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L'invité d'actu 8h15 France Bleu Paris

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00:00— Et un économiste pour nous éclairer ce matin, Bertrand Martineau, bonjour. — Bonjour.
00:04— L'emploi et le chômage, c'est votre spécialité à l'Institut Montaigne. Vous faites des études, vous proposez des idées pour les politiques publiques,
00:12justement des idées pour l'emploi, pour faire baisser le chômage. Est-ce qu'il y en a dans cette campagne, Bertrand Martineau, ou bien le thème est complètement éclipsé ?
00:20— Alors, complètement éclipsé, peut-être pas. Mais enfin il est clairement pas mis au-dessus de la pile. On est dans des programmes qui sont surtout sur la redistribution, en fait,
00:30avec la valse des milliards, que ce soit d'un côté des baisses d'impôts, de l'autre des augmentations de dépenses publiques, toujours dans l'idée de redistribuer.
00:38Donc plus généralement, on parle pas de production de richesse. On parle uniquement de redistribution, finalement.
00:43— Et donc, en ce qui concerne l'emploi et le chômage, est-ce qu'on peut avoir une vision claire de ce que proposent les trois gros blocs qui se dégagent,
00:52à savoir la gauche, l'extrême-droite et le camp présidentiel ?
00:54— Le camp présidentiel a peu de propositions. Ils sont sur leur lancée, on va dire. C'est-à-dire qu'il y a la réforme de l'assurance-chômage qui capitalise sur les réformes
01:04qui ont déjà été faites, qui ont été nombreuses. Il y a évidemment la réforme de l'assurance-chômage, que je comprends ne serait pas remise en question.
01:09C'est la troisième réforme de l'assurance-chômage. — Qui durcit donc les conditions d'accès et les indemnités.
01:15— Tout à fait. Donc voilà, il n'y a pas de nouveauté, on va dire. Sur le champ du Rassemblement national, c'est peut-être là où il y a le moins de propositions, finalement,
01:23si ce n'est alors une proposition qu'on comprend pas forcément très bien. Enfin on voit l'état d'esprit qui consisterait à accorder des exonérations de charge
01:34à des entreprises qui augmenteraient les salaires. Ce qui est quelque chose qui n'est pas tout à fait aberrant, mais avec des effets d'aubaine qui fait que
01:43si une entreprise avait décidé de toute façon d'augmenter les salaires, elle empocherait des exonérations. Donc c'est sans doute pas très efficace.
01:51Et c'est coûteux, évidemment, pour les finances publiques. Mais on n'entend plus cette proposition. C'était une proposition qui latait d'avant.
01:56Donc je sais pas où ils en sont. De manière générale, avec l'ORN, le problème, c'est que de jour en jour, ça évolue, finalement.
02:02Et au départ, on parle de milliards de dépenses supplémentaires. Puis chaque jour, on perd plusieurs milliards. Donc on va finir par avoir un programme quasiment à l'équilibre.
02:10Si ça continue, il n'y aura plus grand-chose dedans. En ce qui concerne le nouveau front public, c'est là qu'il y a le plus de propositions sur l'emploi,
02:18avec la proposition phare qui consiste à augmenter le SMIC d'environ 14%.
02:24— Un SMIC à 1 600 euros. — Exactement. Aujourd'hui, il a 1 400 net, 1 398. Et il passerait à 1 600. Ça fait un peu plus de 14% d'augmentation.
02:32Je comprends que ça se ferait comme ça d'un seul coup. Voilà. Donc c'est évidemment la proposition phare. Alors c'est une proposition sur le pouvoir d'achat, finalement,
02:40puisque l'idée, c'est de faire le pouvoir d'achat. En ce qui concerne le fonctionnement du marché du travail, évidemment, ça aurait des conséquences très dommageables.
02:48Il y en aurait deux, en fait. Il y en a une qui est mécanique. C'est que du jour au lendemain, on passerait de 17% des salariés – c'est aujourd'hui, c'est déjà un chiffre très élevé –
02:58qui sont payés en référence au SMIC à entre 25% et 30%. C'est-à-dire que vous auriez 25% ou 30% des salariés qui, de fait, seraient payés au SMIC.
03:05Donc vous avez une smicardisation massive et inédite du salariat. Donc ça, c'est le premier élément, avec le fait que les gens resteraient au SMIC pendant de nombreuses années, finalement.
03:15Donc ça, c'est un fonctionnement du marché du travail où entre 25% et 30% des salariés ont un salaire qui est fixé par l'État.
03:20— Le programme le plus dangereux, selon vous ?
03:22— Ah ben, en termes de destruction d'emploi, oui. Il n'y a pas de doute là-dessus. Alors surtout que deuxième effet. Donc premier effet, une smicardisation qui est quand même
03:32un choix de société quand même un peu étonnant, si on croit au travail. Et le deuxième effet, évidemment, le risque sur les destructions d'emploi, la diminution de l'emploi.
03:41On sait que c'est au niveau du SMIC, dans les TPE, les PME, les jeunes qui sont le plus payés au SMIC, que la sensibilité de l'emploi à son coût est la plus élevée.
03:51Et si on regarde un peu les modèles qui... les modèles économiques comme la Banque de France ou le Trésor, si on fait quelques petits calculs de comptables,
03:58on se rend compte que cette hausse massive du SMIC pourrait diminuer l'emploi sur donc les bas salaires entre 350 et 400 000 à peu près.
04:07Et 350, ce serait à peu près l'hypothèse basse. Voilà. Donc bon, on peut...
04:10Augmenter le SMIC, pas forcément la meilleure idée. Bertrand Martineau, j'aimerais qu'on soit un petit peu égoïste et qu'on zoome un petit peu sur la région, la région Île-de-France.
04:20Ça changerait quoi pour nous dans la région ? Vous, vous connaissez bien les enjeux puisque vous avez été directeur adjoint à l'emploi à la région Île-de-France.
04:27L'Île-de-France où on compte quand même pas moins de deux tiers de main-d'œuvre étrangère selon l'Observatoire de l'Emploi.
04:35Qu'est-ce que ça changerait justement pour toute cette main-d'œuvre étrangère si le RN, je pense au RN, si le RN arrive au pouvoir ?
04:44Alors, si le RN arrive au pouvoir, il y aurait certainement... Alors, c'est très difficile de savoir ce qui se passerait parce que
04:52les entreprises franciliennes recourent assez massivement plus en proportion que les autres régions à la main-d'œuvre étrangère et en partie.
05:01Alors, la main-d'œuvre étrangère régulière ne pose évidemment aucun problème quelle que soit la majorité qui sera en place.
05:09S'agissant de la main-d'œuvre non régularisée, enfin une main-d'œuvre clandestine on va dire, là je ne sais pas du tout ce qui se passerait effectivement.
05:19Je ne sais pas du tout, mais en tout cas les entreprises notamment en Île-de-France dans le secteur de la restauration en particulier ont évidemment besoin de cette main-d'œuvre.
05:28Un cuisinier sur deux est étranger dans les cuisines de la région.
05:33Tout à fait, mais pas forcément clandestin.
05:35Avec ou sans papier, oui, on est d'accord.
05:38Oui, oui, et les autres...
05:40C'est un enjeu, un vrai enjeu économique, ça clairement.
05:42C'est un vrai enjeu et on a beaucoup de secteurs en tension aussi dans la région, donc on parle de la restauration, mais il y a aussi le BTP, la sécurité...
05:49La santé.
05:50Oui, bien sûr.
05:53Est-ce que ça va mettre un coup d'arrêt dans les problèmes de recrutement que connaissent déjà les patrons ?
06:01Non, je crois qu'il faut...
06:03Quel que soit le résultat des élections, il restera des métiers en tension de toute façon.
06:08Et ces métiers en...
06:11En Île-de-France, il y a plutôt moins de tension que dans le reste du pays.
06:19Après l'équipe de France Travail, on a 53% des recrutements qui sont jugés difficiles par les chefs d'entreprise, contre 57% au niveau national.
06:27Et c'est localisé dans beaucoup de secteurs économiques.
06:33En fait, on cherche presque les métiers qui ne seraient pas du tout en tension.
06:36C'est plutôt la liste de ces métiers-là qu'il faudrait faire, plutôt que de s'échiner à faire des listes de métiers en tension.
06:42Bertho Martineau, les auditeurs ont la parole aussi ce matin sur le sujet au 01.42.3010.
06:49Est-ce qu'on parle assez de l'emploi, du chômage dans cette campagne des législatives ?
06:52Abdoul nous appelle de Noisy-Ellouis, en Seine-et-Marne.
06:56Bonjour Abdoul.
06:58Bonjour.
06:58Vis-à-vis de ces législatives, avec ce premier et second tour, cette campagne qui est lancée,
07:03vous trouvez qu'on en parle assez, vous, de ces deux thématiques, chômage et emploi ?
07:08Pas vraiment, non. C'est malheureusement pas le sujet principal.
07:13Après, les politiques de l'emploi, bon, ça fait 30 ans qu'il y en a, moi je trouve que les résultats sont assez faibles.
07:20Voilà, bon, il y a des annonces d'un côté, de l'autre, etc.
07:25Mais on ne favorise pas vraiment les plaids d'emploi.
07:29Voilà, les salaires minimums, ça se discute aussi.
07:33Bon, il y a des effets.
07:37Augmenter le SMIC, ça n'augmente pas le pouvoir d'achat.
07:40Il faut quand même s'en rendre compte.
07:43On dit 1600 nets, oui c'est bien.
07:46Mais bon, en attendant, la prime d'activité, elle baisse, donc le pouvoir d'achat, il est nul pour les salariés.
07:52C'est plutôt le reste à vivre, en fait, qui est intéressant et important pour vous, Abdoul.
07:58C'est surtout ça, oui, voilà.
08:00Il faut voir ce que ça coûte, quand même, en aide publique, etc.
08:05On parle des dépenses, mais est-ce qu'on parle des recettes, des exonérations, des charges patronales, des cotisations patronales ?
08:15Bon, c'est bien, mais ça ne remplit pas les caisses du chômage, de la retraite.
08:20Et notre invité à caisse, par rapport à ce que vous avez dit, Abdoul, le pilier du chef.
08:25Bertrand Martineau, vous voulez réagir, je crois, sur la prime d'activité ?
08:27Alors oui, deux remarques, une générale, c'est que la question d'emploi ne se résume pas aux politiques de l'emploi.
08:34Ce qui est triste, finalement, dans cette campagne, c'est que plus généralement, au-delà des questions d'emploi,
08:38on ne parle pas d'éducation, de formation professionnelle, de capital humain, de nouvelles technologies, de productivité,
08:46parce que c'est les gains de productivité qui feront les salaires de demain, et c'est ça qui est dramatique, en fait.
08:51Donc ce n'est pas que le problème de l'emploi, c'est plus généralement le niveau du débat économique très très faible, on va dire.
08:58Bon, voilà, ça c'est le premier point.
08:59Sur le deuxième point, alors, vous mettez l'accent sur quelque chose que peu de gens ont évoqué, c'est la question de la prime d'activité.
09:06Aujourd'hui, quand vous touchez entre 1 et 1,5 SMIC, vous bénéficiez d'une prime d'activité,
09:11qui a été revalorisée au moment de la crise des gilets jaunes.
09:15Et effectivement, il y a quelque chose de totalement flou dans le programme du Nouveau Front Populaire,
09:21c'est qu'est-ce qui devient de cette prime d'activité ?
09:23Si vous ne changez pas les paramètres de la prime d'activité, elle va baisser quand vous allez augmenter le SMIC.
09:28Donc vous avez deux solutions.
09:30Soit la prime d'activité diminue et vous allez perdre d'un côté ce que vous allez gagner de l'autre avec la hausse du SMIC,
09:36c'est ce que dit Abdoul, en fait, et il a sans doute raison,
09:38ou alors, deuxième possibilité, vous augmentez la prime d'activité, c'est-à-dire vous la décalez,
09:42ce qui va vous coûter un certain nombre de milliards d'euros supplémentaires,
09:46qui, je pense, n'est pas intégré dans le programme délirant du point de vue des finances publiques,
09:51en tout cas du Nouveau Front Populaire.
09:53Délirant ? Vous aussi vous parlez du programme délirant ?
09:56Je pense qu'il y a un consensus pour dire que ça sera une impasse supplémentaire d'environ 200 milliards dans le budget de l'État.
10:00Plus délirant que le programme du RN, qui finalement n'a pas trop de programmes, en fait, donc c'est pour ça qu'on ne peut pas trop juger.
10:06D'un côté, vous avez un programme à l'état gazeux, on va dire,
10:08et de l'autre, vous avez un programme qui est quand même assez charpenté, structuré,
10:12chiffrant,
10:13mais oui, vous imaginez, ça ferait une augmentation de 66% des dépenses de l'État,
10:19enfin c'est quelque chose de très cher, alors on peut se rassurer en disant qu'il ne serait pas appliqué,
10:23évidemment, mais là on fait l'hypothèse, on est obligé de faire l'hypothèse qu'il serait appliqué.
10:27Merci beaucoup Bertrand Martineau d'avoir décrypté tout ça pour nous ce matin sur France Bleu Paris.

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