- 11/04/2024
Grand témoin : Thomas Snégaroff, historien, journaliste et co-auteur de « Israël/Palestine : anatomie d'un conflit » (Les Arènes)
GRAND DÉBAT / Industrie militaire : armée pour une économie de guerre ?
« Le récap » par Bruno Donnet
Jeudi 11 avril 2024, Emmanuel Macron, accompagné du ministre de l'Economie et de celui des Armées, s'est rendu à Bergerac pour poser la première pierre d'une nouvelle usine de poudre pour obus. Cette visite a aussi été l'occasion pour le chef de l'Etat de rencontrer les industriels de l'armement, qu'il a exhortés à fournir un effort « urgent » et « durable » pour transiter vers une « économie de guerre ». Depuis près de deux ans, l'exécutif scande en effet que la France est entrée dans ce type d'économie, caractérisé notamment par un fort interventionnisme étatique et une hausse significative des dépenses de défense. Sur ce second point, la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit 413 milliards d'euros d'investissements pour les armées, soit 40 % de plus que la précédente. Ce budget, qui représente environ 2% du PIB de la France, est-il suffisant ?
Invités :
- Anne Genetet, députée Renaissance des Français établis hors de France
- Jean-Louis Thiériot, député LR de Seine-et-Marne
- Général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l'ONU
- Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Securité en Europe
GRAND ENTRETIEN / Guerre Israël/Palestine : les clés pour tout comprendre
Genèse, motivations des deux camps, implications religieuses... Il est parfois compliqué de saisir les tenants et les aboutissants du conflit israélo-palestinien. La collaboration entre Vincent Lemire et Thomas Snégaroff permet d'y remédier. Ce qui était initialement un podcast à succès prend désormais la forme d'un livre pédagogique augmenté de 50 cartes qui explique la guerre à travers six dates clés, sans parti pris. La solution du conflit israélo-palestinien peut-elle se trouver en analysant son historique ?
Grand témoin : Thomas Snégaroff, historien, journaliste et co-auteur de « Israël/Palestine : anatomie d'un conflit » (Les Arènes)
LES AFFRANCHIS
- Thomas Lestavel, journaliste indépendant
- Richard Werly, correspondant France/Europe pour « Blick »
« Bourbon express » : Stéphanie Dépierre, journaliste LCP
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
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GRAND DÉBAT / Industrie militaire : armée pour une économie de guerre ?
« Le récap » par Bruno Donnet
Jeudi 11 avril 2024, Emmanuel Macron, accompagné du ministre de l'Economie et de celui des Armées, s'est rendu à Bergerac pour poser la première pierre d'une nouvelle usine de poudre pour obus. Cette visite a aussi été l'occasion pour le chef de l'Etat de rencontrer les industriels de l'armement, qu'il a exhortés à fournir un effort « urgent » et « durable » pour transiter vers une « économie de guerre ». Depuis près de deux ans, l'exécutif scande en effet que la France est entrée dans ce type d'économie, caractérisé notamment par un fort interventionnisme étatique et une hausse significative des dépenses de défense. Sur ce second point, la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit 413 milliards d'euros d'investissements pour les armées, soit 40 % de plus que la précédente. Ce budget, qui représente environ 2% du PIB de la France, est-il suffisant ?
Invités :
- Anne Genetet, députée Renaissance des Français établis hors de France
- Jean-Louis Thiériot, député LR de Seine-et-Marne
- Général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l'ONU
- Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Securité en Europe
GRAND ENTRETIEN / Guerre Israël/Palestine : les clés pour tout comprendre
Genèse, motivations des deux camps, implications religieuses... Il est parfois compliqué de saisir les tenants et les aboutissants du conflit israélo-palestinien. La collaboration entre Vincent Lemire et Thomas Snégaroff permet d'y remédier. Ce qui était initialement un podcast à succès prend désormais la forme d'un livre pédagogique augmenté de 50 cartes qui explique la guerre à travers six dates clés, sans parti pris. La solution du conflit israélo-palestinien peut-elle se trouver en analysant son historique ?
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LES AFFRANCHIS
- Thomas Lestavel, journaliste indépendant
- Richard Werly, correspondant France/Europe pour « Blick »
« Bourbon express » : Stéphanie Dépierre, journaliste LCP
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🗞
NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:06 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:10 ce soir, comment sortir de l'émotion dans le conflit Israël-Hamas.
00:15 Bonsoir Thomas Négaroff et merci d'être notre grand témoin ce soir.
00:19 Prendre du recul, sortir un peu de l'émotion, donner du sens
00:23 en revenant à l'histoire de ce conflit si passionnel.
00:26 C'est ce que vous nous proposez dans votre dernier livre,
00:29 "Israël, Palestine, anatomie et d'un conflit", c'est aux Arènes
00:32 et c'est le prolongement de votre podcast qui a fait un carton sur France Inter
00:36 avec l'historien Vincent Lemire.
00:39 Alors assiste-t-on à un conflit de plus qui dure depuis déjà 75 ans
00:44 ou cette fois-ci on assiste à un conflit, une guerre qui va changer le cours de l'histoire ?
00:48 Vous nous le direz tout à l'heure.
00:50 Dans la deuxième partie, réarmer la France, c'est le thème de notre grand débat.
00:55 Ce soir, Emmanuel Macron a posé la deuxième pierre, la première pierre
01:01 d'une usine de poudre à canon à Bergerac en Dordogne.
01:05 Alors depuis l'invasion de l'Ukraine, vous le savez, le chef de l'État
01:08 veut une économie de guerre, produire plus et plus vite.
01:12 Les industriels français en ont-ils seulement les moyens ?
01:15 Nous en débattons dans un instant sur ce plateau.
01:17 Enfin, nos affranchis ce soir, le billet européen de Richard Verli,
01:22 le monde de demain, Thomas Lestavelle et puis Bourbon Express avec Stéphanie Despierre.
01:27 Voilà donc pour le sommaire, on y va, Thomas Négaroff, ça vous regarde.
01:30 Générique.
01:32 [Générique]
01:43 Une économie de guerre peut-elle se décréter ?
01:47 En se rendant à Bergerac aujourd'hui, Emmanuel Macron a voulu montrer
01:50 que la France accélère son réarmement.
01:53 La souveraineté industrielle de notre défense est évidemment un enjeu majeur
01:58 depuis le retour de la guerre aux portes de l'Europe,
01:59 mais notre pays est-il capable de produire plus et beaucoup plus vite ?
02:04 Bonsoir, Anne Jounté.
02:06 Merci d'être là, vous êtes députée Renaissance des Français établie en Asie.
02:10 Vous êtes membre aussi de la commission de la défense ici même à l'Assemblée,
02:14 tout comme vous, Jean-Louis Thieriot. Bonsoir.
02:17 Merci d'être là, député Les Républicains de Sénéma.
02:20 Bonsoir, général Trinquant.
02:22 Dominique Trinquant, ancien chef de la mission militaire française à l'ONU.
02:26 Et bonsoir, Emmanuel Dupuis.
02:28 Bienvenue, vous présidez l'Institut Prospective et Sécurité en Europe.
02:32 Thomas Négaroff, vous en avez fait pas mal de débats, je pense,
02:35 sur les questions de défense à l'heure de la guerre en Ukraine,
02:38 donc n'hésitez pas à interroger, si vous le souhaitez, nos invités.
02:41 On commence par planter le décor.
02:42 Comment le président veut réarmer notre pays ?
02:45 C'est dans le récap de Bruno Denec. On accueille tout de suite.
02:48 [Générique]
02:57 Bonsoir, Bruno.
02:58 Bonsoir, Myriam. Bonsoir à tous.
02:59 Dans votre récap ce soir, quand la souveraineté militaire de la France sent la poudre.
03:04 Le président de la République l'a dit cet après-midi,
03:07 nos certitudes autour de la paix ont changé depuis que la guerre est à nos portes.
03:13 Nous, nous ne pouvons pas lâcher l'Ukraine,
03:15 parce que l'Ukraine, c'est à 1500 kilomètres d'ici.
03:18 C'est-à-dire que c'est notre propre sécurité.
03:21 C'est la possibilité pour l'Europe d'être en paix.
03:23 Venu inaugurer une entreprise française,
03:26 Eurenko, qui fabrique de la poudre à canon,
03:29 Emmanuel Macron a donc appelé de ses voeux un effort de guerre supplémentaire
03:33 de la part de nos industriels hexagonaux.
03:36 Nous sommes partis durablement pour nous installer
03:39 dans un changement géopolitique, géostratégique,
03:41 où les industries de défense vont avoir un rôle croissant,
03:44 et c'est ce que nous mobilisons.
03:46 Voilà, alors si le président de la République veut remilitariser la France,
03:49 c'est parce qu'il a en tête un chiffre et un immense décalage.
03:53 Le chiffre, c'est 6%.
03:55 6%, c'est ce que la Russie consacre à son armement en proportion de son PIB,
04:00 qui est à peu près équivalent au nôtre.
04:02 Et le décalage, c'est avec ce que nous y consacrons nous-mêmes.
04:05 Regardez ce tableau, il illustre l'évolution de nos investissements.
04:09 En 1953, la France déboursait 7,5% de son PIB pour ses dépenses militaires.
04:16 En 1973, ce n'était plus que 3,1%.
04:20 En 2013, 1,8%.
04:21 Et l'année dernière, 1,9%.
04:23 Alors ?
04:24 Et bien alors, depuis la loi de programmation militaire de 2023,
04:29 la France a décidé d'augmenter son effort budgétaire.
04:33 Je peux vous le dire à présent,
04:34 je solliciterai de la représentation nationale
04:38 que nous puissions consacrer sur la période 2024-2030
04:44 un effort budgétaire de 400 milliards d'euros.
04:48 La volonté politique se traduit donc de manière sonnante et trébuchante,
04:53 seulement voilà, elle se heurte à deux difficultés majeures.
04:56 Voilà, et ces difficultés dans le langage gouvernemental,
05:00 et bien d'une certaine manière, elles se traduisent par deux grands mots.
05:04 Priorisation et réquisition, Myriam.
05:07 Deux mots que le ministre des Armées a employés il y a tout juste deux semaines.
05:11 Alors pourquoi ?
05:12 Et bien parce qu'en dépit de ses ambitions,
05:15 ce n'est pas l'État qui fabrique lui-même les armes,
05:17 ce sont des entreprises, des entreprises privées
05:20 qui ont à la fois d'autres clients, d'autres urgences,
05:24 et qui trouvent que l'État français les paye trop souvent avec beaucoup trop de retard.
05:29 Et donc pour la première fois, je n'exclue pas d'utiliser
05:33 ce que la loi permet aux ministres et aux délégués généraux pour l'armement de fer,
05:38 c'est-à-dire si le compte n'y était pas en matière de cadence de production
05:41 et de délai de production, c'est-à-dire de faire des réquisitions.
05:44 Voilà, alors officiellement, ce réarmement a pour unique but d'aider l'Ukraine,
05:50 mais certaines oppositions y ont vu une faille,
05:53 une faille très préoccupante de notre propre système de défense.
05:58 À l'heure actuelle, si la France devait être amenée à protéger ses frontières
06:02 et à protéger l'intégrité de son territoire,
06:04 dans une guerre de haute intensité, elle ne serait pas en capacité de le faire.
06:06 Aujourd'hui, envoyer des armes pour l'Ukraine, c'est dépecer notre appareil de défense.
06:11 Alors voilà, cet après-midi, le casque de chantier qu'Emmanuel Macron
06:16 avait solidement vissé sur sa tête était aussi un casque militaire,
06:22 comme un symbole à destination des oppositions, bien sûr,
06:25 mais surtout de Vladimir Poutine, de la part d'un président de la République
06:29 qui n'ignore pas ce vieil adage latin, fondateur de ce qu'on appelle la paix armée,
06:34 si vis pacem parabelum, si tu veux la paix, prépare la guerre.
06:38 - "Prépare la guerre", merci beaucoup Bruno Donnet.
06:40 Je voudrais qu'on commence avec cette expression "économie de guerre"
06:43 qui forcément frappe l'opinion Anne Geneté.
06:46 "Économie de guerre", c'est l'expression lâchée par le président
06:49 juste après l'invasion russe, juin 2022, à Villepinte.
06:52 Quand on dit "économie de guerre", on se dit "effort massif, priorité absolue à la défense".
06:58 Franchement, est-ce qu'on y est aujourd'hui, en 2024 ?
07:01 Est-ce que ce n'est pas un peu de la communication présidentielle ?
07:04 - Je rappelle, les mots ont un sens, c'est évident.
07:06 Néanmoins, nous ne sommes pas en guerre, ça n'a échappé à personne.
07:09 Nous sommes dans une situation de confrontation, confrontation politique,
07:12 dans un contexte où les chiffres que vous avez présentés à l'instant le montrent très bien.
07:16 Nous étions dans une situation où nous avons diminué considérablement
07:19 la taille de nos armées, les moyens de nos armées, tout en...
07:22 Je voudrais vraiment souligner avoir néanmoins des armées françaises
07:25 qui, contrairement à celles d'autres alliés, sont tout à fait opérationnelles
07:29 et savaient se battre, se combattre et verser le prix du sang.
07:32 Il faut le souligner.
07:34 - Donc on rattrape un retard à l'heure du retour de la guerre,
07:37 mais on n'est pas dans une économie de guerre à proprement parler.
07:40 - Mais les mots ont un sens, il faut parfois secouer les consciences,
07:43 parce qu'il s'agit d'augmenter les cadences, d'aller plus vite,
07:47 et il s'agit de se placer dans une situation où nous ne serions pas pris au dépourvu.
07:52 C'est ça, l'ambition, et c'est pour cela qu'il faut en effet
07:55 mettre des mots peut-être assez forts pour secouer tout le monde.
07:58 - Donc vous reconnaissez que pour l'instant, c'est des mots ?
08:00 - Non, il y a eu des actes derrière, mais il a fallu vous parler
08:03 des premiers mots qui ont été prononcés en mars 2022.
08:06 Derrière, la loi de programme à son militaire les a repris.
08:09 La revue nationale stratégique, avant ça, les avait déjà dit dans un de ses objectifs stratégiques,
08:14 je crois, le numéro 3, qui disait justement qu'il fallait se mettre
08:17 dans une situation d'économie de production accélérée,
08:20 de quantité de produits accélérés et augmentés.
08:23 Donc il y avait les mots du président, la revue nationale stratégique,
08:27 et puis, en janvier 2024, le président, lors de ses voeux à Cherbourg,
08:31 en a remis une couche, parce qu'il y a quand même une certaine forme de lenteur.
08:35 Je pense que la loi de programme à son militaire a quand même donné de la visibilité
08:38 à un certain nombre d'industriels, et je pense qu'on peut peut-être considérer
08:41 qu'il y a peut-être parfois des retards de financement.
08:43 - La faute aux industriels qui traînent les pieds ?
08:45 - Je dirais qu'il y a des responsabilités partagées et que chacun doit se prendre en main
08:48 et faire face aux défis qui sont devant nous.
08:50 Il faut nous mettre dans une situation où nous pourrions ne plus être pris au dépourvu.
08:54 - Jean-Louis Thiréo, c'est vrai que quand on regarde cette fameuse loi de programmation militaire,
08:58 on augmente le budget de la défense de 40%.
09:01 Ça veut dire que l'État va investir massivement, va commander massivement,
09:06 on a des mastodontes dans la défense, à Frontales, Naval Group,
09:09 ça c'est bien pour la montée en puissance, ça veut dire qu'on y va vers l'économie de guerre
09:15 ou quand on regarde ce que font les Russes, de toute façon, on est loin derrière ?
09:19 - L'économie de guerre, c'est quand on est en guerre et quand on se prépare à la guerre, vraiment.
09:25 - Et on y est là ?
09:26 - Non, on en est très loin.
09:27 Regardez les chiffres que vous donniez, c'était très intéressant.
09:31 Période où nous étions en guerre,
09:33 guerre d'Indochine, 7,3% du PIB consacré à la défense.
09:37 Aujourd'hui, on arrive difficilement à 2%.
09:40 C'est ce qu'il fallait faire, j'ai voté la LPM et je la salue,
09:43 donc il n'y a aucun sujet là-dessus.
09:45 Mais l'Etat a une responsabilité très lourde historique depuis la fin de la guerre froide.
09:51 Nous avons vécu dans l'illusion qu'on pouvait encaisser les dividendes de la paix
09:55 et que le monde ne serait jamais plus dangereux
09:59 et que la guerre aurait définitivement déserté notre continent.
10:03 On fait un effort important pour revenir à niveau,
10:05 mais on a 20 ans, 30 ans de désarmement et de moindre effort à rattraper.
10:13 Aujourd'hui, on se rend compte que les canons, il le faut.
10:17 L'économie de guerre, c'est aujourd'hui, on parle de la Russie, à 6%,
10:21 c'est peut-être même plus si on regarde en parité pour l'Ardasha.
10:25 -Pour bien comprendre, pour ceux qui nous regardent,
10:27 on n'est pas un aussi grand pays que la Russie
10:29 et on n'a jamais autant investi que les Russes dans la guerre et la défense.
10:33 Mais ils sont à 6%.
10:35 Ça veut dire quoi ? Dans 5 ans, dans 10 ans, il faut qu'on arrive à ça,
10:39 à plus que 3%, à 4, à 5% ?
10:41 On est quand même dans une situation de déficit.
10:43 -Je crois qu'il faut se poser un certain nombre...
10:45 -C'est ça, l'horizon pour notre pays ?
10:47 -Non, l'horizon, quand on parle de défense, c'est d'abord de regarder la menace.
10:51 Nous sommes un pays doté de la dissuasion nucléaire
10:55 que n'ont pas d'autres pays,
10:57 comme par exemple les Polonais, qui aujourd'hui sont à 4%.
11:00 La clé de notre sécurité, c'est la dissuasion.
11:02 Donc on ne va pas courir à des pourcentages importants.
11:05 Je pense qu'il faut faire plus, 2,5 ou 3,
11:07 ce que nous avons fait pendant toute la guerre froide est cohérent,
11:10 mais on ne va pas courir.
11:12 Je veux rajouter un deuxième point.
11:14 De toute façon, nous ne serons pas seuls.
11:16 Par définition, nous serons en coalition,
11:18 nous appartenons à l'OTAN,
11:20 et par conséquent, quand j'écoutais les propos de Marion,
11:23 Maréchal Le Pen,
11:25 disant qu'on n'est pas capables de se défendre
11:28 si le territoire national a été attaqué,
11:31 mais par qui, contre qui, et comment,
11:33 avant qu'on arrive les Russes,
11:35 nous avons les Polonais, nous avons les Baltes,
11:37 nous avons les Allemands.
11:39 Donc arrêtez de paniquer les Français
11:42 pour des causes politiques,
11:44 qui est d'avoir toujours le regard tourné vers Moscou.
11:46 -Dominique Trinquant, un livre qui a fait beaucoup de bruit,
11:49 vous le connaissez tous,
11:51 Jean-Dominique Merchet, journaliste à l'Opinion,
11:53 spécialiste des questions de défense,
11:55 vous explique que la France n'est pas prête
11:57 à un conflit de haute intensité.
11:59 Peut-être que ça n'est pas possible, puisqu'on a l'arme nucléaire,
12:02 et qu'elle ne tiendrait pas un front
12:04 de plus de 100 km, 85 km, dit-il.
12:07 -J'ai longuement débattu avec lui,
12:09 et je suis totalement en désaccord
12:11 avec ce qu'il a raconté.
12:13 D'abord, parce que, comme vous le disiez,
12:15 la France a toujours combattu en coalition.
12:17 J'étais officier opération
12:19 du 2e corps d'armée français
12:21 avant les années 90, en Allemagne,
12:23 et je vous garantis qu'on faisait pas plus de 80 km.
12:26 Donc c'est pas une nouveauté, c'est la première chose qu'il faut dire.
12:29 Et qu'on travaille dans ce cadre-là,
12:31 uniquement en coalition.
12:33 Et dans le sujet de la préparation de la guerre,
12:35 je vais pas revenir sur la préparation de la guerre,
12:37 qui est la préparation des armées françaises,
12:39 de leur équipement, de leur entraînement,
12:41 ne l'oublions pas, avec leur stock de munitions.
12:44 Maintenant, si vous voulez, la France,
12:46 dans le cadre de la coalition, elle doit être capable
12:48 de déployer une division à 20 000 hommes
12:50 en 30 jours,
12:52 avec les stocks pour 6 mois.
12:54 -Au jour d'aujourd'hui, voilà,
12:56 stocks de 6 mois et les ressources humaines,
12:58 les hommes sur le terrain.
13:00 La guerre en Ukraine a montré au monde
13:02 que l'Europe manquait de stocks,
13:04 et notamment de munitions.
13:06 C'est le président tchèque qui est allé faire
13:08 ce contrat, ce tour du monde,
13:10 pour en commander au nom de l'Europe.
13:12 De quoi manque-t-on le plus aujourd'hui ?
13:14 Munitions, au niveau artillerie,
13:16 au niveau des avions,
13:18 au niveau des bateaux, des navires de guerre ?
13:20 -En gros, malgré l'accélération,
13:22 malgré l'accélération depuis 2017,
13:24 parce que c'est pas seulement cette programmation,
13:26 la première avait aussi accéléré les choses,
13:28 on revient aux dividendes de la paix,
13:30 c'est tout.
13:32 Donc il faut faire de tout.
13:34 Mais il y a un sujet sur lequel je voudrais revenir,
13:36 et je pense que les alertes du président
13:38 touchent ça aussi, c'est ce qu'on appelle dans l'armée
13:40 les forces morales.
13:42 C'est-à-dire que la guerre,
13:44 ça ne concerne pas que les militaires,
13:46 c'est la société complète.
13:48 Et la difficulté que nous avons, nous, Français,
13:50 c'est qu'on est protégés par la dissuasion nucléaire,
13:52 le front est à 1500 kilomètres,
13:54 et donc nos citoyens disent
13:56 "Finalement, ça nous concerne pas trop."
13:58 Or, c'est faux.
14:00 On ne reçoit pas des obus,
14:02 mais on a des attaques quotidiennes en cyber,
14:04 en communication,
14:06 et au bout du compte,
14:08 notre dissuasion n'est crédible
14:10 que si les citoyens français sont convaincus
14:12 que nous sommes forts grâce à l'arme nucléaire.
14:14 - Donc c'est pour les mobiliser,
14:16 ces forces morales, de l'opinion des Français,
14:18 qu'a utilisé le président ?
14:20 - C'est essentiel.
14:22 Et donc, on doit en même temps se préparer à la guerre,
14:24 mais en même temps ménager d'une certaine façon
14:26 le conflit.
14:28 On doit s'assurer qu'on a une situation
14:30 quotidienne de nos citoyens,
14:32 mais qu'ils s'y préparent également.
14:34 - Emmanuel Luppi, revenons sur nos industriels,
14:36 parce que c'est eux qui les construisent,
14:38 toutes ces armes.
14:40 Est-ce que vous le voyez à l'oeuvre,
14:42 ce mouvement de retour
14:44 de la souveraineté stratégique ?
14:46 Est-ce qu'on relocalise vraiment,
14:48 et quoi ?
14:50 Et est-ce qu'on produit beaucoup plus vite
14:52 du fait de la demande ukrainienne ?
14:54 - C'est important de mentionner que l'industrie de défense
14:56 ne se limite pas aux grandes industries de défense.
14:58 Et qu'il y a un tissu industriel,
15:00 à peu près 4 000, 4 500 entreprises,
15:02 entreprises d'état d'intermédiaire, PME,
15:04 et que, contrairement à ce que l'on
15:06 entend parfois, c'est très rentable.
15:08 Pour un euro
15:10 investi, 1,3 euro
15:12 de retour,
15:14 je fais référence à votre excellent
15:16 rapport que vous avez rédigé
15:18 en 2022, avec vos collègues...
15:20 - Alors, si vous m'autorisez,
15:22 je veux préciser que c'est rentable,
15:24 pour l'industriel peut-être,
15:26 mais pour le pays en général,
15:28 puisque derrière un euro investi
15:30 dans la défense, c'est un multiplicateur keynésien
15:32 en termes d'emploi,
15:34 en termes de charges, en termes de recherche qui est fait.
15:36 C'est pas rentable...
15:38 - Oui, je te l'ai prévu.
15:40 - Je préfère le préciser, parce qu'on pourrait avoir
15:42 de mauvaises interprétations. - 200 000 emplois directs.
15:44 - C'est gagnant-gagnant. - 200 000 emplois directs,
15:46 auxquels fait référence
15:48 le président de la République, le ministre de la Défense.
15:50 Je crois que quand on parle d'économie de guerre,
15:52 on doit aider les entreprises de taille intermédiaire
15:54 qui ont besoin de trésorerie,
15:56 qui ont besoin de commandes.
15:58 Et on ne le rappellera jamais assez,
16:00 une industrie de défense qui se veut plus robuste
16:02 et plus offensive doit répondre à des commandes.
16:04 Alors, il faut se poser la question,
16:06 est-ce que nous avons suffisamment de commandes ?
16:08 J'entends le ministre de la Défense dire
16:10 qu'il va faire des réquisitions.
16:12 Il faudrait d'abord qu'il propose
16:14 un certain nombre de commandes qui permettent
16:16 à nos industriels d'avoir la capacité...
16:18 - C'est l'Etat qui doit d'abord les assurer.
16:20 - L'armement nécessaire.
16:22 La loi de programmation militaire nous y invite.
16:24 16 milliards d'euros qui sont prévus
16:26 pour les commandes
16:28 passées à nos industriels,
16:30 dans un certain nombre de domaines,
16:32 et notamment dans les domaines où nous sommes en carence.
16:34 La capacité de projection,
16:36 nos hélicoptères de transport
16:38 de grand gabarit,
16:40 la protection de notre espace aérien,
16:42 le sol air de basse couche,
16:44 où nous sommes là,
16:46 très vulnérables, d'autant plus qu'il s'agit,
16:48 par rapport à l'expérience militaire en Ukraine,
16:50 de l'utilisation de drones
16:52 qui va s'accélérer et qui s'est généralisée
16:54 dans un certain nombre de conflits.
16:56 - Il y a des carences à combler pour monter en puissance.
16:58 - L'économie de défense
17:00 ou l'économie de guerre permettra sans doute
17:02 de combler les lacunes
17:04 non pas budgétaires,
17:06 mais je crois que c'est important de rappeler
17:08 un dernier chiffre, peut-être.
17:10 Entre 1990 et 2015,
17:12 c'est près de 250 milliards
17:14 d'euros qui n'ont pas été investis
17:16 dans la défense. Il y a eu un décrochage.
17:18 Il faudrait 60 à 80 milliards d'euros
17:20 pour que l'on soit en capacité
17:22 de se comparer
17:24 aux 6 % du PIB russe,
17:26 aux 3,9 % du PIB polonais,
17:28 ou aux 3,5 % du PIB américain.
17:30 - Vous l'avez très bien dit,
17:32 la défense, c'est tout un tissu économique.
17:34 On connaît les grands groupes,
17:36 mais il y a aussi plusieurs milliers
17:38 d'entreprises, PME,
17:40 4 000, merci, Général Trinquant.
17:42 - 200 000 salariés répartis
17:44 sur tout le territoire national.
17:46 C'est une chose dont il faut être conscient.
17:48 Ce n'est pas uniquement quelques zones,
17:50 c'est tout le territoire irrigué par ces entreprises.
17:52 - Des sous-traitants qui ont besoin
17:54 de matières premières, de composants
17:56 et de banques qui leur font confiance
17:58 pour lever des fonds. Tour d'horizon
18:00 de nos atouts, de nos faiblesses,
18:02 avec Clément Pervot.
18:04 ...
18:06 ...
18:08 Explosion.
18:10 - La France est aujourd'hui
18:12 la deuxième exportateur mondial d'armes.
18:14 Elle compte plusieurs mastodontes
18:16 industrielles, KMDS et Arcus,
18:18 qui produisent des véhicules terrestres,
18:20 MBDA pour la production
18:22 de missiles, Dassault et Safran
18:24 pour l'aéronautique, et Naval Group
18:26 pour les navires et sous-marins.
18:28 La plupart de ces entreprises
18:30 ont déjà augmenté leur cadence.
18:32 Les délais de production des canons
18:34 "Made in France César", à l'oeuvre
18:36 aujourd'hui en Ukraine, sont ainsi passés
18:38 de 30 à 15 mois.
18:40 Autre exemple, les corps d'obus
18:42 fabriqués aux forges de Tarbes,
18:44 qui sont passés d'une production
18:46 de 1 000 à 5 000 pièces par mois.
18:48 Mais pour intensifier encore
18:50 l'effort de production, les industriels
18:52 ont des obstacles à surmonter.
18:54 - Il est possible pour les industriels
18:56 d'accélérer les cadences sous réserve,
18:58 de disposer d'à la fois des ressources
19:00 en matière de composants,
19:02 en matière de matières premières,
19:04 tout ce qui permet de constituer
19:06 le produit.
19:08 C'est la problématique
19:10 du recrutement. C'est la guerre
19:12 des talents. L'industrie en France
19:14 en général a besoin
19:16 d'ingénieurs, de techniciens.
19:18 L'industrie de défense
19:20 est dans le même cas de figure.
19:22 - Aujourd'hui, l'aide militaire française
19:24 à l'Ukraine reste limitée
19:26 en comparaison avec d'autres pays,
19:28 notamment l'Allemagne. Mais le matériel
19:30 "Made in France" semble faire ses preuves
19:32 sur le terrain.
19:34 - Le César est apprécié pour sa capacité
19:36 à faire feu et à bouger très rapidement
19:38 et éviter d'être attaqué
19:40 par l'artillerie adverse.
19:42 Ca, je pense que ça a été répété
19:44 de nombreuses fois par les forces ukrainiennes.
19:46 Vous avez aussi dans le domaine aérien le don
19:48 de SCALP, donc de missiles air-sol
19:50 longue portée, qui sont très utilisés
19:52 et très appréciés, a priori, pour frapper
19:54 les instances de commandement russes,
19:56 notamment à Sébastopol.
19:58 - Mais pour faire décoller le soutien
20:00 aux soldats ukrainiens, le budget des armées
20:02 reste le nerf de la guerre.
20:04 La loi de programmation militaire
20:06 pour 2024-2030,
20:08 adoptée l'été dernier,
20:10 prévoit une enveloppe de 413 milliards d'euros,
20:12 soit une augmentation de 40 %.
20:14 Un engagement ambitieux
20:16 dans un contexte général
20:18 de réduction des dépenses.
20:20 - Anne Genetet, je voudrais qu'on revienne
20:24 aux industriels, puisque vous les avez
20:26 un peu mis en garde tout à l'heure.
20:28 Est-ce qu'on leur demande trop
20:30 ou est-ce qu'au contraire, ils traînent les pieds ?
20:32 Parce qu'on entend que ces milliers
20:34 de PME, c'est pas si simple pour elles.
20:36 Elles disent "tant que j'ai pas de commandes,
20:38 "je peux pas produire. Je peux pas produire plus."
20:40 Même si, peut-être qu'il y a un petit peu
20:42 des commandes d'Etat dans le lot,
20:44 elles vous le disent. Il y a un problème
20:46 de banque, de composants, de matières premières.
20:48 Elles sont un peu tenues aussi par les Chinois,
20:50 que vous connaissez bien.
20:52 Où se situe l'équilibre ?
20:54 Est-ce qu'elles ont raison de dire "attention,
20:56 "c'est pas de notre faute ?"
20:58 - On va pas parler de faute, mais je voudrais
21:00 vous dire par exemple sur le financement.
21:02 Le financement est un véritable défi.
21:04 Car aujourd'hui, en effet, il y a certains freins.
21:06 Prenez un jeune professionnel qui commence
21:08 à avoir un petit pécule de côté, qui a envie
21:10 de faire des économies, de les placer quelque part.
21:12 Ce jeune, à tous les coups, va vous dire à son banquier
21:14 "attendez-moi, pas d'énergie fossile,
21:16 "pas de produits fossiles
21:18 "et pas d'armement."
21:20 C'est sûr, il va vous le dire, il y a toute une éducation,
21:22 une culture qui les a conduits à cela.
21:24 Donc là, il y a tout un travail à faire
21:26 pour faire comprendre que non, le secteur de la défense
21:28 est absolument crucial en ce moment.
21:30 C'est pour ça qu'on a un certain nombre de collègues
21:32 qui ont proposé qu'on ait peut-être la possibilité
21:34 de construire des produits d'épargne orientés
21:36 vers le secteur des industries de la défense.
21:38 - Défiscaliser, par exemple, certaines aides ?
21:40 - Non, non, non.
21:42 Un peu comme sur le modus livré A.
21:44 - Faciliter le crédit. - Faire très orienter
21:46 pour qu'ils sachent à quoi qu'ils y n'aient pas de fléchés.
21:48 C'est un petit peu ça, l'idée.
21:50 Voir aussi que la Banque européenne d'investissement
21:52 a aujourd'hui un frein qui ne lui permet pas
21:54 de participer à des financements dans le secteur de la défense.
21:56 Donc on a de véritables freins sur le financement.
21:58 C'est pour ça que, notamment, je crois qu'aujourd'hui
22:00 a été annoncé la mise en route d'un accélérateur
22:02 de défense avec une action BPI-DGA
22:04 qui va permettre de financer...
22:06 - BPI, Banque publique d'investissement.
22:08 - BPI, DGA, Direction générale de l'armement,
22:10 qui vont collectivement identifier
22:12 un certain nombre d'entreprises qui seront prioritaires
22:14 dans ces commandes de l'Etat français.
22:16 - Donc s'il y a un problème de financement,
22:18 ce n'est pas leur responsabilité de ne pas être
22:20 au garde-à-vous de la demande de l'économie de guerre.
22:22 - Nous portons le fruit de toute une histoire qui sont,
22:24 en fait, les dividendes de la paix.
22:26 - Mais alors, les réquisitions, dans ces cas-là.
22:28 - Oui, avant d'aller aux réquisitions...
22:30 - C'est vrai qu'on se dit, pourquoi tout de suite se taper...
22:32 - Je veux revenir sur ce que disait Anne Genetay
22:34 sur le financement. Il y a les personnes individuelles
22:36 qui, au nom de critères environnementaux,
22:38 ne veulent pas investir dans la défense, très bien.
22:40 Mais vous avez une responsabilité collective
22:42 du monde de la finance,
22:44 de la banque, un peu,
22:46 de l'investissement en capital
22:48 pour différentes raisons,
22:50 mais notamment le risque réputationnel,
22:52 notamment un certain nombre de critères ESG
22:54 qui font le choix...
22:56 - Parce que c'est mal vu, c'est pas vertueux ?
22:58 - Parce que la défense, c'est mal,
23:00 la défense, ça tue,
23:02 et que vous avez peur d'avoir une campagne de presse
23:04 d'ONG, voire de vous retrouver en correctionnel
23:06 s'il y a un sujet.
23:08 Et donc, je crois vraiment
23:10 qu'on a une responsabilité collective,
23:12 et moi, j'ai porté,
23:14 avec d'autres collègues,
23:16 de manière transpartisane,
23:18 un projet sur le Livret A,
23:20 qui a été retoqué par le Conseil constitutionnel
23:22 pour de la procédure, on va y revenir,
23:24 il faut inventer de l'épargne dédiée,
23:26 il faut que les Français qui veulent aller
23:28 dans la défense et la souveraineté puissent y aller,
23:30 c'est un engagement patriotique,
23:32 les Français ont une patrie,
23:34 les banquiers...
23:36 - Un véritable appel à l'investissement des Français.
23:38 - Les banquiers aussi
23:40 doivent avoir une patrie.
23:42 Pour finir, sur la réquisition,
23:44 si vous m'y autorisez...
23:46 - C'est vrai qu'il faut comprendre,
23:48 vous êtes le ministre, le corny.
23:50 - Non, je vais vous dire...
23:52 - Les grands industriels ?
23:54 - Dans la LPM, on a fait un bon travail
23:56 en toilettant le cadre légal
23:58 permettant une réquisition,
24:00 mais ça existait en 14-18, ça existait en 40,
24:02 il n'y a pas de grande innovation.
24:04 Les réquisitions visent moins
24:06 les grands industriels
24:08 qu'un certain nombre d'entreprises
24:10 duales qui constituent
24:12 des goulots d'étranglement
24:14 dont certaines briques technologiques
24:16 sont responsables à l'industrie d'armement.
24:18 Comme, par définition, vous vendez moins de composants
24:20 pour faire des missiles que pour faire des télévisions,
24:22 on préfère le gros client
24:24 au petit client.
24:26 Le message subliminal là-dessus,
24:28 c'est de dire à un certain nombre
24:30 d'industriels
24:32 que la défense, c'est vraiment
24:34 une priorité.
24:36 - Vous vouliez intervenir, Thomas Négarof ?
24:38 - Je suis assez frappé, parce qu'au début,
24:40 vous commencez à dire qu'on n'est pas en guerre,
24:42 et puis on parle d'économie de guerre,
24:44 on parle de réquisitions, vous citez les deux guerres mondiales.
24:46 - C'est les mots de la guerre.
24:48 - C'est les mots de la guerre,
24:50 on parle de patriotisme, c'est intéressant,
24:52 parce que, et dans le même temps,
24:54 on vit en économie de paix, en réalité,
24:56 on n'est pas en économie de guerre du tout.
24:58 Vous disiez tout à l'heure,
25:00 on n'avait pas vraiment saisi la situation
25:02 depuis les années 90, mais est-ce qu'on l'a vraiment saisi ?
25:04 - Non, mais vous avez raison.
25:06 Les fameux dividendes de la paix,
25:08 nous ont conduit à cette position
25:10 philosophique, plus jamais la guerre en Europe,
25:12 tout va bien se passer,
25:14 d'où les réactions individuelles ou collectives
25:16 qui ont été faites comme celle-là.
25:18 Et je dis la particularité que nous avons,
25:20 nous, en particulier en France, mais globalement en Europe,
25:22 c'est qu'il y a la guerre,
25:24 il y a des actions de guerre,
25:26 je parlais du cyber et de la communication,
25:28 et pour le reste, d'une certaine façon,
25:30 il faut que les citoyens continuent
25:32 comme avant, tout en se préparant
25:34 à cette guerre. Et c'est ça qui est difficile,
25:36 parce que dans la rue,
25:38 personne ne va vous dire qu'on est en guerre.
25:40 Et pourtant, on va leur dire,
25:42 "Ecoutez, oui, mais vous savez, il va falloir allonger un peu,
25:44 parce qu'il va falloir qu'on se prépare."
25:46 - Il y a des simulations de guerre
25:48 qui se préparent au ministère.
25:50 - Il y a des actions de guerre
25:52 à l'intérieur de notre société.
25:54 Et vous pouvez avoir une guerre qui va pas vous envoyer
25:56 des milliers d'obus sur la figure,
25:58 mais qui va vous détruire, l'intérieur de la société,
26:00 en disant, pardonnez-moi l'expression,
26:02 "Peace and love",
26:04 on va sûrement pas se mêler de ça,
26:06 et on est pour la paix éternelle.
26:08 - Je voudrais qu'on relie quand même
26:10 aux livraisons d'armes à l'Ukraine.
26:12 On est mal classé en Europe,
26:14 très honnêtement.
26:16 On livre très peu d'armes par rapport aux Anglais,
26:18 ça, c'est évident. Aux Allemands aussi.
26:20 D'ailleurs, les mots du président
26:22 ont été recadrés par le ministre
26:24 de la Défense en disant,
26:26 "Les Ukrainiens ont d'abord besoin d'armes
26:28 "avant de savoir s'ils ont besoin de troupes au sol."
26:30 Est-ce que vous pouvez nous expliquer
26:32 pourquoi on livre peu ?
26:34 Est-ce que c'est parce que, comme le dit Marion Maréchal-Le Pen,
26:36 il y a un problème de stock ?
26:38 Ou est-ce qu'on n'a pas compris
26:40 l'importance de cet allié ukrainien ?
26:42 - Alors, il faut relativiser
26:44 le peu que nous livrons.
26:46 Premièrement, parce que nous livrons en bilatéral,
26:48 et la plupart des investissements
26:50 qui ont été faits depuis le début du conflit
26:52 visent à renforcer la capacité européenne,
26:54 des institutions européennes,
26:56 à livrer en leur nom propre
26:58 la facilité européenne pour la paix
27:00 de 5,6 milliards d'euros par an,
27:02 dont l'objectif était de rajouter
27:04 20 milliards d'euros.
27:06 Ce n'a pas été voté par rapport
27:08 au KVA d'un certain nombre de pays européens,
27:10 et pas français, bien sûr.
27:12 Donc, par rapport
27:14 à cette classification qui mettrait
27:16 la France dans une logique
27:18 où elle livrerait 3 milliards, à peu près,
27:20 plus 3 milliards annoncés,
27:22 est à relativiser par rapport à notre investissement
27:24 - Mais vous l'entendez, cette petite musique ?
27:26 "On ne peut pas livrer tous nos canons, César,
27:28 "parce qu'on en a besoin pour nous."
27:30 - L'objectif, ce n'est pas d'en livrer les 109
27:32 objectifs pour la fabrication
27:34 des années à venir, mais d'en livrer
27:36 un certain nombre qui seront payés par nos partenaires
27:38 européens. Je rappelle qu'on en a
27:40 30 sur le champ de bataille
27:42 et il y en a 78 qui ont été commandés.
27:44 Mais je crois que ce qui est très important, c'est d'avoir l'esprit
27:46 de nouveau qu'on ne peut pas résonner
27:48 en franco-français.
27:50 Le budget de la défense de l'OTAN, c'est
27:52 1 400 milliards de dollars.
27:54 Le budget de l'Union européenne,
27:56 les 27 cumulés,
27:58 plus le budget européen, c'est près de 300
28:00 milliards d'euros. Et donc,
28:02 l'effort est collectif. Nous appartenons à
28:04 des coalitions, nous sommes en capacité
28:06 de nous défendre.
28:08 Évidemment, par rapport à nos partenaires,
28:10 le chef d'état-major de l'armée,
28:12 le général Pierre Schill, l'évoque,
28:14 la capacité, comme vous le dites, de projeter
28:16 à raison de 30 jours, 20 000 hommes,
28:18 et surtout la capacité d'avoir un commandement
28:20 au niveau divisionnaire,
28:22 dans le cadre d'un corps d'armée,
28:24 avec une division française et deux
28:26 ou trois divisions militaires. - Jean-Louis Thieriot,
28:28 je rajoute cet adjectif "faiblesse"
28:30 de la livraison
28:32 des armes françaises aux
28:34 Ukrainiens. S'explique comment,
28:36 si ce n'est pas pour des raisons de stock ?
28:38 - Oui, moi, je crois qu'il faut faire
28:40 très attention sur cette relative faiblesse,
28:42 parce que les chiffres
28:44 qu'on publie partout sont ceux du
28:46 Kiel Institute, qui ont
28:48 des sous-jacents politiques internationaux,
28:50 sur lesquels je préfère pas me prononcer.
28:52 - Il y a des classements factuels...
28:54 - Oui, mais justement... - Qui sont très clairement établis.
28:56 Et si on rapporte au PIB,
28:58 alors là, par rapport au Pays Balt, on en est loin.
29:00 - Comment vous valorisez un blindé
29:02 déjà utilisé,
29:04 mais qui est efficace sur le terrain ?
29:06 Aujourd'hui, les VAPs français,
29:08 qui sont des véhicules blindés anciens,
29:10 sont extrêmement appréciés du territoire ukrainien.
29:12 Vous pouvez mettre des engins américains
29:14 extrêmement modernes,
29:16 mais vous n'avez pas le soutien en conditions opérationnelles.
29:18 Je ne suis pas sûr que les... - Donc on livre moins,
29:20 mais on livre mieux. - On livre moins,
29:22 et je veux surtout dire, on livre utile.
29:24 Et voyez-vous, quand j'entends l'Allemagne,
29:26 qui essaye de nous pointer du doigt,
29:28 mais qui, en même temps,
29:30 pour des raisons politiques,
29:32 de politique intérieure, ne livre pas
29:34 des missiles Taurus, dont l'Ukraine
29:36 aurait un grand besoin,
29:38 je me dis que donner des leçons
29:40 à la France, c'est un peu fort de café.
29:42 - Les missiles Taurus, donc, qui permettraient
29:44 d'attaquer directement la Russie.
29:46 Général Trincant, puis-je vous donner la parole ?
29:48 - Juste dans la livraison des armements
29:50 au début de la guerre, il faut se rappeler d'une chose,
29:52 c'est que tous les pays d'Europe de l'Est
29:54 disposaient de stocks d'armements soviétiques
29:56 qui n'étaient pas utilisés.
29:58 Et c'est ce qui leur a permis de les fournir tout de suite
30:00 à l'Ukraine, très utile pour l'Ukraine,
30:02 parce que l'Ukraine savait s'en servir.
30:04 Tout de suite, vous voyez ? Alors que la France
30:06 n'a jamais eu ces stocks-là.
30:08 Donc aujourd'hui, peut-être un peu tardivement,
30:10 la France a décidé de livrer 250
30:12 VAB, mais avant... - VAB ?
30:14 - Véhicules de l'avant-blindé.
30:16 - C'est ceux dont je parlais. - Ceux dont il était question,
30:18 qui sont des véhicules blindés
30:20 et qui protègent bien. Donc voilà,
30:22 la France n'avait pas de stocks,
30:24 parce que je rappelle que dans les dividendes
30:26 de la paix, qu'est-ce qu'a fait la France ?
30:28 Et j'ai participé de ce programme-là,
30:30 le programme "Renforcement des capacités
30:32 africaines de maintien de la paix".
30:34 La France a livré beaucoup d'armements
30:36 à l'Afrique, ce que n'ont pas fait les autres
30:38 pays européens. Vous voyez ? Donc on est...
30:40 La France était dans une situation difficile
30:42 pour livrer autant d'armements
30:44 que les autres, qui, eux,
30:46 avaient des matériels soviétiques à disposition.
30:48 - Alors il nous reste deux petites minutes.
30:50 Une petite intervention, vous aurez le mot de la fin.
30:52 - Juste, Général Trinquant, tout à l'heure disait,
30:54 on est en guerre, des guerres, c'est pas que
30:56 des armées, c'est aussi de la désinformation, etc.
30:58 Et moi, je ne peux m'empêcher de penser
31:00 qu'il y a peut-être une incohérence entre, d'un côté,
31:02 augmenter le dépense militaire
31:04 et renier, par exemple, sur les dépenses
31:06 culturelles. Vous allez me dire, quel est le rapport ?
31:08 Sauf qu'on sait aussi qu'il y a une
31:10 guerre culturelle que nous mènent nos adversaires
31:12 russes, par exemple, aujourd'hui. Donc si l'année prochaine,
31:14 il y a deux fois moins de spectacles, par exemple,
31:16 de la défense dans les théâtres, quelles conséquences ça peut avoir
31:18 aussi sur les mentalités et sur notre capacité à résister
31:20 au rouleau compresseur
31:22 qui n'est pas militaire mais qui est culturel.
31:24 Je pense qu'il faut décentrer aussi un peu ce point.
31:26 - Absolument, surtout quand on voit qu'en Ukraine,
31:28 en ce moment, il y a encore une activité culturelle intense.
31:30 - Bien sûr, et c'est capitale. - On a des choix très
31:32 difficiles à faire dans un contexte budgétaire qui nous a pas échappé.
31:34 - Alors justement, on va terminer là-dessus.
31:36 - Dire un point, c'est que je crois qu'il faut
31:38 arrêter de se comparer les muscles, on est ici
31:40 en train d'aligner des chiffres. Il faut surtout écouter
31:42 les Ukrainiens. Et les Ukrainiens sont satisfaits
31:44 de ce que la France envoie. Et quand moi,
31:46 je les ai rencontrés, ils m'ont demandé précisément,
31:48 ils viennent avec leur liste de course
31:50 et ils ne critiquent pas ce qui a été donné ou pas donné.
31:52 Et par ailleurs, nous sommes aussi une armée d'emploi.
31:54 Nos armées, elles continuent à combattre, elles continuent
31:56 à être engagées sur les théâtres, elles ont besoin de continuer
31:58 à maintenir leurs conditions opérationnelles, à avoir des équipements.
32:00 Donc soyons malgré tout fiers de ce que nous donnons,
32:02 ayant l'ambition de continuer parce que l'Ukraine
32:04 l'a défendre, c'est un objectif fondamental.
32:06 - Un dernier petit mot et on s'arrêtera là.
32:08 Les déficits publics, 20 milliards à trouver l'année prochaine,
32:12 les 3%, ça rend quand même très vulnérable
32:14 nos engagements pour cette fameuse loi de programmation militaire.
32:18 Est-ce que vous pouvez garantir à ceux qui nous regardent
32:21 que les investissements de l'Etat seront là,
32:24 malgré les économies colossales à trouver ?
32:27 - La France tient toujours ses promesses
32:29 et la France a compris que là, il y avait un défi existentiel
32:32 pour l'Europe et donc il faudra tenir le promesse.
32:34 Mais ça sous-entend, et c'est peut-être là que le mot "guerre"
32:36 doit revenir dans nos consciences.
32:38 - C'est celui qui sera élu en 2027, continuez les forces.
32:40 - Ça sous-entend une sorte de sacrifice
32:42 et ça, il faut bien l'avoir à l'esprit.
32:44 - On s'arrête là, merci beaucoup.
32:46 Revenez quand vous voulez, parce que forcément,
32:48 quelque chose me dit que ça va continuer
32:50 ces questions de débat stratégique et de défense.
32:53 Merci à vous. Vous restez avec moi, Thomas Négaroff,
32:56 dans une dizaine de minutes. Les partis prient de nos affranchis
32:59 ce soir. Que va changer le vote du pacte asile-immigration
33:04 du Parlement européen de Bruxelles ?
33:07 On verra ça avec Richard Verly, au centre, avec ses lunettes.
33:11 Bonsoir, Richard. Thomas Nestavel a essayé pour nous
33:14 le nouveau casque réalité virtuelle d'Apple, Vision Pro.
33:17 Vous nous direz, Thomas, ce que ça a donné.
33:19 Et puis, quel est le menu de Bourbon Express ce soir, Stéphanie Despierres ?
33:22 - Les Républicains qui, eux, ont essayé le référendum d'initiative partagée.
33:26 Ça n'a pas marché.
33:27 - A tout à l'heure, les amis. Mais d'abord, on va plonger
33:29 dans votre livre, Thomas Négaroff, avec l'historien Vincent Lemire.
33:33 Vous faites l'anatomie du conflit israélo-palestinien
33:35 qui dure depuis des décennies.
33:37 C'est une coédition Les Arènes France Inter,
33:39 et c'est la version écrite de votre podcast à succès.
33:43 Alors, pour comprendre, carte à l'appui, à la fois le chaos,
33:47 la haine et l'impasse politique d'aujourd'hui,
33:49 vous allez voir, c'est pédagogique et c'est sans parti pris.
33:52 L'invitation est signée Stéphanie Despierres.
33:54 Interview, juste après.
34:01 Si on vous invite, Thomas Négaroff, c'est parce que votre livre
34:05 est d'intérêt public pour comprendre ce conflit israélo-palestinien sans fin.
34:10 Journaliste et présentateur, vous êtes à l'origine
34:12 agrégé d'histoire et spécialiste des États-Unis.
34:16 Dans l'anatomie d'un conflit, vous vous intéressez au Proche-Orient.
34:20 En 50 questions à Vincent Lemire, historien spécialiste de Jérusalem,
34:24 vous disséquez avec pédagogie cette guerre qui s'étale
34:27 sur huit décennies et qui a ressurgi lors du massacre
34:31 perpétré par le Hamas le 7 octobre.
34:33 Pour tout saisir, il faut, selon vous, revenir aux racines d'Israël.
34:38 Votre livre commence donc avec la naissance du sionisme
34:41 lors du premier congrès mondial sioniste en 1897.
34:46 Le sionisme a pour but un foyer national légalement garanti
34:50 et publiquement reconnu pour le peuple juif en Palestine.
34:54 Déjà persécutés en Europe et en Russie au 19e siècle,
34:57 les Juifs cherchent un refuge.
34:59 Après la Shoah, l'ONU vote le partage de la Palestine
35:03 en deux États, juifs et arabes.
35:06 Le 14 mai 1948, Ben Gurion proclame la naissance d'Israël.
35:11 Nous proclamons la formation d'un État juif dans le pays d'Israël
35:16 qui portera le nom d'État d'Israël.
35:20 Dès le lendemain, éclate la première guerre
35:23 entre les forces paramilitaires juives et une force arabo-palestinienne.
35:27 Coalition défaite, des centaines de milliers de Palestiniens
35:30 sont jetés sur les routes de l'Exode.
35:32 C'est la Nakba, la catastrophe en français.
35:35 Avec des cartes très didactiques et une chronologie en six périodes,
35:39 Thomas Negaroff vous racontait des décennies de violences,
35:42 de la guerre des Six Jours à la Deuxième Intifada,
35:45 en passant par la guerre du Kippour et les multiples attentats contre Israël.
35:50 Je vais vous expliquer comment certains épisodes, qui semblent lointains,
35:53 éclairent le présent.
35:55 Par exemple, les accords d'Oslo, signés par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat,
35:59 sous l'égide des États-Unis.
36:02 Ils se retrouvent ensemble, ils se serrent la main.
36:04 A l'époque, on se dit "la paix est possible",
36:06 mais ça va entraîner un déluge de haine parce qu'il y a la photo
36:10 et il y a les gens qu'on ne voit pas sur la photo,
36:12 des forces déjà très présentes qu'on voit aujourd'hui au pouvoir,
36:15 en Israël et aussi à Gaza.
36:17 En 2007, avec l'arrivée au pouvoir du Hamas,
36:20 s'ouvre une période qui, selon vous, conduira au chaos d'aujourd'hui à Gaza.
36:25 Malgré tout, vous voulez garder un peu d'espoir,
36:28 alors dites-nous Thomas Négaroff, qui incarne aujourd'hui un espoir de paix ?
36:33 - Réponse ?
36:35 - On a du mal à le trouver, quand même.
36:37 Est-ce que c'est quelqu'un qui l'incarne, ou ce sont des idées ou des générations ?
36:40 Heu... Moi, je pense qu'il n'y a jamais,
36:43 heureusement, dans l'histoire, il n'y a jamais de fatalité
36:45 et l'histoire n'est jamais écrite.
36:47 Franchement, en 1987, quand il y a la première intifada d'Idgar Dépierre,
36:51 mais qui est déjà un moment de tension extrêmement fort
36:53 entre les territoires palestiniens et Israël,
36:56 personne n'imagine que, moins de dix ans plus tard,
36:59 les accords d'Oslo sont signés, on a vu la photo.
37:02 - En 93.
37:03 - En 93, et puis en 95, pour la mise en oeuvre.
37:05 Donc, l'histoire n'est jamais écrite, dans un sens comme dans l'autre,
37:09 parce qu'en 93, quand on se serre la main avec Bill Clinton,
37:12 on vient de le voir,
37:13 on n'imagine pas qu'il y a des forces souterraines,
37:15 comme je l'ai raconté à l'instant, qui sont aujourd'hui au pouvoir.
37:18 Vous savez que Netanyahou arrive au pouvoir en 96,
37:21 et son slogan, en tout cas, son discours de campagne,
37:25 c'est "Tuez les accords d'Oslo".
37:27 Donc, les forces sont toujours présentes,
37:29 les forces de l'ombre, mais aussi, heureusement,
37:32 les forces parfois de la paix.
37:33 - Voilà, quelques raisons d'espérer, malgré le chaos
37:36 et cette haine de part et d'autre.
37:38 D'ailleurs, Vincent Lemire dit "Le fossé n'a jamais été aussi profond
37:41 entre les deux camps".
37:43 Pour bien comprendre, je voudrais qu'on revienne aux origines,
37:46 parce que ça permet de comprendre pourquoi ce conflit est si passionnel,
37:49 mais pas seulement entre les Arabes et les Juifs.
37:51 Dès le début, les Européens ont beaucoup à dire
37:54 et à redire de leurs responsabilités.
37:57 Vous revenez à la fin du XIXe, début XXe siècle,
38:01 l'Empire ottoman se désagrège,
38:03 la France et les Britanniques se partagent,
38:05 le Proche-Orient, après la Première Guerre mondiale,
38:07 Liban-Syrie pour la France,
38:09 et la Palestine pour le Royaume-Uni.
38:12 En fait, depuis très longtemps,
38:14 l'Occident est partie prenante de cette région du monde,
38:18 de ce petit bout-là.
38:20 - Oui, complètement. Pour des raisons religieuses, évidemment,
38:22 de présence biblique, c'est quand même le creuset
38:25 civilisationnel de l'Occident qui se trouve là.
38:28 Et en effet, et surtout, l'Occident va jouer un jeu
38:31 trouble, complexe, en jouant les uns contre les autres,
38:35 d'abord les Français contre les Anglais,
38:37 les Anglais qui ont réussi à attiser les tensions
38:40 entre les Arabes et les autres,
38:42 pendant la Première Guerre mondiale,
38:44 Laurence d'Arabie, c'est la promesse faite aux Arabes
38:47 qu'ils auraient un royaume s'ils les aidaient à combattre
38:50 aux côtés des Anglais.
38:52 Et puis, ça va, évidemment,
38:54 ils vont être trahis, les Arabes,
38:56 puisque dans le même temps, les Anglais vont promettre,
38:59 via Lord Rothschild, un foyer national juif,
39:02 on sait pas vraiment ce que ça veut dire...
39:04 - La Déclaration Belfour.
39:05 - La Déclaration Belfour, en 1917, aux sionistes,
39:07 qu'on a vu à Herzl, il y a un instant, dans le reportage.
39:10 Donc, effectivement, les Occidentaux vont jouer
39:12 toujours un jeu assez complexe,
39:14 même si, progressivement, après la Seconde Guerre mondiale,
39:17 ils vont se ranger, progressivement,
39:19 pas tout de suite, du côté israélien,
39:21 laissant quand même les Palestiniens
39:23 dans un espèce de désarroi, une solitude,
39:25 parce que la solidarité musulmane
39:28 au profit des Palestiniens est aussi largement une hérésie.
39:31 Beaucoup de pays voisins ont largement
39:33 joué leur carte personnelle.
39:35 - Il y a une forme d'instrumentalisation
39:37 de la cause palestinienne par les pays voisins.
39:39 - Oui, par la Jordanie, qui a immédiatement vu
39:41 que son territoire pourrait croître,
39:43 par les Égyptiens, qui ont préféré jouer
39:45 leur carte nationale en signant les accords
39:47 de Camp David, avec les Israéliens,
39:49 en s'assayant, finalement, sur la cause palestinienne.
39:52 Donc, les Palestiniens ont vraiment été
39:55 les grands oubliés, les grands instrumentalisés
39:58 de cette histoire qu'on raconte sur le temps très long,
40:01 même si c'est bien plus complexe que ce que je dis là.
40:04 - La terre d'Israël, Hérès Israël,
40:06 terre sainte, forcément, présente partout
40:08 dans l'Ancien Testament pour les Juifs,
40:10 mais n'empêche qu'au moment de 1947,
40:15 la fameuse Assemblée générale des Nations Unies,
40:18 avec ce vote historique,
40:20 il y a finalement très peu de Juifs
40:23 dans ce croissant-là, dans ce territoire-là,
40:26 par rapport aux Arabes, à ceux qui s'appellent
40:28 les Palestiniens, mais qui n'ont pas d'Etat.
40:30 - Ils ont commencé à migrer dans les années 20 et 30,
40:34 surtout, on a commencé à avoir des mouvements,
40:36 le foyer nationaliste... Voilà, les Juifs
40:38 commencent à arriver en Israël,
40:40 mais de manière tout à fait indépendante,
40:42 et souvent, d'ailleurs, en rachetant des terres,
40:44 parce qu'un Arabe musulman ne peut pas vendre
40:46 une terre directement à un Juif,
40:48 donc on passe par un chrétien,
40:50 souvent un Libanais, qui rachète la terre
40:52 et qui, ensuite, la vend à un Juif
40:55 pour permettre légalement de le faire.
40:57 Donc, ça s'est fait, mais vraiment, c'était de la main à la main,
41:00 contractuel, avec déjà une institution
41:02 qui permet aux Juifs de s'installer,
41:04 mais effectivement... Mais c'est là
41:06 où l'histoire est complexe,
41:08 parce que, franchement, quand vous êtes Arabe
41:11 dans la région, vous n'avez rien à voir avec la Shoah,
41:13 or c'est la justification qui est faite
41:15 par la communauté internationale. - C'est la principale
41:17 cause de la création de l'Etat d'Israël.
41:19 - C'est pas la seule cause. - Et du vote
41:21 de l'Assemblée des Nations Unies.
41:23 - C'est l'élément déclencheur, évidemment.
41:25 Donc, ça, ça ne concerne pas les Arabes.
41:27 De même, les Arabes ne sont pas concernés
41:29 par la déclaration de Balfour,
41:32 la promesse de Balfour,
41:34 ils n'ont rien à voir avec ça.
41:36 Donc, ils ont le sentiment, quand même,
41:38 d'avoir été, de ce fait, imposés
41:40 une réalité géopolitique.
41:42 Ça n'empêche qu'une fois que le droit a été dit,
41:44 le droit a été dit. Mais on peut comprendre
41:46 les questionnements et les problématiques
41:48 de l'époque, si on se replonge vraiment
41:50 en 47-48. - Justement.
41:52 Regardons les deux cartes, parce que c'est fondamental,
41:54 hein, que monte quand même,
41:56 souvent, la jeune génération,
41:58 la question de pourquoi ils sont là,
42:00 les Juifs ? Est-ce que c'était
42:02 le bon endroit, au fond ?
42:04 Est-ce qu'ils ont pris la terre
42:06 à qui ça appartenait ?
42:08 Il y a deux cartes.
42:10 La partition de l'ONU,
42:12 1947, c'est
42:14 la fameuse résolution 181
42:16 du 29 novembre 1947.
42:18 On est quelques mois seulement
42:20 après la libération des camps nazis.
42:22 - Là, c'est 55 %
42:24 pour le...
42:26 55-45, c'est dans la partition.
42:28 - 55 % sont donnés aux Juifs,
42:30 en jaune,
42:32 45 pour les Palestiniens,
42:34 pour les Arabes, en rouge. Et c'est la guerre,
42:36 immédiatement, puisque les pays arabes
42:38 n'ont pas voté cette résolution. Ben Gurion
42:40 a déclaré un peu tôt, peut-être, trop vite,
42:42 l'Etat d'Israël.
42:44 - C'était une manière aussi de mettre la pression
42:46 sur la communauté internationale,
42:48 c'est le fait accompli.
42:50 - C'est clair. Et après, maintenant, Israël existe.
42:52 - Et Israël, comme on le verra
42:54 dans l'histoire, gagne cette guerre,
42:56 contre toute attente, d'ailleurs,
42:58 et récupère beaucoup plus
43:00 de territoire.
43:02 Va commencer ce que les Palestiniens appellent
43:04 la Nakba, la catastrophe.
43:06 De quoi s'agit-il ? L'exode massif ?
43:08 - Qui commence même avant, dès 1947, on commence à parler
43:10 de Nakba en Palestine,
43:12 enfin, chez les Palestiniens. C'est la catastrophe,
43:14 c'est l'idée que les villages sont détruits,
43:16 les gens perdent leur logement,
43:18 on raconte aujourd'hui encore
43:20 qu'il y a des gens qui vivent avec une clé autour du cou,
43:22 parce qu'ils espèrent rentrer un jour chez eux,
43:24 et c'est effectivement la conséquence à la fois
43:26 du plan de partage de 1947, et puis surtout,
43:28 de la guerre perdue de 1948,
43:30 la guerre de 1948-1949,
43:32 qui est effectivement une guerre où Israël
43:34 se retrouve isolé, armé tout de même
43:36 notamment par les Soviétiques,
43:38 c'est qu'aujourd'hui, on a souvent l'impression que Israël,
43:40 c'est une création des États-Unis. En fait, c'est beaucoup plus complexe
43:42 que ça. Les États-Unis ont agi
43:44 dans un second temps, d'abord, c'est les Soviétiques
43:46 qui ont été extrêmement favorables
43:48 à ce foyer national juif. - Et puis, le mouvement
43:50 sioniste, qui fait que les Juifs
43:52 retournent bien avant, parfois, même
43:54 la Shoah, dans cette terre.
43:56 - Oui, tout à fait. - Pour des raisons, forcément,
43:58 de persécution,
44:00 ou pas seulement, il y a un mouvement nationaliste,
44:02 marxiste, même, un peu. - Oui, alors voilà,
44:04 c'est ça. Ce qui est un peu complexe,
44:06 il y a un mouvement marxiste qu'on a un peu oublié aujourd'hui,
44:08 mais qui existe et qui est très présent, y compris chez les Palestiniens.
44:10 Et c'est en ça que,
44:12 dans le podcast, il y a un autre podcast qui n'est pas en livre avec Jean-Pierre Fillu,
44:14 spécialiste de Gaza,
44:16 historien de la Palestine, et qui, lui,
44:18 explique qu'il y a eu, à un moment donné,
44:20 un mouvement marxiste très fort,
44:22 anti-religieux, pas du tout, vraiment,
44:24 purement sécularisé, chez les Palestiniens,
44:26 comme chez les Israéliens, et ces gens-là,
44:28 travaillent ensemble à une paix, à construire quelque chose.
44:30 Donc oui, c'est une mosaïque
44:32 d'ambition,
44:34 de moyens, mais c'est comme quand on regarde, aujourd'hui,
44:36 les colons. Sur la carte qu'il y avait
44:38 il y a un instant, on voyait la Cisjordanie,
44:40 aujourd'hui, vous avez des centaines de milliers, 800 000
44:42 colons en Cisjordanie.
44:44 En fait, ils ne sont pas tous
44:46 des religieux d'extrême droite,
44:48 il y a des gens qui sont là pour le travail, des gens qui sont là
44:50 parce que la terre était moins chère,
44:52 parce qu'on pouvait acheter une maison.
44:54 - Il y a des gens qui sont là aussi, peut-être, pour dire
44:56 qu'il faudra bien, un jour,
44:58 avoir quelque chose à monnayer, peut-être,
45:00 dans une perspective
45:02 d'un rapport de force futur.
45:04 - En tout cas, ça, c'est
45:06 plutôt idéologique, pour le coup, de le faire ça,
45:08 et ça, ça éloigne très clairement
45:10 la solution de la paix. C'est pour ça que certains considèrent
45:12 qu'aujourd'hui, on est plus proche d'un Etat binational,
45:14 un grand Etat
45:16 qui serait, je sais pas comment il s'appellerait,
45:18 Israël-Palestine. - C'était d'ailleurs un des projets
45:20 initiaux, mais vous y croyez
45:22 vraiment ? Ils ne peuvent pas vivre ensemble ?
45:24 Aujourd'hui, la haine est trop forte ?
45:26 - Aujourd'hui, oui, c'est pas envisageable.
45:28 - Et même demain, non ?
45:30 - Ce qui est compliqué dans cette histoire, c'est que
45:32 sur quelle base est-ce que les Israéliens
45:34 accepteraient de céder une grande partie
45:36 de leur souveraineté à un Etat ?
45:38 Si c'était un Etat fédéral, où il y aurait une grande
45:40 autonomie des deux, mais il y a un moment donné, regardez la Suisse,
45:42 il faut quand même un moment donné qu'on se retrouve
45:44 sur des valeurs, sur un système de croyance,
45:46 sur un système de croyance démocratique, par exemple.
45:48 Là, on en est quand même extrêmement loin,
45:50 et puis la question démographique est fondamentale.
45:52 - Alors voilà, on va y venir. Très souvent,
45:54 et à chaque fois qu'il y a un effort
45:56 de paix, à chaque fois qu'on avance
45:58 vers une solution, il y a des forces
46:00 obscures, d'ailleurs celles qui sont au pouvoir
46:02 aujourd'hui, vous le montrez très bien, que ce soit
46:04 le Hamas à Gaza, ou bien
46:06 les suprémacistes racialistes
46:08 de la coalition d'extrême droite avec laquelle
46:10 gouverne Benyamin Netanyahou, font tout
46:12 pour saper ces
46:14 forces-là, ces raisons d'espérer.
46:16 La question du droit au retour
46:18 à chaque fois est cruciale,
46:20 des deux côtés d'ailleurs, parce qu'aujourd'hui,
46:22 c'est ça aussi qui revient.
46:24 Comment faire
46:26 avec cette question démographique ?
46:28 Est-ce que l'Etat juif de Theodor Herzl,
46:30 c'est un Etat
46:32 des Juifs, majoritairement,
46:34 et des Arabes, ou pas ?
46:36 - C'est la grande question
46:38 de cette nation juive,
46:40 l'expression de la nation juive, c'est un Etat
46:42 juif et démocratique, c'est comme ça qu'il s'appelle Israël
46:44 aujourd'hui, depuis quelques années, juif et
46:46 démocratique, mais juif.
46:48 La question rend presque impossible,
46:50 même s'il y a aujourd'hui
46:52 20% de la population qui est arabe-israélienne,
46:54 qui n'est pas juive.
46:56 - Qui a des représentants
46:58 à la Knesset, au Parlement. - Qui votent, et qui a condamné
47:00 l'attaque du Hamas, qui est
47:02 globalement anti-Hamas,
47:04 et qui est plutôt pour une situation de paix,
47:06 mais pas avec le Hamas du tout. C'est extrêmement
47:08 complexe, c'est pour ça qu'il faut rentrer dans le pays.
47:10 Sur la démographie, aujourd'hui,
47:12 l'un des grands enjeux démographiques, c'est que
47:14 la plus forte croissance démographique,
47:16 elle est du fait de ceux
47:18 qui sont hostiles à la paix.
47:20 C'est les plus religieux du côté des Palestiniens,
47:22 et c'est les plus religieux du côté
47:24 juif. Aujourd'hui,
47:26 il y a 14% de la population juive
47:28 qui est dite orthodoxe, juive orthodoxe.
47:30 Et là, c'est des gens qui,
47:32 ne seraient jamais d'accord
47:34 avec même l'idée d'un Etat palestinien.
47:36 Ils sont plutôt sur
47:38 le Grand Israël, ils appellent pas la Cisjordanie
47:40 la Cisjordanie, ils l'appellent la Judée Samarie.
47:42 Donc on parle même pas de la même chose, et des mêmes mots.
47:44 Et ces gens-là sont de plus en plus nombreux,
47:46 14%, 20% bientôt, quand ils seront majoritaires
47:48 dans le pays, est-ce qu'on imaginera un jour
47:50 une paix possible ? - En tout cas, c'est passionnant.
47:52 Et c'est très important
47:54 de connaître cette histoire pour éclairer le présent,
47:56 même s'il est très sombre aujourd'hui.
47:58 - On va continuer longtemps, Thomas Snégarov,
48:00 sur le rôle des Etats-Unis alliés, indéfectibles,
48:02 ou pas, vous êtes le spécialiste.
48:04 Mais on s'arrête là.
48:06 Lisez Israël-Palestine, l'anatomie d'un conflit.
48:08 C'est aux éditions Les Arènes
48:10 avec France Inter.
48:12 C'est l'heure des parties prises de nos affranchis
48:14 qu'on accueille pour terminer tout de suite.
48:16 Et le jingle !
48:20 Il est où mon jingle ?
48:22 On va pas chanter, en tout cas installez-vous.
48:24 Richard Verli, le voilà,
48:26 le jingle du quotidien suisse.
48:28 On va le laisser jusqu'au bout.
48:34 Allez, Blic, merci d'être avec nous.
48:36 Et puis Thomas Lestavelle, pour son oeil sur le numérique.
48:38 Bonsoir à vous.
48:40 On commence avec vous.
48:42 Richard, ça y est, il est voté, ce pacte européen
48:44 sur l'asile et l'immigration.
48:46 C'est une victoire qui a été saluée
48:48 immédiatement par beaucoup de dirigeants de l'Union,
48:50 dont Emmanuel Macron, d'ailleurs.
48:52 Sauf que pour vous, à bien y regarder,
48:54 le pacte arrive trop tard.
48:56 Eh oui, un peu trop tard, car même s'il faut se féliciter
48:58 des réformes qu'il contient,
49:00 une lecture attentive montre que les changements
49:02 seront progressifs.
49:04 Alors pourquoi ? D'abord parce que le pacte n'entrera
49:06 en application qu'en 2026.
49:08 Ensuite, parce qu'une partie importante
49:10 de cet arsenal de mesures,
49:12 celle qui concerne la relocalisation
49:14 des demandeurs d'asile acceptés
49:16 sur le territoire européen, reste catégoriquement
49:18 rejetée par la Pologne et par la Hongrie.
49:20 Enfin, parce qu'un sujet reste tabou,
49:22 c'est le renvoi dans les pays d'origine
49:24 des migrants déboutés du droit d'asile.
49:26 La directive "Retour",
49:28 qui doit faciliter les rapatriements français,
49:30 n'a pas été votée dans ce paquet législatif,
49:32 bien qu'elle en fasse partie.
49:34 En clair, ce pacte, c'est un pas juridique
49:36 important pour harmoniser les législations,
49:38 pour uniformiser
49:40 le droit d'asile. On bouche
49:42 les trous, on comble les failles,
49:44 on envisage de créer des centres de rétention
49:46 aux frontières de l'UE, on s'équipe mieux,
49:48 plus efficacement, pour gérer le défi migratoire.
49:50 -Alors, on s'équipe mieux,
49:52 comme vous dites, tandis qu'en France,
49:54 eh bien, au vote contre
49:56 l'ERN, les Républicains, les socialistes
49:58 français, au vote et non
50:00 à ce pacte Asile-immigration, alors que pour
50:02 à la fois les deux derniers,
50:04 les Républicains et les socialistes,
50:06 leur groupe politique,
50:08 à Bruxelles, cette fois,
50:10 ont soutenu ce pacte. -Eh oui, car qui dit
50:12 migrant, dit haute intensité politique
50:14 en campagne électorale pour les Européennes.
50:16 Alors, à droite comme à gauche, on est paralysés.
50:18 C'est d'ailleurs sur ce point que Valérie Ayé,
50:20 la tête de liste Renaissance, a attaqué hier
50:22 Raphaël Glucksmann.
50:24 -La réalité, c'est que vous ne pouvez pas voter ce texte
50:26 pour des raisons de politique nationale
50:28 et non pas sur des raisons de fond.
50:30 Vous le savez très bien, vous êtes l'arbre qui cache
50:32 la mupesse. Ayez au moins le courage
50:34 de cette position. -Alors, oui,
50:36 la tête de liste macroniste, elle a pour le coup
50:38 marqué un point, parce que normalement,
50:40 Raphaël Glucksmann aurait dû voter
50:42 ce texte avec lequel, sur le fond,
50:44 il est d'accord et son groupe l'a négocié.
50:46 Tout le monde sait que cette uniformisation
50:48 des législations, elle, est nécessaire sur la question migratoire.
50:50 Alors, pourquoi les Républicains
50:52 et le PS y sont opposés ? On a tous compris.
50:54 Alors, résumons. Ce pacte
50:56 va-t-il rendre plus difficile l'accueil des migrants
50:58 sur le sol de l'Union européenne ?
51:00 Oui, mais l'on attend toujours de savoir
51:02 à quoi ressembleront ces futurs camps
51:04 aux frontières de l'UE. Est-ce qu'il va faire
51:06 de l'Union une forteresse anti-migrants ?
51:08 Non. Ca, c'est le message
51:10 adressé à tous les humanitaires et aux gens qui crient
51:12 contre les refoulements des migrants.
51:14 Permet-il d'expulser en masse
51:16 les clandestins qui sont aujourd'hui sur le sol de l'UE ?
51:18 Non. Et est-ce qu'il offre la garantie
51:20 que les pays de départ vont coopérer ?
51:22 Non, même s'il y a des accords prometteurs
51:24 comme ceux qui viennent d'être signés avec la Tunisie
51:26 et l'Egypte. En clair, l'Union européenne se donne
51:28 des outils dont elle devra très vite
51:30 prouver l'efficacité. Premier rendez-vous
51:32 le 29 avril avec une réunion
51:34 des ministres des 27 et des pays associés
51:36 de l'espace Schengen. -Merci beaucoup,
51:38 Richard. Je crois que Raphaël Glucksmann
51:40 a voté contre parce qu'il n'y avait
51:42 pas assez de garantie pour le sauvetage
51:44 des migrants, dit-il,
51:46 en mer.
51:48 Comment vous regardez
51:50 l'évolution sur ces questions
51:52 hautement sensibles en Europe ? -C'est passionnant
51:54 parce que ça rebondit avec ce qu'on disait tout à l'heure
51:56 sur l'économie de guerre. On sent que l'Europe
51:58 est aujourd'hui prise entre ses principes
52:00 et la réalité du monde.
52:02 Et que ça frotte énormément.
52:04 Et la crainte, quand on est
52:06 pro-européen, ce que je suis plutôt,
52:08 c'est que les forces anti-européennes
52:10 tirent profit de cette contradiction
52:12 entre le réel et les principes.
52:14 -Alors, vous les avez essayés,
52:16 mon cher Thomas Lestavelle.
52:18 C'est comment ?
52:20 C'est un nouveau casque de réalité
52:22 virtuelle, c'est Apple qui le sort,
52:24 il s'appelle Vision Pro. Verdict ?
52:26 -Oui, effectivement. J'ai eu l'occasion
52:28 de le tester, il n'est pas encore sorti en France,
52:30 donc il faut un peu se débrouiller
52:32 pour le trouver. Alors, question design,
52:34 on va le voir à l'image, ça ressemble à une sorte
52:36 de masque de ski.
52:38 Ça a pris à peu près deux minutes pour le paramétrer,
52:40 je devais suivre du regard différents points
52:42 tout autour de mon visage, et à partir de là,
52:44 le casque est calibré, il est prêt à l'emploi.
52:46 Alors, ce qui est assez bluffant,
52:48 c'est la simplicité et la facilité d'utilisation.
52:50 Pour déclencher une commande,
52:52 il suffit de regarder le bouton,
52:54 il se met en relief, et là, on fait un petit pincement
52:56 de doigt pour cliquer, tout simplement.
52:58 Et, au départ,
53:00 je dirigeais mon bras comme un balourd,
53:02 gauche et à droite, inutile.
53:04 Le regard suffit, c'est un peu comme
53:06 dans nos jeux vidéo, on pense qu'en bougeant la manette,
53:08 ça va aller plus vite, mais non.
53:10 Un regard et un petit pincement suffisent.
53:12 J'ai testé des casques de réalité virtuelle
53:14 par le passé, qui étaient moins chères,
53:16 évidemment, mais qui étaient vraiment décevants
53:18 au niveau de l'expérience.
53:20 Au bout d'un quart d'heure, on a une sorte de nausée,
53:22 type mal des transports. Ici, c'est pas trop le cas.
53:24 C'est assez fluide, c'est assez stable,
53:26 et en plus, ce qui est bien foutu, c'est que
53:28 quand on ouvre une fenêtre, par exemple,
53:30 il y a une ombre portée sur le sol ou sur le bureau,
53:32 qui fait qu'on garde ses repères spatiaux.
53:34 - Alors, justement, qu'est-ce qu'on peut faire ?
53:36 Quelles sont toutes les opportunités
53:38 de ce nouveau casque ? - Alors,
53:40 le premier marché, c'est assez évident,
53:42 c'est le cinéma et les jeux vidéo, tout ce qui est 3D.
53:44 Très peu d'applications à ce jour.
53:46 J'ai pu en tester quelques-unes, et c'est vrai
53:48 que c'est assez impressionnant, l'expérience immersive.
53:50 Je me suis retrouvé dans un parc
53:52 naturel américain, type Yosemite,
53:54 avec la pluie
53:56 en son spatialisé,
53:58 ou à interagir avec un papillon
54:00 ou un dinosaure. Tout ça est très bluffant,
54:02 même s'il y a très peu d'applications.
54:04 Et après, il y a l'autre pan, qui est assez intéressant,
54:06 c'est l'industrie. Et donc là, par exemple,
54:08 j'ai testé le groupe français Safran
54:10 dans l'aéronautique. - On en parlait tout à l'heure.
54:12 - Il a conçu une sorte de maquette
54:14 3D du CFM56,
54:16 qui équipe certains Boeing et Airbus.
54:18 Et donc, j'ai pu me balader autour,
54:20 dévisser, entre guillemets,
54:22 certaines parties, pour mieux comprendre comment ça marche.
54:24 - Ah oui, clairement. Donc, au finish,
54:26 gadget ou
54:28 vraie prouesse technologique ?
54:30 - Alors, Apple dit que c'est
54:32 un ordinateur spatial. Parler d'ordinateur,
54:34 je pense que c'est un peu précoce, parce que, franchement,
54:36 je ne me vois pas utiliser ça pour consulter mes mails
54:38 ou utiliser mes applis habituels.
54:40 Et d'ailleurs, le nombre d'applications à ce jour
54:42 est très faible. Les développeurs ne se sont
54:44 pas saisis de ce marché,
54:46 vu que l'appareil coûte 4 000 euros. Forcément,
54:48 c'est sur du marché de niche. - Ah, quand même, oui.
54:50 - Il y a des studios de réalité virtuelle qui s'y intéressent,
54:52 plus à titre expérimental. Et puis après,
54:54 il y a l'aspect industriel, qui n'est pas inintéressant.
54:56 Ou, par exemple, si on est un ingénieur
54:58 qui vient de rejoindre un industriel,
55:00 on va pouvoir tester
55:02 et découvrir du matériel
55:04 en conditions presque réelles,
55:06 ou travailler dessus avec d'autres personnes à distance
55:08 sur de la 3D, donc manipuler des objets
55:10 pour le design.
55:12 Malgré tout, je reste un peu perplexe,
55:14 parce que c'est vrai qu'Apple nous a habitués à des produits
55:16 très grand public. C'est la première fois
55:18 qu'ils sont sur un segment aussi niche.
55:20 Donc, on va voir si, dans les prochaines générations,
55:22 ils vont arriver à faire baisser les prix
55:24 et à, finalement, créer un effet d'entraînement
55:26 pour les développeurs. - Et donc, d'un mot,
55:28 il faut conclure. - Mais là, on reste plus
55:30 sur le sujet de curiosité, donc...
55:32 Rendez-vous à la fin de l'année, quand ce sera commercialisé
55:34 en France. - Ça marche, ça vous tente d'un mot,
55:36 vraiment. - Moi, ça m'effraie. - Ah bon ?
55:38 - Ah bah oui, j'ai l'impression qu'il se rapproche
55:40 de plus en plus de mon cerveau.
55:42 C'est-à-dire qu'avant, on regardait, maintenant, on est là,
55:44 et bientôt, on sera dans le cerveau. Non, mais...
55:46 Je rigole. Aujourd'hui, c'est le Salon du Livre qui s'ouvre à Paris,
55:48 c'est pas loin d'ici, au Festival du Livre. Les jeunes lisent
55:50 six fois moins de temps à lire que face à un écran.
55:54 - Ouais. - Alors, je fais un peu le vieux con.
55:56 - Donc, mollo sur le casque. - Bah ouais. - Virtuel.
55:58 Bien compris. Allez, on garde un peu de temps
56:00 pour Stéphanie Despierre, qui va nous dire
56:02 tout de la petite comme de la grande
56:04 histoire du jour à l'Assemblée. Bourbon Express, tout de suite.
56:06 - Hi !
56:10 ...
56:15 Bonsoir, Stéphanie Despierre.
56:17 Une affaire de rip, ce soir.
56:19 On raconte l'histoire d'un rip
56:21 qui fait flop. Alors, un rip, c'est
56:23 le référendum d'initiative partagée.
56:25 Les Républicains voulaient faire un référendum
56:27 sur l'immigration, plus précisément
56:29 pour réformer l'accès des étrangers
56:31 aux prestations sociales. La droite
56:33 voulait donc... avait donc déposé mi-mars
56:35 une demande de référendum d'initiative
56:37 partagée, mais le Conseil constitutionnel
56:39 vient de dire non. Alors,
56:41 les sages ont dû vérifier plusieurs
56:43 critères. Pour passer cette première étape,
56:45 il fallait que la proposition soit
56:47 signée par 185 parlementaires.
56:49 Alors, députés et sénateurs,
56:51 LR compris, c'était bon. Il fallait
56:53 aussi que le thème du référendum concerne
56:55 l'organisation des pouvoirs publics
56:57 ou la politique économique,
56:59 sociale ou environnementale.
57:01 Là encore, c'est oui. L'immigration
57:03 rentre bien dans ce cadre-là.
57:05 Ça, c'était moins attendu. Et autre
57:07 critère, le dernier, le respect de la Constitution.
57:09 Et c'est là que ça coince. Le Conseil
57:11 constitutionnel estime que la mesure
57:13 qui impose une durée de résidence minimale
57:15 à un étranger en situation régulière
57:17 pour toucher des allocations familiales
57:19 est contraire aux principes constitutionnels.
57:21 La droite voulait qu'un étranger qui
57:23 travaille attende 30 mois, un qui ne
57:25 travaille pas 5 ans pour bénéficier des
57:27 prestations sociales. C'est excessif
57:29 et c'est une atteinte disproportionnée
57:31 aux droits des immigrés, a tranché le
57:33 Conseil constitutionnel. - Et c'est la déception,
57:35 j'imagine, à droite. - Oui, les républicains
57:37 ont perdu leur pari politique. Dans ce
57:39 RIP, ils reprenaient une partie des mesures
57:41 assurées dans la loi immigration par
57:43 les Sages, déjà en janvier. L'objectif,
57:45 c'était de remettre la pression sur le gouvernement.
57:47 Eh bien, c'est raté. Alors, Éric Ciotti
57:49 tweet "Quelle surprise,
57:51 les Français sont interdits de parole
57:53 sur l'immigration par Emmanuel Macron".
57:55 Alors, la surprise, c'est un peu ironique, Myriam,
57:57 parce qu'en fait, depuis plusieurs jours, les républicains
57:59 ne se faisaient pas beaucoup d'illusions.
58:01 Mais ça ne les empêche pas de tirer sur Emmanuel Macron
58:03 et sur le Conseil constitutionnel.
58:05 Pour Bruno Retailleau, patron des sénateurs
58:07 de droite, le Conseil outrepasse
58:09 son rôle. "Nous avons, dit-il, désormais
58:11 la certitude que la lutte contre l'immigration
58:13 passe par une réforme de la Constitution."
58:15 Et Pierre-Henri Dumont, député du Nord,
58:17 lui est plus en colère encore. Il dit que le Conseil
58:19 constitutionnel accepte une condition
58:21 de résidence de cinq ans pour
58:23 le RSA, ça, ça existe déjà, mais pas
58:25 pour les autres prestations. Et donc, il
58:27 estime que le Conseil a changé son interprétation,
58:29 sa jurisprudence, uniquement pour bloquer
58:31 le RIP de la droite. - D'un mot,
58:33 il n'y a jamais eu, en fait, de RIP
58:35 déclenché, non ? - Non, jamais.
58:37 Il y a eu six tentatives déposées formellement
58:39 au Conseil constitutionnel, aucune n'a abouti.
58:41 Une seule a franchi l'étape de
58:43 la validation des sages, c'était, souvenez-vous,
58:45 le RIP contre la privatisation
58:47 d'Aéroports de Paris en 2019,
58:49 mais elle a raté la deuxième étape.
58:51 Il fallait 4,7 millions de signatures de
58:53 Français, elle n'en a eu qu'un million,
58:55 et donc elle n'est jamais arrivée au bureau de vote.
58:57 - Merci beaucoup Stéphanie Despierre,
58:59 merci les affranchis. Thomas Négaroff, merci
59:01 beaucoup, on est en retard, il me reste une poignée de secondes
59:03 pour vous dire de ne pas manquer, surtout
59:05 pas manquer, Rambobina avec Patrick Cohen
59:07 ce soir numéro spécial
59:09 "Femme de Patrick Bruel", comme moi,
59:11 le chanteur revient sur l'émission
59:13 "Avis de recherche 1989"
59:15 avec Patrick Sabatier qui a fait
59:17 basculer sa carrière. Très belle soirée
59:19 sur LCP, à demain,
59:21 19h30.
59:23 (Générique)
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