulais surtout, c'était une chose qui était importante pour moi, parmi tous les
02:38morts que j'ai vus là-bas, il y avait une jeune femme qui était sur un lit, qui avait
02:43les poignets attachés avec du fil de fer barbelé, qui avait été violée, une jeune palestinienne.
02:47Et je n'ai pas son nom, je n'ai rien, j'ai juste cette vision-là, donc je l'ai écrit
02:51dans le journal, mais le livre et le film permettent de dire à cette jeune femme « relève-toi
02:56s'il te plaît ». On l'a appelée Imane, elle va jouer Antigone dans le livre comme
03:01dans le film.
03:02Et pour moi, ce qui est formidable, c'est que de pouvoir dire, et c'est pas un journaliste
03:05qui peut faire ça, c'est un romancier ou c'est un réalisateur de cinéma ou ce sont
03:08des acteurs, de pouvoir dire à une jeune morte qu'on ne connait pas, on ne sait rien
03:11d'elle, « lève-toi s'il te plaît, deviens institutrice, vis, aimes, ris, danse », c'est
03:18pour ça que je l'ai fait.
03:19Laurent Laffitte, comment est-ce qu'on s'empare d'une histoire pareille et comment
03:21est-ce qu'on entre dans la peau d'un homme qui a connu la guerre, puisque Sorge Chalandon
03:26a couvert la guerre en Irlande, vous avez parcouru la plupart des grands conflits qui
03:31ont ensanglanté la fin du XXe siècle et le début du XXIe.
03:35C'est compliqué de comprendre tout simplement ce dont il est question quand on est Sorge Chalandon ?
03:42Alors moi, je n'ai pas vécu comme un biopic de Sorge et en fait, je n'ai pas pensé
03:47à Sorge en abordant le personnage de Georges, je me suis vraiment uniquement mis à la
03:52disposition de la vision du metteur en scène, David Holofen, et de son scénario et ce qui
03:58est dur à comprendre, c'est ce pays aussi, qui est très difficile à comprendre et ce
04:02qui est intéressant, c'est que ce n'est pas un film qui est censé donner des réponses,
04:05c'est un film français, avec un personnage français qui débarque dans un Pékiné palsien
04:10et au milieu d'un conflit dont il ne comprend rien.
04:12Donc moi, je n'avais surtout pas envie d'avoir une longueur d'avance sur le personnage, d'être
04:16plus mal inclus.
04:17Donc je suis arrivé avec tout ce que je ne connaissais pas du Liban et il y a cette scène
04:21que je donne beaucoup dans le film avec Simon Apkarian qui joue mon fixeur et il y a des
04:26coups de feu comme ça dans la nuit et je me dis « mais attends, alors là, qui tire
04:29sur qui ? C'est les Drusses, c'est les Sunnites, c'est les Shiites, c'est les
04:32païens, c'est les chrétiens ? » Et voilà, Simon répond « c'est le Liban qui tire
04:35sur le Liban ». Et c'est vrai qu'au bout d'un moment, c'est aussi fou que ça et
04:39puis la guerre en général, c'est les hommes qui tirent sur les hommes et c'était cette
04:43absurdité-là qui était importante.
04:46Simon Apkarian, vous jouez le rôle de Marouane, Laurent Laffitte le disait, c'est le guide,
04:51le chauffeur de Georges, vous êtes un Druse dans le film, vous avez grandi dans la communauté
04:58arménienne de Beyrouth, vous-même, vous avez vécu au Liban, qu'est-ce que vous avez
05:05ressenti en jouant ce rôle ? Est-ce que vous avez retrouvé des choses de votre enfance ?
05:09Oui, oui, oui, oui, mais comme disait Laurent, cette guerre, en fait, les Libanais eux-mêmes
05:17ne la comprenaient pas à l'époque, ils ne la comprennent toujours pas.
05:19Quand on voit la profusion des communautés, chaque personnage est joué par une personne
05:23d'une communauté différente et en fait… Il y en a 17 majeurs, rien que chez les chrétiens,
05:27il y a plusieurs tendances chrétiennes, des Melkites, des orthodoxes, des maronites, des
05:33chrétiens orthodoxes, arméniens, pas arméniens, grecs, enfin bon… Mais ce que je ressens
05:39c'est de la joie et de la tristesse aussi, c'est de voir ce beau pays qui a été comme
05:46ça livré à la guerre et qui est devenu un paradis perdu, quoi.
05:49Et ça n'a pas tout à fait changé, en fait ?
05:53Non, non, non, il y a quelque chose qui est inaltérable chez les Libanais, c'est le
05:58désir de continuer de vivre dans la joie et dans la paix, mais ça commence à être
06:04un petit peu érodé tout ça, même cette force de joie et de vie commence à être
06:08érodée en ce moment au Liban.
06:10Justement, Serge Salan, quand on publie un roman ou quand on sort un film, c'est aussi
06:14parce qu'il nous parle quelque part, parce qu'il ne fait pas forcément écho à l'actualité
06:19directe, mais il nous dit quelque chose de l'époque, comment il résonne aujourd'hui
06:23ce livre et ce film dans l'époque ?
06:25Moi je suis extrêmement surpris, parce que quand je l'ai écrit en 2013, quand le film
06:29s'ouvre et le livre s'ouvre par le char syrien… Qu'est-ce que c'est qu'un char syrien,
06:33mais quoi ?
06:34En pleine île, des avances, qui tirent sur un taxi…
06:37Personne ne parle de ça à l'époque, personne ! Il n'y a même pas encore les printemps
06:41arabes, il ne se passe rien à Beyrouth, Israël ne ré-envahit pas le Liban, donc je fais
06:48quelque chose qui ressemble à un livre d'histoire en fait.
06:50Et d'anticipation ?
06:51Et d'anticipation, mais ça je ne le savais pas.
06:53Parce que c'est fascinant en fait, Laurent Lafitte, vous qui découvriez le Liban et
06:58son histoire, il y a un musée de la guerre civile à Beyrouth et le film a été tourné
07:03au Liban, juste avant la dernière guerre.
07:06On voit des traces d'impact sur la ligne de démarcation, notamment entre Beyrouth
07:10Est et Beyrouth Ouest, à savoir cette mémoire-là, la présence de la guerre civile, elle est
07:15toujours là dans la vie de tout le monde.
07:18Oui, c'est pour ça que David Olufen voulait à tout prix tourner à Beyrouth.
07:22Les quelques films qui sont censés se passer à Beyrouth sont souvent tournés au Maroc.
07:26Là, lui, il voulait vraiment y aller parce que c'est vrai que la ville devient un personnage
07:29à part entière.
07:30Et malheureusement pour Beyrouth, les stigmates de cette guerre-là sont très très visibles
07:34et il suffit de mettre une voiture d'époque devant un mur criblé de balles et tout de
07:37suite, on est à nouveau en 82 et on a tourné sur les lieux d'affrontements, sur la ligne
07:42verte.
07:43Dans les camps palestiniens ?
07:44Dans les camps palestiniens.
07:45On a reconstitué le lendemain des massacres de Sabra et Chatila dans un camp palestinien
07:52et on a dû le faire en deux parties parce que c'était les célébrations des 40 ans
07:55du massacre.
07:56Donc on était au cœur d'une espèce de commémoration de l'histoire, comme presque
08:02une répétition de l'histoire sur les lieux où tout s'est passé et avec une mise en
08:05abîme aussi parce que moi je joue un metteur en scène qui vient monter un spectacle et
08:08nous on était une équipe de films qui venaient faire un film avec des gens de communautés
08:12différentes comme le projet de Georges.
08:14Donc c'est un film méta.
08:16Ce qui me bouleverse, c'est que Georges n'a pas réussi à monter cette pièce de théâtre.
08:24David Olufen a réussi à monter ce film.
08:27Donc en fait, Georges il est vengé, alors Georges meurt évidemment, c'est pas un secret,
08:32mais ce que je trouve bouleversant, c'est que quand je vois ce film, je me dis qu'on
08:35a réussi en fait.
08:36Georges a réussi.
08:37Avant de donner la parole aux auditeurs, il y a quelque chose de très frappant.
08:41Il y a l'un des personnages qui vous dit à vous Laurent Lafitte, Georges, tu veux arrêter
08:46la guerre pendant deux heures, mais tu sais ce que c'est la guerre.
08:49Tu la connais.
08:50Le théâtre, est-ce qu'il a le pouvoir, vous qui êtes sociétaire de la comédie française,
08:56vous n'y êtes plus, mais on le reste à vie, c'est comme les académiciens.
08:59En l'occurrence, le théâtre, il a l'art, a le pouvoir d'influer sur le réel ou pas
09:06pour vous ?
09:07Sur le réel, peut-être plus individuel.
09:10Je pense qu'on est tous individuellement peut-être bouleversés, transformés, déplacés
09:13par une oeuvre.
09:14Le déplacement de masse par une oeuvre, j'y crois un peu moins, et la guerre…
09:20Sans le chalandon, je n'y crois pas du tout.
09:23Non, c'est pas ça.
09:24Je pense qu'une balle de 9 mm va plus vite qu'un alexandrin.
09:27Il y a toujours un moment.
09:28Mais en tout cas, s'il y a des moments où on peut arrêter la guerre par une pièce
09:31de théâtre, par une chanson, par une musique, par un baiser, par exemple, il faut le prendre.
09:38Puis disons que l'art contre la guerre, l'art plus fort que la guerre, ça paraît
09:41un peu utopique, mais l'art pendant la guerre, l'art malgré la guerre, ça c'est essentiel.
09:46C'est la fraternisation en 14, etc.
09:48Mais si Georges avait pu monter cette pièce de théâtre à Beyrouth, moi c'est une dame,
09:52c'est une journaliste libanaise qui m'a dit ça, elle m'a dit si Georges avait réussi
09:58à monter cette pièce de théâtre, je jette ton livre, parce que ça n'existe pas.
10:02Il ne fallait pas qu'il réussisse.
10:03C'est une journaliste de l'Orient Le Jour où vous vous imiterez, mais à l'accent
10:07libanais.
10:08Simon F.
10:09Carriant, vous qui êtes un homme de cinéma, mais aussi de théâtre, justement, vous comprenez
10:12pourquoi ce livre de Sorge Chalandon a été adapté autant de fois, notamment au théâtre,
10:15je crois qu'il a été adapté un certain nombre de fois ?
10:17Si, sous cette troupe, oui.
10:19Oui, parce qu'une fois qu'on est dans les extrêmes, rejaillit l'essentiel, malheureusement.
10:24C'est-à-dire qu'on est privé de pain et d'eau, ça cesse d'être de la farine mélangée
10:29à l'eau, c'est de la vie.
10:30Et plus on est acculé, plus on célèbre ce qui est en train d'être perdu.
10:34Donc c'est important, bien sûr que je comprends les gens qui veulent monter cette histoire.
10:41Sorge Chalandon, pourquoi vous dites « quand je vois Georges, je pleure » quand vous le
10:44voyez à l'écran ?
10:46Quand vous voyez Laurent Lafitte, en l'occurrence.
10:49Ce n'est pas à cause de lui.
10:50Il y a deux choses que je tiens à dire, parce que pour moi c'est fondamental.
10:53Laurent Lafitte joue un Georges, j'aurais aimé être ce Georges-là.
10:59Pourquoi ?
11:00C'est-à-dire que j'étais beaucoup plus énervé, beaucoup plus excité, beaucoup
11:02plus violent, etc.
11:03Et Laurent Lafitte donne à ce Georges-là quelque chose que mon entourage, par exemple,
11:09aurait adoré que je sois, c'est-à-dire quelqu'un qui est beaucoup plus pondéré,
11:12beaucoup plus pas tranquille, parce que ça va se terminer très mal.
11:16Mais en tout cas, il a une réflexion, une intelligence et une élégance que je n'ai
11:19pas.
11:20Ça c'est formidable.
11:21Et pour Simon Abkarian qui joue Marouane, j'ai une fille qui s'appelle Mélinée,
11:28en hommage à Misak Manouchian, à l'affiche rouge, de La Résistance, toujours c'est
11:34très présent en moi.
11:35Quand j'ai su que l'homme qui allait incarner Marouane dans le film avait incarné Misak
11:41Manouchian dans l'armée du crime, j'étais… je pleure pas mal en fait, j'ai encore
11:46un peu de larmes.
11:47Il y a Lola qui écrit ce message sur l'appli Radio France, juste un mot pour saluer le
11:53talent de Sorge Chalandon qui me bouleverse à chaque ouvrage par sa plume et ce regard
11:59sur ce monde si cruel.
12:01Il faut dire que la pièce dont il est question, qui doit être montée en pleine guerre civile,
12:06c'est Antigone, c'est-à-dire une pièce sur la résistance, une pièce sur la figure
12:12de la résistante, celle qui refuse d'obéir aux lois et aux ordres venus d'en haut.
12:18Il y a dans l'actualité un metteur en scène libanais qu'on avait reçu, il était au
12:22micro de Léa Salamé, Ouajdim Mouhamad, il devait monter une pièce en avril, Mouawad,
12:29qui devait donc être jouée en avril dernier au Liban, elle a été annulée, il a été
12:34accusé de lien avec Israël pour avoir voulu jouer une pièce encourageant la paix, c'est
12:41assez terrifiant, comment est-ce que vous avez reçu ça, Laurent Lafitte ?
12:45Surtout, je pense qu'on l'a un peu accusé du contraire en France aussi, suite à d'autres
12:49déclarations, donc ça devient un peu absurde.
12:53Moi je sais que le livre a été présenté en arabe, il a eu le prix Goncourt qui s'appelle
13:00« Choix de l'Orient », c'est l'une des déclinaisons du prix Goncourt, et j'avais
13:04en face de moi, comme Georges aurait pu avoir en face de lui, j'avais des étudiants jordaniens,
13:08libanais, palestiniens, irakiens, syriens, et il y en a un qui me dit « Pourquoi c'est
13:14Samuel Hakounis ? Pourquoi c'est un juif qui met tout ça en scène ? Pourquoi c'est
13:18eux qui mettent toujours tout ça en scène ? » Donc c'est extrêmement compliqué,
13:22parce qu'il y aura toujours quelqu'un qui va vous voir en face, en vous reprochant
13:26quelque chose, et bien oui, comme ça, voilà, c'est Samuel Hakounis, c'est un juif effectivement,
13:31la communauté juive était aussi au Liban, et tous sont là.
13:34Alors hier, justement, c'est très drôle, parce que j'ai vu, il y avait un chrétien
13:41qui m'a dit hier « C'est dommage que ma communauté à moi n'ait pas été représentée »,
13:46et justement c'est ce que vous disiez tout à l'heure, c'est l'un des chrétiens
13:48que j'ai oublié, parce qu'il y en a tellement que…
13:50– Mais c'est vrai que c'est important par rapport à l'actualité de dire que
13:54c'est pas le sujet du film.
13:56– Pas du tout, pas du tout.
13:57– Et voilà, qu'on parle… – Le sujet du film c'est la paix, c'est
14:00la difficulté de revenir en paix, et surtout que la guerre n'est pas jolie, il faut arrêter
14:05avec Dieu que la guerre est jolie, prenez ça dans la gueule, c'est ça la guerre.
14:08– D'ailleurs Simon Apkaryan, ce qui est intéressant, c'est qu'à un moment dans
14:10le film, au moment où tout le monde et tous les acteurs sont réunis avec Georges, avec
14:15Laurent Lafitte pour la pièce, ils remarquent qu'aucun d'entre eux ne porte de signe
14:21religieux alors que d'habitude ils en portent.
14:22Ça c'est étonnant dans le contexte libanais, d'habitude chacun affiche son appartenance
14:28à… – Oui et non.
14:29– Oui et non.
14:30Le problème avec le Liban c'est qu'il y a une époque qui avait marqué la religion
14:34dans les papiers d'identité, donc c'était intermédiaire, si vous vous trompez de quartier,
14:38la police elle ne se comportait pas d'une manière ou d'une autre.
14:41– Il fallait faire attention.
14:42– C'était une identité en fait.
14:43– Oui, et puis sur les accents aussi, on reconnaît les palestiniens de par leur accent
14:48qui est un accent très marqué.
14:49– Bandoura, bandoura.
14:50– Bandoura, bandoura.
14:51– Sancho Rambo est décidément un imitateur en paire.
14:54– La tomate, c'est-à-dire qu'il y a une façon de dire le mot tomate si on est
14:58palestinien.
15:00– On file au standard, bonjour Amal et bienvenue sur France Inter, vous êtes réalisatrice
15:05et vous vouliez nous livrer un témoignage ?
15:07– Tout à fait, alors moi j'ai rencontré Sorge à Beyrouth pendant la guerre et effectivement
15:15je suis contente de cette pièce, de ce film qui sort parce qu'en fait nous on vivait
15:19ça dans la réalité, j'appartenais à un groupe de jeunes réalisateurs, nous avions
15:26des études de théâtre et effectivement sous les bombes, on montait des pièces,
15:33donc Le petit prince, Anouilh, Les bonnes de Jeunet et on continuait, c'était une
15:39façon, et alors que les bombes tombaient et tout ça, on faisait les représentations
15:44et pendant les représentations, des spectateurs les plus courageux restaient et puis sinon
15:49on continuait à jouer et on voyait les gens sortir peu à peu, mais en fait c'était
15:55notre façon de résister et c'est important de dire qu'il y avait des gens comme ça
15:59qui luttaient, on luttait de toutes les confessions, de toute façon, et merci à Sorge de parler
16:07de ces gens-là.
16:08– Merci Amal pour votre témoignage, oui bien sûr, vous avez les larmes aux yeux,
16:13Sorge Salomon.
16:14– Parce que voilà, c'est ça, ça n'arrête pas une guerre, mais ça fait respirer les
16:21gens, ça les fait rêver, ça les fait espérer.
16:24– Et Laurent Laffitte justement, la question elle est au cœur du film, est-ce que l'art
16:29peut arrêter la guerre, est-ce qu'il peut exister en temps de guerre, là ce que dit
16:34le film c'est un échec, la pièce ne se joue pas.
16:37– Mais non ce n'est pas un échec, la pièce ne se joue pas alors, oui mais le défi c'était
16:42de réunir des communautés différentes, parce que ça je ne sais pas si on l'a précisé
16:45mais Yves est monté en Tigone en réunissant évidemment des acteurs et des actrices de
16:49toutes les communautés, et ça il l'a fait, et la finalité du projet en fait, elle est
16:54plus théâtrale, à chaque fois quand on répète une pièce, c'est le soir de la
16:58première l'objectif, mais là ça va au-delà de ça, c'est plus ça l'enjeu.
17:02– C'est la relation.
17:03– Voilà, c'est réunir les gens, et ça il l'a fait, après la guerre est plus forte
17:07et comme le disait Sorge, on pourra déclamer tous les Alexandras du monde, la balle elle
17:13vous atteindra plus vite, mais au moins il a fait ça.
17:15– Simon Apkarian, il y a quelque chose d'assez fort, c'est que le Liban sort un peu de la
17:20crise politique qu'il connaît depuis deux ans, le Liban a donc depuis hier un président
17:25de la République, c'est le commandant-chef de l'armée Joseph Aoun, qu'est-ce que
17:31ça vous inspire ? Il a été chaleureusement salué par le président Emmanuel Macron qui
17:36va se rendre au Liban, c'est la fin d'une forme d'inquiétude ou est-ce que c'est
17:43juste quelque chose qui appartient à un cycle au Liban, l'éternel retour du même, la
17:49possibilité toujours renouvelée de la guerre civile ?
17:51– Je crois que là, je pense que c'est rassurant pour un certain nombre de gens,
17:58notamment au niveau politique, parce que ça stabilise les relations, on a des interlocuteurs
18:03qui sont plus clairs, plus visibles, quant au quotidien des Libanais, je ne sais pas,
18:07parce qu'il faut toujours acheter de l'eau, cadenasser son réservoir parce que le voisin
18:10pique de l'eau, l'électricité c'est pareil, ils en sont là et ça touche toute
18:16communauté confondue, alors on peut avoir de l'argent qui vient de tel pays, tel pays
18:19pour nourrir telle, telle communauté, mais à un moment donné il faut que le Liban devienne
18:23une seule et même communauté qui est libanaise, c'est tout, point barre, tant qu'on n'aura
18:27pas ingéré ça au Liban, je pense que ça va se perpétuer et ça va continuer, les
18:35affrontements et les confrontations vont perdurer.
18:38– En plus c'est vrai qu'on questionne beaucoup en ce moment le modèle un peu universaliste
18:43français et c'est intéressant de regarder Beyrouth et de voir ce que l'ultra-communautarisme
18:50peut aussi provoquer.
18:51– Là la guerre civile elle y est, du coup là la guerre civile, moi je sais de quoi
18:55je parle parce que j'y étais, tout d'un coup quand j'entends en France des gens
18:58dire on est en guerre civile, on est en guerre civile, t'as dit mon camarade, tu ne l'as
19:01pas vu la guerre civile, c'est pas ça la guerre civile.
19:04– Absolument, c'est exactement comme quand j'entends aussi sur le RER B on a été pris
19:08en otage, non.
19:09– C'est pas ce qui a fait ça.
19:12– Encore un mot laissé par une auditrice, Anne, qui a vu le film au festival de Sarlat
19:17il y a déjà deux mois, il résonne encore en moi, écrit-elle, c'est un film magnifique,
19:23magnifiquement interprété, merci en lettres capitales et avec un grand point d'exclamation,
19:28c'est difficile de dire mieux ou de dire autre chose que cette auditrice.
19:34Merci infiniment à tous les trois d'avoir été les invités d'Inter, Simon Abkarian,
19:39je précise que vous êtes également, vous, en train de mettre en scène une pièce de
19:44théâtre et celle-là verra le jour, c'est au théâtre des Amandiers, les Amandiers
19:52à Paris et c'est aussi une histoire très forte, on ira la voir et j'essaye de retrouver
19:58d'ailleurs à partir de mercredi prochain je crois, le 16, comme la sortie du film
20:05Le Quatrième Mur, Laurent Laffitte, Serge Chalandon, Simon Abkarian, merci d'avoir été là.
20:10Merci à vous, merci beaucoup.