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  • il y a 1 an
Joseph Ayoub nous raconte l'épreuve qu’il a vécu avec sa femme : le cancer de leur petite fille de 9 mois. Il revient sur le lourd traitement qu’elle a subi, les moments difficiles que sa famille a traversé, mais aussi le soutien du personnel médical.

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Transcription
00:00Ma fille, elle a 9 mois, c'est pas le sens logique de la chose d'avoir un cancer à 9 mois.
00:03J'aimais de ma vie, j'ai pleuré autant que ce jour-là.
00:04Moi, il y a 2 heures, ma fille, elle avait une otite.
00:06Et là, on m'annonce qu'elle se fait opérer lundi, puisqu'elle a très probablement un cancer.
00:10Ma fille n'allait pas très bien depuis 2-3 jours, elle était un peu malade.
00:12Ce qui nous a grave mis la puce à l'oreille, c'est la perte de poids.
00:15Quand je lui ai donné le bain le soir, on mettait la main sur le dos,
00:18et là, je sentais un peu ses vertèbres.
00:20À ce moment-là, elle a 9 mois, donc on va aux urgences pédiatriques.
00:22Elle a une tension, ma fille a une tension de 18.
00:25Et à 19h, on m'envoie faire une échographie du ventre.
00:28Là, le médecin qui fait cette échographie me dit,
00:30je ne vois pas assez bien, je vous envoie faire un scanner.
00:32Et aujourd'hui, je me dis, waouh, j'aurais dû me rendre compte
00:35que c'est pas juste que je ne vois pas bien, c'est qu'il y a quelque chose.
00:37Pour aller au scanner, je suis accompagné par quelqu'un
00:38qui a une trousse de secours, un défibrillateur.
00:42Et moi, je ne m'en rends pas compte à ce moment-là.
00:43Je sais que ce n'est pas cool, mais je ne sais pas combien ce n'est pas cool.
00:46On ne s'attend pas du tout à ce qu'ils vont nous annoncer.
00:48Même pas une heure plus tard, il y a trois médecins qui rentrent dans la pièce.
00:51Et j'ai le médecin qui me dit, vous avez compris,
00:54ce n'est pas anodin ce cas-là, il y en a une masse au niveau de l'abdomen.
00:57Moi, je demande direct, est-ce que c'est une tumeur ?
00:59Et ce qu'il me répond, c'est une tumeur, par définition, c'est une masse.
01:03Donc oui, c'est une tumeur.
01:03Je dis, est-ce que c'est un cancer ?
01:05Il y a des chances, mais on ne sait pas encore.
01:06Ce n'est pas bénin, mais je comprends dans leurs yeux que c'est un cancer.
01:08Donc moi, ma fille, elle a neuf mois.
01:10Ce n'est pas le sens logique de la chose d'avoir un cancer à neuf mois.
01:12Je commence à pleurer, je suis tout seul dans la pièce.
01:16Et avec ces trois médecins-là, ma fille est dans les bras.
01:18Et puis à un moment, il sort de la pièce.
01:20Et là, j'appréhende sur comment je vais appeler ma femme
01:22et lui annoncer que ma fille a probablement un cancer.
01:24On nous prévient qu'on va monter en réanimation.
01:26Et très rapidement, on comprend qu'il y a une opération qui va se faire lundi
01:29pour aller chercher un bout de tumeur et savoir ce que c'est exactement.
01:32Moi, il y a deux heures, ma fille avait une otite.
01:34Et là, on m'annonce qu'elle se fait opérer lundi
01:35parce qu'elle a très probablement un cancer.
01:37Je suis au plus bas, jamais de ma vie, j'ai pleuré autant que ce jour-là.
01:40Ça, c'est quelque chose qui met bien à l'épreuve la vie de couple.
01:43Pendant un mois après le diagnostic,
01:48on a vécu à se voir à même pas une heure par jour,
01:50parce qu'on a une deuxième
01:52et que donc, on a décidé qu'on serait présents pour les deux.
01:54Donc moi, j'ai fait 24 heures à l'hôpital, puis ma femme 24 heures, puis moi 24 heures.
01:58Il y a des phrases qu'on entend toujours encore aujourd'hui.
01:59Je pose la question à un médecin, je dis mais c'est un diagnostic vital, il est engagé.
02:04Et il me répond non, non, pas pour les prochains jours.
02:06On fait ce qu'on appelle une scintigraphie,
02:08qui est une sorte d'image de tout le corps en entier.
02:10Pourtant que c'est énorme, ça fait 8 cm par 8 cm par 6.
02:15Donc sur un enfant de 9 mois, ça prend tout son abdomen, tout son ventre.
02:19Le verdict, c'est que c'est un neuroblastome.
02:21C'est souvent au niveau de l'abdomen, c'est tout ce qui est au système nerveux.
02:25C'est des cellules qui, à un moment, déraillent.
02:28C'est pratiquement que sur les enfants.
02:30Avant 5 ans pour la plupart, il y a 150 cas par an en France.
02:33En France, on parle très peu de chances de guérison.
02:35En ligne au Canada, on voyait que c'était plus ou moins 85% de chances de s'en sortir.
02:39Il y a plein de petits facteurs qui font qu'elle avait un bon pronostic.
02:42Donc on nous décrit le protocole.
02:43Le but, en gros, c'était de réduire la taille de la tumeur au minimum.
02:46Et après d'aller opérer.
02:48La première opération, c'était une biopsie plus une installation de cathéter.
02:51Donc elle a un cathéter qui sort du torse, qui est assez gros.
02:54Donc la chimio, en effet, ça se passe par ici.
02:55Les seuls moments où elle a un peu râlé, c'est les sorties d'opération.
02:58Et c'est normal, mais globalement, elle n'a jamais râlé.
03:00Elle ne s'est jamais plaint.
03:01Toutes les trois heures, il y avait quelqu'un qui venait la trifouiller
03:03pour changer un cathéter, changer une prise, même la nuit.
03:05Même les trucs les plus relous, je vais dire les trucs les plus relous,
03:08c'était vraiment la sonde ou ce genre de choses.
03:10Même là, elle était relativement calme.
03:12Elle a fait ce premier pas à l'hôpital.
03:14C'était la plus petite du service.
03:15C'est un peu la chouchou des infirmières.
03:16Honnêtement, les médecins étaient top.
03:18Les infirmières étaient top.
03:20On a de la chance en France d'avoir cet accompagnement-là.
03:22Sur la première chimio, on fait deux cycles.
03:24La tumeur réduit de plus de 50%.
03:25Et puis, on refait deux cycles supplémentaires.
03:28Et là, on nous dit, ça réduit de 25%.
03:30En théorie, c'est bien.
03:31Mais le problème, c'est qu'elle se loge dans des endroits très compliqués.
03:34Elle est le long des vaisseaux sanguins,
03:35entre les plis du foie, de l'estomac, du pancréas et tout ça.
03:40La structure, c'est comme un chewing-gum
03:42qui est collé sur un spaghetti.
03:45Et sur l'opération, il faut aller enlever petit à petit le chewing-gum
03:48sans casser le spaghetti.
03:49On nous a préparé à ce qu'on la perde peut-être de la maladie.
03:52On nous avait pas du tout préparé à ce qu'on la perde d'une opération.
03:54Son opération a duré 11 heures.
03:56Notre chirurgien nous a dit qu'elle a mis trois heures
03:57juste à commencer par savoir où elle voulait attaquer.
04:00L'opération s'est plutôt bien déroulée.
04:01On nous a enlevé plus de 60% de la tumeur.
04:03Il reste encore à faire pour l'opération d'après.
04:06On arrive en réanimation dans un endroit où il y a des...
04:09C'est le couloir de l'injustice.
04:10Moi, j'appelle ça le couloir de l'injustice.
04:11Il n'y a que des enfants.
04:12Et là, on arrive dans une chambre.
04:13On a un lit d'adulte pour un bébé de un an
04:16avec une dizaine de machines autour.
04:18Elle est perfusée de partout.
04:19Elle est sous respirateur artificiel.
04:20Donc, on voit son ventre bouger en fonction de la machine qui décide.
04:24Et là, il y a un silence.
04:25On rentre dans la pièce avec ma femme.
04:27Silence plein, on ne sait pas quoi se dire.
04:30Et on fond en larmes tous les deux.
04:33C'est des trucs qui m'ont marqué.
04:34J'entends tous les tics, tics, tics, tics.
04:37Ouais, c'est très violent.
04:37C'est très violent.
04:38La deuxième opération, elle se passait d'un mois.
04:40Là, ça se passe beaucoup plus facilement.
04:41C'est relatif, mais ça dure six heures.
04:43Et elle se réveille assez rapidement.
04:44Mais par contre, il y a encore de la tumeur à l'intérieur
04:46et elle va vivre avec ça.
04:47Il y a trois options.
04:48Soit ça reste comme ça pour toute sa vie.
04:51Soit ça s'évapore.
04:53Peu probable, mais ça se peut.
04:55Ou soit ça se redéclenche.
04:56On n'est pas en train d'aller au détail,
04:57mais je sais qu'il y a de l'immunothérapie,
04:58de la radiothérapie potentielle,
04:59si ça se redéclenche à un moment.
05:01Aujourd'hui, là, le but, c'est d'aller le plus loin possible
05:03sans que ça se redéclenche.
05:04L'opération, ça fait un an.
05:05Et au bout de cinq ans, on estime qu'elle est guérie.
05:07Bien sûr qu'elle s'en souviendra.
05:08C'est là, des cicatrices pour les cathéteres,
05:11le drain de l'opération.
05:13Et puis la grosse cicatrice,
05:14c'est là une grosse cicatrice qui traverse le corps.
05:15En tant que parent, tu flippes carrément tout le temps.
05:17On pense à ça quand ça ne va pas bien.
05:19Et en fait, on pense aussi et surtout à ça quand ça va bien.
05:21Aujourd'hui, elle va bien.
05:22Il y a toujours ce fond où nous, on sait qu'il y a encore 10% de la tumeur.
05:25Mais pour l'instant, c'est un plaisir de la voir grandir.
05:27Je ne sais pas s'il y a un tabou,
05:29mais c'est clair que c'est quelque chose qu'on ne regarde pas.
05:31Déjà, tout d'abord, parce qu'on est peu touchés.
05:32Aujourd'hui, il y a 430 000 cancers en France, en moyenne, par an.
05:36Le cancer pédiatrique, il n'y en a que 2500.
05:37Donc, c'est rien du tout par rapport au nombre de cancers,
05:39mais c'est énorme parce que les enfants, à mes yeux, n'ont pas le droit d'être malades.
05:43Et en vrai, ça n'arrive pas qu'aux autres.
05:45Il faut en parler, en fait.
05:46Et puis, si on n'en parle pas, il n'y a pas de recherche qui est faite pour ce sujet-là.
05:49Quand on a fini un peu ce parcours médical,
05:51je me suis dit, ce n'est pas possible que des parents vivent ça.
05:55Et en vrai, aujourd'hui, il y a très peu de fonds qui sont mis dans la recherche pédiatrique
06:00parce que ça touche moins de gens.
06:01Moi, ce que je veux, mon but final,
06:03c'est qu'on ne pourra pas éradiquer le cancer tout de suite.
06:05Mais je veux qu'on puisse dire à des parents,
06:07votre enfant a un cancer, mais ne vous inquiétez pas, on a le traitement.
06:09On a décidé de soutenir avec ma femme l'association Enfants Cancer Santé,
06:12qui permet de lever des fonds pour la recherche.
06:15100%, un euro de données, c'est un euro pour la recherche.
06:17Ils financent environ un million, un million de recherches par an,
06:20que pour les cancers pédiatriques.

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