Naufrage au Sénégal : quelles solutions pour empêcher les jeunes d'émigrer vers l'Europe ?
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00:00À Saint-Louis, notre invité, docteur Papa Faradialo, bonjour et merci d'être avec nous par téléphone.
00:05Vous êtes politologue à l'université Gaston-Berger.
00:08Cela fait des années que les Sénégalais sont endeuillés par ces départs en mer.
00:12Pourquoi le naufrage de Mbourg suscite-t-il autant de colère ? Est-ce le drame de trop ?
00:18Oui, c'est le drame de trop parce qu'effectivement, depuis 2006 au moins,
00:23le Sénégal connaît des vagues massives d'émigration vers l'Europe.
00:28Et apparemment, l'État semble buter sur une solution durable pour empêcher les jeunes Sénégalais
00:36de chercher à émigrer coûte que coûte, au prix de leur vie, vers l'Europe.
00:41Donc, c'est pour ça que cela donne l'impression que c'est le drame de trop.
00:47Maintenant, la solution qu'il faut envisager, c'est une solution double.
00:52D'une part, il faut que l'État adopte une approche sécuritaire et répressive.
00:56Cela consiste à empêcher à tout prix les passeurs, et ce que le Président de la République appelle
01:01les « vendeurs de la mort », de pouvoir continuer leur activité criminelle,
01:07qui consiste à faire voyager dans des conditions extrêmement difficiles
01:15des jeunes Sénégalais à la quête d'un avenir ou d'un ailleurs meilleur.
01:20Et d'autre part, mettre l'accent sur une approche sociale et proactive
01:25qui consisterait à créer les conditions pour qu'au niveau du Sénégal,
01:29les jeunes puissent avoir de l'espoir.
01:31Et ces conditions sont des conditions sur lesquelles le gouvernement actuel a commencé à travailler.
01:38Mais malheureusement, les résultats peinent aujourd'hui à être visibles.
01:42Alors, sur le premier axe, la lutte contre les trafics et donc la lutte contre les passeurs,
01:46le Président Bartirudio Maïfaï a dit qu'il allait notamment établir un numéro vert pour les dénoncer.
01:52N'est-ce pas un peu léger ?
01:53Qu'est-ce qu'il faudrait faire concrètement pour faire reculer ce fléau ?
01:57Oui, je crois que l'approche doit être une approche communautaire.
02:01Et le fait de mettre à disposition un numéro vert pour les signalements des passeurs,
02:11je crois que c'est une solution parmi d'autres.
02:15Faire tout pour que cela ne ressemble pas à de la délation systématique de la part des citoyens.
02:20Mais c'est une solution qui fait partie de l'approche sécuritaire systématique
02:26qui consiste à faire tout pour activer les renseignements généraux et traquer,
02:31et ça c'est le mot que le Président de la République a utilisé,
02:34traquer ceux qui font du business avec la vie de ces jeunes Sénégalais à qui on vend du rêve.
02:43Il l'a également appelé, et c'est assez étonnant,
02:47les familles sénégalaises à moins mettre la pression sur les jeunes.
02:50C'est-à-dire, est-ce que vous pouvez nous éclairer,
02:52les jeunes portent le fardeau en quelque sorte du reste de la famille économiquement ?
02:56Oui, effectivement, au Sénégal et dans certains pays africains,
03:01il y a effectivement ce fardeau de la famille qui consiste à dire
03:05vous êtes jeune, vous êtes l'aîné de la famille, vous avez l'obligation de porter la famille.
03:11Vous avez l'obligation de soutenir vos parents.
03:14Et parfois même, on voit des parents qui prennent l'argent de leur tontine,
03:19qui vendent toutes leurs économies, qui vendent leurs bijoux pour demander à leur fils d'aller émigrer,
03:26court que court, parce que le fils de la voisine a réussi à voyager en Europe.
03:32Donc ça aussi, c'est des pressions qui s'accentuent et qui font que les jeunes ne voient pas d'autre solution
03:40que d'aller émigrer pour satisfaire cette demande familiale,
03:44mais aussi pour soutenir leurs parents qui, parfois, ont sacrifié toutes leurs économies,
03:48ont pris toutes leurs économies pour donner ça à leur jeune fils, pour leur dire d'aller émigrer.
03:52L'autre aspect, c'est que dans les zones côtières où il y a des communautés de pêcheurs,
03:58que ce soit à Hambourg, Versoilles, ou à Caillard, ou dans la région de Saint-Louis,
04:03qui sont des zones de pêcheurs, à cause des impacts de l'exploitation pétrogazière offshore
04:12qui ont un impact sur la diminution des prises journalières des pêcheurs,
04:18les pêcheurs ne trouvant plus le poisson, ils n'ont pas d'autre choix, parfois, disent-ils,
04:23que de prendre les pirogues, de les affrêter et d'être des passeurs pour pouvoir faire émigrer des jeunes.
04:29Parce qu'en général, les pirogues qui sont prises pour braver la Méditerranée,
04:33les capitaines des pirogues, ce sont des pêcheurs professionnels qui décident de dire
04:37« Nous, on n'a plus assez de revenus via la pêche, on va trouver d'autres sources de revenus
04:43en convoyant des jeunes vers l'émigration via la mer. »
04:48Donc ça aussi, c'est des pressions sociales qui s'accentuent autour de ces jeunes et qui les font voyager.
04:53Voilà, pression sociale, problème aussi de chômage avec un taux qui touche notamment les jeunes.
04:59Pour pouvoir agir, le Président Bastiaud de Maïfaï doit avoir les mains libres.
05:03Le problème, c'est que l'Assemblée nationale est, pour l'instant, dominée par l'opposition.
05:08Est-ce qu'il compte dissoudre l'Assemblée, le Président ?
05:10Est-ce inévitable selon vous, pour pouvoir appliquer son programme ?
05:13On sait qu'il doit prendre la parole à 20h ce soir.
05:17Oui, cela semble inexorable, d'autant plus que le Président de la République avait déjà saisi le Conseil conventionnel
05:22pour avis sur la possibilité de dissolution de l'Assemblée nationale.
05:26Le Conseil conventionnel lui avait donné son avis consistant à dire, à partir du 12 septembre,
05:33c'est-à-dire aujourd'hui, vous pouvez dissoudre l'Assemblée nationale.
05:36Ce sont les deux ans prévus par la Constitution.
05:39Et l'autre aspect, comme vous l'avez souligné tout à l'heure,
05:41c'est que le régime actuel fait face à un Parlement hostile,
05:46composé majoritairement de Benoît Boukriakar, l'ancienne majorité au pouvoir,
05:51et qui entend coûte que coûte jouer sur des réclames médiatiques pour l'empêcher de gouverner.
05:57Et la menace de la motion de censure faisait partie de ces coups d'éclats médiatiques
06:03que la majorité parlementaire, Benoît Boukriakar, voulait activer pour empêcher le gouvernement d'agir.
06:09Donc pour avoir les leviers législatifs pour pouvoir gouverner convenablement,
06:15il est inexorable, à mon avis, que l'Assemblée nationale soit dissoute.
06:19Et il y a de fortes chances d'ailleurs que ce soir,
06:21le Président de la République prenne le décret de dissolution de l'Assemblée nationale.
06:25Et en une minute, s'il vous plaît,
06:27quelles sont les chances du PASTEF, si élection il y a, de remporter une majorité ?
06:33Oui, le PASTEF est sur une pente toujours ascendante.
06:36Depuis l'élection présidentielle, le parti PASTEF a aujourd'hui le vent en poupe
06:43et a continué à engranger des soutiens de la part des jeunes,
06:49mais aussi des milieux diasporiques et des milieux intellectuels au Sénégal.
06:53Et c'est ça qui lui a permis de gagner l'élection.
06:55Et jusqu'à présent, le discours qui consiste à dire
06:58« j'ai besoin d'avoir les leviers pour pouvoir gouverner convenablement »,
07:02et ces leviers passent aussi par avoir une majorité parlementaire,
07:05c'est un discours qui passe très bien actuellement dans les milieux intellectuels,
07:09mais aussi au niveau de la jeunesse.
07:11Donc la jeunesse est convaincue que le Président ne peut pas gouverner
07:14s'il n'a pas la majorité parlementaire.
07:15Merci infiniment, Dr Papafara.
07:17Diallo, Politheug.