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  • 08/05/2024
Salomé Parent-Rachdi journaliste indépendante, autrice de la BD Amour, sexe et terre promise, reportage en Israël et Palestine (Les Arènes) est l'invitée de 6h20 de France Inter.

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Transcription
00:00 6h22, bonjour Salomé Paranrajdi, vous êtes journaliste, vous avez travaillé entre 2017 et 2020
00:07 entre Israël et les territoires palestiniens et vous signez avec deux loupis une bande dessinée
00:11 originale qui s'appelle « Amour, sexe et terre promise ».
00:15 Originale parce que vous y racontez sous forme de reportage les sociétés palestiniennes et israéliennes
00:19 par le biais du couple, des couples mixtes, gays, juifs, juifs orthodoxes, musulmans,
00:24 il y a tout, palestiniens de Gaza, arabes israéliens, de Tel Aviv, de Jérusalem.
00:27 Ce sont des portraits qui nous arrivent au moment où l'espoir d'une trêve avec des frappes israéliennes
00:32 sur Rafa et la bande de Gaza s'éloigne.
00:36 Salomé Paranrajdi, moi je voulais savoir qu'est-ce que dit l'intime, parce que ce sont des portraits
00:40 que la guerre ne dit pas ?
00:43 Je pense que c'est une manière peut-être un peu décalée mais non moins pertinente à mes yeux
00:48 de raconter justement cet endroit et l'idée c'était de raconter à la fois évidemment le conflit
00:54 israélo-palestinien mais aussi de raconter les sociétés en elles-mêmes
00:57 parce que pour moi c'est en fait les gens qui vivent sur ce petit bout de terre
01:01 ils sont à la fois évidemment israéliens, palestiniens mais ensuite ils sont tout un amalgame,
01:05 un agrégat de choses très différentes.
01:08 Ils ont à la fois une religion, ils appartiennent à un groupe, ils sont hachkénas, séfarades
01:13 et pour moi l'idée c'était, oui, via ce prisme de l'intime peut-être de donner un regard différent
01:17 sur cette terre et sur les gens qui y vivent.
01:19 Alors avant de rentrer dans le détail, ça a été facile de les convaincre d'entrer dans leur chambre à coucher finalement ?
01:24 Je dirais que ça a été plutôt... j'ai été agréablement surpris.
01:28 Disons que dès le départ, si je disais...
01:31 je précisais bien les mots "amour" et "sexe" pour que ce soit très clair sur ce que je voulais faire
01:34 j'ai évidemment des gens qui m'ont dit non mais après j'ai été plutôt...
01:38 globalement assez surprise. Par exemple j'ai un personnage qui est Rami qui était mon fixeur quand j'allais à Gaza
01:43 qui reste un homme palestinien de 45 ans avec qui j'avais jamais parlé comme ça de choses très intimes
01:48 et j'ai été plutôt surprise de ce qu'il m'a raconté.
01:51 J'ai l'impression que les gens comprenaient plutôt assez vite ce que je voulais faire.
01:54 Alors Salome Paranraj dit "on ne peut pas tous les citer"
01:58 vous parlez de Rami le palestinien, il y a par exemple ce couple Pipol et on en parle beaucoup
02:02 Lucie est journaliste, elle est musulmane, Tsaï est acteur, il est juif
02:06 ils ont caché pendant 5 ans leur relation au monde mais aussi à leur famille.
02:12 C'est fascinant qu'on soit obligé de cacher.
02:15 Pour moi c'était vraiment ça aussi qui était intéressant
02:18 c'était de raconter comment ces gens, par amour ou par désir, sont toujours dans la transgression.
02:22 Ils sont évidemment dans la transgression parce que là eux c'est le couple le plus emblématique
02:28 c'est à dire qu'ils sont un couple israélo-arabe
02:31 et donc c'était à la fois parce qu'ils ont eu énormément de critiques quand ça s'est su
02:36 notamment de la droite israélienne
02:40 mais c'est ça en fait, ils transgressent aux yeux de leur société, aux yeux des peuples
02:43 mais ils transgressent aussi aux yeux de leur famille
02:45 et en fait c'était intéressant, ce qui m'intéressait de tous les personnages
02:48 c'était à chaque fois quand ils sont dans une histoire de transgression
02:50 ils sont souvent multiples parce que c'est au niveau de leurs proches, c'est au niveau de leur communauté
02:54 c'est au niveau de tout un peuple, donc c'est à ça qu'ils m'intéressaient.
02:56 Justement vous parlez de la communauté, il y a le cas de Lara, arabe israélienne
03:00 qui fait des rencontres via les sites et elle dit "tout le monde précise ses origines"
03:05 comme s'il fallait se définir finalement par ses origines, non pas par une nationalité tout simplement.
03:10 Parce que je pense que notamment en Israël, elle est arabe d'Israël
03:16 donc elle représente quand même 20% de la population
03:18 mais sinon c'est quand même des gens en Israël
03:20 qui leur point commun c'est d'être juif
03:23 mais sinon il n'y a aucun point commun entre eux par exemple
03:26 à part celui-là, entre un Ashkenaz qui va être d'origine hongroise ou polonaise
03:31 et après un séfarade d'origine tunisienne
03:34 donc en fait c'est vraiment inculqué, c'est inclus dans les meurtres comme ça
03:37 de dire d'où on vient, parce que ça permet aussi aux gens de situer
03:40 c'est pas non seulement qui vous êtes vous en tant que personne
03:42 mais c'est d'où vous venez et c'est important de quel est votre bagage
03:45 et c'est vrai que peut-être venant de France, moi c'était assez surprenant
03:48 parce qu'on n'a pas forcément l'habitude de ce côté-là, que ce soit très naturel
03:51 - Mais ça veut dire que l'amour est aussi politique là-bas ?
03:53 - Évidemment, évidemment et je pense que c'est d'autant plus pour moi important
03:58 ce biais-là de l'intime parce que je pense qu'il raconte tout autant de choses
04:02 à la fois du conflit et des sociétés qu'un biais peut-être plus classique géopolitique ou sociologique
04:08 et je trouvais que oui, au contraire, pour moi c'était ça, oui.
04:10 - Il y a une chose aussi sur laquelle finalement Israéliens et Palestiniens se rejoignent
04:15 c'est le fait qu'il faut se marier et avoir des enfants.
04:18 - Alors ça oui, on peut le voir avec certains personnages, il y a vraiment cette idée
04:23 alors on parlait un moment de, peut-être, je sais pas si on peut parler encore de "garder ventre"
04:26 mais il y a cette idée-là, oui, il faut, les enfants sont très importants pour des raisons très différentes
04:31 que ce soit par exemple Fatiha qui est cette personnage palestinienne
04:35 pour cette idée vraiment de la lutte parce qu'elle a son mari en prison
04:38 et qu'il y a un peu cette idée de "même si mon mari est en prison, la lutte palestinienne est si importante
04:43 qu'on peut avoir des enfants malgré ça"
04:47 et à côté par exemple, on peut penser à Jean-Marc qui est donc lui un franco-israélien
04:50 qui a un enfant en coparentalité, donc c'est-à-dire qu'il a un enfant
04:54 il signe un contrat avec une femme qui n'est pas sa femme, il n'est pas dans une relation amoureuse et sentimentale
04:58 enfin physique avec elle, mais ils ont un enfant
05:00 et lui c'est ça, il explique aussi que c'est toute cette idée de
05:03 évidemment par exemple il faut remplacer la génération perdue de la chouane
05:08 - Et puis il y a aussi Mohamed qui est gay et qui est palestinien
05:11 et là, il y a le Hamas sur lui, il y a sa famille, c'est compliqué, il vit à l'étranger
05:16 - Ah oui, oui, donc Mohamed c'est un jeune palestinien, c'est ça, qui est gay
05:20 et qui m'a raconté en fait quand il vivait à Gaza, donc maintenant il a dû fuir
05:23 tout le processus qu'il avait pour justement arriver à faire des dates et à rencontrer des jeunes hommes
05:30 et il a une formule que j'aime bien, c'est souvent il disait en fait
05:33 c'est le temps qu'on met juste pour faire un date, parce que donc c'est ça
05:36 il va sur Facebook, il va se faire un faux profil etc. Donc oui, oui, c'était intéressant pour moi de raconter
05:40 pour entre guillemets un moment comme ça qui pourrait être simple pour nous tout le processus qu'il doit faire
05:44 - Alors Salomé Paranra, je dis on vous suit entre Israël, entre Jérusalem, Tel Aviv, la bande de Gaza
05:51 et il faut préciser que vous avez fait ces interviews avant le déclenchement de la guerre
05:56 et que vous avez placé dans votre bande dessinée, en épilogue, vous avez réinterrogé ces personnes
06:02 et qu'est-ce que ça dit, qu'est-ce qu'ils disent en fait finalement
06:06 entre ce qu'ils vous ont dit "c'est difficile de s'aimer mais on s'aime quand même" et la suite ?
06:10 - Oui c'est ça, on avait fini avec de loupis, on avait vraiment fini le 6 octobre la bande dessinée
06:14 donc on s'est dit on peut évidemment pas laisser ça comme ça, donc on a rajouté les pages au début
06:18 et à la fin on a aussi demandé aux gens ce qu'ils étaient devenus
06:21 Moi je trouve que ce qui est intéressant c'est que ça rajoute quelque part une complexité
06:26 alors d'abord c'était évidemment, il fallait par exemple Rami, ce palestinien qui habite à Gaza
06:30 aujourd'hui il est réfugié à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza
06:33 donc ça c'était, on devait évidemment le notifier
06:36 mais je pense que ça rajoute une couche de complexité parce que tous, malgré leurs origines, malgré qui ils sont
06:40 ce qu'ils disent aujourd'hui du 7 octobre et de comment ils vivent les choses
06:43 c'est pas forcément ce dont on s'attendrait
06:46 - Mais ils ont du mal à se parler ?
06:47 - Oui, bien sûr, par exemple il y a Havi qui est lui, ce jeune ultra orthodoxe
06:52 qui lui était plutôt assez pacifiste aujourd'hui
06:54 et il dit "non, pour l'instant je ne peux pas, je dois attendre"
06:57 - Merci beaucoup Salomé Paranrajdi, votre bande dessinée co-signée avec De Loupy s'appelle
07:02 "Amour, sexe et terre promise" est parue aux Arènes, vous étiez l'invitée du 5ème

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