La clinique _ La Lucarne _ ARTE

  • il y a 27 jours
Dans une société birmane fracturée en proie aux persécutions des Rohingya, deux médecins continuent de dispenser des soins à des patients souffrants de troubles psychiques. Par le Taïwanais Midi Z, le mal-être d’un pays au bord de la guerre civile.

À Yangon, la plus grande ville du Myanmar (ex-Birmanie), nombre d’habitants sont atteints de troubles psychiques et cherchent à s’approvisionner en somnifères et en anxiolytiques pour apaiser leurs douleurs ou mettre fin à leurs hallucinations. Dans la clinique de l’ancienne capitale du pays, dirigée par Aung Ming et San San Oo, les patients – un militaire à la retraite, la femme d’un policier, un marchand ambulant – défilent à toute heure du jour et de la nuit, évoquant en détail leur mal-être : insomnies, addictions à l’alcool ou à d’autres substances, colère, anxiété… Mais si les deux médecins prescrivent des décoctions sédatives et curatives, ce couple d’artistes propose aussi des thérapies alternatives. Psychiatre et fou de peinture, San San Oo encourage ainsi ses patients à transposer leurs tourments et démons sur la toile. Aung Min, lui, souhaite réaliser un film sur le sort de l’ethnie musulmane des Rohingya, persécutée par des extrémistes bouddhistes, dans l’État d’Arakan, au nord-ouest du pays.

Une société hantée

Dans un Myanmar en état de quasi-guerre civile, ruiné par sept décennies de troubles politiques et de régime autocratique, et dont l’État s'est délesté de ses devoirs fondamentaux, le Taïwanais Midi Z filme, dans la clandestinité, le quotidien de deux médecins et de leur clinique. À l’aide de longs plans fixes, il documente aussi bien la détresse médicale du pays, où presque la moitié de la population souffre de troubles psychiques, que l’humanité de ses habitants. Mais la singularité de La clinique tient aussi aux deux films en un qu’il contient. Car aux bribes de vie, captées sans effet, l’auteur mêle celui qu’imagine Aung Min. Entre le traitement d’un pied gangrené et celui d’une femme tout juste sortie d’internement psychiatrique, le docteur décrit, pour lui restituer sa réalité, une société birmane hantée par le génocide des Rohingya et opprimée par une junte militaire qui ne tolère aucun récit divergent sur les événements en Arakan. Le cinéaste met ainsi en regard les douleurs physiques et psychologiques et le mal-être du pays, avec l’hypothèse implicite qu'ils ont les mêmes causes.

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