- 16/04/2024
Une interview réalisée par Mady dans le cadre de son émission "Portraits d'artistes" diffusée sur FM43 . En post production de nombreuses photos, en adéquation avec le contenu audio, ont été ajoutées
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Art et designTranscription
00:00 Retrouvez Maddy et ses portraits d'artistes chaque mardi à 18h et le samedi à 13h.
00:15 Aujourd'hui Portrait d'artiste vous emmène à la découverte, une découverte pas tout à fait
00:22 parce que c'est Lucien Sawyer aujourd'hui sur nos ondes. Lucien Sawyer le photographe de
00:27 Monistrol sur Loire de la Haute-Loire on le retrouve sur toutes les manifestations, les foires du
00:32 Mésingue, les commémorations, les concerts, beaucoup de concerts. Bonjour à tous, bonjour Lucien.
00:38 Bonjour effectivement oui moi je me reconnais un petit peu dans cette introduction. Mes photos
00:44 c'est souvent le quotidien, c'est les petites gens, ceux qu'on voit pas souvent, c'est les marchés,
00:52 c'est les foires, c'est effectivement le fin gras du Mésingue d'ailleurs samedi je vais aller au
01:03 Béage parce qu'au Béage il y a la première foire du fin gras du Mésingue donc c'est des lieux que
01:08 j'affectionne. Je vais aussi souvent à Failles-sur-Lignon parce que Failles-sur-Lignon tous les
01:15 20 octobre c'est toujours le 20 octobre quel que soit le jour de la semaine ça peut être un dimanche
01:20 Dimanche, ça peut être vendredi ou mardi, peu importe, le 20 octobre c'est la Foire aux Chevaux et la Foire aux Chevaux c'est un lieu magique pour voir les gens.
01:30 Et là c'est fantastique parce que ça fait plusieurs années que j'y vais et je commence à les connaître.
01:36 Donc j'ai une certaine liberté pour faire des potos et de saisir des moments de vie de ces éleveurs.
01:45 Alors là vous parlez vraiment des éleveurs qui vous connaissent et puis les animaux, alors peut-être les chevaux, vous aimez beaucoup faire du reportage animalier ?
01:54 Alors non, moi les animaux ils font partie du paysage mais ce qui m'intéresse ce sont les hommes.
02:00 Donc les hommes et les chevaux, les hommes et les vaches ou les bœufs du fin gras.
02:06 Donc c'est davantage le rapport qu'ils ont avec leurs animaux mais aussi les échanges qui se passent entre eux et notamment dans les foires et tout ça il y a souvent des...
02:17 Alors à la fois les rencontres parce qu'ils se retrouvent donc c'est des moments de discussion mais c'est aussi des moments où ils vendent leurs bêtes.
02:26 Et donc il y a des discussions, des échanges et parfois un peu secs, un peu houleux oui et ça crée des situations très très intéressantes.
02:37 Et là vous êtes là avec l'appareil photo pour capter l'instant justement Lucien.
02:42 On parlera de votre exposition qui est en cours jusqu'au 30 mars à la médiathèque du Chambon-sur-Lignon,
02:47 une exposition qui s'appelle "Portrait d'artiste" aussi comme le thème de cette émission et c'est pour ça que j'avais envie de tirer le portrait à Lucien.
02:55 Tout d'abord j'ai envie de connaître un petit peu la genèse. Comment vous êtes arrivé à la photographie ?
03:01 Alors la photo... alors c'est vieux. Il faut remonter à mes 15 ans à peu près.
03:09 C'était un job d'été et c'était pas derrière un appareil photo, c'était dans un labo.
03:16 J'avais été embauché, presque par hasard je dirais, chez un photographe.
03:23 Et à l'époque les photographes tiraient eux-mêmes les photos.
03:26 Je parle des photos de monsieur tout le monde, les gens apportaient leur pellicule et ils revenaient chercher les photos 2-3 jours après.
03:34 Et c'était des photos souvent, la plupart du temps, je parle du noir et blanc. Et c'est là que j'ai appris à faire du labo.
03:40 Et donc je développais les photos des gens avec une exigence.
03:45 J'ai eu un gars qui était terrible parce qu'il m'a fait recommencer de nombreuses fois au début.
03:50 C'était très dur, enfin non c'était pas très dur mais il était très exigeant.
03:54 Il me disait de toute façon même si t'as un mauvais négatif, il faut en tirer le maximum.
03:59 Personne ne doit faire mieux que nous.
04:01 Donc c'est entendu quand on rend un produit au client, il faut qu'il soit impeccable.
04:06 Alors c'est vrai que c'est une sacrée école et donc j'ai fait ça deux étés de suite.
04:11 Et puis après j'ai suivi au labo, au lycée où j'étais à Montbrison.
04:16 J'ai continué et puis après la fac. Alors la fac ça a été une période où tout s'est arrêté,
04:23 une espèce de pause mais à cette époque là je ne faisais pas de prise de vue, je fais que du labo.
04:29 Et j'ai commencé la prise de vue à partir du moment où j'ai travaillé
04:34 et où j'ai pu m'offrir un appareil photo je dirais digne de ce nom.
04:38 Donc mes premières payes je dirais m'ont permis d'acheter du matériel pour faire la prise de vue.
04:45 Alors c'est enfin le secret. Donc on parle quand même à l'époque au labo de l'argentique.
04:53 C'est bien cet appareil photo là dont on parle.
04:55 Oui c'est de l'argentique et puis c'était du noir et blanc.
05:01 Moi je faisais tout, c'est à dire que j'achetais ma pellicule au mètre,
05:05 c'est à dire que j'achetais des très grosses bobines qui faisaient je crois 200 mètres.
05:11 Et je les mettais dans des petites cartouches qui faisaient 36 vues, même parfois un peu plus.
05:20 Et ensuite, développement, travail au labo, la chambre noire et tirage sur papier, tout ça je le faisais de A à Z.
05:30 Belle expérience en tout cas qui vous a amené à cette passion.
05:34 Lucien, alors donc on parlait de toutes ces manifestations, tous ces lieux où vous vous rendez toujours à l'affût des informations
05:42 pour se rendre sur le terrain avec votre appareil et je voulais savoir est-ce que vous avez le meilleur souvenir
05:48 que vous puissiez nous raconter une anecdote sur une manifestation ?
05:52 Pas franchement une anecdote, enfin si, il y en aurait certainement si j'y cherchais,
05:56 mais c'est surtout des souvenirs de reportages. C'est à dire qu'il y a certains reportages qui marquent plus que d'autres.
06:02 Par exemple, un de mes meilleurs, je ne sais pas si c'est le meilleur, mais celui qui m'a beaucoup marqué,
06:08 c'est un reportage que j'ai fait à Saint-Julien-la-Molette chez quelqu'un qui s'appelle Jean-Marc Bancel
06:14 et qui était, parce qu'il a pris sa retraite, il était fondeur de christs.
06:20 C'est à dire qu'il avait une fonderie et il ne fabriquait que des christs, mais des christs en quantité industrielle.
06:25 Et cette fonderie, c'était vraiment magique. Et donc là, j'ai fait tout son reportage, un an ou deux avant qu'il n'arrête.
06:33 Et là, j'en garde vraiment un souvenir. Parce que c'était un mélange, déjà il y avait un aspect couleur,
06:39 dont on n'a pas en noir et blanc, mais c'était le matin avec dans l'atelier les tons bleus froids de l'hiver
06:47 et le côté très chaud de la coulée, du liquide fondu qui lui servait à faire ses christs.
06:55 C'était assez magique et en plus c'était un personnage exceptionnel, un bourru, je dirais un bourru sympa.
07:02 Alors Lucien, bien sûr, on parle, nos auditeurs sont à l'écoute et si on a envie de voir tous vos clichés, toutes vos photos,
07:10 sur quel site on les retrouve ?
07:12 Alors, toutes mes photos, peut-être pas, parce que toute la période argentique, qui a quand même été très longue,
07:19 puisque le numérique n'est arrivé que dans les années 2000 ou peut-être même après, je ne sais plus trop bien.
07:28 Toutes ces périodes, c'est sur de la pellicule argentique. Donc pour les mettre en ligne, il faut les numériser.
07:37 Il y a quelques photos de cette époque, je précise que les photos, en général c'est du noir et blanc,
07:43 je précise que les photos ont été prises en argentique et qu'elles ont été numérisées.
07:48 Maintenant, toutes les autres photos, il y en a beaucoup, donc j'ai créé un site qui s'appelle "Rue 4320".
07:55 Il suffit de taper "Rue 4320", c'est facile de se rappeler, "Rue" comme la rue est rueuse,
08:00 et "4320" tout simplement c'est le code postal de Monistrol.
08:04 Et ce nom parce que, pour l'anecdote, il y a très longtemps, un site d'information a été créé,
08:15 et c'était un peu avant les réseaux, ça n'existait pas vraiment les réseaux encore, et ça s'appelait "Rue 89".
08:21 Et c'était un site d'information qui sortait de l'information traditionnelle, qui était très très intéressant.
08:26 Et je me suis dit, pour moi c'était un petit clin d'œil, c'était comme ça.
08:30 Et donc, toutes les autres photos, aussi bien les marchés, les foires, les fêtes populaires, les compétitions sportives,
08:40 les gens, bien sûr, toujours les gens, beaucoup de portraits, les bistrots aussi.
08:45 Les bistrots, j'adore les atmosphères de bistrots, je trouve que c'est des lieux de vie magiques.
08:50 Tout ça, il suffit de taper, après c'est rubriqué, donc c'est facile,
08:55 quelqu'un qui veut chercher, c'est rubriqué sous forme d'une partie, par exemple, de l'art,
09:01 les portraits que j'ai pu faire, ou les photos que j'ai pu faire, sur des scènes à droite et à gauche,
09:07 il peut y avoir manifestations populaires, par exemple, il peut y avoir, je ne sais plus, insolites.
09:14 Il y a aussi parfois des trucs, enfin voilà, ce genre de choses.
09:18 Et puis, d'autres thèmes que j'affectionne particulièrement,
09:22 j'ai beaucoup travaillé au moment de, ça fait 10 ans maintenant,
09:26 même un peu plus, puisque l'anniversaire c'est en 2023, sur le mariage pour tous.
09:31 J'ai été très sensible à cette cause, et j'ai suivi les manifestations,
09:36 alors pas les manifestations contre, mais je regrette un peu de ne pas l'avoir fait,
09:40 mais les manifestations pour, à lesquelles j'adhérais complètement,
09:43 et donc on retrouve ces photos sur mon site.
09:46 Ensuite, j'ai surtout, dans la foulée, fait des photos de mariage,
09:52 que je ne fais jamais d'habitude, mais de mariage homosexuel.
09:55 Des gens qui sont devenus des amis, que je vois toujours,
09:58 et donc, ces photos, j'avais appelé ça, j'avais fait une exposition d'ailleurs,
10:04 "Article 143", parce que l'article 143, c'est l'article qui disait qu'on pouvait marier deux personnes de même sexe.
10:13 Et toujours dans cette même lignée, parce que les combats sont toujours amenés,
10:18 j'ai fait toute une série de photos sur les Gay Pride, qu'on appelle maintenant les Marches des Fiertés.
10:25 Donc j'en ai fait à Lyon d'abord, oui, les premières c'était à Lyon,
10:31 j'en ai fait à Grenoble, parce que mes amis, mes amis auxquels j'avais fait des photos de mariage,
10:38 sont allés habiter à Grenoble.
10:40 Saint-Etienne récemment, parce qu'il n'y a pas très longtemps, avant il n'y avait pas de Gay Pride à Saint-Etienne,
10:47 je pensais qu'un jour il y en aurait une au Puy, pour l'instant pas encore, mais qui sait, ça arrivera peut-être.
10:52 C'est important, en tout cas pour vous, Lucien.
10:56 Et si on parle un petit peu de votre exposition du moment,
10:59 une exposition qui est visible à la médiathèque du Chambon sur Lignon,
11:03 jusqu'au 30 mars, c'est une exposition, comme je disais, qui s'appelle "Portrait d'artiste",
11:09 donc tout ce que vous avez pris, les instants figés que vous avez vus dans toutes les manifestations, dans tous les lieux,
11:16 pourquoi avoir choisi d'exposer les artistes ?
11:19 Alors, c'est pas mon choix en fait.
11:22 Cette exposition c'est une commande.
11:25 C'est une commande de ce qui s'appelle le pays lecture.
11:29 C'est un réseau de médiathèques du Lignon,
11:32 où il y a le Chambon sur Lignon, il y a Tence, il y a Chenereille, le Masey Saint-Voix,
11:40 et la commande c'était, ils voulaient travailler sur le portrait.
11:44 Et des gens que je connaissais là-bas m'ont dit,
11:47 "T'as des portraits, on aimerait bien faire quelque chose, qu'est-ce que tu peux nous proposer ?"
11:52 Et là je leur ai fait une série en disant,
11:55 "Bon, je vais avoir des portraits du monde rural, j'ai beaucoup, j'en ai énormément,
12:02 aussi bien de gens qui s'occupent de chauve-chou comme je disais tout à l'heure,
12:06 que de gens qui s'occupent du boeuf, du maison.
12:09 Je pourrais vous faire des portraits, je suis allé souvent dans des pays d'Afrique,
12:15 j'ai de beaux portraits, mais là c'est du portrait noir et blanc,
12:18 c'était à l'époque de l'argentique, mais je pouvais les numériser, je sais plus.
12:23 J'avais les prêts d'artistes, oui, et donc je leur ai laissé le choix,
12:28 et ils ont choisi Portrait d'artiste.
12:30 D'accord, en fait ils avaient le choix et c'est eux qui ont choisi.
12:33 Moi je pensais qu'ils auraient choisi les photos noires et blandes,
12:38 oui, en argentique. Bon, c'est comme ça, peut-être que ça viendra.
12:42 Alors une exposition de Lucien Sawyer, Portrait d'artiste à voir absolument
12:48 à la médiathèque du Chambon-sur-Lignon jusqu'au 30 mars, c'est bien ça Lucien ?
12:54 Tout à fait, elle est là jusqu'au 30 mars, il y a 20 photos qui sont exposées,
12:58 des photos en format 40-50, et pour étoffer un peu, il y a une autre série
13:04 qui se trouve dans un portfolio, ce qui fait que quelqu'un qui vient à la médiathèque
13:08 peut savoir et consulter ce portfolio comme ça, le feuilleter.
13:14 C'est un petit plus le portfolio pour voir un petit peu l'étendue de vos travaux,
13:18 mais il y en a beaucoup. J'ai une petite question un peu, Lucien,
13:22 puisque vous êtes quand même un pro de la photographie, je voulais savoir
13:26 quelle est la différence entre l'argentique et le numérique ?
13:30 Qu'est-ce que ça a changé pour vous photographe ?
13:32 La différence est énorme. Des fois je me dis, quand tu es en argentique,
13:37 tu fais un chouette boulot, et j'ai l'impression parfois de ne pas le retrouver.
13:42 L'argentique, quand on avait fait une pellicule de 30-36 poses,
13:49 c'était beaucoup, c'était énorme. Maintenant, dans un spectacle,
13:55 dans une soirée, on fait 300-400 photos, 500 photos, il n'y a plus de limite.
14:01 Et c'est presque dommage, parce qu'on finit par plus choisir,
14:04 on "metraille" entre guillemets. J'essaye de résister un peu à ça,
14:09 mais malgré tout, je me rends compte que j'ai fait beaucoup plus de photos,
14:12 et donc un choix de déclencher facile, alors qu'avant, on attendait vraiment
14:19 l'instant où la personne avait la bonne attitude, pour nous, toujours.
14:24 Après, il n'y a pas vraiment. Après, ça reste la photo, ça reste le choix d'un cadre,
14:31 ça reste le choix d'un instant, et quel que soit le matériel, je dirais,
14:36 avec un matériel très simple, un matériel très sophistiqué,
14:39 pour moi, ce qui est important, c'est ce qui est dans le cadre,
14:41 et ce que la photo renvoie. Donc, argentique, numérique, voilà, le problème est là.
14:47 Enfin, le problème, ce n'est pas un problème.
14:49 C'est un changement, c'est différent, différent, mais quand même un petit peu avantageux,
14:54 parce que beaucoup moins cher que l'argentique, quand même, à l'époque,
14:57 ce n'était pas facile de pouvoir développer ces photos.
15:00 Oui, actuellement, c'est vrai qu'actuellement, on a des appareils photos
15:03 à des prix très abordables, et techniquement, quand même, tout à fait corrects,
15:07 et on peut faire 100 photos, 200 photos, sans que ça ne coûte rien.
15:13 On les regarde sur son écran. Le début, du coup, il commence au moment où on va faire le tirage,
15:19 le tirage papier, et d'ailleurs, que je fais, moi, je fais une sélection de mes photos,
15:23 et je les fais tirer sur papier. Les photos que je sélectionne, bien sûr, pas toutes,
15:29 mais je fais des tirages papier. J'ai beaucoup, beaucoup de tirages papier.
15:33 Mais c'est vrai que c'est un petit peu le regret qu'on a, parce qu'on fait beaucoup de photos,
15:37 et puis on ne les fait jamais tirer.
15:39 Et je dirais même, on fait beaucoup plus de photos qu'avant.
15:43 Maintenant, tout le monde a un téléphone, tout le monde, à n'importe quelle occasion,
15:46 tout le monde fait des photos, mais...
15:48 Mais on n'a pas tous le même regard. L'instant, le clic...
15:51 Et au-delà de ça, ces photos, elles sont stockées sur un ordinateur, sur un disque dur,
15:56 qui parfois lâche, et on les perd.
15:59 Et je me dis, des fois, on n'aura jamais aussi peu d'archives
16:02 que ce qu'on avait avant, à l'époque de l'argentique, où on tirait sur papier,
16:07 où le négatif, eh bien, il restait.
16:09 Le négatif, il se perdait, bien sûr, mais on ne pouvait pas le supprimer.
16:14 Alors qu'une photo numérique, c'est du virtuel. C'est du virtuel.
16:18 C'est vrai. Bon, ben, faites attention, quand vous faites des photos.
16:21 Suivez les conseils de Lucien.
16:23 Je rappelle donc votre exposition, Lucien Sawyer, Portrait d'artiste,
16:28 à la Médiatheque du Chambon, sur Lignon, jusqu'au 30 mars.
16:32 Voir absolument... Lucien, on ne pourra pas tout dire en 15, 20 minutes,
16:38 mais est-ce qu'on a fait le tour, à peu près, de l'homme que vous êtes,
16:42 du photographe que vous êtes ?
16:44 Oui, oui. En gros, je...
16:46 Est-ce que vous voulez rajouter autre chose ?
16:48 Alors, c'est un projet que j'ai, là.
16:50 Ah, les projets, oui ! Quels sont vos projets, Lucien ?
16:54 Alors, c'est un projet un peu bizarre. Ce sont les photos d'enterrement.
16:58 Les photos d'enterrement, en fait, il n'y en a pas.
17:01 Et j'avais lu un article, il y a comme vraiment mal de temps,
17:04 qui s'intitulait "Album de famille, les absents".
17:08 Et c'est vrai que, dans les albums de famille, on a la naissance,
17:12 on a les événements festifs, on a la communion, pour ceux qui étaient religieux,
17:16 on a tous les éléments de la vie, on a les anniversaires,
17:20 et on n'a pas les enterrements.
17:22 Et moi, je me dis, quand même, quelque part,
17:24 même si c'est effectivement un événement triste,
17:27 il mériterait d'être sur les albums de famille.
17:29 Et quand je vois, quand je vois l'étranger, notamment en Espagne,
17:33 et l'actualité récente, un peu dramatique aussi,
17:38 le décès de l'opposant russe Navalny,
17:42 j'ai vu sur Internet une photo,
17:44 la photo existe, donc elle a été faite,
17:47 la famille est autour du défunt, qui est dans son cercueil,
17:51 le cercueil est ouvert, on voit son visage,
17:54 et pour moi, c'est important,
17:56 c'est important que ce moment de la vie soit en photo.
18:00 Et chez nous, ça ne se fait pas.
18:02 C'est pour un petit peu noter une fin, quelque part,
18:05 la fin d'une vie ?
18:07 Je ne sais pas, mais enfin oui, c'est une boucle,
18:10 on a la photo, on n'a pas la photo de la naissance,
18:12 on a la photo dans les premiers mois au moins,
18:14 ou même les premiers jours, et puis ça se termine.
18:18 Donc le nouveau projet, Lucien, Lucien Saouière, photographe,
18:22 je le rappelle, qui en exposition en ce moment
18:25 à la médiathèque du Champbon-sur-Lignon,
18:27 ne vous ratez pas ça, c'est jusqu'au 30 mars,
18:29 donc Lucien, ces photos de fin de vie, d'enterrement,
18:34 on pourrait les retrouver à un moment ?
18:36 Ça dépend de moi bien sûr, mais il y a tout un travail à faire,
18:39 déjà d'autorisation,
18:41 donc il faut que je compte avec les familles,
18:43 parce que bien souvent les familles ne savent pas
18:45 que j'ai fait des photos.
18:46 Ensuite, pour moi, j'insiste,
18:49 pour moi c'est vraiment très important
18:52 d'avoir ces photos, parce que c'est une boucle bouclée,
18:56 le mort, même sur l'album, il est encore là,
18:59 on parle encore de lui, c'est quelqu'un qui a existé,
19:02 qui a eu un début, une vie, une fin,
19:06 et pour moi c'est un tout,
19:08 donc j'aimerais bien qu'on arrive à passer
19:12 ce tabou, on le met petit à petit,
19:16 parce que c'est relativement récent qu'on met sur le cercueil
19:19 souvent une photo de la personne décédée,
19:22 chose qui ne se faisait pas il n'y a pas très longtemps,
19:24 on ne mettait rien, c'était très sobre,
19:26 maintenant on met une photo, peut-être que ça ira plus loin,
19:29 mais c'est un travail de longue haleine.
19:31 Et il débute quand alors ce projet ?
19:33 Ce n'est plus un projet, il a débuté déjà.
19:35 Oui, j'ai des photos, j'en ai un certain nombre,
19:38 même plutôt beaucoup,
19:41 mais bon, après il faut que je contacte les familles,
19:44 il faut que j'ai des autorisations,
19:47 ce n'est pas simple.
19:48 Et on aura droit à une exposition ?
19:50 J'aimerais bien.
19:53 Lucien Sawyer était mon invité dans Portrait d'artiste,
19:56 le photographe Lucien Sawyer,
19:59 qu'on retrouve dans toutes les manifestations
20:01 de la Haute-Loire et de la région.
20:03 Une exposition visible à la médiathèque du Chambon sur Lignon
20:09 jusqu'au 30 mars qui s'appelle,
20:11 oui, vous avez bien entendu, Portrait d'artiste.
20:15 Et notre Portrait d'artiste à nous, radiophonique, est terminé.
20:19 Merci beaucoup Lucien.
20:21 Oui, merci.
20:22 En terminant musique, c'est la coutume dans cette émission,
20:25 quelle chanson vous avez envie de nous partager ?
20:28 Alors, j'ai un petit peu réfléchi,
20:30 parce que je connaissais la chute de l'interview.
20:34 Et alors, il y a quelqu'un qui est peu connu,
20:37 qui s'appelle Michel Buler.
20:38 C'est de la chanson française,
20:40 moi je suis très branché chanson française.
20:42 Et Michel Buler, il est belge,
20:45 et il a une chanson qui s'appelle Kosovo.
20:48 Et cette chanson, pour moi, elle regroupe trois thèmes.
20:51 Trois thèmes pour lesquels je militerais un peu.
20:55 C'est la guerre, enfin la guerre,
20:57 c'est justement empêcher qu'il y ait des guerres.
20:59 Ce sont les migrants,
21:01 il parle des migrants,
21:02 et qu'il parle des mains.
21:04 Donc, les mains, j'ai toute une série de photos sur les mains.
21:07 Les mains, parce que les mains sont le reflet un peu
21:11 de la personnalité, de son vécu, de son travail.
21:14 Et dans cette chanson, si je peux me permettre de le lire,
21:17 il y a un tout petit paragraphe là-dessus.
21:19 Donc, il prend quelqu'un en stop.
21:22 C'est un Kosovar, un Kosovar qui galère un peu en France.
21:26 Ce gars, il l'emmène d'un petit bled à une ville un peu plus grande.
21:31 Et tout en roulant, il voit ses mains.
21:34 Et il dit, sur ses genoux,
21:36 ses mains posées, qu'on aurait dit comme des outils,
21:39 racontaient des mois, des années,
21:42 de terre, de ciment, de cambouis.
21:45 Moi, je trouve que là, tout est dit.
21:47 Tout est dit, Lucien.
21:49 Et puis, alors, je vais quand même faire un petit coucou
21:52 au Manago, qui nous a accueillis aujourd'hui.
21:54 Et ça, c'est très sympa.
21:56 Dans la petite arrière-salle, pour faire cette interview.
21:59 Alors, un grand merci au Manago.
22:01 C'est un bar-restaurant qui se trouve à Monistre-sur-Loire.
22:04 Merci encore, Lucien.
22:06 Et on termine donc en musique avec "Kosovo".
22:09 Un choix de Lucien Sawyer, cher auditeur, portez-vous bien.
22:13 L'a avait les yeux bleus, les cheveux gris,
22:18 Soleil incrusté dans la peau.
22:20 J'lui ai demandé le nom de son pays,
22:22 Il m'a répondu "Kosovo".
22:24 J'avais embarqué dans ma tire, 60 balais, sapé et tout.
22:28 Où j'allais, je saurais même plus dire, vers n'importe où.
22:32 Et il m'a fait un sourire fragile,
22:34 Et m'a fait comprendre en trois mots,
22:37 Qu'il descendait chercher en ville, un petit boulot.
22:40 Dire que chez nous, y'a des crétins,
22:43 Parce que ces gens sont différents,
22:45 Qu'il les accuserait facilement de manger notre pain.
22:49 Dans un français, faut l'avouer,
22:55 Y'a meilleur que mon Albanais,
22:57 Qui m'a raconté qu'il savait,
22:59 Réparer, bâtir, cultiver,
23:01 Ce qu'il faisait pour nourrir sa famille,
23:03 Qu'il avait suivi dans sa fuite,
23:05 De grands-fils, sa femme et sa fille,
23:08 La toute petite.
23:10 Dans un centre, ils étaient parqués,
23:12 Pour qu'nos flics aient un oeil dessus,
23:14 Pour qu'ils sachent qu'ici,
23:16 Ils étaient pas les bienvenus.
23:18 Dire que chez nous, y'a des salauds,
23:20 Parce que ces gens parlent étrangers,
23:23 Qu'ils les accuseraient sans broncher,
23:25 De voler nos trous.
23:27 Sur ses genoux, ses mains posées,
23:33 Qu'on aurait dit comme des outils,
23:35 Racontaient des mois, des années,
23:37 De terre, de ciment, de cambouis.
23:39 Le regard un peu perdu,
23:41 Il a hauché la tête et soupiré,
23:43 J'avais une maison là-bas,
23:45 Tout a brûlé.
23:47 Vous voyez, monsieur, c'est la guerre,
23:50 Du village, il ne reste rien,
23:52 Rien des amis, rien de nos frères,
23:54 Rien des voisins.
23:56 Dire que chez moi, y'a des débiles,
23:58 Qui mettraient tout le monde dans le même sac,
24:00 Qui les accuseraient tous en vrac,
24:02 De violer nos filles.
24:05 [Musique]
24:21 Sur un trottoir, j'ai déposé,
24:23 Au moins dix fois m'a dit merci,
24:25 A la foule, je l'ai vu se mêler,
24:27 En bas sa route, en vis-à-vis.
24:29 Alors tandis qu'il s'éloignait,
24:31 A sa place, j'ai cru revoir mon père,
24:33 Quand au charbon, il s'en allait,
24:35 L'été ou l'hiver.
24:37 Oui, tout à coup, j'ai revu mon père,
24:39 Même regard doux, même main,
24:41 C'est sûrement parce qu'on est sur terre,
24:43 Un peu frangin.
24:45 Alors qu'il soit de là-bas ou d'ici,
24:47 Ne me parlez plus des connards,
24:49 Qui s'aiment la haine et le mépris,
24:51 Suivez mon regard.
24:53 Oui, qu'il soit de là-bas ou d'ici,
24:55 Ne me parlez plus des bandits,
24:57 Qui s'aiment la haine et le mépris,
24:59 La mort aussi.
25:01 La mort aussi.
25:03 Sous-titres par Juanfrance
25:05 Sous-titres par Juanfrance
25:07 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
25:10 [SILENCE]
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