• il y a 4 mois
Xerfi Canal a reçu Alain Cotta, professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine, pour parler de la lettre D comme Démocratie et Débandade.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour Alain Cotat, professeur émérite, si l'on peut dire, de l'Université Paris-Dauphine,
00:16surtout fondateur de l'Université Paris-Dauphine. Alain Cotat qu'on ne présente plus, j'ai sous ma
00:21main gauche, il n'y a aucun signe particulier, l'ivresse et la paresse, une somme de plus de
00:28800 pages. Alain Cotat, l'ABCDR, D comme démocratie, et vous m'aviez proposé des bandades.
00:35Donc qui dit démocratie, on reste français, n'est-ce pas ? Donc c'est très lié parce que
00:44c'est un peu particulier. Notre démocratie est un peu particulière. Je connais un peu par
00:50proximité l'Italie, aussi l'Angleterre ou l'Allemagne. La démocratie française c'est
00:55vraiment liberté, égalité, fraternité. Il faut être tous égaux, tous frères et on sera libres.
01:02Immédiatement d'ailleurs il y a un mot qu'on n'emploie plus beaucoup en France, c'est
01:10fraternité. Vous voyez des quantités de tentatives faites pour rapprocher les êtres, pour qu'ils soient
01:18plus sociaux. Mais fraternité, plus personne n'ose dire aux passants qui sont dans la rue que
01:27je vois, tiens c'est mon frère. Par contre on continue à avoir égalité et liberté. Égalité,
01:34ça il faut être français pour croire. Le monde n'est inégalitaire, il restera. Il est fait pour
01:43ça si j'ose dire, les êtres naissent inégaux, ils meurent inégaux. Il y en a même des imbéciles
01:50qui par l'héritage sont riches et inégaux alors qu'ils étaient dans l'autre sens. Bref, reste la
02:00liberté. La liberté, on sent que ça reste intime à la démocratie, pas simplement en France mais
02:09partout. La démocratie est un système politique pour l'instant largement national. C'est toujours
02:18dans les nations que vont devenir les nations, question qu'on abordera peut-être à la lettre
02:24N. Mais question qui reste posée, la liberté étant quand même pour toutes, dans toutes ces nations,
02:37démocratique, le fondement même de la démocratie est opposé à la dictature, c'est-à-dire au fait
02:44qu'un individu ou plusieurs individus puissent vous obliger, vous imposer. Alors qu'est-ce que
02:54nous constatons à l'heure actuelle ? Que nous appelons toujours démocratie, je parle de ces
02:58pays. Mais que finalement le nombre des contraintes qui nous sont imposées ne fait que croître par
03:06rapport à il y a un siècle. Nous avons la contrainte fiscale qui devient de plus en plus
03:14permanente. On m'apprenait il n'y a pas longtemps encore qu'il n'y avait pas de taxes en France
03:21qu'il n'y avait que des impôts. Désormais il n'y a plus d'impôts, comme vous savez, ils n'y
03:24en auront jamais mais il n'y a plus que des taxes. Bon, nous avons des contraintes permanentes sur le
03:31fait de se mouvoir, la vitesse à laquelle nous pouvons aller, les véhicules que nous pouvons
03:37prendre. Nous avons aussi des contraintes croissantes même dans nos pratiques alimentaires.
03:44Bref, cette fameuse liberté à l'intérieur même des démocraties, ne parlons pas des dictatures où
03:51elles sont très nettes, voire la Chine où effectivement on a mis à domicile un certain
03:56nombre d'individus lors de la crise sanitaire avec in fine quand même quelques réactions qui
04:05ont fait reculer le fameux dictateur ou la fameuse dictature. D'un point de vue proprement politique,
04:13les taux d'abstention ne font que croître dans toutes les démocraties. On parle toujours de
04:21démocratie américaine. Bon, il y a 50% d'abstention lors du vote présidentiel, ce qui veut bien dire
04:29qu'un américain sur deux se fout complètement de savoir qui va être président et qui d'ailleurs
04:37peut-être pas tout à fait tort. Regardons la France à l'heure actuelle. Est-ce qu'on est
04:42vraiment concerné par le fait que ce soit un monsieur un tel ou un autre président alors
04:51pourtant que simultanément le pouvoir de l'exécutif ne fait que s'accroître partout au
05:01détriment du législatif donc de l'émanation du peuple ? Donc nous avons une double décroissance,
05:09diminution de la liberté. Une décroissance de la liberté qui vient de par les contraintes
05:18qui nous viennent de l'exécutif, qui d'ailleurs est obligée très souvent de les prendre et puis
05:24au contraire les contraintes qui nous viennent de l'extérieur, de la mondialisation sur laquelle
05:35nous ne pouvons absolument rien. Donc nous avons finalement une démocratie où l'individu comme
05:44vous et moi se demande au fond mais pourquoi irais-je voter pour un président qui ressemble à
05:54notre président puisque de toute façon ils sont eux aussi contraints par une mondialisation qui
05:59les oblige à choisir telle politique plutôt que telle autre. Donc notre liberté à l'heure actuelle
06:07nous n'exerçons plus notre liberté par la voie politique. Nous l'exerçons désormais dans une
06:16espèce d'indifférence organisée à l'égard du politique. Nous l'organisons à l'intérieur de
06:20nos familles, de notre vie personnelle, des espaces de liberté qui restent à chaque individu. Mais
06:29parler d'une démocratie en tant qu'une entité politique, au fond la démocratie qui reste nous
06:39la faisons nous-mêmes. De D comme démocratie, en débandade, jusqu'à F comme famille. Oui c'est
06:48une débandade organisée de l'intérieur, de l'extérieur. Mais il reste quand même que nous
06:59préférons vivre en liberté démocratique entre guillemets qu'en dictature du peuple.
07:05Bien sûr. Merci Alain Cotta.

Recommandations