Esthétique de la rétrocession (leurs années sauvages) par Fabien Gaffez
Retour sur le cours de cinéma de Fabien Gaffez au Forum des images :
1997, rétrocession de Hong Kong à la Chine. Le sentiment d’une course contre la montre obsède les cinéastes et imprègne les films d’une angoisse inédite. Une esthétique atypique voit le jour, depuis l’usage sédatif du ralenti
jusqu’à la nervosité expérimentale du montage.
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1997, rétrocession de Hong Kong à la Chine. Le sentiment d’une course contre la montre obsède les cinéastes et imprègne les films d’une angoisse inédite. Une esthétique atypique voit le jour, depuis l’usage sédatif du ralenti
jusqu’à la nervosité expérimentale du montage.
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00:00:00Bonsoir à toutes et à tous, bienvenue au Forum des Images, merci de votre présence
00:00:16pour ce dernier cours de notre saison, dernier cours consacré à notre portrait de Hong Kong.
00:00:24La semaine prochaine, ici même, nous aurons une conversation avec Christophe Gans,
00:00:31le réalisateur du pacte des loups et de Crying Freeman, un des grands passeurs du cinéma hongkongais.
00:00:38Comme vous avez pu le noter, il y aura une semaine spéciale, en tout cas à partir de mercredi jusqu'à dimanche inclus,
00:00:44avec lui et une carte blanche.
00:00:48Aujourd'hui, on va donc parler d'une esthétique de la rétrocession et je vais m'en expliquer tout de suite.
00:00:55En tout cas, depuis le 3 avril, celles et ceux qui ont assidûment suivi notre portrait de Hong Kong
00:01:02ont pu entreouvrir une fenêtre sur ce territoire et ses cartographies.
00:01:07A travers les différents prismes choisis par nos invités, notamment pour ces cours qui ont rythmé le programme,
00:01:14vous vous faites aujourd'hui une meilleure idée des enjeux parfois contradictoires qui constituent un pays et son double imaginaire.
00:01:22Mon obsession personnelle était de rapprocher la mythologie d'une cinématographie façonnée par nos propres fantasmes cinéphiles
00:01:31et la vérité historique d'un territoire composé, décomposé, recomposé par la colonisation britannique.
00:01:39L'objectif initial de ce grand programme était de frotter l'un contre l'autre comme des pierres combustibles
00:01:44l'imaginaire puissant du cinéma hongkongais, d'un côté, et le présent politique de son absorption par l'autocratie chinoise.
00:01:54J'évoque déjà ici deux versions du temps, deux temporalités différentes,
00:01:59une forme de stylisation transhistorique, transnationale, d'un côté,
00:02:05et de l'autre, une gouvernance postcoloniale conjuguée au présent, fut-elle au nom des valeurs d'une Chine supposément éternelle.
00:02:13Ce paradoxe temporel est au fondement du cinéma de genre hongkongais,
00:02:18ce qui en fait presque malgré lui un divertissement profondément politique.
00:02:26Et donc, entre 1984, comme vous pouvez voir ici, c'est en tout cas une photo de la cérémonie officielle de rétrocession, 1997,
00:02:36entre 1984, date de la signature de la déclaration conjointe sino-britannique marquant l'accord sur le retour de Hong Kong à la Chine,
00:02:46et 1997, date de la rétrocession effective, s'ouvre une temporalité particulière,
00:02:53un compte à rebours géopolitique s'enclenche et donne à la durée une matérialité inédite.
00:03:00Si vous voulez, dans une moindre mesure, tout autant que nous sommes ici,
00:03:05le temps que nous vivons depuis la dissolution de l'Assemblée nationale est du même ordre,
00:03:09entre une conscience d'un présent déjà conjugué au passé et l'inquiétude de ne pas en connaître l'issue.
00:03:14Si l'on fait preuve d'un peu d'imagination, on peut considérer les sentiments confus,
00:03:19on peut deviner les sentiments confus qui ont pu progressivement saisir les Hongkongais et les Hongkongaises,
00:03:24car c'est un temps de même nature dont nous faisons aujourd'hui l'expérience.
00:03:28De même, durant 13 ans, 13 années, Hong Kong est devenu un espace-temps singulier, peut-être unique au monde,
00:03:35plaçant un territoire sous la coupe d'une obsolescence programmée et tout un peuple dans la conscience aiguë de sa finitude.
00:03:43Dans cette parenthèse désenchantée, l'identité hongkongaise, pour peu qu'elle fût une identité fixe,
00:03:49a été re-questionnée et mise sous l'été noir par anticipation, prise en étau qu'elle se trouvait
00:03:55entre l'impossibilité de regretter la domination coloniale britannique et l'angoisse d'être annexée au continent.
00:04:05On peut considérer que le cinéma a pris sa part dans la constitution d'une identité aussi labile que fantasmée,
00:04:12aussi variable qu'affirmée, aussi insulaire que planétaire.
00:04:17Peut-on imaginer une version esthétique de ce moment de l'histoire de Hong Kong et de son cinéma ?
00:04:22Si les scénarios des films traitent ou évoquent cette situation particulière,
00:04:26n'y aurait-il pas une sorte d'inconscient collectif, d'arrière-monde formel qui remonterait à la surface des films
00:04:33pour créer sinon un style commun, du moins une même énergie ?
00:04:37C'est l'hypothèse que je formule ici, et je vais m'appuyer sur quelques films, et l'analyse de leur mise en scène.
00:04:44Et vous verrez, tout ça arrivera tel un compte-arbours jusqu'au moment fatidique de la rétrocession.
00:04:50Mon objectif est donc de définir ce que l'on pourrait nommer une esthétique rétrocessive,
00:04:55soit des motifs, des formes, des figures propres au cinéma de la rétrocession.
00:05:02On notera par ailleurs que ce cinéma de la rétrocession correspond plus ou moins au mouvement de la nouvelle vague hongkongaise.
00:05:14Je m'appuierai majoritairement sur des polars, donc il y aura des images, et notamment quelques images un peu violentes, je vous préviens.
00:05:22Donc je m'appuierai majoritairement sur des polars ou des variations autour du polar, genre qui fut majoritaire dans cette période.
00:05:29A tout le moins majoritaire dans ce que l'on pouvait en voir en Occident.
00:05:33Le premier film que j'ai choisi est l'oeuvre unique, unique en tant que réalisateur, de Johnny Mac,
00:05:39par ailleurs producteur et notamment pour la télévision.
00:05:43Le titre c'est Long Harm of the Law, on a pu le voir dans ce programme, le bras armé de la loi en français.
00:05:50Parmi les polars cultes de cinéma hongkongais des années 80, celui-ci demeure relativement méconnu.
00:05:56C'est à mes yeux pourtant un film important, bien qu'on puisse lui reprocher parfois une vision politique un peu binaire ou un masculinisme d'époque.
00:06:05Nous avons affaire à des chinois, communistes évidemment, venus faire un braquage à Hong Kong.
00:06:12Donc on peut considérer déjà cela comme une métaphore de la rétrocession, un braquage géopolitique.
00:06:18Pour mémoire, le film faisait partie de la carte blanche, ici aux formes des images,
00:06:23la carte blanche que nous avions accordée aux critiques hongkongais Clarence Tsui.
00:06:27Il a eu la belle idée d'une sélection consacrée à une seule année, 1984.
00:06:34Une seule année et trois films. Parmi ces trois films, il y avait donc Long Harm of the Law.
00:06:40Voici comment Clarence Tsui présentait ce programme ici au Forum.
00:06:441984, dans la littérature, Orwell disait « Big Brother is watching you ».
00:06:49Dans la réalité, Londres a accepté de rendre Hong Kong à Pékin, puis il ne s'est visiblement pas passé grand chose.
00:06:56Aucun de ses films n'évoque explicitement des développements politiques immédiats de l'époque, mais il parle.
00:07:03En termes allégoriques ou accidentels, il parle de la façon dont les gens ont pensé et vécu ce moment critique,
00:07:10et de la façon dont l'histoire se déroule par cycle.
00:07:12Le dynamisme de ces films montre, quant à lui, celui de cette ville à une époque tourmentée.
00:07:18Donc on voit que les films ne sont pas de simples chambres d'écho de l'histoire, avec un grand H.
00:07:25Ils impriment l'ère du temps avant de l'exprimer, parfois malgré eux.
00:07:30L'ère du temps, ce que l'on appelle l'ère du temps, ce n'est pas l'écume des jours, c'est ce qui demeure dans le tamis des consciences.
00:07:38Les films dont je vous parle sont traversés par l'énergie contradictoire de la rétrocession,
00:07:43et ils en forgent un style à proprement parler.
00:07:46Ils forment les climats du présent, climat intérieur qui va porter l'individu, climat extérieur qui enveloppe le peuple.
00:07:54Effectivement, comme le souligne Clarence Tsoï, si les films n'évoquent pas la rétrocession, ils parlent.
00:07:59Et ils parlent depuis un espace-temps unique, l'espace-temps de la rétrocession,
00:08:04l'espace-temps, pourrait-on dire, rétrocessible.
00:08:07Donc Long Arm of the Law est un polar avec l'énergie d'un William Friedkin,
00:08:11le William Friedkin plutôt des années 70 et début des années 80, avec des films comme French Connection ou Police Fédérale Los Angeles.
00:08:18Mais il le fait du point de vue des truands, ils n'ont pas de la police.
00:08:21Le film a été tourné en moins de 20 jours, avec un très petit budget.
00:08:26Les acteurs, vous pourrez le deviner en tout cas, sont très bons, très crédibles.
00:08:30Les scènes d'action, à la fois spectaculaires et réalistes.
00:08:33On y voit même des images tournées à la Bolex, une petite caméra portative, sur le continent de manière sauvage.
00:08:40Ça n'apparaîtra pas dans cet extrait, mais c'est dans le début du film.
00:08:44La clandestinité énerve donc le film dans son scénario comme dans sa forme.
00:08:50Hong Kong est alors vécu comme la passagère clandestine d'une histoire qui s'écrit malgré elle à quatre mains entre le colon britannique et le giron chinois.
00:08:59Une identité clandestine voit le jour qui va se décliner ad nauseum dans le polar.
00:09:04On le verra sous la forme persistante de la figure du double ou de l'infiltration du flic ou du brigand infiltré.
00:09:12Je vous montre ce premier extrait. Il y a eu le casse qui a eu lieu.
00:09:16C'est un extrait vraiment d'une très longue séquence.
00:09:19Et donc là, c'est la fuite des brigands poursuivie bientôt par la police.
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00:14:19La mise en scène, on le voit,
00:14:21la course-poursuite iconique du genre,
00:14:23l'esthétique documentaire d'une ville vidéo-surveillée
00:14:25et les 5-6 de suspense,
00:14:27avec notamment ce personnage
00:14:29qui s'arrête devant la ville,
00:14:31qui est rattrapé, etc.
00:14:33Surtout, c'est la nervosité de la séquence
00:14:35qui frappe les esprits,
00:14:37la mise en scène étant littéralement en état d'urgence.
00:14:39J'évoquais William Friedkin,
00:14:41on pense à la course-poursuite célèbre
00:14:43de French Connection,
00:14:45et comme toute course-poursuite urbaine,
00:14:47c'est une visite rapide de la ville.
00:14:49Et cette séquence constitue,
00:14:51si l'on veut, l'archive
00:14:53de la clandestinité hongkongaise.
00:14:55On va voir un deuxième extrait
00:14:57qui est plutôt tiré de la fin du film,
00:14:59du grand final.
00:15:01Je vous l'analyse ensuite.
00:15:03Là encore, il y a une ou deux images violentes.
00:15:17...
00:15:37...
00:15:51...
00:15:57...
00:16:11...
00:16:25...
00:16:47...
00:17:05...
00:17:23...
00:17:43...
00:18:05...
00:18:33...
00:18:47Alors, vous l'aurez compris,
00:18:49on est plutôt vers la fin du film.
00:18:51C'est ces braqueurs chinois continentaux
00:18:53qui se retrouvent ici poursuivis
00:18:55notamment par la police.
00:18:57C'est un petit moment d'un final beaucoup plus long.
00:18:59Et ça se passe entièrement
00:19:01dans la ville étroite de Kowloon,
00:19:03la fameuse cité murée
00:19:05qui apparaît, qui est le décor
00:19:07de plusieurs films dont on a parlé ici.
00:19:09Et qui est le décor notamment aussi
00:19:11d'un jeu vidéo d'horreur,
00:19:13Welcome to Kowloon,
00:19:15qu'on pourra expérimenter ici-même
00:19:17samedi prochain.
00:19:19Donc on voit encore une violence
00:19:21très importante de la séquence,
00:19:23une violence qui va aller crescendo
00:19:25jusqu'à la fin du film.
00:19:27Et on voit comment le filmage continue
00:19:29avec une photo caméra à l'épaule
00:19:31embarquée avec ses personnages comme dans un reportage de guerre.
00:19:33Il y a une difficulté réelle
00:19:35de filmer dans ce lieu,
00:19:37mais on sent bien l'oppression exponentielle
00:19:39de cet espace
00:19:41pour laquelle l'expression fait comme des rats
00:19:43semble avoir été inventée.
00:19:45Violence graphique doublée par la violence
00:19:47de son surgissement au sein d'un même plan,
00:19:49comme sans coupe à l'intérieur du plan.
00:19:51Le tir dans le cou, dans le nez,
00:19:53le tir dans la main, comme vous avez pu être surpris
00:19:55par ça.
00:19:57Le film, comme l'espace,
00:19:59se referme progressivement sur ses personnages.
00:20:01Il les prend littéralement au piège
00:20:03jusqu'à les enfermer dans un grenier
00:20:05pour un carnage final que je ne montrerai pas.
00:20:07Son programme narratif
00:20:09simple, donc le casse,
00:20:11la traque, la planque, le piège, la mort,
00:20:13correspond à son programme esthétique,
00:20:15l'image qui se referme
00:20:17comme un piège, le goulot des espaces progressifs.
00:20:19Et son programme politique,
00:20:21donc le braquage de Hong Kong
00:20:23par le continent.
00:20:25Hong Kong devient la métonymie de Hong Kong,
00:20:27une ville mûrée, presque vivante,
00:20:29qui mange les corps étrangers et qui élimine
00:20:31les parasites. Le film est aussi une manière
00:20:33de prendre au piège les continentaux,
00:20:35comme on l'a vu, comme si Hong Kong dévorait
00:20:37la Chine, comme si c'était une révolte
00:20:39de l'insularité.
00:20:41Il y a donc une insularité de la mise en scène
00:20:43dans ce film qui comprime
00:20:45progressivement ses personnages
00:20:47jusqu'à les prendre littéralement
00:20:49au piège, vous disais-je, dans un grenier,
00:20:51dans une scène formidable,
00:20:53ils connaîtront une mort sanglante,
00:20:55digne du Peking-pa de la première heure
00:20:57ou d'un Chiang Cheh encore plus brutal.
00:20:59Les premiers éléments
00:21:01de ce qu'on pourrait appeler l'esthétique
00:21:03rétrocessive sont ceux-là,
00:21:05c'est la clandestinité et l'insularité,
00:21:07qui sont deux éléments
00:21:09de l'enfermement.
00:21:11Ce sont les premiers
00:21:13pas d'un sous-genre,
00:21:15ce film sont les premiers pas d'un sous-genre du polar
00:21:17hongkongais, le heroic bloodshed,
00:21:19qui sera popularisé
00:21:21deux ans plus tard par le syndicat du crime.
00:21:27Si nous connaissons le film de John Woo
00:21:29réalisé en 1986
00:21:31sous le titre du syndicat du crime,
00:21:33son titre international
00:21:35est A Better Tomorrow,
00:21:37des lendemains meilleurs
00:21:39ou un avenir meilleur.
00:21:41Cette période du cinéma de la rétrocession
00:21:43est marquée par l'obsession temporelle
00:21:45de ces titres, que l'on peut lire dès les titres,
00:21:47qui évoquent tous un sentiment
00:21:49d'atomisation du temps,
00:21:51de course contre la montre,
00:21:53d'attente inquiète d'un lendemain meilleur.
00:21:55Les titres sont comme les symptômes
00:21:57de cette esthétique rétrocessive,
00:21:59tels des lapsus collectifs.
00:22:01En voici une liste non exhaustive,
00:22:03Les cendres du temps, de Wong Kar-wai,
00:22:05Full Alert, de Ringo Lam,
00:22:07Running Out of Time, de Johnny To,
00:22:09et plus tard Time and Tide, de Tsui Hark,
00:22:11le film que vous pourrez avoir
00:22:13à 21h.
00:22:15Sans oublier la saga des
00:22:17cendres d'une fois en Chine,
00:22:19produite et réalisée par le même Tsui Hark.
00:22:21John Woo, pour revenir à lui,
00:22:23est un cinéaste
00:22:25qui a suscité une grande passion
00:22:27dans les années 80 et 90,
00:22:29tant chez les cinéastes que
00:22:31chez les cinéphiles. J'appartiens moi-même
00:22:33à une génération qui a pu voir l'émergence,
00:22:35la consécration, la récupération
00:22:37et la déchéance de ce cinéaste
00:22:39de génie. Le Syndicat du crime
00:22:41est le premier film personnel
00:22:43et totalement revendiqué par John Woo.
00:22:45Auparavant, il avait réalisé
00:22:47pas moins de 14 films au sein
00:22:49de studios divers. On peut citer
00:22:51parmi ces 14 films qui ont été un peu réexhumés
00:22:53par après,
00:22:55après le succès de John Woo,
00:22:57on peut citer des films comme
00:22:59Hand of Death, pour la compagnie
00:23:01Golden Harvest, ou La Dernière Chevalerie,
00:23:03ou encore Heroes Shed No Tears,
00:23:05qui est le film qu'il fait juste avant.
00:23:07Le Syndicat du crime est produit par
00:23:09Tsui Hark. Il confirmait
00:23:11la naissance d'une nouvelle vague hongkongaise
00:23:13sur fond de déclin des studios et notamment
00:23:15de la Show Brothers.
00:23:17L'immense succès du film permettra à John Woo
00:23:19de signer une suite dès l'année suivante,
00:23:21le Syndicat du crime 2,
00:23:23toujours produit par Tsui Hark,
00:23:25tandis que le même Hark
00:23:27en signera le troisième opus,
00:23:29le Syndicat du crime 3.
00:23:31Il inaugure donc l'âge d'or du heroic bloodshed
00:23:33et par extension du polar
00:23:35hongkongais, genre qui rassemble
00:23:37de manière magistrale toutes les obsessions
00:23:39formelles du cinéma hongkongais
00:23:41premièrement,
00:23:43jusqu'à former un canon pour le cinéma mondial.
00:23:45Il s'appuie sur une esthétique
00:23:47unique, que l'on peut
00:23:49donc nommer esthétique rétrocessive.
00:23:51John Woo imprime déjà
00:23:53sa marque et son style dans ce film. En réalité,
00:23:55bien des motifs proviennent
00:23:57directement de son expérience au sein
00:23:59de la Show Brothers, où il fut l'assistant
00:24:01de Chang Cheh, il y a eu un cours sur
00:24:03Chang Cheh ici même. Chang Cheh qui était
00:24:05l'un des auteurs,
00:24:07réalisateurs, artisans principaux
00:24:09de la Show Brothers.
00:24:11John Woo remplace les sabres par
00:24:13les flingues, mais il garde les
00:24:15intrigues fratricides et les giclées
00:24:17de sang, tout en exaspérant quelques
00:24:19figures de style telles le ralenti.
00:24:21Nous y reviendrons.
00:24:23Notons que, comme à son habitude, il tient dans ce
00:24:25film un petit rôle, celui
00:24:27d'un flic mystérieux, monolithique et
00:24:29melvillien. Plus tard, il sera même
00:24:31un barman confident du personnage de Chong Yun Fat
00:24:33dans Hard Boiled, traduit à toute épreuve.
00:24:35Je montre une première
00:24:37séquence de ce film, c'est l'ouverture
00:24:39du film, donc c'est le tout début.
00:24:41Une séquence assez courte, je vous en parle
00:24:43après.
00:25:07Putain !
00:25:37Putain !
00:25:39Putain !
00:25:41Putain !
00:25:43Putain !
00:25:45Putain !
00:25:47Putain !
00:25:49Putain !
00:25:51Putain !
00:25:53Putain !
00:25:55Putain !
00:25:57Putain !
00:25:59Putain !
00:26:01Putain !
00:26:03Putain !
00:26:05Putain !
00:26:07Putain !
00:26:09Alors, les huit premiers
00:26:11plans du pré-générique, donc avant
00:26:13le carton titre, sont déjà fondamentaux
00:26:15et installent le spectateur, la spectatrice
00:26:17dans la tonalité
00:26:19rétrocessive propre à John Woo.
00:26:21Le montage découpe deux régimes d'images
00:26:23pour fabriquer une matière aussi fluide
00:26:25que traumatique et qui caractérise
00:26:27par le mouvement des corps confondu
00:26:29avec les mouvements de la conscience
00:26:31le grand style de John Woo.
00:26:33Les deux régimes sont d'abord le réveil d'un personnage
00:26:35on le voit, couleur, scintillement, vitesse
00:26:37d'un mouvement dont le montage superpose et répète
00:26:39presque imperceptiblement les gestes
00:26:41des raccords rétroactifs
00:26:43dans le mouvement. Et d'un autre côté
00:26:45la mort supposée en tout cas
00:26:47d'un autre personnage avec un noir et blanc
00:26:49plus granuleux et sale,
00:26:51un ralenti, une séquence dédoublée
00:26:53une matière qui est plutôt onirique
00:26:55et mémorielle.
00:26:57Le réveil en sursaut d'un cauchemar
00:26:59est un topos du cinéma
00:27:01plus largement le personnage qui à la lettre se réveille
00:27:03s'éveille à la conscience
00:27:05c'est aussi un grand classique de la littérature
00:27:07mais ce qui est moins fréquent
00:27:09c'est le réveil d'un cauchemar
00:27:11en ouverture de film, dès les premières images
00:27:13ce qui place clairement le syndicat du crime
00:27:15sous le saut du trauma et nous dit
00:27:17ce que vous allez voir est un long cauchemar
00:27:19dont on espère se réveiller
00:27:21dans le registre rétrocessif
00:27:23on ne peut pas faire plus radical
00:27:25nous vivons un cauchemar éveillé
00:27:27nous ne sommes pas dans l'œil
00:27:29grand ouvert mais dans l'œil fermé
00:27:31comme le souligne le très gros plan
00:27:33duquel surgissent le thème musical
00:27:35si bien connu
00:27:37et le titre du film
00:27:39nous serons donc dans la tête du personnage du lecteur
00:27:41Ti Lung, qui était une star
00:27:43notamment de la Show Brothers
00:27:45le premier plan
00:27:47de profil
00:27:49est comme une vignette luminescente
00:27:51avec un filtre qui confère déjà un aspect
00:27:53onirique à la scène
00:27:55une lumière blanche tombe sur la bouche
00:27:57sur les paupières de l'acteur
00:27:59et on a presque affaire à une peinture
00:28:01d'inspiration chrétienne
00:28:03une lamentation sur le Christ mort
00:28:05et John Woo va investir et détourner
00:28:07et utiliser beaucoup cette imagerie chrétienne
00:28:09jusqu'à une forme de dolorisme romantique
00:28:11dans un de ses films suivants
00:28:13The Killer
00:28:15toute une grande séquence d'action se passera
00:28:17dans une église avec un Christ
00:28:19on l'entend
00:28:21on entend le personnage, on le voit respirer
00:28:23comme s'il respirait littéralement la lumière
00:28:25comme si le souffle lui était littéralement donné
00:28:27par l'image
00:28:29l'image qu'il respire
00:28:31l'image qu'il inspire et qui l'inspire
00:28:33c'est ce corps qui tombe sous une balle
00:28:35dont on entend la détonation
00:28:37on apprendra par la suite dans le film
00:28:39qu'il s'agit de son petit frère
00:28:41Kit, devenu policier
00:28:43alors que lui, on devine grâce à son tatouage
00:28:45qu'il fait partie des triades
00:28:49on ne sait pas encore s'il s'agit ici
00:28:51d'un souvenir traumatique
00:28:53ou s'il s'agit d'une angoisse prémonitoire
00:28:55et c'est le sentiment exact
00:28:57souvenir traumatique ou angoisse prémonitoire
00:28:59c'est le sentiment exact
00:29:01c'est-à-dire mélangé et incertain
00:29:03qui a pu saisir les Hongkongais
00:29:05et les Hongkongaises dans le temps
00:29:07de la rétrocession
00:29:09la chute du corps de Kit
00:29:11est découpée en deux phases
00:29:13le montage à la fois retient sa chute
00:29:15et en même temps ne peut pas
00:29:17empêcher cette chute
00:29:19et c'est la fonction du ralenti que d'essayer de retarder
00:29:21le pire tout en examinant
00:29:23le détail engourdi de ce qui arrive
00:29:25il s'agit ici du premier ralenti du film
00:29:27qui en aura de nombreux
00:29:29il est d'emblée ce ralenti
00:29:31associé à la mort ou à ce qui précède
00:29:33tout juste la mort
00:29:35et il instille cette mort comme un poison
00:29:37dans la chair du film
00:29:39comme un poison et comme une poisse
00:29:41cette sueur qui colle à la peau de Ti Lung
00:29:43une sudation toxique, un passé
00:29:45qui s'égoutte de sa peau
00:29:47le ralenti est donc ici
00:29:49un ralentissement de l'irréversible
00:29:51cependant
00:29:53tout le programme de cinéma chez John Woo
00:29:55tout le programme de son cinéma
00:29:57au moins dans sa période dite
00:29:59que j'appelle rétrocessive
00:30:01sera de prendre le contrôle du temps
00:30:03et de contrarier, de refuser
00:30:05de réfuter parfois l'irréversibilité
00:30:07du temps
00:30:09dès ce plan, le ralenti
00:30:11c'est la mort
00:30:13John Woo se dit que le ralenti peut au contraire
00:30:15donner la vie, la sauvegarder
00:30:17la magnifier
00:30:19la faire passer du côté de l'oeuvre d'art
00:30:21à tout le moins il peut à ce point
00:30:23intégrer la mort dans son cinéma
00:30:25qu'elle en sera un sublime requiem stylistique
00:30:27on peut le définir
00:30:29par cette formule, intégrer la mort
00:30:31au point de la désintégrer
00:30:33Nicole Brenez, critique
00:30:35et universitaire avait eu des mots assez forts
00:30:37à ce sujet, au sujet de la mort
00:30:39chez John Woo, rien ne peut mettre à l'abri
00:30:41de la mort dans le cinéma de John Woo
00:30:43et rien n'est un abri dans le cinéma de John Woo
00:30:45et elle dit, elle écrit
00:30:47tout est déjà mort et plus profondément la seule chose
00:30:49qui mérite d'être préservée est la mort elle-même
00:30:51et c'est très exactement l'enjeu
00:30:53de ces huit premiers plans
00:30:55du syndicat du crime
00:30:57Brenez ajoute, non sans une certaine
00:30:59fougue conceptuelle
00:31:01je cite, John Woo a inventé
00:31:03une poétique de la grande mort
00:31:05qui ne concerne pas le corps individuel
00:31:07puisqu'il n'y en a plus, mais le deuil collectif
00:31:09en ce sens, les chefs-d'oeuvre
00:31:11de John Woo élaborent une anthropologie
00:31:13poétique des rituels funéraires
00:31:15donc ce deuil collectif dont elle parle
00:31:17c'est celui anticipé
00:31:19de Hong Kong
00:31:21On remarque également le montage
00:31:23qui décrit sous plusieurs angles le redressement
00:31:25du corps de Thi Lung
00:31:27c'est typique des solutions du style
00:31:29de la rétrocession, du style rétrocessif
00:31:31un phénomène d'accélération mais aussi
00:31:33de répétition à travers le découpage
00:31:35on le voit de face, de côté puis de dos
00:31:37jusqu'au détail du tatouage
00:31:39qui signifie l'appartenance
00:31:41à la triade, on l'a dit
00:31:43mais qui signifie plus profondément
00:31:45que quelque chose d'indélébile marque
00:31:47le personnage
00:31:49donc d'un côté, un corps chute
00:31:51de l'autre, un corps se relève
00:31:53c'est la poétique du double
00:31:55que John Woo va épuiser dans tout son cinéma
00:31:57Or, dans la suite
00:31:59de la séquence, c'est la ville
00:32:01après le générique, après le titre
00:32:03c'est la ville qui chute avec la caméra
00:32:05vers Cho Yong Fat
00:32:07que vous aurez peut-être reconnu, l'une des stars de cette époque
00:32:09un panoramique vertical
00:32:11descendant, fait entrer l'acteur
00:32:13dans le film et dans toute sa splendeur
00:32:15cinégénique du gangster
00:32:17lunettes noires, cigarettes
00:32:19impair, etc
00:32:21on observe des raccords phénoménaux
00:32:23qui donnent un rythme si
00:32:25dynamique au film, voiture
00:32:27qui passe, vitres qui se baisent, des cuts
00:32:29comme des uppercuts, mais qui nous prennent
00:32:31par le col et nous emmènent déjà dans le film
00:32:33et puis déjà, la course légère
00:32:35on le voit de Cho Yong Fat
00:32:37qui est effet comique, qui est opposé
00:32:39à la lourde position couchée
00:32:41de Ti Lung, l'insouciance coule
00:32:43d'un côté face à la gravité plombée
00:32:45on a quelque chose
00:32:47de plus joyeux avec Cho Yong Fat qui surgit
00:32:49Cho Yong Fat apporte son énergie comique
00:32:51dans cette ouverture
00:32:53on a déjà deux humeurs, deux tonalités affectives
00:32:55et stylistiques différentes
00:32:57portées chacune par un acteur
00:32:59ces deux énergies contradictoires seront à la fois
00:33:01celles des deux personnages et celles du film
00:33:03chez John Woo
00:33:05la fiction coule dans les veines de ces acteurs
00:33:07dont les corps seront montés comme des images
00:33:09ainsi le personnage de Ti Lung voudra
00:33:11dans le cours du film, il voudra
00:33:13se ranger, tandis que celui
00:33:15de Cho Yong Fat voudra revenir
00:33:17à un monde d'avant, d'avant sa blessure
00:33:19il sera blessé dans le film, mu
00:33:21par un désir de vengeance
00:33:23partir ou revenir, c'est aussi
00:33:25la grande question qui se pose au moment
00:33:27de la rétrocession
00:33:29ce qu'il y a de beau, c'est le
00:33:31personnage vieillissant de Ti Lung
00:33:33que l'on voit apparaître ici
00:33:35il incarne un mafieux de la vieille école
00:33:37et John Woo joue précisément
00:33:39sur le vieillissement d'un personnage
00:33:41tout droit venu des films de Chang Cheh
00:33:43des années 60-70
00:33:45et il est hanté par la longue mémoire de ses anciens rôles
00:33:47ils font former un duo
00:33:49que j'allais dire
00:33:51célèbre et culte avec l'autre acteur
00:33:53David Chang
00:33:55donc c'est de tout cela dont Ti Lung se réveille
00:33:57au début du film, des films de Chang Cheh
00:33:59et d'une époque révolue
00:34:01je vous propose
00:34:03une deuxième séquence
00:34:05un tout petit peu plus longue
00:34:07qui est un peu avant
00:34:09la moitié du film
00:34:31la moitié du film
00:35:01la moitié du film
00:35:31la moitié du film
00:36:01la moitié du film
00:36:03la moitié du film
00:36:05la moitié du film
00:36:07la moitié du film
00:36:09la moitié du film
00:36:11la moitié du film
00:36:13la moitié du film
00:36:15la moitié du film
00:36:17la moitié du film
00:36:19la moitié du film
00:36:21la moitié du film
00:36:23la moitié du film
00:36:25la moitié du film
00:36:27la moitié du film
00:36:29la moitié du film
00:36:45alors évidement
00:36:47Le cinéma de la rétrocession est un cinéma qui comprime
00:36:49et qui explose, qui fait
00:36:51sa violence
00:36:53donc ce deuxième exercice
00:36:55c'est l'une des premières fusillades
00:36:57opératique du cinéma de John Woo qui va en user et peut-être en abuser dans la
00:37:01suite et les pousser parfois à un vertigineux sens de la mise en scène.
00:37:08Le personnage vengeur de Cho Yong-fat fait irruption seule dans un
00:37:13lieu de plaisir pour y sommer la mort. Le style opératique de John Woo se met en
00:37:17place, vous l'avez vu, musique, chansons, ralentis, suspensions, dilatations et
00:37:22soudaines accélérations. Néanmoins les cuts sont fluides et
00:37:26malgré la violence indéniable l'ensemble revêt un sentiment de contrôle absolu
00:37:30du temps. On observe que le ralenti est consacré à deux phénomènes dans
00:37:35l'extrait, la duplicité du héros et la mort à l'oeuvre. Mort qui est aussi une
00:37:40forme de duplicité puisque la mort c'est la mort qui se cache au fond du vif
00:37:44comme la nuit se cache au fond du jour. Donc à chaque fois la duplicité ou la
00:37:48mort ce sont des moments où le corps n'est plus ce qu'il doit être, ce qu'il
00:37:51prétend être, où il n'est plus chair mais propre image, où il n'est plus qu'image
00:37:56qu'il veut bien donner, avoir. Cho qui feint le sourire pour s'introduire donc
00:38:02c'est la pure matrice actorale du cinéma de John Woo. Feindre ostensiblement une
00:38:07émotion pour masquer la violence à venir. On a aussi un très beau plan comme ça
00:38:12de l'autre acteur de cette époque, l'un des grandes stars de cette époque, Tony
00:38:15Leung dans Hard Boiled à toute épreuve où il masque également ses larmes et il
00:38:20contient ses larmes et il sourit en même temps qu'il pleure. C'est une très
00:38:24belle séquence. Et on a aussi ce théorème actoral dans
00:38:27Volte Face, Face Off de John Woo, un film américain où on intervertit les visages
00:38:31littéralement. Donc le jeu de l'acteur par John Woo est retravaillé par le
00:38:36ralenti. John Woo déclarait s'être inspiré de cinéma de Scorsese et de sa
00:38:40capacité à utiliser des ralentis parcimonieusement dans des moments de
00:38:44forte intensité lorsqu'il s'approche du visage d'un acteur.
00:38:49Woo souhaite consciemment ralentir le jeu des acteurs hongkongais qui est
00:38:53traditionnellement expéditif et il ne les avertissait même pas qu'il allait
00:38:57utiliser un ralenti à ce moment-là. Si l'on poursuit la généalogie du ralenti
00:39:02et de ses usages chez John Woo, il déclare à longueur d'interview plusieurs
00:39:06sources. Kurosawa et notamment un ralenti spécifique des Sept Samouraïs, le
00:39:12cinéma de son maître, Chang Cheh, les comédies musicales de Jane Kelly ou le
00:39:17grand choc de la horde sauvage de Pekinpa. A propos de la horde sauvage,
00:39:21John Woo déclare, je cite, « le ralenti m'avait alors frappé comme une manière
00:39:27de montrer la beauté de l'action ainsi que les éléments les plus dramatiques
00:39:30liés aux instants névralgiques qui précèdent la mort. Les ralentis au
00:39:34cinéma le rendent immédiatement musical ou encore lui insufflent une
00:39:37quantité semblable, une qualité, pardon, semblable à celle d'une feuille morte
00:39:42qui doucement tombe l'automne venu jusqu'à se déposer sur le sol ». Donc il
00:39:46parle de l'intensité névralgique qui précède la mort, c'est aussi une
00:39:49caractéristique du temps de la rétrocession, une caractéristique
00:39:52sentimentale et affective. Dans cet extrait, le ralenti est d'abord une
00:39:57rétention, ce qui crée une forme de tension dans le film, puisqu'on sait
00:40:01qu'il est là aussi pour se venger, comme un nuage avant l'orage, un faux calme
00:40:05avant la tempête. Dès que le personnage sort son arme et tire, la musique
00:40:09s'arrête, le silence s'installe, le coup de feu éclate la bulle du temps et
00:40:13provoque un sentiment mêlé de brutalité, de précision et de vitesse.
00:40:16Donc c'est vraiment le coup de feu qui accélère le film. Comme si le geste avait
00:40:21maturé dans le ralentissement du temps, comme si John Woo filmait la formation
00:40:25du geste et de l'émotion. C'est comme une version cinématographique et
00:40:30ritualisée des tropismes de Nathalie Sarraute qui compare son écriture à des
00:40:34ralentis posés sur ces mouvements qui affleurent à la conscience.
00:40:37Nathalie Sarraute et John Woo, même combat, on pourrait en débattre.
00:40:42Cette séquence a au moins deux sources cinématographiques.
00:40:44Elle en est même la fusion stylistique qui opère la grande mutation du film
00:40:50d'action à l'époque et l'alchimie sublime à cette époque du cinéma
00:40:54wuyen. Ces deux sources sont Chang Cheh, je l'ai dit, et Jean-Pierre Melville.
00:40:59Et pour être tout à fait précis, deux films, Vengeance et Le Samouraï.
00:41:06Le cinéma de Chang Cheh, dont John Woo fut l'assistant, a façonné
00:41:10ses gestes. Parfois, il y a souvent des réminiscences presque inconsciences du
00:41:13cinéma de Chang Cheh dans celui de John Woo. Le film comporte quelques
00:41:17hommages directs à Chang Cheh, mais cette séquence que l'on vient de voir
00:41:21rappelle clairement une séquence de vengeance où il entre également dans un
00:41:25lieu de plaisir, je crois que c'est le pavillon des fragrances dans le film de
00:41:28Chang Cheh, où on voit ce personnage ici, David Cheung, également entrer pour
00:41:35semer la mort et venger le même acteur dans un autre rôle,
00:41:38Thi Lung. Quant au samouraï, Woo a souvent célébré aussi dans ses
00:41:45interviews, dans ses diverses interventions, il a souvent célébré ce
00:41:49qu'il appelle le romantisme sombre de Jean-Pierre Melville, qu'il affirme
00:41:53avoir toujours essayé d'imiter, donc il ne s'en cache pas. Et dans ce film,
00:41:58le personnage de Cho Yung Fat, son style, son look, son imperméable, pas très
00:42:02utile nous dit-il à Hong Kong, l'imperméable, sa façon de marcher sont
00:42:06calquées sur un lin de long dans le samouraï. Et John Woo déclare le
00:42:10sentiment général de cette scène est inspiré par le samouraï. Donc c'est un
00:42:14sentiment d'une tension diffuse avant le coup près, propre au style étale et
00:42:20létale de Jean-Pierre Melville. Il y a une troisième source plus littérale, c'est le
00:42:26film réalisé en 1967, la même année que le samouraï, par Patrick Leung,
00:42:32qui s'appelle Story of a Discharged Prisoner, dont Better Tomorrow est le remake
00:42:36lointain. Le premier projet porté par le producteur Treyarch était de faire un
00:42:40remake de ce film. Ce maniérisme d'inviter d'autres films à l'intérieur
00:42:46de son film n'est pas une vaine entreprise d'imitation par John Woo, un
00:42:49catalogue de citations faciles, il est une façon d'alourdir l'image d'une
00:42:53mémoire, une mémoire directe ou indirecte, et d'épaissir, d'approfondir
00:42:58encore l'expérience du temps. Le maniérisme dédouble et redouble le
00:43:02film. Dans le maniérisme, chaque film comporte ses doubles, des doubles citées
00:43:07ou assimilées. Et ce maniérisme qui redouble le film, c'est une version
00:43:12esthétique de la figure du double célèbre et propre au cinéma de John Woo,
00:43:17le travail sur l'identité, sur la double identité, sur la clandestinité, avec des
00:43:21figures de flics infiltrés notamment dans À toute épreuve. C'est un thème qui
00:43:26parcourt aussi le polar hongkongais dans son ensemble, jusqu'à des films
00:43:30post rétrocessions comme les célèbres par exemple Infernal Affairs.
00:43:37Or, travailler ostensiblement la matière du film comme il le fait, avec
00:43:41accélération, ralenti, arrêt sur image, n'est-ce pas un même rapport de
00:43:45clandestinité au réel ? On affirme ici la puissance du cinéma, de la fiction, de
00:43:51l'artifice, du faux, face à un réel soumis à la falsification de la
00:43:55rétrocession. Si la temporalité wuyenne, si on peut l'appeler comme ça, si cette
00:44:01temporalité est spécifique, il faut la raccorder à l'esthétique rétrocessive
00:44:05qui a besoin d'un espace rétréci, de l'espace rétréci de Hong Kong et du
00:44:10décompte de l'irréversibilité. Le cinéma de John Woo est une fabrique de la
00:44:14mémoire et dans ses films, on y trouve systématiquement des flashbacks immédiats
00:44:19à l'intérieur de l'histoire, des flashbacks littéraux, quand le personnage
00:44:22se souvient d'un trauma. On l'a vu ici à l'ouverture de ce film, dans The Killer,
00:44:27une scène d'aveuglement va revenir systématiquement dans le film, dans
00:44:31Hard Boiled, la mort d'un collègue va revenir, hanter le personnage de
00:44:35Chong Yun-fat au moment où son compère Tony Leung s'électrocute et le début de
00:44:40Face Off volte-face avec la mort d'un enfant, etc, etc.
00:44:43Donc une séquence de film devient un trauma instantané, répété en flashback
00:44:48quasiment dix minutes après. Donc souvent, dans le cinéma, on va dire
00:44:52les traumas sont hors film. C'est par exemple la structure dominante du
00:44:56western italien. Ici, les traumas qui motivent le désir de vengeance sont,
00:45:00comme on dit, diégétiques. Ils se fabriquent sous nos yeux, en direct.
00:45:04On a donc affaire à une compression du temps de la conscience, compensée par la
00:45:09figure du ralenti et par la stratification maniériste de l'image.
00:45:14Il y a un moment du film qui exprime ouvertement la tonalité affective de la
00:45:20rétrocession. C'est un peu plus loin dans le film, ce n'est pas encore la fin.
00:45:23On voit ici le personnage de Chong Yun-fat, qu'on a vu blessé dans la séquence
00:45:28précédente, mais qui va encore être passé à tabac et on le retrouve ici.
00:45:32Et donc ça exprime ouvertement la tonalité affective de la rétrocession.
00:45:36Je vous montre trois plans, juste trois plans successifs. Hong Kong est belle la
00:45:41nuit. Voilà ce qu'il regarde et sa réaction, c'est dur de penser que toute
00:45:48cette beauté va disparaître. Donc, la beauté qui disparaît, entre deux regards,
00:45:54ces trois plans disent vraiment toute la mélancolie de la rétrocession, en tout cas
00:45:58toute la mélancolie de John Woo. C'est aussi le moment, dans cette séquence,
00:46:02on ne le voit pas ici, mais où Ti Lung, le personnage qui vient du passé, le soigne.
00:46:07Soigne le personnage de Chong Yun-fat. C'est littéralement le passé qui vient
00:46:10soigner le présent. Il faut dire, je ne vais pas développer ici, mais que John Woo peut
00:46:15être considéré comme un cinéaste assez conservateur, où il voulait la chevalerie,
00:46:20remettre au goût du jour la chevalerie de la Chine ancestrale, on va dire.
00:46:26Dans le deuxième plan, on ne le voit pas dans cette image figée évidemment, mais
00:46:31le seul mouvement est un avion qui passe et qui traverse l'image.
00:46:35Mais on voit une ville complètement floue, effacée. C'est un flou complètement
00:46:40bouleversant, puisque c'est une ville qui a tendance à disparaître avec la
00:46:43beauté que lui assignent John Woo et son personnage.
00:46:46Donc c'est la subjectivité littérale d'un regard blessé, comme on le voit ici.
00:46:50Chez John Woo, tout est littéral, et les corps sont des figures de son grand récit
00:46:56mortuaire, de son réquiem. Donc il y a ici une forme de focalisation, mais ce n'est
00:47:01pas le personnage qui regarde la ville, on pourrait penser que c'est la ville
00:47:04qui regarde le personnage, et même le souvenir de la ville, grâce à ce flou
00:47:08bouleversant. Il y a donc ce sentiment étrange, une forme de nostalgie par
00:47:14anticipation, un sentiment inédit, un sentiment paradoxal qui est le
00:47:19sentiment de la rétrocession. Et la rétrocession a donc fabriqué une
00:47:22tonalité affective, saisie par le cinéma, une intériorisation par ses habitants et
00:47:28ses habitantes de la rétrocession, et cette intériorité est exprimée de
00:47:32manière romantique par les personnages de John Woo.
00:47:39Je regarde un petit peu le temps qui passe, précisément. Nous sommes dix ans
00:47:46avant la rétrocession. Ce film que vous voyez est réalisé par Ringo Lam, ça
00:47:50s'appelle Prison on Fire. Ringo Lam est l'un des meilleurs cinéastes de cette
00:47:56époque, ce n'est pas le plus cité, mais c'est l'un des meilleurs de
00:48:01cette époque. Il travaille le plus souvent avec son grand frère scénariste,
00:48:05Nam Yin. Le On Fire du titre, Prison on Fire, est comme une série de films
00:48:11réalisés à cette époque par Ringo Lam, après le succès du polar City on Fire.
00:48:17On aura donc successivement une Prison on Fire, puis une School on Fire.
00:48:22Le On Fire est à la fois un programme industriel, décliné une
00:48:27formule rentable pour que le spectateur s'y retrouve, un programme narratif, une
00:48:32tension qui va finir par exploser, et un programme esthétique, contenir dans
00:48:37l'image, tout dans l'image, jusqu'à ce qu'elle s'enflamme littéralement. Et
00:48:41c'est aussi un programme politique, la subversion d'un système carcéral au
00:48:44sens figuré et au sens propre ici. Ce qui prend feu, c'est tout autant le film
00:48:49que les esprits. Le film connaîtra une suite en 1991, Prison on Fire 2, et dans
00:48:57ce film, on voit ici deux personnages, encore Cho Yong Fat, et c'est l'amitié,
00:49:05c'est comme un buddy movie, comme on dit, c'est vraiment l'amitié des contraires,
00:49:08celui qui reste et celui qui va partir de la prison.
00:49:11C'est une métaphore possible du statut des hongkongais, des hongkongaises au
00:49:15moment de la rétrocession, restés ou s'exilés. Question que les cinéastes
00:49:18eux-mêmes, que j'ai cités, vont se poser. La métaphore carcérale et pénitentiaire
00:49:24est à la fois claire et grossière. L'insularité n'est plus ici une ouverture
00:49:28sur le monde, mais une prison. Le retour à la Chine peut être vécu comme un
00:49:33enfermement plutôt que comme une libération du joug colonial britannique.
00:49:36C'est un rétrécissement plutôt qu'un agrandissement. Les frontières sont des
00:49:41murs qui se lèvent. Cho Yong Fat, donc j'avais une petite séquence,
00:49:45Sacha en régie, parce que je veux passer la séquence, mais on enlève le son,
00:49:49je n'aurai pas le temps de la passer en entière, mais au moins vous verrez à quoi
00:49:52ça ressemble. La séquence étant un peu longue, je voudrais passer assez vite à
00:49:55la suite, mais vous aurez compris mon propos sur cette idée de la prison.
00:50:01Cho Yong Fat, que l'on voit ici, est l'un des acteurs majeurs du style rétrocessif.
00:50:09Il a son jeu, donc c'est vraiment une star, c'est vraiment un grand acteur,
00:50:14il a un jeu double et schizophrène quasiment, et qui est vraiment exprimé à
00:50:18plein dans Prison on Fire. Un jeu qui est basé à la fois sur un
00:50:22surjeu hyper-expressif, on a pu le voir un petit peu notamment aussi tout à
00:50:26l'heure dans la première séquence d'une jeune ou, donc un surjeu hyper-expressif
00:50:29et un sous-jeu intériorisé. Pareil dans la séquence du syndicat du crime.
00:50:33Donc il y a un sous-jeu plus contenu et bridé, et c'est qu'on peut dire une forme
00:50:40de sous-jeu abrité par le surjeu, mais sans nuances entre les deux.
00:50:44On passe de l'un à l'autre de manière rapide, ce qui crée des ruptures
00:50:49saisissantes et parfois inhabituelles, en tout cas dans le jeu auquel on peut être
00:50:54habitué des acteurs occidentaux. Donc ce film, on est l'illustration extrême.
00:50:58Peut-être qu'on n'aura pas le temps de le voir là, mais c'est une séquence qui est
00:51:01vers la fin du film, qui va exploser complètement. Et le personnage de
00:51:05Chong Yun-fat, qui a contenu toute une frustration, il y a eu des séquences de
00:51:10violence dans le film, et on contient toute une frustration tout au long du
00:51:13film. Ici elle va complètement exploser. La bestialité va prendre le pas sur
00:51:20l'humanité du personnage. La destitution stélistique de
00:51:24Chong Yun-fat, sa déshumanisation littérale, fait partie de la
00:51:29rétrocession On Fire. Donc comme le personnage, le film Prison On Fire
00:51:35contient toute sa violence, toute sa frustration, qui va sortir par à-coups
00:51:40dans certaines scènes, mais qui va se déchaîner dans ce final mémorable
00:51:45dont c'est un petit extrait. Et la photographie du film elle-même va
00:51:52épouser cette trajectoire d'assombrissement apocalyptique, allant de
00:51:58la clarté naïve du début, où on voit des fonds blancs, des murs blancs, avec les
00:52:04uniformes de ces prisonniers qui se détachent facilement. On a presque à
00:52:07faire non pas une comédie mais quasiment. Donc ça va de la clarté naïve du début
00:52:11à l'obscurité orageuse de la fin, que vous allez voir surgir ici. Et on va voir
00:52:17un ralenti qui va arriver, et le ralenti ici détaille la lente chute à
00:52:22l'intérieur de soi-même du personnage. Je vous la laisse un petit peu, là encore
00:52:26c'est assez violent et je la couperai malheureusement, je ne pourrai pas aller
00:52:29jusqu'à la fin.
00:52:38Arrêtez !
00:52:40Arrêtez !
00:52:42Arrêtez !
00:52:44Arrêtez !
00:52:46Arrêtez !
00:52:48Arrêtez !
00:52:50Arrêtez !
00:52:52Arrêtez !
00:52:54Arrêtez !
00:52:56Arrêtez !
00:52:58Arrêtez !
00:53:00Arrêtez !
00:53:02Arrêtez !
00:53:04Arrêtez !
00:53:07Arrêtez, vous me faites choquer sur la tête !
00:53:12Sûrs !
00:53:14Arrêtez !
00:53:16Eh !
00:53:21Ah !
00:53:28Eh !
00:53:30Arrêtez !
00:53:32Arrêtez !
00:53:36Il est à nous de prendre la clé.
00:53:39Tu perds ta gueule, tu fous !
00:53:42Arrête !
00:53:44Battaillez-les !
00:53:46Battaillez-les !
00:53:47Oh, vas-y !
00:53:48Battayez-les !
00:53:50Ça va !
00:53:54Y a plus de time !
00:53:56Qu'ils gagnent !
00:53:57Qu'ils gagnent !
00:53:58Qu'ils gagnent !
00:54:02Qu'ils gagnent !
00:54:03Les hommes arrivent.
00:54:07C'est le père de Bo-Hai.
00:54:09Ouvre les bras !
00:54:12Comment tu vois l'envol d'une femme dans l'intensité ?
00:54:14Je n'en vois rien.
00:54:14Tant pis.
00:54:16Tu n'as pas à parler.
00:54:17Inde, aide-nous !
00:54:21Aide-nous !
00:54:22Sors de là-bas !
00:54:24Sors de là-bas !
00:54:27Sors de là-bas !
00:54:28Aide-nous, faites l'effort !
00:54:30Sors de là-bas !
00:54:32Sors de là-bas !
00:54:32Attention !
00:55:02Bon, je vous frustre peut-être, en tout cas la séance est très violente.
00:55:12Le ralenti arrive juste après et ça continue encore assez longuement.
00:55:16C'est vraiment le grand final du film, je ne vous dis pas comment les choses se terminent.
00:55:21Il n'y a pas d'extrait pour ce film 1992, je voulais simplement le citer dans le moment d'avancer vers la rétrocession.
00:55:29Nous avons ici affaire à Hard Boiled dont je vous parlais, un autre film de John Woo, à toute épreuve en français.
00:55:35C'est le film du départ et de la rupture de John Woo avec Hong Kong, avec le cinéma hongkongais.
00:55:41C'est un film, si vous l'avez vu, qui est très célèbre.
00:55:45C'est un film de synthèse et de renouvellement définitif du film d'action.
00:55:50Les personnages ici, dans une séquence finale, dans un hôpital,
00:55:54les personnages renaissent littéralement d'une morgue.
00:55:58Il y a un passage secret dans les cercueils de la morgue.
00:56:02Ils sortent littéralement d'une morgue et le final dantesque et culte se passe dans un hôpital.
00:56:07Le pays pour John Woo est entièrement corrompu et John Woo fait tout exploser pour un adieu amer.
00:56:14C'est sa vision de Hong Kong à l'époque, cinq ans avant la rétrocession, qui déchaîne un libéralisme forcené.
00:56:211994, Chunking Express de Wong Kar Wai.
00:56:29Wong Kar Wai est souvent cité, notamment par la critique française, comme le cinéaste de la rétrocession.
00:56:36Comme le cinéaste dont les films sont nés de la rétrocession.
00:56:40Il est celui, en tout cas, dont les thèmes, le style et le discours ont permis cette vision critique.
00:56:46Cette réception critique s'explique en partie par des raisons concrètes, par des raisons historiques.
00:56:51Chunking Express, qu'on voit ici, est le premier film de Wong Kar Wai à être distribué en France.
00:56:56Sorti très exactement le 22 mars 1995, soit deux ans avant la rétrocession.
00:57:02Dans les mois qui ont suivi sont sortis également Days of Being Wild, nos années sauvages, réalisés en 1990,
00:57:08et Ashes of Time, les cendres du temps, réalisés en 1993-1994.
00:57:13Même si, bien sûr, ces films ont pu être par-ci par-là découverts avec parcimonie en festival,
00:57:19notamment son premier film, As Tears Go By, en 1989, à la semaine de la critique accadémique.
00:57:24La réception générale, c'est à partir de Chunking Express.
00:57:27Donc, Wong Kar Wai n'appartient pas, comme les autres cinéastes, à la génération de la nouvelle vague hongkongaise.
00:57:32Il arrive après et avec un statut d'émigré.
00:57:35Il est né à Shanghai en 1958 et il arrive avec sa famille à Hong Kong en 1963, âgé donc de 5 ans.
00:57:41Et sa mère, se sentant isolée au milieu de la langue parlée à Hong Kong, de la langue cantonaise,
00:57:46elle se réfugie au cinéma avec son fils ou Run Run Show, patron de la Show Brothers, qui possède donc des cinémas,
00:57:54où Run Run Show projette des films en mandarin.
00:57:57Et c'est la scène primitive du cinéma de Wong Kar Wai, si l'on veut, des films comme un pays,
00:58:03des films que l'on retrouve au milieu d'un exil.
00:58:08Après des conflits avec ses producteurs, l'histoire bien connue sur plusieurs films,
00:58:14Wong Kar Wai a la réputation d'être difficile, d'être un auteur difficile.
00:58:19On lui reproche la lenteur de ses tournages, son obsession de réécrire les dialogues à la dernière minute,
00:58:25de faire un grand nombre, un trop grand nombre de prises, de tout recomposer au montage pendant des semaines et des semaines.
00:58:31C'est dans ce contexte, donc dans cette réputation en tout cas de Wong Kar Wai,
00:58:36c'est dans ce contexte qu'arrive Chunking Express, tourné en moins de trois mois,
00:58:41durant les moments de creux de la production des Cendres du Temps,
00:58:45Cendres du Temps en wuxiapian, donc film de chevalerie,
00:58:49qui prenait une dimension démesurée et qui commençait à ressembler à son Apocalypse Now ou à sa Porte du Paradis.
00:58:55Donc c'était une production en costume très lourde et avec plein de problèmes,
00:58:59et au moment où le film s'arrête, il tourne Chunking Express.
00:59:03Il avait une envie de liberté, il dit je voulais tourner un film simple, rapide, mais surtout un film contemporain.
00:59:11Pour rappel, dans cette période de rétrocession 84-97,
00:59:15Wong Kar Wai réalise plusieurs films, donc As Tears Go By, 88,
00:59:19Nos Années Sauvages, 1990, Les Cendres du Temps, Chunking Express donc,
00:59:24et ensuite Les Anges Déchus en 95 et Happy Together en 97.
00:59:28Et son premier film après la rétrocession sera son plus grand succès international,
00:59:33et ce qui lui vaut un adoubement de la pop culture, In the Mood for Love en 2000.
00:59:38C'est In the Mood for Love qui est une histoire de rupture, tout comme il y a une rupture avec le Hong Kong d'avant.
00:59:44Tout chagrin d'amour est un exil intérieur qui remodèle l'espace à la faible lumière des souvenirs.
00:59:50Et on peut lire aussi comme ça In the Mood for Love post rétrocession.
00:59:55Sa collaboration avec le directeur de la photographie Christopher Doyle débute dès Nos Années Sauvages,
01:00:00et ensemble ils vont façonner le style rétrocessif définitif.
01:00:04Voyons une séquence, là encore c'est l'ouverture du film.
01:00:24C'est l'ouverture du film.
01:00:54C'est l'ouverture du film.
01:01:24C'est l'ouverture du film.
01:01:55Le film est très beau et célèbre.
01:01:57C'est donc l'ouverture.
01:01:59Nous sommes directement dans la matière du film et de la matière de la ville.
01:02:03Matière stylistique et urbaine qui chez Wong se confond à l'historique de la ville.
01:02:08Le film est un film de philographie.
01:02:10Le film est un film de philosophie.
01:02:13Le film est un film de philosophie.
01:02:16Le film est un film de philosophie.
01:02:19Le film est un film de philosophie.
01:02:22qui, chez Wong, se confondent. C'est son apport majeur à la cartographie de Hong Kong.
01:02:28Donc on est encore dans un pré-générique et le personnage féminin entre littéralement dans le
01:02:34titre du film, dans la ville-film ou dans le film-ville. Cela donne l'impression d'un reportage
01:02:39dans un quartier cosmopolite de Hong Kong. Il y a des regards caméras, la caméra semble parfois
01:02:45subjective, on avance par à-coups et la critique de l'époque, par exemple même dans les
01:02:50cahiers du cinéma, soulignait cette impression brute avec les références de l'époque, je cite
01:02:55« tout se passe comme si les personnages étaient suivis dans tous leurs déplacements par une équipe
01:02:59de MTV particulièrement allumée ». Donc Wong désirait un film tourné avec deux chefs opérateurs
01:03:05comme une jam session. Pas le temps de régler les éclairages au cordeau, il veut tourner comme
01:03:11un road movie, dit-il, sans lieu fixe. Pas le temps d'installer un trépied ou d'utiliser une dolly,
01:03:16je voulais qu'on tourne comme un documentaire caméra au point. Donc on voit ici l'actrice
01:03:21Bridget Lynn en imperméable, perruque blonde, lunettes de soleil qui semblent tomber de l'écran
01:03:27d'un film noir ou d'une convention de la femme fatale. C'est un uniforme de cinéma selon Wong,
01:03:34comme le policier interprété dans la deuxième partie par Tony Leung portera un uniforme. Elle
01:03:40est un personnage de fiction propulsé dans la substance documentaire, on peut appeler ça
01:03:45raconter une histoire, un corps de fiction qui surgit dans le réel. Elle est l'image qui fixe
01:03:51l'attention ici, elle est une image fugitive que l'on finit par fixer comme un portrait
01:03:57photographique avec l'arrêt sur image. Un devenir documentaire donc de la fiction,
01:04:01un devenir chair de l'image et cet arrêt, l'arrêt sur image final en tout cas de cette séquence,
01:04:07c'est littéralement ce que dit le personnage comme tomber amoureux, tomber amoureux de ce qui
01:04:12circule dans les ruelles de la ville, donc tomber amoureux de la ville. Le flic numéro 223 qui prend
01:04:19en charge la voix off dans ce début de film et se présente à nous, il a le regard scrutateur de
01:04:24l'enquêteur quand la femme inconnue a le regard elle caché par ses lunettes. C'est lui qui pour
01:04:31le moment regarde et c'est elle qui n'est pas encore vue. Le délai entre le regard et l'objet
01:04:37de la vision, ce laps de temps qui sépare disons le quotidien professionnel de quelqu'un qui passe,
01:04:43de l'électrisation d'un coup de foudre, c'est une autre version du temps rétrocessif. Ici on
01:04:50nous annonce déjà la deadline, dans 55 heures je tomberai amoureux de cette femme. Nous parlons
01:04:55depuis l'après et nous voyons l'avant. Donc l'esthétique de Bon Caroy est une espèce de
01:05:01baroquisme pop comme le souligne la musique qu'on entend ici composée pour ce film par Michael
01:05:06Galasso avec ce titre entêtant, baroque, qui va revenir très souvent. C'est un mélange d'harmonie
01:05:12et de confusion, de composition indécise et de mélodie indocile et avec le dialogue entre deux
01:05:18instruments qui annonce déjà le tressage des deux histoires dans le récit. On sait à quel point la
01:05:23musique et la chanson sont des motifs obsessifs chez Bon Caroy comme des répétitions qui obstruent
01:05:29l'espace, qui épuisent la mélodie jusqu'à jouer parfois avec les nerfs du spectateur. Et ici par
01:05:34exemple on aura un personnage qui écoutera en boucle le California Dreaming de The Mamas and
01:05:39the Papas, écouté en boucle par l'un des personnages féminins qu'on ne voit pas ici.
01:05:43La ritournelle structure la phrase musicale sous la forme d'un éternel retour et la répétition de
01:05:49la ritournelle tourne à l'obsession à quelque chose qui tient de l'idée fixe, du souvenir lancinant,
01:05:55de l'obstination du passé à l'intérieur du présent. Et donc le style où on vient, c'est le lancinement
01:06:01des figures. Et donc la matière du film ici, on l'a vu, on passe à un niveau supérieur du point
01:06:07de vue du ralenti. La matière du film c'est celle d'un ralenti accéléré ou d'un accéléré
01:06:12ralenti. C'est une vitesse filmique qui se nourrit du clip, du cinéma expérimental, du cinéma de genre,
01:06:19on dirait du Jean Epstein revisité par Adrien Neun. C'est surtout une matière nourrie de bien
01:06:25des livres, bien des films et bien des sensations personnelles au sein d'un quartier de Kowloon
01:06:30que Wong Kar Wai a habité et qu'il connaît par cœur et par corps pourrait-on dire. Donc on le voit,
01:06:36le plan est comme ralenti de l'intérieur. Il provoque le flou, l'illisibilité parfois quasiment
01:06:42de l'image, comme si les personnages luttaient pour ne pas s'embourber dans l'image, comme s'ils se
01:06:49battaient contre une forme d'ankylose temporelle. Le film devient donc une matière plastique sculptée
01:06:55par le flux des déplacements. L'espace est morcelé, désaccordé, composé de faux raccords ou de raccords
01:07:01baroques et cette entrée en matière du film, cette entrée en matière est une entrée dans la matière,
01:07:06littéralement. Une fois le carton du titre passé, nous sommes avec le ciel de Hong Kong et la nuit,
01:07:12avec les nuages qui s'accélèrent, qui est un motif célèbre également, un motif que reprendra
01:07:17souvent Wong Kar Wai dans ses films. Cela provient, vous l'aurez peut-être vu, du Rusty James de
01:07:24Coppola, qui deviendra l'image matricielle par exemple du cinéma de Gus Van Sant à la même époque.
01:07:29Le temps qu'il fait se confond avec le temps qui passe et le temps devient un espace et l'espace
01:07:35devient du temps et la voix-off, inspirée selon Wong Kar Wai du style de l'écrivain Murakami,
01:07:41égrène ici une vision de la rencontre amoureuse qui ne doit plus rien au hasard puisqu'elle est
01:07:47annoncée avec un décompte à la clé, 55 heures, comme un minuteur anti-romantique, si vous voulez.
01:07:55Et c'est ce qu'il y a de magnifique dans le film, une forme ouverte sur le fil de sa propre
01:08:00désagrégation mais dont la voix-off, dont les dialogues ou les manies des personnages sont
01:08:06fixés par une obsession matérielle du temps, par son objectivation dans les horloges, on en a vu
01:08:11une ici, dans les calendriers ou dans les dates de péremption. Il y a donc dans ce grand style
01:08:20rétrocessif, si on note ce barbarisme chez Wong Kar Wai, l'exploration du concept du sentiment de
01:08:26péremption qui est une finitude datée, on sait quand ça s'arrête. Un personnage, si vous avez
01:08:33vu le film, vous le savez, achète des boîtes d'ananas avec la même date de péremption,
01:08:38le 1er mai, qui est la deadline pour la rupture avec son ex-copine. Et il dit « il y a toujours
01:08:43dans le monde quelque chose qui se périme, l'espadon se périme, le ragout se périme,
01:08:48même les vœux se périment. Je me demande s'il y a une chose au monde qui ne se périme pas ».
01:08:52Donc évidemment, ici on ingurgite avec ces ananas, c'est dans une scène célèbre où il
01:08:57ingurgite tout avant le 1er mai, il ingurgite littéralement l'arrêt du temps. On mange la
01:09:02matière temporelle, on avale l'irréversibilité. Plus qu'une intériorisation dont je vous parlais
01:09:06avec John Woo, c'est une assimilation rétrocessive, une digestion d'une ville révolue,
01:09:12une histoire périmée, une digestion d'un court circuit de la conscience. C'est une idée simple,
01:09:17géniale et sublime de Montcarway. Il y a un plan, en tout cas une technique qui représente ce
01:09:25vertige d'un temps paradoxal, celui d'un temps et d'un ralenti accéléré. Je ne sais pas comment
01:09:30le décrire. Évidemment, ce plan que je vais vous montrer, qui est très court, qui revient à deux
01:09:36reprises, en tout cas la même technique revient à deux reprises. Ce plan prend toute sa valeur
01:09:39dans le flux du film, il prend toute sa valeur quand on peut lire dans les pensées des protagonistes
01:09:44présents à l'écran. Elle, que vous allez voir, qui est une amoureuse secrète du personnage de
01:09:49Tony Leung, le flic que vous allez voir, et lui qui pense à la lettre de son ex disparu et qu'on
01:09:55vient tout juste de lui remettre et qu'il n'ose pas ouvrir. Et quand on le replace, ce plan, dans
01:10:00la séquence générale, il y a également une rupture stylistique avec le reste. Il rompt par exemple
01:10:06avec la chanson California Dreaming qu'on entend en boucle dans cette longue séquence. Voici
01:10:11juste ce petit extrait d'un plan magnifique qui nous dit tout.
01:10:16Alors je vous disais, en plus, il y a aussi cette rupture du son, cette rupture musicale,
01:10:45puisqu'avant on était obsédé par la chanson. Et ici, on a presque un plan de cinéma muet,
01:10:50tout s'arrête, la caméra est fixe, avec un arrière-plan net, au ralenti, et un avant-plan
01:10:57flou, comme accéléré. En tout cas, les silhouettes semblent passer très vite, beaucoup plus vite que
01:11:02les gestes des acteurs. Donc Chunking Express est une litanie express sur le temps qui passe,
01:11:09qui manque, sur le temps qui manque, sur le temps qui se perd, sur le temps qui revient. C'est la
01:11:14radiographie exacte du désir de statu quo de la population au moment de la rétrocession. Difficile
01:11:19de renoncer à ses souvenirs, mais difficile aussi d'aller de l'avant. Et le Hong Kong de Wong Kar-wai
01:11:26est un entrelat de temporalité, de matière, d'espace, raccordé entre eux par une logique
01:11:32mentale plutôt qu'une logique géographique. Wong Kar-wai nous dit « j'ai concentré l'action dans
01:11:38Tsim Sha Tsui et les Chunking Mansions, parce que ces immeubles immenses, avec leurs dédales
01:11:43de ruelles et d'escaliers, leurs myriades de gens de nationalités diverses, représentent pour moi
01:11:49un monde microscopique, une vision kaléidoscopique de Hong Kong ». A ce sujet, je vous recommande un
01:11:55excellent texte de Mathieu Darras, paru dans Positif en novembre 2004. Je mettrai la biographie sur le
01:12:03site si vous souhaitez. L'article s'appelait « Hong Wong Kong », dans lequel Mathieu Darras
01:12:09examine l'espace urbain hongkongais comme constitutif du cinéma de Wong Kar-wai. Il n'y a pas
01:12:16chez lui d'espace objectivé de la ville, encore moins une Hong Kong de carte postale, ou des
01:12:21marqueurs visuels de sa géographie, la baie, les immeubles, etc., que l'on voit très souvent dans
01:12:26tous les films tournés à Hong Kong. Mathieu Darras écrit « la vision intime qu'un Wong Kar-wai de
01:12:32Hong Kong correspond à un espace virtuel, régi par les aléas des émotions et de la mémoire, très
01:12:37loin de l'espace social ». En effet, Hong Kong est décrite comme une ville fractale, un ensemble
01:12:42de communautés, d'espaces minuscules, de labyrinthes. Et il nous dit, Mathieu Darras, « à l'instar des
01:12:49personnages, la ville a elle aussi un rapport conflictuel à son passé. Celle qui fut surnommée
01:12:54un rocher désolé ne peut ni s'identifier ni rompre avec son histoire. S'identifier signifierait
01:13:01revendiquer l'apport du colonialisme, tandis que rompre reviendrait à se rallier au patriotisme
01:13:07communiste chinois. Impossible dans les deux cas ». Donc, on peut parler comme d'une tragédie
01:13:12territoriale. Ni avec toi, ni sans toi. C'est l'affect rétrocessif. Hong Kong est un pays auquel
01:13:18on ne peut s'identifier et avec lequel on ne peut pas rompre. On n'y appartient que dans le flux,
01:13:23que dans un mouvement infini. La vision monguienne n'est pas un récit politique, mais un récit intime.
01:13:29Et cette intimité, composée d'enfances, de sensations, de souvenirs, de fantasmes et d'oublis,
01:13:35cartographie un espace mouvant, un palimpseste urbain, un flot architectural. Matthieu Darras
01:13:42évoque l'identité de Hong Kong comme celle d'un changement perpétuel. « Mon caraway souhaite
01:13:47exprimer le changement à travers ce qui ne change pas », il le dit explicitement. Une Hong Kong
01:13:52inamovible qui ne change pas, ça n'existe pas. Si l'on peut connaître la ville, on ne peut jamais
01:13:57la reconnaître et c'est cela qui la définit. Hong Kong est en permanente déconstruction et
01:14:02reconstruction, dit Darras. Si le cinéaste souhaite que la ville change, c'est tout
01:14:05simplement parce qu'elle a toujours été changement. Donc l'espace rétrocessif compose
01:14:10finalement l'identité hongkongaise, cela même qui ne se laisse pas identifier, suspendu entre le
01:14:16passé et le futur. Et Darras, pour finir, parle de la nostalgie particulière du cinéma de Wong
01:14:23Kar-wai, une sorte de nostalgie du présent, dit-il, qui tient beaucoup à la nature même de la ville.
01:14:28C'est ce que j'appelle moins une nostalgie par anticipation, soit un sentiment tragique.
01:14:33Pour finir sur le cinéma de Wong Kar-wai, j'aimerais parler du motif de la pluie. La
01:14:40pluie est un élément essentiel de l'esthétique rétrocessive. La pluie n'est pas évidemment la
01:14:46propriété du cinéma hongkongais, mais elle est constitutive de son climat figural. On la
01:14:51retrouve dans tous les films, soit pour exprimer une forme de tristesse à bon marché, soit pour
01:14:55signifier quelque chose de plus cosmogonique, de plus existentiel. Une fin du monde, sinon la fin
01:14:59du monde, une micro-apocalypse. Métaphoriquement, la pluie précipite le monde dans sa chute. La
01:15:06nature rappelle l'humanité à l'ordre. Dans les films de Kung-Fu, dans les polars, les combats
01:15:14sont innombrables et se passent souvent sous la pluie. Wong Kar-wai lui-même travaillera ce topose
01:15:20du combat sous la pluie dans son film The Grand Master. Et cette poétique pluvieuse sera l'une des
01:15:27nombreuses références des sœurs Wachowski, par exemple, imbibées de cinéma hongkongais, notamment
01:15:33dans la saga Matrix, avec le combat interminable sous la pluie dans Matrix Revolutions. Plus
01:15:39symboliquement, la pluie désigne une temporalité. Elle est ce qui arrive après que l'orage a grondé.
01:15:45Elle est le soulagement dans la touffeur de l'atmosphère saturée. Elle correspond à ce que
01:15:50nous disions du mouvement de rétention-explosion. La pluie a bien entendu une fonction graphique
01:15:54importante. Il y a une synergie immédiate de la pluie. Au-delà du cliché atmosphérique, la pluie
01:16:01est surtout un élément qui permet de jouer sur la vitesse du récit. Elle peut ralentir, contrarier,
01:16:06accélérer. Et si elle peut révéler un paysage, elle a également une force de dissolution de ce paysage.
01:16:12Comme le soulignait Bachelard après Paul Caudel, le paysage se dissout, l'espace disparaît, les
01:16:18formes et les traits se fondent. Peu à peu, dit Bachelard, le monde entier est rassemblé dans son
01:16:23eau. C'est donc une altération du lieu et de son image qui bascule vers une autre forme de visibilité,
01:16:28à la fois trouble et floue. Et nous sommes toujours dans cette idée de la ville floue,
01:16:32de l'identité liquide qui coule plus qu'elle ne se fixe. Et dans une très belle séquence de
01:16:38Wong Kar Wai, il travaille jusqu'à l'extrême ce motif de la pluie. Utilisant les vitres,
01:16:47littéralement comme un écran de cinéma, c'est tout au long du film, là c'est la pluie,
01:16:51avant c'était simplement un jet d'une vitre que l'on lavait. Donc là c'est toute une séquence.
01:16:56Donc il liquéfie littéralement l'image, l'eau compose une nouvelle image, elle modifie les visages,
01:17:02elle les annule, elle les révèle sous une autre forme. Comme un ralenti atmosphérique, naturel,
01:17:09documentaire. Un effet cinématographique, si vous voulez, intégré au réel, provenant du réel.
01:17:15Cela réinvente, donc là évidemment on ne voit pas l'eau couler, mais imaginez l'eau qui coule et
01:17:21qui compose ce long plan, ce visage féminin. Cela réinvente la technique picturale du portrait,
01:17:27le visage coule mais il en tire une vie nouvelle. Junking Express est une sublime refondation de
01:17:34la portraiture qui prend appui sur la mouvance plurielle des traits du visage et l'insoumission
01:17:40identitaire. Cette image liquide est le grand motif climatique du cinéma de la rétrocession.
01:17:47Nous approchons de la fin avec The Blade, réalisé en 1995. Je serai plus rapide sur ces dernières
01:17:58séquences. Donc The Blade, réalisé par Tsui Hark, dont je vous ai parlé tout à l'heure, producteur
01:18:04notamment du syndicat du crime. Donc Tsui Hark, producteur et réalisateur, est l'un des principaux
01:18:09artistes, artisans du cinéma hongkongais de cette époque et d'aujourd'hui encore. C'est une espèce
01:18:14de génie qui tente tout, qui réussit souvent, qui rate beaucoup, qui rate encore et se relève
01:18:19finalement. Il conçoit le cinéma comme un perpétuel reboot entre franchise commerciale et rupture
01:18:26stylistique majeure. The Blade ici fait partie de ces films de rupture totale, de manière radicale,
01:18:34punk et presque nihiliste. C'est une entreprise de démolition stylistique, de démolition
01:18:40industrielle, comme un harakiri. Mais le résultat final est un spectaculaire éloge du chaos. Comme
01:18:48à son habitude ici, il aime à réinventer des films classiques et donc, en l'occurrence,
01:18:52le projet initial de The Blade est celui d'un remake d'Un seul bras les tue à tous. Premier
01:18:58film de la trilogie du sabreur manchot, réalisé par Chang Cheh pour la Shaw Brothers entre 67 et
01:19:0371. On aura donc Un seul bras les tue à tous, le bras de la vengeance et la rage du tigre,
01:19:08que vous pourrez voir ici même la semaine prochaine. On n'a pas ici une politique de
01:19:14remake simple, mais un désir d'une reconfiguration des traditions et du style classique, d'un reboot
01:19:19définitif. Sol Harg va foncer tête baissée à contre-courant de l'esthétique originelle d'Un
01:19:26seul bras les tue à tous pour en dynamiter les conventions et en saisir les sens profondes. En
01:19:32l'occurrence, il saisit la barbarie du cinéma de Chang Cheh, mais en l'injectant dans la mise
01:19:36en scène, littéralement, et dans la forme chaotique du film. C'est un film très agressif. La
01:19:41mutilation du personnage, qui va donc perdre un bras, devient le principe même du découpage et
01:19:46du montage du film. The Blade n'est pas un film mutilé, c'est un film mutilation. C'est une
01:19:51opération à cœur ouvert du wuxiapian, donc le film de chevalerie. On revisite le passé, non pas pour
01:19:57le célébrer avec déférence, mais pour réactiver l'incertitude de ses possibles. Sa contribution
01:20:04déterminante à ce qu'on peut appeler l'esthétique rétrocessive, c'est cette recherche inouïe de
01:20:10vitesse dans ses films et cette poétique de la mutilation. Entendu au sens figural, il mutile
01:20:16tous les codes de la mise en scène pour retrouver, comme son personnage infirme, un nouveau corps,
01:20:21des mouvements reconquis, si on veut dire, et une renaissance primitive. Sol Harg n'est pas un
01:20:26maniériste à la John Woo, c'est littéralement un hacker, un hacker de forme. Il mutile, il désosse,
01:20:32il s'infiltre et il reboot tout à sa manière. Et dans ces profuses années 90, Harg était à la
01:20:37tête pourtant de deux sagas à succès. Il était une fois en Chine avec Jet Li, il en réalise cinq
01:20:43entre 91 et 94, et la série à succès de Sportsman en 93, il y en a déjà trois, qui popularisait
01:20:52ce qu'il va complètement détruire dans The Blade. A la virtuosité élégante d'il était
01:20:59une fois en Chine, il répond par la bestialité de The Blade. A la chorégraphie typique des combats,
01:21:04il va opposer une violence basique, la violence de l'affrontement. Et dans une revue parue à
01:21:10cette époque, une revue qui s'appelait Ammiranda Restricted, il y avait un numéro consacré au
01:21:16cinéma d'action contemporain, et on pouvait lire ce mot avec The Blade, on passe de la chorégraphie
01:21:21à la chao-graphie. Je vous présente un extrait, peut-être devrais-je le couper un petit peu avant
01:21:26la fin, mais là vous allez voir toute la brutalité et l'inventivité géniale du cinéma de Choi Harg.
01:21:38Donc c'est le moment fatidique où le personnage principal va perdre son bras.
01:23:21Ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah
01:23:51juste
01:24:02un
01:24:07mode
01:24:12ah
01:24:17ah
01:24:21C'est bon, c'est bon, c'est bon.
01:24:40Léa ! Léa !
01:24:42Qu'est-ce qu'il y a ?
01:24:43On doit s'en aller ! On doit s'en aller !
01:24:51Tuez !
01:25:06Tuez !
01:25:09Tuez !
01:25:11Tuez !
01:25:22Tuez !
01:25:35Tuez-le !
01:25:51Tuez-le ! Tuez-le !
01:25:53Tuez-le ! Tuez-le !
01:26:17Ça va ?
01:26:19Ça va ?
01:26:21Merci !
01:26:32Tuez-le !
01:26:34Tuez-le !
01:26:35Tuez-le !
01:26:37Tuez-le !
01:26:49Voilà.
01:26:51de deux séquences qu'on a pu voir précédemment, l'une plus
01:26:56documentaire et directe avec un moine se battant contre la même horde dans un
01:27:00marché et l'autre qui était un flashback plus baroque avec ces couleurs
01:27:04rouges qu'on revoit ici, qu'on appelait plus aux formes du théâtre.
01:27:08Mais ici c'est une séquence cruciale où le sabreur Ding On va devenir manchot,
01:27:15donc c'est le principe du film et du remake, avec un piège à loup ici de
01:27:19manière beaucoup moins noble que le bras sectionné avec un sabre dans le
01:27:23film original. On voit ici toute la folie expérimentale de Choi Hark dans cet
01:27:28extrait qui multiplie les angles, les registres, les vitesses, les couleurs.
01:27:31C'est une séquence agressive pour le spectateur qui se trouve malmené par
01:27:35cette profusion de violences scopiques. Les combats sont bestiaux, on n'est plus
01:27:40du tout dans les chorégraphies de personnages qui volent gracieusement.
01:27:45Il en reste peut-être un petit reste comme ça qui demeure quand le brigand
01:27:50fend le bambou de tout son long, mais encore. C'est une séquence
01:27:54nocturne, ces bambous qui n'ont plus la grâce des combats
01:27:57calligraphiés et sylvestres de King Wu, mais sont un amas d'obstacles qui ne
01:28:03protègent plus rien, plus personne, et qui rendent un son infernal.
01:28:06La musique que l'on entend rappelle la forge, comme si on tapait vraiment sur du
01:28:11métal, ça rappelle la forge dans laquelle travaille Ding Hong, les forgerons, et on
01:28:17a une cantion vraiment métallique qui symboliquement va forger le héros en le
01:28:22mutilant. Il est comme l'épée brisée de son père qu'on a vu un peu ici,
01:28:26The Blade qui est l'épée du titre, donc il est comme cette épée brisée de son
01:28:32père que l'on passe au feu pour en garder la forme.
01:28:34C'est la séquence littérale où l'on va forger le forgeron et le personnage.
01:28:40Les acteurs sont dans tout ce film habillés, coiffés selon leur goût, pour
01:28:44que l'époque reste toujours indécise. Tsui Hark voulait que le doute persiste
01:28:49sur l'époque. Est-ce qu'on est dans un film d'époque ? Est-ce qu'on est dans un
01:28:52film contemporain ? Les costumes étant selon lui très proches des vêtements
01:28:56portés dans les zones les plus rurales de la Chine.
01:28:58Hark déstabilise toute son équipe, comme il sait le faire, il change tout au
01:29:02dernier moment, il réécrit tout au moment du tournage, donc il déstabilise
01:29:07toute son équipe, il use plusieurs personnes comme à son habitude à chaque
01:29:10poste, la photographie ou la chorégraphie. Il ne souhaite pas de câbles comme c'est
01:29:15d'usage pour porter les acteurs dans les combats, tout est le
01:29:20réel, entre guillemets. Il souhaite que son personnage frappe de
01:29:23manière complètement désordonnée, ce qui a complètement découragé et atterré
01:29:26le chorégraphe sur le plateau. Et comme à son habitude, il change tout
01:29:30durant le tournage. Et donc tout va très vite, très vite, et même dans d'autres
01:29:34séquences que j'aurais pu vous montrer, ça va encore beaucoup plus vite, porté par
01:29:38un rythme jamais vu à l'époque, un mélange de fluidité et de chaos total.
01:29:42On voit d'ici déjà des plans de profil accéléré dans sa course qui répond à
01:29:47un ralenti, puis un retour à une vitesse entre guillemets normale, la caméra
01:29:52tourne boule avec l'acteur qui revient à une forme portée d'un seul coup
01:29:56documentaire, bref, le plan va rougir littéralement l'image qui rappelle un
01:30:01flashback précédent et la bande son devient de plus en plus celle d'un
01:30:04cercle de l'enfer. On y voit l'obsession de la vitesse qui est dans tous les
01:30:07dialogues, d'ailleurs avec d'autres ennemis, et redoublée par les dialogues,
01:30:10tu ne vas pas assez vite, tu es trop lent. Ici, il n'y a pas de dialogue, enfin très peu.
01:30:14Tuar Hark voulait prendre le contrepied d'une esthétique selon lui essoufflée,
01:30:19routinière, et prendre une direction plus documentaire, qu'on voit un peu plus dans
01:30:24le début du film notamment. Il dit avec The Blade, j'ai voulu quelque chose dans le
01:30:27style du cinéma vérité. Donc toute mesure et toute proportion gardée, c'est un peu
01:30:32le sort qui venait de réserver quelques années plus tôt au western avec
01:30:36Impitoyable. Dans ce cinéma vérité, je vous montre quelques
01:30:41photogrammes d'une séquence où précisément le personnage sans un bras
01:30:46va réapprendre à se battre, attaché et soutenu par une corde. Dans ces
01:30:51photogrammes, on voit donc le sabreur qui s'entraîne, tentant de trouver un nouvel
01:30:55équilibre, soutenu par une corde. Et on peut voir le dénuement, quasiment
01:30:58l'artifice de ces câbles qu'il y avait dans les films célèbres des acrobaties
01:31:03d'antan. Mais ces câbles ne suffisent plus, Choi Hark n'en veut plus. Et c'est
01:31:07comme une version inversée, basse fréquence, des sauts surhumains auxquels
01:31:11Hark avait lui-même participé, notamment dans L'été d'une fois en Chine.
01:31:15Cette démarche est proche notamment des cendres du temps de Wong Kar-wai
01:31:20que Choi Hark avait vu, qui était une entreprise également de manière très
01:31:24différente dans sa violence, mais qui était quand même une manière de ramener
01:31:27le wuxiapian à une expression plus primitive. Cela exprime pour Choi Hark
01:31:33sa colère et même sa frustration au moment de la rétrocession, qui était un
01:31:37sentiment partagé par beaucoup. Et il y a une citation d'un assistant
01:31:43réalisateur de l'époque, Kwan Wai, qui nous dit « avant la rétrocession,
01:31:48il y avait une énorme rancœur au sein de la population, beaucoup de
01:31:51frustration et d'incertitude sur ce qui allait se passer. C'était probablement
01:31:55un moyen d'exprimer cette frustration. C'était une sorte de déclaration,
01:31:59mais c'était quelque chose de subconscient, quelque chose que nous
01:32:01ressentions tout autour de nous. Nous avions une crise identitaire,
01:32:04comme le personnage du film. D'où est-ce que je viens ? Où est-ce que
01:32:07j'appartiens dans ce monde ? Mais nous n'en avons pas parlé de manière
01:32:10spécifique. C'est quelque chose qui s'est imposé naturellement. Ainsi,
01:32:15The Blade est le film qui exprime une autre dimension de la rétrocession.
01:32:19C'est cette frustration collective, cette crise identitaire qui est comme
01:32:23l'éruption, ici, d'un volcan. On en arrive donc à l'année de la
01:32:28rétrocession, 1997, avec ce film que j'ai choisi, qui est une vraie
01:32:32redécouverte pour moi. Je l'avais vu à l'époque et c'était l'un des plus
01:32:35beaux films que j'ai pu redécouvrir dans ce programme. Il s'agit de
01:32:38Made in Hong Kong, de Fruit Chain. Fruit Chain est un disciple, on peut
01:32:43dire, de Wong Kar Wai. C'est son troisième long métrage, Made in Hong Kong,
01:32:47donc en 1997, même s'il juge que ses deux précédents films étaient
01:32:51plutôt insignifiants. Ce film, Made in Hong Kong, est tourné avec
01:32:54trois fois rien, de manière quasi clandestine, avec des acteurs
01:32:58non professionnels. Il est porté par une énergie folle, mais aussi une
01:33:01forme de désespoir radical. Le film se déroule durant l'été 1997,
01:33:06peu avant la rétrocession. Et il exprime la crise existentielle de la
01:33:11jeunesse de l'époque qui va droit dans le mur de l'avenir. C'est un film
01:33:15comme un dernier cri de liberté avant l'annexion par la Chine. Le titre
01:33:20est clair, c'est presque une revendication, un slogan, fabriqué à Hong Kong,
01:33:25fabriqué par Hong Kong. Le héros est amoureux d'une fille, le héros qu'on
01:33:29voit ici de dos, amoureux d'une fille atteinte d'une maladie incurable.
01:33:33Il est ami avec un handicapé mental. Il est hanté par le suicide d'une
01:33:36jeune fille et il est un petit caïd des triades. Autant dire que l'avenir
01:33:40n'est pas très radieux pour lui. Les posters qui ornent les murs des
01:33:45chambres que l'on voit, des posters de films, désignent l'énergie de ce film.
01:33:50Entre violences des images, on voit un poster de tueur-nez d'Oliver Stone,
01:33:54ou la narcolepsie des images. On voit également un poster de My
01:33:57own private hideaway de Gus Van Sant. C'est cette mouvance des années 90
01:34:01qui renouvelle le spleen punk chic de la jeunesse. Et dans le film,
01:34:05on entend des phrases dans la voix off ou dans les dialogues comme
01:34:08« elle n'avait que 16 ans, morte, elle sera jeune pour l'éternité ».
01:34:12Le monde change vite, on n'a pas le temps de s'adapter, que le monde
01:34:15change encore. Et nous n'avons plus à affronter le monde, nous sommes
01:34:18immunisés à jamais. Donc la mort semble être le seul issue qui
01:34:22immunise et rend cette jeunesse pré-rétrocession éternelle.
01:34:27Le film, au charme foutrac, comme le dit Thierry Jouz dans les bonus
01:34:30du DVD, est une ode à une ville ensurcie.
01:34:35Voyons une séquence qui est très belle et ensuite je la commente un peu
01:34:39et j'aurai une dernière séquence avant de vous libérer.
01:35:11C'est un film qui est très beau, c'est un film qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui est très beau et qui
01:35:41est très beau et qui est très beau.
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01:44:48Ensuite il tourne avec John Woo à Target.
01:44:52John Woo est le premier cinéaste à s'exiler,
01:44:55dès 1993 avec ce film Chassa l'Homme en français.
01:44:59Le réalisateur honkongais déchantera un petit peu
01:45:02en arrivant sur les territoires américains
01:45:04dans ce projet avec Jean-Claude Van Damme.
01:45:06Il se heurte aux conditions de production
01:45:09à des espaces antinomiques
01:45:11avec sa mise en scène
01:45:12et une star parfois récalcitrante
01:45:15où arriba avecvity.
01:45:17récalcitrantes, où arrive en pensant que c'est un film de la star John Woo, mais
01:45:21Jean-Claude Van Damme pense que c'est un film de la star Jean-Claude Van Damme.
01:45:23Donc ce qu'il y a de passionnant, en tout cas, c'est d'analyser toutes les
01:45:27versions du film Hard Target et de comprendre, presque par défaut, par
01:45:30l'absurde, la structure même de la mise en scène de John Woo qui perd ici sa
01:45:36consistance. C'est toujours intéressant de voir ce qu'il rate pour voir ce qu'il a
01:45:39réussi. La première des choses, ce sont les acteurs, évidemment. L'élégance
01:45:43chevaleresque d'un acteur comme Chew Yung Fat ne se retrouve pas dans la
01:45:47rusticité musculeuse de Van Damme. Il existe plusieurs versions du film,
01:45:51donc une version censurée, sortie en salle, et une version dite non censurée,
01:45:56sortie en vidéo, et la copie de travail qui circule sous le manteau et sur les
01:45:59internets, la work print, la copie de travail. Et dans les deux versions
01:46:03principales, on voit comment le style de John Woo s'effondre si l'on supprime tel
01:46:08plan ou si l'on en ajoute un autre. L'un de ceux qui en parle le mieux, et il le
01:46:12fera la semaine prochaine également, c'est Christophe Gans. Il parle de la
01:46:15question de l'espace chez John Woo. Le style de John Woo est sinueux, dans de
01:46:20petits espaces. Il superpose plusieurs couches de rythmes compressés jusqu'à
01:46:24l'explosion. C'est comme un temps élastique vu sous
01:46:27plusieurs angles, plusieurs axes de caméra. Dans de grands espaces, ici il va
01:46:33filmer la Nouvelle-Orléans, la Louisiane, le désert, parfois dans d'autres films,
01:46:37cela marche moins. Il a besoin d'espaces beaucoup plus étroits, beaucoup plus
01:46:40labyrinthiques. Et le montage de la première version fait qu'on va remonter
01:46:47des plans dans lesquels, par exemple, on voit la censure intervient. Quand on voit
01:46:51dans le même cadre quelqu'un qui tire et quelqu'un qui se prend une balle,
01:46:53ce n'est pas accordé, en tout cas dans le code hollywoodien de l'époque et encore
01:46:57aujourd'hui. Donc on ne peut pas faire ça, il y a une interdiction. Donc on va remonter
01:47:01tous ces plans de John Woo pour la sortie cinéma, ce qui fait chuter
01:47:05complètement le château de cartes stylistique du film. Et c'est encore plus
01:47:09évident dans la copie de travail où l'on peut voir tous les axes de caméra
01:47:12qu'il avait utilisé et le film faisait 45 minutes de plus. Donc il y a un passage
01:47:17symbolique également, nous décrit Gans du Vandamme movie de la première
01:47:23partie où on se bat sans armes au Woo movie avec des armes quand celui-ci, après
01:47:28une première partie à main nue, va littéralement saisir une arme d'une
01:47:30policière et ça va déclencher un ralenti et ça va déclencher le film de
01:47:34John Woo. Avec Choi Hark, il y a deux films consécutifs tournés avec
01:47:42Vandamme, l'un en Amérique, Double Team, avec Dennis Rodman, le basketeur de
01:47:47l'époque si vous vous souvenez, et Mickey Rourke dans le rôle du méchant, et
01:47:50l'autre à Hong Kong, Knock Off, piège à Hong Kong en français. Tous deux seront des
01:47:54échecs commerciaux. Double Team n'est pas le meilleur Choi Hark mais c'est l'un des
01:47:58meilleurs Vandamme et beaucoup, malgré les contraintes, Hark va s'adapter, va
01:48:02s'expérimenter. On a quelques scènes insolites dans le premier film.
01:48:05Double Team comme le combat de Vandamme contre un tigre dans une arène qui cite
01:48:10le final dans le colisée de la fureur du dragon.
01:48:12Il y a également quelques références à toute épreuve de John Woo. Je vais
01:48:18parler juste sur l'extrait que je voulais, le petit extrait que je voulais vous
01:48:20montrer de piège à Hong Kong parce qu'il a son importance historique, vous allez
01:48:24le comprendre très vite. Choi Hark le tourne, là on a une
01:48:29préséquence, explosion etc. et on arrive à Hong Kong en 1997, c'est le début du
01:48:34film. Choi Hark le tourne pendant les festivités et la cérémonie de
01:48:38rétrocession. Donc il documente ce moment historique et le scénario initial
01:48:44prévoyait même un final pendant la cérémonie qu'il n'a pas pu faire pour
01:48:47des raisons de sécurité. On va voir ensuite dans la petite suite de la
01:48:51séquence qu'il va jouer aussi avec la vulgarité de ses personnages, la
01:48:56vulgarité coloniale, la vulgarité des profiteurs du système et il va
01:49:01littéralement tourner Jean-Claude Van Damme en ridicule avec son accord,
01:49:05notamment dans une fameuse scène de pousse-pousse où Van Damme doit courir
01:49:10à travers les rues de Hong Kong en tirant un autre
01:49:15acteur dont j'ai oublié le nom. Il va expérimenter aussi certaines choses
01:49:20notamment des images de synthèse qu'il va réutiliser dans ses autres films.
01:49:23Et là l'apparition, quand on aime un petit peu Van Damme et qu'on a de la
01:49:27tendresse en tout cas pour, non pas sa bêtise, mais le fait qu'il ne
01:49:32soit qu'une starbis, on va le voir littéralement chanter à
01:49:36tue-tête ici sur une chanson chinoise qui est assez amusante.
01:49:45Par ailleurs on le voit dans le film, le personnage de Jean-Claude Van Damme,
01:49:50c'est un film sur la contrefaçon. Ils font des contrefaçons, on va le voir,
01:49:53là dans la séquence il y a des baskets de puma avec deux M etc. Donc je vous
01:49:58laisse juste cette petite séquence où apparaît Jean-Claude Van Damme dans le
01:50:03film. Je ne voudrais pas donner de séquence Jean-Claude Van Damme de
01:50:06coups de pied retournés ou des choses comme ça, mais une petite chanson.
01:50:11Je vous disais, c'est un film sur la contrefaçon qui est précisément comme
01:50:22une contrefaçon du style hongkongais. C'est une mise en abîme assez osée
01:50:26et assez risquée de Tsui Hark. La rétrocession peut être vue comme
01:50:31une contrefaçon géopolitique. Donc là on va le voir dans ces
01:50:37films, les chaussures etc. Donc on a vu une petite image de synthèse qui passe
01:50:41dans le téléphone et qui arrive directement à Jean-Claude Van Damme.
01:50:43C'est ces images qu'il expérimente dans ces deux films américains et qu'il va
01:50:46exploiter ensuite dans ses films suivants, notamment si vous voyez tout à
01:50:49l'heure dans Time and Tide, qui sera un autre film de rupture.
01:50:53Bon j'arrête là. Ensuite je vais très vite sur ces trois derniers films
01:51:00réalisés par Ringo Lam, qui sont les trois meilleurs films vraiment de
01:51:04Van Damme Hong Kong. Sans doute parce que leur nom rime, la collaboration
01:51:08Van Damme Lam me paraît la plus fructueuse.
01:51:11Les trois films, très différents, sont d'une très bonne tenue avec une
01:51:15préférence pour Repliquant, celui du milieu, qui garde une violence brutale et
01:51:18un scénario assez gonflé. Christophe Gans toujours une belle analyse
01:51:22justement du succès de cette collaboration. Van Damme est un héros plus
01:51:26prolétaire qu'aristocratique. C'est la raison pour laquelle cela ne
01:51:30matche pas avec le cinéma de John Woo, mais ça matche plus avec celui de
01:51:34Ringo Lam, dont les héros sont de semblables prolétaires et dont le style
01:51:38de mise en scène est à la fois plus frontal et direct, loin du maniérisme
01:51:41Wuyen. Et j'aurai une conclusion, alors je vous libère si vous le souhaitez, mais
01:51:46j'ai une dernière séquence à vous montrer, mais qui est l'une des séquences
01:51:49les plus fabuleuses réalisées pendant le cinéma hongkongais, ça c'est pour vous
01:51:52donner envie, et on se trouve juste un an après la rétrocession en 1998.
01:51:58C'est un film qui s'appelle The Mission, qui est réalisé par Johnny Toh. Johnny Toh
01:52:03qui est l'un des cinéastes que la rétrocession n'a pas fait
01:52:07s'y est. Il n'est pas parti, il est resté. Il a gardé un temps en tout
01:52:12cas à son irrévérence politique et il a maintenu sur nos écrans, en France
01:52:16notamment, l'originalité du polar hongkongais durant les années 2000, avec
01:52:21des films comme Full Time Killer, PTU, Broken News et les deux élections etc.
01:52:26Jusqu'à faire tourner notre Johnny national, un autre Johnny à l'idée dans
01:52:31le mémorable Vengeance en 2009, vous voyez, avec tout l'attirail et le costume du
01:52:36cinéma hongkongais. Et en 1998, il va donc signer The Mission, un an après
01:52:41la rétrocession, et il propose un état des lieux stylistiques du cinéma
01:52:45post rétrocession, et dans cet extrait fabuleux, je vous le recontextualise, vous
01:52:51allez simplement voir un chef de triade avec ses gardes du corps, mais qui est
01:52:57menacé par un ennemi.
01:54:51C'est là qu'il y a un coup d'ennemi, c'est là qu'il y a un coup d'ennemi, c'est là qu'il y a un coup d'ennemi, c'est là qu'il y a un coup d'ennemi.
01:55:21C'est là qu'il y a un coup d'ennemi, c'est là qu'il y a un coup d'ennemi.
01:55:51C'est là qu'il y a un coup d'ennemi, c'est là qu'il y a un coup d'ennemi.
01:56:21C'est là qu'il y a un coup d'ennemi, c'est là qu'il y a un coup d'ennemi.
01:56:51Vous n'aurez pas la suite de la séquence, le film est vraiment fabuleux, cette séquence
01:57:18est incroyable, dans sa durée, Tho crée la tension, en anesthésiant tous les effets
01:57:23pyrotechniques, en dépouillant jusqu'à l'extrême toutes les figures du genre que l'on a pu
01:57:27voir.
01:57:28Nous sommes dans un centre commercial qui ferme ses portes, qui s'éteint, il est vidé
01:57:32de son flux de marchandises, vidé de son sens, comme un pays vidé de son libéralisme.
01:57:36L'un des rares mouvements est donné par l'escalator, heureusement qu'il est là, sinon on croirait
01:57:41que l'image est complètement figée, qui est comme un travelling latéral, les hommes
01:57:45ressemblent à des robots, le jeu est sobre, la musique souligne une forme d'ennemi moral,
01:57:50comme dans un film de Michael Mann ou comme dans une musique d'ascenseur.
01:57:53Et Hong Kong est sous l'emprise d'une catatonie globale ici, un an après.
01:57:57Le polar hongkongais est une forme qui tourne à vide, avec des personnages qui sont comme
01:58:01des figurants de leur propre vie.
01:58:03Et exemplairement, le jet de casquette que vous avez pu voir, durant lequel se passe
01:58:07la première fusillade, exprime à la fois la vitesse d'exécution, puisqu'on a le temps
01:58:11de tirer pendant juste ce simple jet de casquette, mais il est aussi, par son découpage, ça
01:58:16réinjecte de la lenteur, la lenteur à l'image, sa trajectoire est décomposée en trois moments,
01:58:21ce qui annule tout.
01:58:22Le découpage est fascinant, il fiche progressivement les personnages, comme on le voit ici, dans
01:58:26une fusillade immobile.
01:58:28Voilà un avatar de l'esthétique rétrocessive, la zombification des formes.
01:58:33Les acteurs ne bougent plus, ils prennent la pose, ils sont comme pétrifiés par l'action,
01:58:37ils sont des arrêts de l'image, des arrêts sur image, et heureusement l'escalator est
01:58:41là pour nous signaler le mouvement.
01:58:43C'est le musée Grévin du polar urbain.
01:58:45Il y a un ralentissement ici total de l'action, jusqu'au figement, et le ralenti dont on
01:58:50parlait passe dans les veines, passe dans les corps, la vitesse s'est complètement
01:58:55épuisée.
01:58:56Dans le film, il y a une inversion des temps faibles et des temps forts, comme le soulignait
01:58:59la critique, elle avait vu la critique de l'époque, qui avait adoré le film.
01:59:02Les temps de préparation de toutes ces fusillades sont drôles et vifs, tandis que les scènes
01:59:07d'action sont dilatées et complètement apathiques.
01:59:09Et dans les inrocks, on pouvait lire à l'époque « cet effet Matrix sans trucage, reproduit
01:59:15à plusieurs reprises, est à la fois l'acmé du film et sa raison d'être.
01:59:18À l'heure où le polar urbain de Hong Kong est pillé partout, que l'industrie cinématographique
01:59:23de l'ex-colonie est à terre, Johnny Tau tente une relance du genre en le dépouillant
01:59:28à l'extrême.
01:59:29» On parlait de l'effet Matrix, effectivement, tout va se retrouver dans ce fameux plan de
01:59:33Hubble et Time.
01:59:34Tout ce dont je vous ai parlé, le ralenti accéléré, l'accélération ralentie, le
01:59:40figement des personnages, etc. dans ce fameux plan qui va lui-même être répété, mais
01:59:43tout ça vient de l'amour des Wachowskis pour le cinéma de Hong Kong.
01:59:48Voilà, et je ne vous montrerai pas cette dernière séquence du retour de Choi Harc avec Time
01:59:53Untied, parce que vous pouvez avoir le film si vous le souhaitez, mais qui était une
01:59:56séquence que je ne vous montre pas donc, voilà, qui était une séquence de rétro-vitesse
02:00:02où littéralement, il y a une voiture à une vitesse incroyable qui fonce mais en marche-marche
02:00:08arrière, et donc c'était une idée de tout rembobiner, de remonter le temps et que Choi
02:00:13Harc revient à Hong Kong pour tout rebooter, littéralement.
02:00:17Que sont devenus tous ces réalisateurs ? Ringolam est mort lui en 2018, Choi Harc est toujours
02:00:22aussi profu, il s'était relancé notamment avec la saga des Détectives D, qui ont eu
02:00:27un grand succès, John Woo est revenu en Chine avec des réussites à un moment, les trois
02:00:32royaumes, puis il s'est abîmé dans un cinéma complètement dévitalisé, proche de zéro,
02:00:37où son style n'est plus que du folklore, avec des projets américains étranges, si
02:00:41vous avez pu voir sur Amazon, Silent Night, ou le prochain, on verra, un remake qui arrive
02:00:46dans l'un de ses plus beaux films, un remake de The Killer avec Omar Sy, on verra ce que
02:00:50ça donne pour Netflix, mais aujourd'hui, en tout cas, c'est un film là, Limbo, que
02:00:56vous pourrez voir la semaine prochaine, le genre a connu un moment presque funèbre avec
02:01:01ce film en 2021, et sa manière de filmer, de revenir à Hong Kong et de filmer Hong
02:01:05Kong comme une décharge publique, littéralement, comme une ville post-apocalyptique, et son
02:01:10réalisateur, Tsui Chiang, était cette année à Cannes avec un film qui, comme par hasard
02:01:16j'allais dire, rend hommage au polar hongkongais des années 80, j'espère que ce film sortira
02:01:20en salle en France, et donc le style rétrocessif fait son retour, et tandis que le pouvoir
02:01:25central en Chine expose la population et les artistes à la répression et à la censure,
02:01:32l'énergie filmique de ce moment historique a traversé les frontières comme un virus,
02:01:37et c'est en contaminant un moment le cinéma en Corée du Sud, puis en Inde, c'est tout
02:01:42ce dont on parlera la semaine prochaine avec Christophe Gans, et avec la dernière séance
02:01:46ici d'un film indien réalisé par Rajamouli R.R.R., merci beaucoup pour votre attention.
02:01:55– Sous-titrage Société Radio-Canada