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  • 16/04/2024
Le Français Jean-Baptiste Troppmann avait tout juste vingt ans quand il est devenu l'un des plus grands tueurs en série de l'histoire. Huit personnes d'une même famille, le père, la mère, six enfants âgés de deux à seize ans, discrètement assassinés à Pantin, en banlieue parisienne, et en Alsace, à l'ombre d'un château en ruines. Pas du tout l'œuvre d'un dément, mais celle d'un jeune homme beau parleur, ambitieux et sans scrupule. Était-il vraiment seul pour commettre ces assassinats à la chaîne ?
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime avec Jean-Alphonse Richard du 10 avril 2024

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Transcription
00:00 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
00:05 Jean-Alphonse Richard.
00:07 La famille Kirk était composée du père Jean Kirk, de la mère Hortense et de leurs 6 enfants.
00:12 Gustave, l'aîné, avait 17 ans. La dernière, Marie Hortense, 2 ans.
00:16 C'était une famille heureuse. Et aujourd'hui, elle est éteinte.
00:20 Une main homicide l'a détruite. La main de l'accusé.
00:24 Bonjour, le français Jean-Baptiste Tropman avait tout juste 20 ans quand il est devenu l'un des plus grands tueurs en série de l'histoire.
00:32 8 personnes d'une même famille, le père, la mère, 6 enfants âgés de 2 à 16 ans, assassinés à Pantin, en banlieue parisienne et en Alsace.
00:40 A l'ombre d'un château en ruine, pas du tout l'oeuvre d'un dément, mais celle d'un jeune homme beau parleur, ambitieux, sans scrupules.
00:49 Au terme d'un plan des plus machiavélique, il voulait s'emparer de la fortune de la famille et disparaître sans laisser la moindre trace, sans un drôle de concours de circonstances.
00:59 Eh bien, il aurait pu sans doute signer le crime parfait. En cette année 1869, toute la France va se passionner pour cette affaire.
01:08 Jamais les journaux ne se sont aussi bien vendus. Mais qui est donc cet assassin qui affole l'opinion ?
01:14 On ne parle que de lui, mais était-il vraiment seul pour commettre ces assassinats ?
01:19 Et si l'enquête menée volontairement tambour battant avait pris une mauvaise direction, en négligeant d'autres pistes pour le moins troublantes ?
01:27 Question posée aujourd'hui à notre invité.
01:29 Jean-Baptiste Tropman, le massacreur de Pantin. Les 6 cadavres étaient collés les uns aux autres, certaines victimes étaient vivantes quand elles ont été ensevelies.
01:40 L'enquête de l'heure du crime, la seule émission radio 100% fédéra tout de suite sur RTL.
01:46 Dans l'heure du crime, aujourd'hui nous revenons sur la spectaculaire affaire Jean-Baptiste Tropman.
02:03 A la fin de l'été 1869, ce jeune homme qui se lance dans les affaires va être présenté comme un terrifiant criminel, soupçonné d'avoir assassiné, puis enterré toute une famille dans une banlieue du nord de Paris.
02:16 Lundi 20 septembre 1869, aux alentours de 5h du matin, le cultivateur Jean-Louis Auguste Langlois remonte à pied le sentier du chemin vert, non loin de la gare de Pantin.
02:29 A l'époque, cette banlieue parisienne est couverte de champs et de terrains en friches.
02:33 Langlois repère quelques traces de sang sur le sol, une traînée jusqu'à la prairie voisine où l'herbe a été couchée par une ou plusieurs personnes.
02:41 Il s'avance et observe un discret monticule de terre fraîchement remuée.
02:46 Il gratte avec sa bêche qui accroche un morceau de tissu ensanglanté, un mouchoir.
02:51 Il continue, du sol émerge cette fois un bras d'enfant à la peau blafarde.
02:56 La police est alertée, une dizaine d'agents, deux inspecteurs de la sûreté parisienne sont sur place.
03:01 La nouvelle se répand aussitôt, des dizaines de curieux à court jusqu'au champ.
03:06 Des hommes équipés de pelles et de pioches mettent rapidement au jour une espèce de fosse commune.
03:11 Dans la tranchée, les cadavres encore habillés et collés les uns aux autres, d'une femme, de quatre jeunes garçons et d'une toute petite fille.
03:19 Les malheureux ont été étranglés, frappés à coups de couteaux, parfois achevés à coups de pelle sur le crâne.
03:25 Les visages sont mutilés. Le médecin légiste estime que certaines victimes étaient encore vivantes quand elles ont été ensevelies.
03:32 La femme, qui était enceinte d'environ six mois, a été empartie et ventrée, tout comme la petite fille qui a eu les intestins perforés.
03:41 Le patron de la sûreté, Antoine Claude, patron de la sûreté à la préfecture de police, se charge en personne du dossier.
03:49 Il craint qu'une bande d'assassins soit à l'œuvre dans la capitale pour s'attaquer à des familles bourgeoises.
03:55 Les victimes portent effectivement toutes des vêtements de très bonne qualité.
04:00 Les boutons des cols des garçons affichent la marque du tailleur Thomas à Roubaix.
04:05 Un inspecteur file tout de suite dans le nord avec dans sa poche les photos des visages des cadavres.
04:09 Le tailleur reconnaît immédiatement les membres d'une famille de clients qui habitent au numéro 22 de la rue de l'Alouette,
04:17 les Kinks, Jean Kinks, d'origine alsacienne, 45 ans, étant notable locale.
04:23 Il possède un atelier florissant de mécanique et de fabrication de machines outils.
04:28 Il est propriétaire d'immeubles à Roubaix, il veut implanter une usine en Alsace où il a acheté récemment une chute d'eau.
04:34 Son épouse Hortense, à 42 ans, le couple à cinq garçons, Gustave, 16 ans, Émile, 13 ans, Henri, 10 ans, Achille, 8 ans, Alfred, 6 ans, et une petite fille, Marie, 2 ans.
04:46 Deux ans, deux membres de la famille sont absents, le père et le fils aîné, tous deux aussitôt soupçonnés d'avoir perpétré le massacre.
04:54 La presse se déchaîne, le petit journal écrit qu'un père et son fils ont anéanti une famille,
05:00 tous les deux avec une cruauté indescriptible qui n'appartient pas à l'humanité.
05:07 Mardi 21 septembre, un témoin, entendu par la police, un cocher, assure avoir chargé Hortense, Kinks et cinq enfants, mais aussi un jeune homme, entre 20 et 25 ans, dans son fiacre.
05:19 C'était dimanche soir, il était autour de 23h, le cocher a conduit tout le monde à Pantin, non loin de l'endroit où ont été découverts les corps.
05:27 Le jeune homme est descendu tout d'abord avec la femme et ses deux plus jeunes enfants.
05:32 Quatre minutes plus tard, il est venu chercher les trois derniers, il a alors payé la course puis a disparu dans la nuit.
05:38 Les enquêteurs découvrent qu'Hortense Kinks venait d'arriver à Paris en train depuis Roubaix,
05:44 elle s'est rendue à l'hôtel du Chemin de Fer, elle cherchait son mari Jean Kinks, le réceptionniste lui a répondu n'avoir aucun client à ce nom-là.
05:52 Peu après, le fameux jeune homme est venu à la rencontre de l'épouse en lui disant qu'il allait la conduire jusqu'à son mari, tout le monde est parti en fiacre.
06:04 Et bien sûr à ce moment-là, la police subodeur un traquenard, mais un traquenard tendu par qui ? Par le mari qui aurait été un complice.
06:12 Mais alors pourquoi tuer son épouse et ses cinq enfants ? On ne comprend pas très bien.
06:17 L'apparition dans le décor du dénommé Jean-Baptiste Tropman va tout changer, c'est lui le jeune homme du fiacre, mais on va parler de ce personnage dans la suite.
06:26 De l'heure du crime, il faut revenir pour l'instant avec notre invité Emmanuel Pierra, bonjour.
06:32 Bonjour Jean-Alphonse Richard.
06:33 Merci infiniment d'être aujourd'hui avec nous dans le studio de l'heure du crime, vous êtes avocat au Barreau de Paris.
06:39 Auteur du livre "Il pleure, il pleure", l'affaire Tropman 1869 publiée aux éditions Point.
06:46 Et je cite votre dernier livre, l'affaire Céline, la véritable histoire des manuscrits retrouvés, publiée aux éditions Écriture.
06:54 Alors Emmanuel Pierra, évidemment vous connaissez parfaitement cette affaire, vous avez beaucoup travaillé dessus.
06:58 Vous avez enquêté, retrouvé des archives, on est là au petit matin du 20 septembre 1869.
07:05 Il y a la découverte de cette tuerie, il n'y a pas d'autre mot. Les autopsies montrent qu'on s'est acharné sur cette mère et ses enfants.
07:14 C'est une boucherie, une véritable boucherie à la porte de Paris.
07:19 Aujourd'hui, Pantin c'est une banlieue habitée, d'ailleurs où j'ai grandi, mais à l'époque la sortie c'est les Faubourgs, c'est un champ de luzerne.
07:27 Mais on est à ce qu'on appellerait la Villette, pour ceux qui sont parisiens ou qui sont venus à Paris.
07:32 C'est la grande halle de la Villette, la cité des sciences et de l'industrie, la Philharmonie.
07:37 C'est là, on est dans cette espèce de jachère un peu étrange, aujourd'hui occupée, mais on est vraiment à proximité de la ville.
07:44 À part ce champ de luzerne, autour c'est très habité et la stupéfaction est immense.
07:49 L'angoisse qui tombe sur ses corps et sur ses enfants.
07:53 - Oui c'est ça, parce qu'effectivement cette image est complètement glaçante et surprenante.
07:59 Et elle est sensationnelle aussi, parce qu'il faut bien le dire, tout de suite, il y a énormément de monde sur place,
08:04 que le bouche à oreille fonctionne, et puis à l'époque il n'y a pas de cordon de sécurité,
08:08 il n'y a pas de véritable scène de crime, donc tout le monde s'approche, tout le monde peut voir à peu près ce qui s'est passé.
08:13 Et les journaux, tout de suite, ils sont sur le coup, parce qu'ils flairent la bonne info, le scoop.
08:18 - C'est la première affaire criminelle qui fait la une de la presse et qui sera suivie en direct.
08:23 C'est-à-dire que chaque péripétie, chaque étape va être commentée, publiée dans les journaux.
08:27 Alors que jusqu'ici, on ne commente les faits divers, les crimes, qu'après le procès.
08:32 - Et bien après parfois. - Et parfois bien après.
08:34 Et là pour la première fois, chose ignoble, il y a des photos qui apparaissent de la scène du crime.
08:39 On publie des photos des enfants déchiquetés.
08:42 On a la petite fille dont les viscères sont répandues, sortent du ventre.
08:47 On a les petits garçons dont le visage a été roué de coups après avoir été poignardé.
08:52 On a un tableau qui est absolument ahurissant et photographié, avec des photographies en noir et blanc,
08:58 comme on en fait en 1969, mais affiché en pleine page dans la presse.
09:02 Ça provoquera évidemment une émotion extraordinairement importante qui a duré pendant de nombreuses décennies.
09:08 Le crime de Pantin est resté dans les annales judiciaires comme c'est le crime de Pantin.
09:13 C'est tout aussi important que d'autres grandes affaires criminelles plus récentes.
09:17 On voit apparaître un personnage, c'est le patron de la Sûreté parisienne,
09:22 la préfecture de police de Paris, qui règne sur le crime en France.
09:26 C'est vraiment une unité qui est très puissante à l'époque, c'est Antoine Claude.
09:31 Lui, il va avoir ses lettres de noblesse dans cette affaire,
09:34 parce que lui aussi, ça va être le maigré de l'époque.
09:37 Jusqu'à présent, on ne les connaissait pas trop, les policiers là sortent de l'anonymat.
09:43 C'est le début aussi des vedettes de la police.
09:45 On a eu Vidocq qui a publié ses mémoires, et on a M. Claude qui sera juste avant M. Godon.
09:50 C'est les trois grands préfets ou trois grands chefs de la Sûreté
09:53 qui sont à l'origine des policiers, qui sont montés en gratte,
09:56 qui dirigent la Sûreté, c'est-à-dire vraiment toutes les enquêtes criminelles,
10:01 et qui va s'impliquer à titre personnel dans cette affaire.
10:04 Il va en faire vraiment une affaire personnelle.
10:06 Il va décider qu'il doit lui-même, vu l'horreur du crime, vu l'ampleur et le retentissement médiatique,
10:11 s'en occuper comme un enquêteur quasiment de base.
10:13 Il est sur le terrain, et c'est lui qui drive les investigations.
10:17 Il laisse rien au hasard parce qu'il a envie que ça prospère, le commissaire Antoine Claude.
10:22 Alors, un mot Emmanuel Pierrat, il faut revenir sur ces cadavres dans cette fosse.
10:26 Qui est cette famille Kink ?
10:28 - C'est une famille alsacienne.
10:30 Moi je suis vosgien d'origine, je ne sais pas si on dit Kink ou Kink.
10:34 - On a opté pour Kink. Pardon si on se trompe, on a opté pour Kink.
10:37 - Nous pardonnerons si on écorche le nom des Kink.
10:40 Et s'il faut dire Kink.
10:42 C'est une famille des environs de Mulhouse.
10:44 Comme l'est d'ailleurs celui dont vous avez donné le nom, l'assassin Jean-Baptiste Trottmann.
10:49 On est à deux villages qui sont distants d'une quinzaine de kilomètres à peu près,
10:53 au nord-ouest de Mulhouse, quelque part en allant vers les Vosges et en quittant la plaine.
10:59 C'est une famille qui est montée dans le nord à la faveur de l'expansion des filatures.
11:04 En pleine révolution industrielle.
11:06 Elle a amené l'industrie du textile, et à Roubaix on a des filatures exceptionnellement importantes.
11:11 Et beaucoup de gens, c'est un exode rural, sont montés dans le nord pour participer à cette...
11:17 - Et s'enrichir.
11:18 - ...forme de prospérité, bien sûr.
11:19 Et Kink fait partie de ces gens qui ont démarré en bas de l'échelle.
11:22 Et puis il est passé de "sable ouvrier" entre guillemets spécialisé,
11:26 à contre-mettre, puis de contre-mettre à chef d'atelier.
11:28 Le chef d'atelier il est devenu patron et il dirige une entreprise de textile.
11:32 - Donc c'est une famille très aisée.
11:34 Juste encore un petit mot.
11:35 Il manque au milieu des cadavres le père de famille et le fils aîné, Gustave.
11:39 Il a 16 ans.
11:40 - Ça fait jaser.
11:41 - Et ça s'émoura beaucoup de troubles.
11:44 Evidemment, ça en fera même des suspects.
11:46 Il est haut à partir du moment où on retrouve la mère,
11:49 les enfants à l'exception du garçon aîné beaucoup plus âgé,
11:53 et du père dont on pense qu'ils sont responsables d'une façon ou d'une autre de cette boucherie familiale.
11:59 - Un ami de la famille, le dénommé Trotman, a pris le large.
12:03 Mais pas pour longtemps. Il va être arrêté, par hasard.
12:07 - Jean-Baptiste Trotman, le massacreur de Pantin, je pensais qu'il était venu les poches pleines.
12:12 Hélas, non ! J'ai versé de l'acide prussique dans son vin.
12:15 Vous trouverez son corps près du château.
12:18 L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
12:32 Heure du crime consacrée aujourd'hui à l'un des plus retentissants faits divers de l'histoire criminelle.
12:37 En 1869, six corps, une mère et cinq de ses enfants,
12:41 découverts ensevelis dans un champ de Pantin près de Paris.
12:45 Un jeune homme, Jean-Baptiste Trotman, va vite faire figure de suspect.
12:49 Jeudi 23 septembre 1869, à midi, trois jours après la découverte des six corps de la famille Kink,
12:57 le gendarme Ferrand fait sa ronde sur le port du Havre.
13:01 Il contrôle les marins dans une auberge de la rue Royale.
13:04 L'un d'eux paraît soucieux. Il dit s'appeler Van Der Berghe et venir de Roubaix.
13:09 Le gendarme décide de l'emmener jusqu'à la caserne.
13:11 Mais en route, l'individu lui échappe.
13:13 Il court, se jeté dans un bassin, sans savoir nager.
13:17 Un employé du port se jette à l'eau et le ramène à la surface, sauvé in extremis.
13:22 En le déshabillant, on trouve sur lui de nombreux documents avec le nom de Jean Kink, domiciliaire Roubaix.
13:28 Des actes de propriété, un portefeuille et deux montres à son nom.
13:32 On interroge aussitôt ce suspect.
13:34 Il pourrait être lié à la tuerie de Pantin, qui s'étale alors dans tous les journaux.
13:38 Il déclare s'appeler Jean-Baptiste Tropman, 20 ans, né à Brønstad dans le Haut-Rhin.
13:44 Il connaît bien Jean Kink, il le désigne comme l'assassin de sa famille.
13:49 Il aurait été aidé par son fils aîné Gustave.
13:53 Le père, dit-il, a tué sa femme par jalousie.
13:56 Tropman indique que Kink l'a forcé à transporter les corps.
14:01 Il n'est qu'un complice.
14:02 Il est transféré à Paris.
14:04 Dimanche 26 septembre, alors qu'une foule de curieux se presse depuis des jours à Pantin
14:09 pour voir la fosse dans laquelle la famille a été ensevelie,
14:12 un garçon bouché découvre un septième cadavre dans un champ de luzerne.
14:16 Le corps d'un jeune homme, veste, pantalon, chaussée de bottines et chemise blanche ensanglantée, est exhumé.
14:23 Il a été poignardé dans le dos et en plein cœur, un couteau de cuisine est resté fiché dans son cou.
14:29 Il s'agit de Gustave Kink, 16 ans, le fils aîné de la famille.
14:33 Jean-Baptiste Tropman l'avait pourtant désigné comme l'un des assassins.
14:37 Interrogé, il ne se démonte pas.
14:40 « Je ne savais pas que lui aussi, il avait été assassiné », répond-il,
14:44 sous-entendant que le père de famille est derrière ce meurtre.
14:49 Vendredi 12 novembre, un peu plus de trois semaines après la découverte des premiers cadavres,
14:54 Jean-Baptiste Tropman passe aux aveux.
14:56 Oui, il a tué tout le monde, y compris le père de famille, Jean Kink.
15:00 Il indique que celui-ci repose au pied des ruines du château de la RnFlu à Uffoltz, en Alsace.
15:06 Il dit l'avoir empoisonné lors d'une promenade en versant dans son vin de l'acide prussique.
15:11 Il a ensuite frappé et caché le cadavre sous une grosse pierre et des branchages.
15:16 Le corps de Jean Kink est effectivement retrouvé à cet endroit.
15:20 Tropman raconte avoir connu Kink à Roubaix.
15:23 Le riche entrepreneur était toujours avide de bons placements,
15:26 alors il lui a donné rendez-vous en Alsace pour une affaire en or.
15:31 La vente d'un immense domaine dans la montagne d'Uffoltz.
15:35 Le 24 août, les deux hommes se sont retrouvés à la gare de Bolvilleur.
15:39 Tropman pensait que Jean Kink était venu avec beaucoup d'argent,
15:42 mais il s'était méfié et s'était pointé avec les poches vides.
15:46 Il n'a trouvé sur lui que 212 francs au lieu des 5 500 espérés après le meurtre.
15:52 Il a adressé une lettre à l'épouse en disant que son mari était blessé à une main
15:56 et ne pouvait pas écrire lui-même, mais il lui fallait de l'argent à Paris.
16:00 Il a demandé que le fils aîné Gustave apporte dans la capitale une procuration pour effectuer un retrait.
16:06 Le mari blessé ne pouvait rien signer.
16:09 Le fils aîné est donc venu, mais la procuration a été refusée.
16:13 Tropman l'a donc tué.
16:15 Il a ensuite demandé à l'épouse de venir elle-même avec l'argent, ce qu'elle a fait,
16:19 mais avec presque rien sur elle.
16:21 Il a éliminé tout le monde pour éviter d'être dénoncé.
16:26 Et voilà donc pour la version que présente Jean-Baptiste Tropman lors de ses aveux.
16:32 Mais il va causer la surprise, ce suspect numéro 1,
16:36 en racontant bientôt une tout autre histoire.
16:39 Il ne serait pas seul à être impliqué dans cette affaire, crédible et plutôt convaincant
16:44 aux yeux du grand patron de la sûreté parisienne.
16:46 On va en parler dans la suite de l'heure du crime.
16:48 Pour l'instant, on est avec notre invité Emmanuel Piera, avocat, auteur du livre "Il pleure, il pleure"
16:53 l'affaire Tropman 1869 qui a été publiée aux éditions Point.
16:59 Alors sans ce coup de hasard, de ce gendarme sur le port du Havre
17:03 qui fait sa ronde à la mi-journée et qui tombe sur Tropman,
17:07 il allait presque réaliser le crime parfait.
17:09 Tropman, il allait s'embarquer pour l'Amérique, c'est ça ?
17:12 En tout cas, il allait pouvoir s'enfuir.
17:14 Parce qu'une fois arrivé en Amérique, on aurait eu beaucoup de mal à le récupérer.
17:18 C'est l'Amérique encore quasiment du Far West, avec la capacité de s'enfuir
17:22 une fois arrivé à Ellis Island à New York,
17:24 de se fondre en quelque sorte dans la nature américaine.
17:27 Mais il y a d'autres éléments.
17:29 Heureusement, il y a cette reconnaissance entre guillemets.
17:31 L'émotion est telle, vraiment la publicité est telle
17:34 que quand il est arrêté, c'est parce que vraiment on cherche partout
17:38 qui pourrait être l'assassin de la famille Kink.
17:42 Mais il y a aussi d'autres éléments qui auraient pu permettre,
17:45 s'il n'était pas monté dans le bateau sur le point de l'être,
17:48 il y a le cocher du fiacre.
17:51 Il l'a vu lui, il l'a vu.
17:52 Il y a les employés de l'hôtel dans lesquels la mère de famille est arrivée à Paris
17:56 avec tous ses enfants pour essayer de "retrouver" son mari
18:00 et puis tout le monde a vu cet homme.
18:03 Et puis on trouvera plus tard une correspondance extrêmement nourrie et nombreuse
18:08 entre Trumpman et Kink, c'est-à-dire entre l'assassin et sa cible, le père de famille.
18:13 Correspondance que Trumpman, dans cette espèce de naïveté, de folie meurtrière,
18:17 pense ne pas exister, ou avoir dissimulé, ou que Kink l'aurait jeté.
18:21 Alors Trumpman, il a dit, avant qu'il y ait été pour rien,
18:25 qu'il avait agi comme complice, il a aidé peut-être à porter l'écorce,
18:28 il minimise son rôle et il va dire que c'est le père de famille qui a tué tout le monde.
18:32 Et il a été aidé par son fils Gustave.
18:34 Le problème c'est qu'on retrouve Gustave assassiné avec un couteau planté dans la gorge
18:38 et effectivement les photos sont faites de ce cadavre à ce moment-là,
18:41 elles sont publiées dans les journaux.
18:43 Mais il y a quelque chose d'incroyable, c'est que Trumpman ne se démonte pas, il continue.
18:48 Il a réponse à tout.
18:50 Il démarre effectivement par désigner les deux hommes "adultes",
18:54 le plus jeune des enfants Kink et le père.
18:57 On trouve le corps du fils, pas de problème, c'est le père tout seul.
19:01 On finit par craquer et devoir admettre qu'il a décimé également le père,
19:07 on va avoir pas de problème s'il n'est pas tout seul.
19:10 Et d'un seul coup, c'est d'autres théories de plus en plus abracadantesques,
19:13 qui imaginèrent, mais sur lesquelles il n'a pas totalement tort d'aller.
19:17 Parce que le chef de la Sûreté, M. Claude, va également penser
19:21 que ça n'est pas possible pour un seul homme et de 20 ans d'avoir assassiné,
19:25 même physiquement, 8 personnes dans une telle boucherie, une telle barbarie.
19:30 Encore une fois, le couteau fiché dans le corps de Gustave Kink,
19:33 c'est quelque chose de très spectaculaire.
19:35 C'est très rare de trouver encore le couteau planté dans le corps.
19:38 Donc ça rajoute encore plus à l'horreur et au fait qu'on a affaire à quelque chose de démoniaque
19:44 et qui ne peut pas être fait par un seul homme.
19:46 - Alors il y a cette horreur et cette brutalité, vous faites bien de le rappeler Emmanuel Piera,
19:50 mais de l'autre côté, il y a une espèce d'astuce,
19:54 il est malin parce qu'il a tout préparé, il a tout un scénario pour amener le père de famille
19:59 jusqu'au fin fond de l'Alsace en espérant qu'il ait de l'argent sur lui, ce n'est pas le cas.
20:04 Et ensuite, il va trouver ce stratagème pour attirer la famille à Paris,
20:07 là encore une fois, pour leur retirer de l'argent.
20:09 - Trampan est redoutable. C'est un jeune homme de 20 ans,
20:12 mais qui veut absolument réussir ou en tout cas s'enrichir.
20:15 Son père a tenté, son père est l'inventeur de brevets pour les filatures,
20:20 de brevets techniques, vraiment pour aider l'expansion de cette industrie naissante,
20:25 mais brevets que le père a du mal à faire fructifier parce qu'il a un penchant pour l'alcool extrêmement sévère.
20:30 Et le fils Trampan désespère de voir sa famille finalement s'enrichir
20:36 alors qu'il y a cette possibilité avec les brevets de réaliser quelque chose.
20:40 Son père d'ailleurs lui confie le soin de les commercialiser les brevets.
20:44 Et c'est comme ça qu'il rencontrera la famille Kink dans le nord, à Roubaix,
20:47 allant démarcher les filatures. - C'est un bonimenteur, il promet "Monts et Merveilles".
20:51 - Il promet "Monts et Merveilles", mais il s'aperçoit que ça ne suffira pas
20:54 que vendre des brevets du père aux entreprises de filature ne fera pas d'eux non plus des milliardaires.
21:00 Et donc d'un seul coup il voit dans Kink l'opportunité de faire plus d'argent.
21:05 Puisque Kink est devenu, est passé du rang d'ouvrier à contre-maître,
21:09 à patron, finalement à propriétaire et qu'il est prêt à investir de l'argent
21:13 pour partir dans une sorte de semi-retraite professionnelle,
21:16 retourner en Alsace dans sa ville natale, s'y installer et jouir de sa fortune
21:21 tout en continuant à investir. Et donc Trotman dans son esprit malade se dit
21:25 "Là, il y a un poisson, un pigeon, quelque chose que je vais pouvoir utiliser
21:29 et pour lequel il va inventer un stratagème absolument ahurissant".
21:33 - Alors on est d'accord, mais est-ce qu'au début il part vraiment pour tuer ?
21:37 Parce que là il y a quand même 8 personnes qui vont être liquidées, c'est pas rien !
21:40 - Est-ce qu'au début il se dit "Il n'y aura pas d'autre issue que celle d'assassiner ces gens-là" ?
21:46 - Il y a deux possibilités. Il y a la possibilité de l'emmener dans la montagne,
21:49 en lui disant "Il y a un terrain", en même temps il lui raconte une autre histoire,
21:53 il lui dit "Il y a une entreprise de fausses monnaies cachées de façon clandestine dans la montagne".
21:57 Chose qui est assez fréquente à l'époque, à la frontière Alsace-Allemagne ou Prusse,
22:03 il y a effectivement des gens qui font de la fausse monnaie,
22:06 jouant sur le côté limitrophes et frontaliers de ces activités illégales,
22:10 qui obsèdent par ailleurs le chef de la sûreté, Claude.
22:13 C'est un problème récurrent à cette époque, que la fausse monnaie.
22:17 Donc il y a deux hypothèses. Il y a par ailleurs, pas uniquement la pâte du gain,
22:21 parce que quand même, vous avez dit tout à l'heure, Jean-Alphonse Richard, c'est de l'acide prussique.
22:24 Qu'est-ce que c'est que l'acide prussique ? C'est une sorte de cyanure.
22:26 Vous n'en partez pas pour uniquement voler de l'argent à quelqu'un
22:29 avec une bouteille de cyanure dans la poche que vous faites passer pour une boisson
22:32 rafraîchissante à utiliser à mi-chemin de l'escalade.
22:35 Il y a quelque chose là, quand même, d'un tout petit peu plus préparé,
22:38 et plus vers l'homicide que uniquement vers le fait d'endormir votre victime.
22:42 Bien sûr, et de préméditer.
22:44 Le suspect va revenir sur ses déclarations, il va présenter une tout autre version des faits.
22:50 Jean-Baptiste Trottmann, le massacreur de Pantin, monsieur le directeur de la prison,
22:55 j'ai de très importantes révélations à vous faire.
22:59 L'enquête aujourd'hui de l'heure du crime, l'assassin est-il un simple escroc,
23:03 ou bien l'affaire est autrement plus compliquée ?
23:06 Eh bien, c'est à suivre dans un court instant sur RTL.
23:09 On veut prouver que c'est moi qui ai tout fait seul.
23:22 Je voudrais qu'on me dise comment un homme de ma force et de ma corpulence
23:25 aurait fait pour manier cette pioche qui est là parmi les pièces à conviction,
23:29 et qui a servi à enterrer et à chever madame Kirk.
23:32 Vous pourrez me demander ce que vous voulez.
23:34 J'ai des motifs puissants pour ne pas faire connaître tout.
23:36 Retour aujourd'hui dans l'heure du crime sur l'affaire Jean-Baptiste Trottmann,
23:40 l'un des pires tueurs en série français, accusé d'avoir tué les huit membres d'une riche famille
23:45 à la fin de l'été 1869, pour l'argent, tentative d'escroquerie qui aurait tourné au carnage,
23:51 mais le suspect revient sur ses aveux.
23:55 18 novembre 1869, Jean-Baptiste Trottmann écrit un mot au directeur de la maison d'arrêt du boulevard Mazas, à Paris.
24:03 Il l'invite à venir le voir dans sa cellule.
24:06 « J'ai de très importantes révélations à vous faire », assure celui qui est accusé d'avoir décimé la famille Kink.
24:12 Il explique alors qu'il n'était pas seul lors des assassinats.
24:16 Au moins trois hommes, originaire de Mulhouse mais dont il ignore les noms, l'ont accompagné.
24:21 Trottmann laisse entendre que le mobile, l'argent n'est pas le bon.
24:24 Jean Kink serait lié à un réseau de faux-monnailleurs et même à un réseau d'espionnage allemand.
24:29 Il aurait dérobé des documents, des hommes ont été mandatés pour l'éliminer, toute la famille y est passée.
24:35 Le patron de la sûreté écoute avec beaucoup d'attention les déclarations de Trottmann.
24:40 Le commissaire Claude est d'accord avec le suspect sur au moins un point.
24:44 Trottmann n'était pas seul, le policier estime qu'au moins deux ou trois personnes ont participé au carnage.
24:51 Le chef de la sûreté est bien seul à évoquer une bande de tueurs.
24:55 Le juge constate que chaque fois que Trottmann a été vu par des témoins, il était seul.
24:59 Seul pour acheter du matériel de jardin, une pelle et une pioche dans un magasin d'outillage la veille des crimes.
25:05 Seul en compagnie de Jean Kink dans une petite gare alsacienne où les deux hommes se sont retrouvés.
25:10 Seul encore dans le fiacre qui a emmené Madame Kink et ses enfants à Pantin où ils ont été exécutés.
25:18 Seul enfin pour écrire des lettres qui demandaient à l'épouse d'envoyer de l'argent à Paris.
25:24 Il n'y a qu'un seul et unique suspect, c'est lui va dire un magistrat.
25:30 Et Trottmann va évidemment être jugé.
25:33 Enquête rapide en dépit de questions qui ne sont pas tranchées.
25:38 Alors Emmanuel Piera on vous retrouve, vous êtes avocat au barreau de Paris.
25:42 Notre invité aujourd'hui, auteur du livre "Il pleure, il pleure" l'affaire Trottmann 1869 publié aux éditions Point.
25:47 Évidemment cette affaire vous la connaissez par coeur.
25:51 Alors c'est de bonne guerre j'ai envie de dire qu'un suspect ou quelqu'un qui est aujourd'hui mis en examen.
25:57 A l'époque on dit mis en accusation ou inculpé.
25:59 Bien sûr rétractent, reviennent sur ses aveux parce que là l'enjeu il est énorme, il risque sa tête Trottmann.
26:05 Mais là il raconte une histoire qui est à la fois étonnante et presque crédible pour le chef de la sûreté.
26:11 Alors que le chef de la sûreté, ce commissaire très expérimenté, il est pas né de la dernière pluie.
26:18 Et pourtant il pense que Trottmann dit peut-être des choses exactes.
26:22 Il y a deux choses d'un côté il y a Trottmann qui d'un seul coup s'aperçoit que l'échafaud est à deux pas devant lui.
26:28 Ça va très vite, l'émotion encore une fois suscitée par les huit corps au total retrouvés,
26:35 l'ampleur de la barbarie, la précipitation de la presse qui vraiment demande en quelque sorte des comptes.
26:42 Et que ce genre d'affaires n'arrive plus.
26:44 Tout cela concourt à ce que très très vite un procès est lieu.
26:48 La seule façon pour Trottmann d'y échapper, sachant que les chances de gagner sont assez minimes,
26:54 c'est on va dire de complexifier l'affaire et d'accuser d'autres partenaires des complices.
26:59 C'est de la rendre plus compliquée.
27:01 D'autant plus que tout à l'heure je disais qu'il y a eu des examens physiques pour voir s'il était possible
27:07 réellement, matériellement pour un jeune homme de 20 ans de commettre autant d'assassinats sans attirer l'attention des voisins.
27:13 On a beau être dans un champ de lusère à la sortie de Paris, il y a beaucoup beaucoup de monde autour.
27:17 Il y a des gens qui circulent.
27:18 Si personne ne crie, même mes enfants.
27:21 Et puis il faut creuser cette fosse.
27:23 Il faut avoir de la force, il faut porter les corps, ça fait beaucoup de choses.
27:26 Et donc il y a toute cette énergie qui paraît très étrange et qui, au commissaire Claude, lui paraît surhumaine
27:32 ou impliquée nécessairement en des complices.
27:34 Même si, encore une fois, des médecins et des experts, les premiers policiers scientifiques,
27:38 disent de l'autre côté que c'est possible de le faire tout seul.
27:41 Y compris, surtout, emporté par la folie meurtrière.
27:45 Et vous parliez des cris éventuels des victimes, on peut s'en douter.
27:47 Évidemment, elles sont poignardées, étouffées, frappées.
27:50 D'ailleurs, elles ont été frappées d'abord.
27:52 Le cocher qui est là, il dit qu'il y a eu une trottinette, il s'est absenté,
27:56 puis il est revenu pour rechercher les derniers enfants.
27:58 Il n'est pas très loin, finalement, de la scène de crime.
28:01 On se dit que le cocher aurait pu entendre.
28:03 Et il dit qu'il n'a rien entendu ?
28:04 Non, il dit qu'il n'a rien entendu, alors que Claude dit que ce n'est pas possible.
28:07 S'il n'a rien entendu, ça veut dire qu'il y a plusieurs personnes qui ont agi en même temps, entre guillemets.
28:12 Il les a apportées à des complices, c'est ça ?
28:14 Oui, bien sûr.
28:15 Et il y a forcément d'autres personnes, selon M. Claude, selon le chef de la Sûreté.
28:19 Parce que vraiment, on est le cocher à temps, on est à 150 mètres.
28:23 C'est tout proche.
28:24 Assommer et tuer 6 personnes en quelques minutes, sans faire de bruit, sans attirer l'attention,
28:30 il faut vraiment être particulièrement habile et entraîné, ce qui n'est pas le cas.
28:34 A priori de Trotman, habile sans doute, entraîné, non.
28:37 D'autant plus qu'à l'époque, évidemment, les bruits de la ville ne sont pas ceux d'aujourd'hui.
28:40 Et qu'il n'y a pas de rumeurs des voitures, etc.
28:42 Il n'y a pas de voitures, donc effectivement, on aurait entendu facilement ces cris.
28:46 Alors, il y a les journaux, vous l'avez dit, ils sont omniprésents, ils continuent à suivre jour le jour.
28:51 Aujourd'hui, il y a les télés en direct, mais à l'époque, ces journaux-là, ils sont en direct, avec des énormes tirages.
28:57 Eux, ils se moquent un peu de ces zones d'ombre.
29:00 Pour eux, Trotman, c'est vraiment l'assassin.
29:03 Et ce qu'il faut, c'est un procès rapide. Il faut aller rapidement au procès.
29:06 Le petit journal qui est vraiment le plus à la pointe, qui a été lancé quelques années auparavant,
29:12 et qui, pour des raisons économiques, ne suit pas les affaires politiques et financières, ce qu'il faut payer pour avoir les quotations de bourse,
29:18 décide de se consacrer aux faits divers.
29:20 Et celui-ci est encore une fois le premier qu'on photographie in extinso,
29:23 avec des photographes qui vont sur place, empiéter sur la scène de crime.
29:27 Et l'excitation est telle que le journal, par exemple, qui doit sortir normalement à l'après-midi,
29:31 décide de paraître le matin pour être au plus près, vraiment, des infos de la veille au soir.
29:36 Donc, il y a une excitation absolument incroyable et une fascination.
29:40 Et Trotman ne peut être que l'assassin, aux yeux de la presse, des journalistes et évidemment du grand public qui suit.
29:46 Et de l'autre côté, les juges d'instruction aussi le pensent,
29:50 mais M. Claude continue à penser que ce n'est pas possible que ce jeune homme tout seul soit l'assassin.
29:57 Trois mois d'enquête et l'unique suspect va comparaître aux assises.
30:01 Jean-Baptiste Trotman, le massacreur de Pantin.
30:05 Vous voyez, il pleure, il pleure. C'est une créature de Dieu.
30:08 Il y a encore dans son cœur un rayon de tendresse.
30:11 L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
30:15 Au programme aujourd'hui de l'heure du crime, la spectaculaire affaire Jean-Baptiste Trotman en 1869.
30:31 La presse ne parle que de ce jeune Alsacien qui a tué les huit membres d'une famille paruse
30:37 et pour l'argent l'intéressé évoque un complot.
30:40 Seulement trois mois après les faits, il est jugé.
30:44 Mardi 28 décembre 1869, Jean-Baptiste Trotman, 20 ans, fronte des garnies, cheveux bruns, petite moustache
30:51 et regard absent apparaît dans la salle bondée de la cour d'assises de la Seine à Paris.
30:56 Les pièces à conviction sont étalées sur les tables,
31:00 à savoir les vêtements tachés de sang et de terre des onze victimes.
31:04 La presse s'arrête sur la robe en soie de la mère de famille, hortense quinque
31:10 et surtout sur la tenue de la petite Marie tuée à l'âge de deux ans.
31:14 Une robe à coton bleu paré de velours noir sur laquelle est resté accroché un brin de brouillère.
31:20 « Trotman n'est pas un être humain, il y a dans ce cerveau une perturbation que nul ne peut nier »,
31:26 écrit le journal Le Gaulois.
31:28 L'accusé certifie qu'il n'était qu'un complice de cette tragédie.
31:31 « Les tueurs sont dans la nature, dit-il. Toutes les preuves, ajoute-t-il, sont dans un portefeuille
31:37 que j'ai enterré en Alsace. »
31:40 Mais Trotman refuse d'en dire davantage.
31:43 L'avocat de Trotman, Maître Charles Lachaud, surnommé le Roi des Assises,
31:47 assure qu'un homme seul n'a pas pu commettre ces crimes à la chaîne entre Pantin et un château alsacien.
31:53 Il raconte l'enfance de son client et l'amour infini qu'il portait à sa mère.
31:57 À ce moment-là, l'accusé se met à sangloter.
32:00 « Vous voyez, messieurs les jurés, il pleure, il pleure, c'est une créature de Dieu.
32:05 Il y a encore dans son cœur un rayon de tendresse, s'exclame l'avocat.
32:09 Mot qui ne porte pas, 30 décembre, après 40 minutes de délibérés,
32:14 Jean-Baptiste Trotman est condamné à la peine capitale.
32:18 Maître Lachaud dépose un pourvoi en cassation, lequel sera rejeté dans les jours qui suivent. »
32:24 Et dans cette heure du crime, notre invité c'est Emmanuel Pierra, avocat à Paris, auteur du livre
32:29 « Il pleure, il pleure », l'affaire Trotman 1869, parue aux éditions Point.
32:33 « Il pleure, il pleure », c'est ce que vient de dire l'avocat de Trotman,
32:37 qui a tenté de le sauver jusqu'au bout, mais ça n'a pas marché.
32:40 Il est donc condamné, Trotman, à la peine capitale.
32:43 On le redit, Emmanuel Pierra, tout va très vite dans cette affaire.
32:46 Les journaux vont vite, et ça c'est une nouvelle, parce qu'avant les journaux,
32:50 ils mettent des semaines, parfois des mois à raconter une histoire.
32:52 Là, c'est en direct, la justice va très vite, l'enquête est expresse.
32:57 Il fallait un procès rapide et expéditif, parce que l'opinion le voulait, le demandait.
33:03 - Oui, l'opinion est incandescente, entre guillemets, elle est épuisée.
33:07 On est aussi à la fin du règne, qui va bientôt s'achever, de Napoléon III.
33:13 La société est un peu fatiguée, le crime est une chose qui monte et qui progresse,
33:17 avec l'urbanisation, vraiment, le développement des campagnes.
33:20 - L'insécurité, on en parle beaucoup. - L'insécurité, bien sûr, évidemment.
33:23 Et puis, encore une fois, l'horreur de la boucherie qui s'est passée aux yeux, aux yeux vus et aux sus,
33:28 quasiment de tout le monde, sans qu'il y ait de témoin.
33:30 Et puis, il y a ce jeune homme, finalement, à qui on trouve peu de circonstances atténuantes.
33:36 Charles Lachaud, le roi des Assises, immense avocat, grand ténor,
33:40 c'est un des premiers qui tente de plaider l'enfonce malheureuse.
33:44 - Mais il n'est pas malheureux ? - Évidemment, évidemment !
33:46 Comme à bout d'un moment, on s'aperçoit qu'à part avoir un père alcoolique,
33:49 il est né dans une famille qui va plutôt bien, et dans laquelle il n'a pas été battu ni malmené,
33:54 il n'a pas véritablement d'excuses.
33:56 Alors ensuite, il essaye de développer les arguments, encore une fois,
33:59 ceux qui avaient tenté Trotman en disant "je ne suis pas tout seul".
34:01 Mais alors, qui ? Puisqu'il dit "il y a un portefeuille, mais je ne vous dirai pas où".
34:04 Bon ben, on n'a pas de piste, on n'a rien.
34:06 Même l'assassin lui-même est incapable de donner des explications cohérentes à ce moment-là.
34:10 Troisième voie, l'humanisation.
34:12 Regardez, il pleure, mais ça ne sauvera pas la tête, évidemment, de Trotman.
34:17 - Justement, quelle tête affiche Trotman à ce procès ?
34:20 Il paraît à la fois agressif, mais finalement résigné.
34:25 - Il est sûr de lui d'un côté, au début.
34:28 Il faut aussi penser qu'il y a une certaine médiatisation qui le concerne.
34:32 Il est enfermé à la prison Boulevard Mazas, c'est aujourd'hui le boulevard d'Hydro.
34:37 - C'est une prison qui n'existe plus.
34:38 - Qui n'existe plus, mais c'est une des premières prisons qu'on appelle cellulaires.
34:41 C'était les réorganisées à l'américaine avec des longs couloirs,
34:43 où on peut voir, comme ça, surveiller tout le monde dans un seul bloc.
34:46 C'est une prison, on va dire moderne, dans laquelle on peut communiquer beaucoup plus facilement
34:51 et les choses se savent de façon différente.
34:53 Il est une vedette du crime.
34:54 D'un côté, lui qui rêvait d'argent et de gloire, c'est très bien.
34:57 De l'autre côté, il voit qu'il est la vedette dont on va couper la tête.
35:01 Il est partagé et il pleure sur son propre sort.
35:04 Il pleure, il pleure, non pas avec des regrets, il pleure sur le fait qu'il risque lui-même d'y passer.
35:10 Il est un assassin, un coupable idéal.
35:14 Il l'est certainement, mais il l'est encore plus en raison des circonstances très particulières de ce qu'il a commis.
35:20 Et puis, à ce procès, il y a une mise en scène.
35:25 C'est-à-dire que là, les scellés sont visibles de tout le monde.
35:28 Ce n'est pas toujours le cas aux assises.
35:29 Là, on a sorti tous les habits, et les habits de la robe bleue de la petite fille.
35:33 Il y a une chose qu'on appelle les pièces à conviction.
35:35 Ce qu'on appelle les pièces à conviction, ce n'est pas uniquement les preuves qui sont trouvées pendant l'enquête.
35:38 C'est ce qu'on montre dans une grande vitrine qui est posée au milieu du prétoire, devant les jurés populaires et les magistrats professionnels,
35:45 qui donc sont sur une sorte d'estrade, sur plombe.
35:47 Et devant eux, entre la barre des avocats, des accusés où on dépose, et l'endroit où se trouve la cour,
35:54 il y a cette vitrine incroyablement remplie, puisqu'il y a dedans le couteau qu'on a trouvé fiché dans le corps de Gustave.
36:00 Il y a tous les habits, comme vous l'avez dit, Jean-Alphonse Richard, des enfants couverts de sang.
36:04 Tout ça quand même est là, et vous avez ça pendant plusieurs jours d'audience juste devant vous.
36:09 Et généralement, en plus, on ouvre, et c'est ce qui va se passer, on ouvre la vitrine et on fait passer entre les mains des jurés,
36:14 les pièces à conviction.
36:16 A l'époque, on se soucie peu d'ADN, même d'empreintes digitales, et il n'y a pas d'appel possible.
36:21 Donc on peut manipuler, une bonne fois pour toutes, en récupérant des objets.
36:25 Quand vous avez le couteau de l'assassin entre les mains et la robe de la petite fille,
36:28 évidemment, votre conviction se forge assez facilement.
36:32 Et puis ça frappe les imaginations, évidemment.
36:34 Le condamné va être rapidement exécuté.
36:37 Jean-Baptiste Trompman, le massacreur de Pantin, je lève mon verre à l'assassin bienfaiteur de notre journal.
36:43 L'enquête aujourd'hui de L'Heure du Crime, je vous retrouve tout de suite sur RTL.
36:57 Dans L'Heure du Crime aujourd'hui, l'affaire Jean-Baptiste Trompman, condamné fin 1869 à la peine de mort
37:03 pour avoir décimé les huit membres de la famille Quinc.
37:06 Le père, la mère, enceinte et six enfants entre 2 et 16 ans, mobile retenu, l'argent.
37:12 Trois semaines après le verdict, il est exécuté.
37:15 Mercredi 19 janvier 1870, des milliers de personnes se bousculent dès le matin,
37:22 place de la Roquette à Paris, autour de la guillotine, pour assister à l'exécution de Jean-Baptiste Trompman.
37:29 La légende raconte qu'au dernier moment, le condamné aurait mordu la main gauche de son bourreau, lui sectionnant presque l'index.
37:36 Le soir même, le patron du petit journal, Moïse Millot,
37:42 célébré l'exécution et les records de vente grâce à l'affaire de Pantin avec ses mots,
37:48 "Je lève mon verre à la mémoire de l'assassin bienfaiteur de notre journal."
37:54 "Tropman, que voulait-il ? Quel secret gardait-il dans sa tête ?
37:58 Qui étaient ses complices qui sont morts peut-être dans leur lit si tant est qu'il est une des complices ?
38:03 Était-il leur maître ou leur esclave ?"
38:06 Et cet extrait sonore, comme tous les autres d'ailleurs que nous avons diffusés dans cette émission,
38:11 sont issus d'une pièce de théâtre de Claude Barmat, "L'affaire Tropman ou les ruines de Hérène Flue".
38:19 Alors, Emmanuel Piera, vous êtes aujourd'hui notre invité dans l'heure du crime,
38:22 avocat au barreau de Paris et auteur du livre sur cette affaire,
38:25 qui, vous avez titré "Il pleure, il pleure", l'affaire Tropman 1869, c'est aux éditions Point, "Il pleure, il pleure",
38:31 et évidemment c'était l'avocat de Tropman qui disait ça à son procès,
38:35 il n'a pas pu sauver la tête de son client, on vient de voir qu'il a été guillotiné, place de la roquette à Paris.
38:41 Et justement, lors de cette exécution, il y a des dizaines, je dis bien des dizaines de milliers de personnes
38:47 qui vont venir au spectacle, excités à l'idée de voir couler le sang et de voir tomber la tête de cet assassin hors norme.
38:55 Et le spectacle est tellement effrayant en quelque sorte,
38:58 qu'il y a des députés qui vont s'interroger sur la manière d'organiser désormais ces exécutions.
39:04 - On dit qu'il y aurait eu 25 000 personnes autour d'une guillotine, autour de l'échafaud.
39:11 Pour ceux qui connaissent un peu Paris, on est en haut de la rue de la Roquette, devant la rue de la Croix-Faubin,
39:16 c'est-à-dire après l'abbayerie du 11ème, aujourd'hui c'est un square, mais c'était une petite prison,
39:20 et là il y avait l'échafaud dressé de façon publique.
39:23 Donc 25 000 personnes dans quelques rues parisiennes, rassemblées comme ça,
39:27 c'est une marée humaine ahurissante et déchaînée.
39:30 Il y a aussi des vedettes, il y a Tourguignep, Flaubert, il y aura Alessandro Dumafis qui viendra au procès,
39:35 certains viendront à l'exécution, donc c'est un spectacle totalement démentiel.
39:39 Et il va se passer quelque chose, l'échafaud ça désigne l'estrade,
39:42 c'est-à-dire le podium, entre guillemets, où la scène sur laquelle est posée la guillotine,
39:46 elle est en hauteur depuis la révolution, depuis l'invention de la guillotine.
39:50 - On montre au public. - On montre au public très haut.
39:53 Et là, l'échafaud, ça suscite une telle excitation,
39:56 il y a aussi les mouvements de Trumpman qui se débat avant d'être exécuté,
40:01 il y a une telle violence qui se répand qu'on décide ensuite de quoi,
40:05 après les débats parlementaires, de supprimer l'échafaud,
40:08 c'est-à-dire de poser la guillotine par terre, pour qu'il y ait moins de monde qui puisse assister au spèt, sur le sol.
40:13 On voit d'ailleurs à cet endroit-là, aujourd'hui, il y a encore les marques de la guillotine pour la caler,
40:17 la première fois qu'on la cale par terre, parce qu'il faut la faire tenir,
40:20 et elles sont toujours, ces cales, elles existent encore,
40:22 il y a une plaque de mémoire, entre guillemets, d'Histoire de Paris qui les montre.
40:26 Et ensuite, on passera, plus tard, à une autre étape,
40:29 qui est de ramener la guillotine à l'intérieur des prisons, plutôt qu'en place publique,
40:33 et puis ensuite de le faire au milieu de la nuit, pour éviter même l'excitation de la part des détenus,
40:37 qu'ils soient dans la cour, l'exécution.
40:39 Et c'est jusqu'à la fin d'une histoire qu'on connaît, grâce à Robert Bannater.
40:42 - Alors Emmanuel Piera, on a vu que cette affaire, elle s'est déroulée très vite, on l'a dit,
40:46 enquête express, procès express, exécution qui vient très très rapidement,
40:51 et parfois les détenus attendaient beaucoup plus longtemps avant d'être guillotinés.
40:56 Est-ce qu'il reste des mystères dans cette affaire ?
40:59 - Oui, il en reste. On ne sait pas bien exactement ce qu'il s'est dit,
41:02 entre Traummann et Quinquin, on n'a que la parole de Traummann,
41:05 et elle a varié de nombreuses fois, on a les lettres échangées entre les deux,
41:09 qui parlent des affaires, qui parlent de l'investissement,
41:11 qui parlent des brevets, qui parlent des filatures, qui parlent des terrains en Alsace.
41:14 Mais que se sont-ils dit dans la montagne, lorsque l'un avait le cyanure dans la poche,
41:19 qu'il a proposé à l'autre comme boisson ?
41:21 Comment a-t-il fait pour le convaincre véritablement de l'emmener comme ça ?
41:26 Comment a-t-il fait pour assoupir les soupçons de la part de la famille,
41:31 quand ils viennent dans le champ de l'Userne à Pantin,
41:33 supposément retrouver le père, qui serait là, avec des histoires d'argent,
41:37 enfin, il y a beaucoup de choses nébuleuses.
41:39 - Comment tuer tout le monde aussi ?
41:40 - Et puis il y a aussi toutes les pistes qu'a lancées Traummann,
41:43 à un moment il dit, il y a les pistes sur la fausse monnaie, de trafic,
41:47 et puis il y a les pistes de commissions, de collusions avec l'Allemagne, la Prusse,
41:52 et on est à la veille de la guerre de 1970, celle du Trafaire de la France, d'Alsace et de la Lorraine.
41:57 Donc on est dans un moment très particulier de tensions politiques, sociétales,
42:03 extrêmement importantes, qui rendent l'affaire compliquée parfois, aujourd'hui,
42:07 à comprendre exactement dans le détail.
42:09 Les trois mois de précipitations d'enquête ne nous ayant pas aidés.
42:12 - Alors juste un dernier mot pour terminer, je citais le patron du Petit Journal,
42:18 Moïse Millot, qui porte un toast le soir de l'exécution, ça c'est hallucinant,
42:22 parce qu'il a battu des records de tirage.
42:24 - Il donne une fête avec 500 personnes et des hectolitres de champagne,
42:28 puisqu'il a quadruplé le tirage de son journal grâce à l'affaire Traummann.
42:32 C'est vraiment le lancement des faits divers, en une des journaux dont nous sommes en quelque sorte
42:37 les héritiers, et cette fascination que nous avons, légitime,
42:40 et qui parfois nous fait un tout petit peu peur,
42:42 elle vient, entre autres, de l'affaire Traummann et du génie, entre guillemets,
42:46 médiatique de Hippolyte Moïse Millot.
42:49 - Merci infiniment Emmanuel Piera d'avoir accepté notre invitation dans L'Heure du Crime.
42:54 Merci à l'équipe de l'émission, rédactrice en chef Justine Vignot, préparation Marie Bossard.
42:59 La réalisation est de Jonathan Griveaux.
43:02 Jean-Alphonse Richard sur RTL.
43:05 L'heure du crime.

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