La cathédrale de Perpignan fête ses 700 ans : retour sur deux siècles de chantier

ici Roussillon

il y a 1 an

Ce samedi, la ville de Perpignan lance les festivités pour l'anniversaire de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, dont la première pierre a été posée il y a 700 ans. Son chantier a duré près de deux siècles.

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00:00 Et on n'a pas tous les jours 700 ans ! Demain, on célèbre à Perpignan les 700 ans du début des travaux de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste.

00:08 La première pierre a effectivement été posée le 27 avril 1324.

00:14 Les festivités vont durer toute l'année à Perpignan avec plusieurs événements.

00:17 Ça commence donc demain.

00:19 Votre invité, Suzanne Chaudjahi, il connaît très bien, mais vraiment très bien, cette cathédrale de Perpignan.

00:24 Bonjour Aymat Katafo.

00:25 Bonjour.

00:26 Vous êtes historien, ancien maître de conférence à l'université de Perpignan, spécialiste du Moyen-Âge.

00:31 Et ce matin, vous allez nous emmener 700 ans en arrière, au début du XIVe siècle, à l'époque des rois de Majorque.

00:38 Pourquoi il a été décidé à l'époque de construire un édifice religieux alors qu'il y avait déjà l'église Saint-Jean-le-Vieux au même endroit ?

00:45 Presque au même endroit.

00:46 Juste à côté.

00:47 Oui. La ville de Perpignan est en pleine croissance à ce moment-là.

00:52 Pleine croissance d'abord démographique.

00:55 Le XIIIe siècle a vu Perpignan passer de quelques milliers d'habitants à probablement, dans les années 1320, 15 000 habitants.

01:03 Donc il y avait des besoins en fait ?

01:05 Et voilà, il faut de la place pour venir aux offices religieux, pour accueillir tous les paroissiens, puisque c'est une église paroissiale,

01:14 c'est l'église de la paroisse Saint-Jean, mais la paroisse Saint-Jean a considérablement accru son nombre de paroissiens.

01:22 Il faut donc une grande église.

01:23 Et au début, il n'était pas du tout question de construire une cathédrale spécifiquement ?

01:27 Non, une cathédrale, ce n'est pas un bâtiment particulier.

01:30 Une cathédrale, c'est un lieu de culte dont le titulaire est un évêque.

01:35 Une cathédrale, c'est le siège d'un évêché.

01:38 Perpignan n'est pas à ce moment-là le siège de l'évêché.

01:40 Elle ne le deviendra qu'au début du XVIIe siècle.

01:43 Le siège de l'évêché est à Elne et la seule cathédrale qui existe à ce moment-là est à Elne.

01:47 C'est donc une église, une église collégiale, une très grande église collégiale.

01:52 Parce qu'il y a un chapitre, collégial, ça veut dire qu'il y a un collège de prêtres.

01:55 Une église paroissiale d'une ampleur extraordinaire, mais c'est une église paroissiale.

02:03 Et le chantier a été très très long, il a duré 180 ans.

02:07 J'ai regardé, c'est à peu près autant de temps que pour Notre-Dame de Paris.

02:10 Pourtant Notre-Dame de Paris est beaucoup plus grande.

02:12 Pourquoi ça a été si long à Perpignan ?

02:14 Que ça ne brûle pas d'abord, on va dire.

02:16 Oui, on est clair.

02:17 Non, ça a été long à Perpignan, mais ce n'est pas 180 ans de travail en continu.

02:23 La première paye est reposée en 1324, 20 ans après le royaume de Majorque cesse d'exister

02:31 à la suite de la campagne d'annexion, on va dire, de conquête par le roi d'Aragon.

02:36 Qui est une campagne très dure, qui affecte beaucoup le Roussillon.

02:42 Quelques années après seulement, en avril 1348, on peut s'en souvenir davantage encore

02:47 que du Covid, la peste noire arrive à Perpignan et ce sont en quelques quatre mois la moitié

02:56 au moins de la population de Perpignan qui meurt.

02:59 La moitié au moins de la population de Perpignan qui meurt.

03:03 Alors, fort heureusement, il reste des habitants à Perpignan et même beaucoup d'habitants

03:07 des villages qui disparaissent autour et qui sont parfois définitivement abandonnés vont

03:11 venir habiter à Perpignan.

03:13 Mais le ressort économique de cette richesse qui permettait d'envisager une si grande construction

03:21 est brisé.

03:22 Et brisé pour des générations.

03:24 - Oui, pour plusieurs générations, c'est ça.

03:26 Combien de temps à peu près ?

03:27 - En fait, le chantier ne va reprendre que dans les années 1420-1430.

03:31 En fait, ce qu'on sait très très bien, très précisément, c'est qu'en 1433, l'architecte

03:37 Guillaume Sagré va reprendre le chantier et va tracer un nouveau plan.

03:41 - Alors, ce qui impressionne dans cet édifice, c'est la nef centrale.

03:46 Elle est vraiment très grande pour l'époque.

03:48 Est-ce qu'on peut dire que c'est l'une des spécificités de la cathédrale, la nef, par

03:53 rapport aux autres édifices de l'époque ?

03:55 - Oui, alors j'ai souvent entendu ou parfois entendu les guides dire que c'était la plus

04:00 large de France ou d'Europe, etc.

04:02 Ce n'est pas impossible.

04:03 Je ne sais pas s'il y a un Guinness Book des nefs d'église.

04:07 Ce qui est vrai, c'est que Guillaume Sagré, qui est l'architecte à ce moment-là, qui

04:12 reprend le chantier, a déjà l'expérience d'avoir suivi les travaux et expertisé les

04:17 travaux de la cathédrale de Géronne, qui a été construite par-dessus l'ancienne église

04:22 romane.

04:23 Et donc, avec une nef très très large, c'est justement ce qui posait problème.

04:26 Cette nef de Perpignan, elle va en fait bénéficier de cette expérience de l'architecte qui va

04:33 décider de ne pas faire un plan, on va dire, basilical, c'est-à-dire avec deux bas côtés,

04:38 avec des colonnes intérieures, disons, mais supprimer les colonnes intérieures.

04:42 Elle est du coup un peu plus étroite que ce qu'elle aurait dû être avec les colonnes

04:46 intérieures, mais en revanche, on gagne une vision qui est une vision complètement ouverte,

04:52 sans colonnades intérieures, avec une portée qui est de plus de 25 mètres.

04:56 Donc, quelque chose d'extrêmement impressionnant.

04:58 Et pour l'époque, particulièrement impressionnant.

05:00 Voilà, c'est quelque chose qui saisit.

05:02 Il est 8h au mois d'ici, en France Bleu, Roussillon, Aymad Kanafo, historien, ancien

05:06 maître de conférence à l'université de Perpignan et spécialiste du Moyen-Âge, est

05:10 votre invité sur France Bleu Roussillon avec Suzanne Chaudjahid.

05:12 Alors, quand on parle de la cathédrale Saint-Jean, on doit parler de son orgue qui a été installé

05:17 à la fin du 15e siècle.

05:19 Est-ce que c'est un orgue particulier, un orgue d'exception ?

05:23 - Alors, je ne suis pas un spécialiste des orgues.

05:26 Ce qu'on peut dire, c'est qu'on a restauré très récemment les panneaux peints de ces

05:37 orgues.

05:38 Et que le panneau de cet orgue peint en 1504, si je ne me trompe pas, les deux panneaux

05:49 sont une œuvre magnifique du début de la Renaissance qu'on a longtemps attribué à

05:54 l'école de Durer.

05:55 Je ne sais pas ce qu'en pensent les historiens, mais il y aura un colloque dans quelques mois

05:57 sur Saint-Jean où on aura des historiens de l'art qui nous parleront de ça.

06:02 On l'a longtemps attribué à l'école de Durer, donc c'est une œuvre vraiment majeure

06:07 de la Renaissance.

06:08 - Et sous cet orgue, il y a la fameuse tête de mort, M-A-U-R-E.

06:12 Elle est en bois, avec une mâchoire articulée.

06:16 C'est presque des effets spéciaux pour l'époque ?

06:18 - Absolument, oui.

06:19 M.

06:20 Osseille, qui était organiste carillonneur à la cathédrale, nous avait écrit un petit

06:25 papier à ce sujet.

06:26 À certaines notes très graves de l'orgue, la bouche s'ouvrait.

06:31 Et c'était une façon de moquer, bien entendu, l'infidèle.

06:37 On n'était pas dans le politiquement correct, là.

06:41 - Mais on en voit aussi souvent des choses comme ça dans les médias.

06:45 - Justement, Louis Osseille en avait fait un inventaire.

06:50 En Catalogne, c'était quelque chose pour lequel il avait trouvé plusieurs exemples.

06:56 C'était des sortes d'animations, comme vous dites, intégrées au jeu de l'orgue et à

07:06 certaines notes graves.

07:07 - Et puis il y a ce trou aussi dans la toiture.

07:10 - Voilà, et à certaines fêtes religieuses, on jetait un bouquet de jeûner enflammé.

07:15 Ça a été découvert au moment de la Restauration, il y a une dizaine d'années, peut-être à

07:21 peu près.

07:22 - Très rapidement, pour terminer, mardi, vous avez donné une conférence sur l'histoire

07:25 de cette cathédrale.

07:26 Il y avait beaucoup de monde.

07:28 Vous sentez un vrai attachement des Catalans pour la cathédrale saint-Louis ?

07:31 - Ah oui, il y avait beaucoup de monde.

07:32 Attendez, oui, peut-être la moitié des gens qui voulaient venir n'ont pas pu rentrer.

07:38 Donc on la recommencera.

07:39 Un attachement, sans aucun doute, un attachement au patrimoine de manière générale, je dirais.

07:44 Moi, je travaille beaucoup avec les archéologues, donc il y a effectivement un grand attachement

07:48 au patrimoine.

07:49 Et certainement une volonté de récupérer aussi une partie du patrimoine culturel, qui

07:57 n'est pas que architectural, qui est aussi l'ensemble d'une compréhension d'un monde

08:05 passé que nous avons besoin de retrouver.

08:08 - La ville de Perpignan lance donc les festivités demain pour les 700 ans de la pose de la première

08:13 pierre de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste à Perpignan.

08:15 C'est toute la journée.

08:16 Merci beaucoup, Aymat Katafo.

08:18 Je rappelle que vous êtes historien, ancien maître de conférence à l'université de

08:22 Perpignan et vous tenez une librairie de livres anciens dans la rue Pasteur.

08:25 Très bonne journée à vous.

08:27 - Merci, à vous aussi.

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