INfluencia café - Thomas le Thierry d'Ennequin

  • il y a 5 mois

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00:00 [Musique]
00:09 Bonjour Thomas.
00:10 Bonjour Sébastien.
00:11 Merci d'être venu prendre un café à l'Influencia Café.
00:14 Je suis très content, très touché que tu sois passé, juste après avoir quitté ton poste de patron Europe d'Ensoum il y a quelques jours,
00:27 et donc pour nous raconter en gros ta nouvelle vie et surtout ton expérience de 30 ans passé chez Densu au niveau mondial.
00:35 Et ça me paraissait passionnant que tu nous racontes à la fois 30 ans de transformation de ce métier en agence média,
00:43 que j'ai fait également, et puis que tu nous racontes tes nouveaux projets et aussi ton autre vie,
00:50 ta vie d'hôtelier que les gens connaissent peut-être moins bien.
00:54 Avant tout, la semaine dernière, tu étais chez Densu, patron de l'Europe, et aujourd'hui tu es maintenant chez toi.
01:02 Est-ce que tu peux nous raconter pourquoi tu es parti et quelle est ta nouvelle vie professionnelle ?
01:10 En fait oui, d'abord merci de m'inviter.
01:13 30 ans chez Densu et un peu plus dans les agences et chez l'annonceur.
01:17 Il arrive un moment où le monde corporette, on en souffre un peu, il est un peu en silo, il est un peu trop organisé, il est un peu trop structuré.
01:26 Et moi j'avais envie, 10 ans avant la retraite, de prendre mon indépendance et de m'essayer à une vie plus autonome,
01:34 un peu comme on prend un bateau, et puis prendre la mer et voir ce que ça donne.
01:39 Je pense que les agences ont aussi besoin d'avoir potentiellement des consultants très seniors
01:44 pour venir les aider, les accompagner sur la croissance, que ce soit la croissance de clients existants ou l'acquisition de nouveaux logos.
01:51 Et moi ça m'intéressait de m'essayer d'être dans une posture plus consultant, indépendant, autonome.
01:59 Et donc tu crées ta structure de conseil, Ubiquit.
02:03 Et donc ça y est, c'est parti.
02:06 C'est parti, on dépose les statuts cette semaine.
02:09 J'ai commencé à voir un ou deux groupes médias et les retours ont été assez favorables.
02:15 J'ai pitché le projet notamment à l'une des structures mondiales et elle l'a bien accueillie, donc ça m'a encouragé.
02:22 D'accord, donc tu restes quand même dans le milieu du conseil médias, on va dire, ou du conseil stratégique.
02:28 Oui.
02:29 Mais tu te mets à ton compte.
02:30 Exactement.
02:31 Et on rembobine un peu, donc 30 ans de Densu.
02:37 Alors on s'est croisés chez Cara il y a très très longtemps.
02:40 On n'a jamais vraiment travaillé ensemble, c'est pas faute d'avoir essayé de ma part, mais je n'y suis jamais arrivé.
02:47 Et donc basé entre Paris et Londres pendant de nombreuses années.
02:52 Et quel est ton regard sur ces grandes transformations, on va peut-être pas faire les 30 dernières années, mais les 10-20 dernières années,
03:00 c'est quoi ce qui t'a vraiment vraiment marqué ?
03:03 Alors je pense que l'élément le plus structurant c'est la mondialisation des médias.
03:09 Que ce soit il y a 20 ans ou il y a 30 ans, ça ne change pas grand-chose, le média était 100% local.
03:14 Il y avait quelques acteurs médias mondiaux, les Decaux, les Clear Channel, etc.
03:20 Mais en fait, leur façon d'organiser le média était incroyablement locale.
03:24 Et ils n'étaient pas tellement intéressés à l'idée de signer un deal mondialisé avec une agence sur l'affichage,
03:30 parce qu'ils avaient tout à y perdre, ils préféraient trader localement.
03:33 Aujourd'hui, la façon dont on réfléchit, dont on articule, dont on déploie et dont on trade le média,
03:39 c'est vraiment devenu un enjeu mondial.
03:42 Alors il reste des médias locaux dans chacun des marchés qui sont assez puissants,
03:45 si on pense au TF1 ou France Télévisions de ce monde, c'est pareil dans les autres marchés.
03:53 Mais quand même, la très grosse partie du business média se trade à un niveau mondial.
03:57 Et du coup, ça veut dire un poids croissant des coordinations internationales, des sièges internationaux ?
04:03 Alors un poids croissant des sièges internationaux, des unités de coordination,
04:09 mais aussi des architectures médias mondiales,
04:12 puisqu'évidemment, aujourd'hui, si vous êtes un client qui vend quelque chose,
04:17 elle le vend sur Amazon, et donc son média, c'est aussi son channel de vente.
04:23 Et donc, elle ne peut pas commencer à regarder les choses marché par marché,
04:27 puisque sinon, un consommateur allemand vient faire ses courses en France.
04:30 Donc tout ça devient totalement globalisé,
04:32 et le média n'est pas juste un canal de diffusion d'un message,
04:36 mais aussi évidemment de transformation business.
04:39 D'accord, ça veut dire que toutes les agences doivent devenir internationales si elles veulent…
04:43 Toutes les agences sont absolument condamnées à devenir internationales et à avoir…
04:47 Ou à avoir un savoir-faire international.
04:49 …un concept et un savoir-faire international. Ça, c'est absolument évident.
04:52 Et du coup, justement, il y a énormément de réseaux, des grands réseaux,
04:57 donc Densu dans ton cas, et il y a moins d'agences indépendantes,
05:02 en tout cas en France, il n'y en a plus beaucoup,
05:04 mais elles ont plutôt assez bien marché ces dernières années.
05:08 Toi qui es un assez grand observateur, justement, de ce marché-là dans le monde,
05:12 est-ce que dans d'autres pays, il y a un retour ou un succès des agences indépendantes ?
05:18 Alors moi, je pense qu'il y a un retour et un succès des agences indépendantes.
05:21 Il y a cinq, six grosses holdings très installées.
05:26 On pourrait comparer notre marché à celui de la cosmétique,
05:29 où on va trouver à Procter, à L'Oréal, à Colgate, à Henkel,
05:32 qui font des produits cosmétiques, et qui se retrouvent depuis 15 ans
05:37 archi-challengés par des tout petits faiseurs qui vont sortir une marque,
05:41 que ce soit un Aesop ou un Drunk Elephant, quelque part dans le monde,
05:46 et d'un seul coup, c'est des marques qui vont être valorisées,
05:49 un milliard, deux milliards, et qui vont être rachetées par ces gros groupes,
05:52 parce que justement, elles ont incroyablement peur d'être déstabilisées
05:56 par cette concurrence émergente.
05:57 Dans le monde de la communication et des médias, c'est à peu près la même chose.
06:01 On avait des agences indépendantes qui étaient toutes petites
06:04 et qui ne pouvaient pas se permettre de monter sur des gros appels d'offres.
06:08 On s'aperçoit aujourd'hui que ce soit Assembly aux États-Unis
06:12 ou Media+ en Allemagne, on commence à avoir des networks d'agences indépendantes,
06:17 puisqu'elles ont très bien compris que la mondialisation était une obligation,
06:21 et qui vont s'installer et durablement être très crédibles.
06:24 On a vu Media+ en Allemagne s'associer avec l'initiative de Soroll
06:29 et gagner la consolidation digitale de BMW pour l'Europe il y a trois ans,
06:34 et on a vu l'année dernière Assembly, dont personne n'a tellement entendu
06:37 parler en France, mais qui est une grosse agence américaine,
06:40 qui a maintenant un network en Europe et qui gagne le business d'Estée Lauder pour IMEA.
06:45 Et donc on voit ces agences indépendantes, de la même manière que dans l'univers
06:49 des cosmétiques, on peut avoir des petits acteurs qui grossissent comme des champignons
06:53 et qui partent de pas grand-chose, mais la plateformisation du monde des médias
06:58 permet aujourd'hui de faire cela, et le ticket d'entrée qui était inaccessible
07:01 pour un petit acteur il y a 20 ans, aujourd'hui il est très accessible.
07:05 Et si on prend la même métaphore, finalement Aesop se fait racheter par L'Oréal,
07:11 et finalement il n'y a pas beaucoup d'acquisitions d'agences indépendantes
07:14 ces dernières années, parce que les grands réseaux considèrent qu'ils ont déjà
07:17 la taille critique ou le volume, je ne sais pas, en tout cas on voit peu d'acquisitions.
07:21 À mon avis, à la minute où ces agences indépendantes vont commencer à gagner
07:25 significativement des parts de marché, on reverra une série d'acquisitions,
07:29 et les gros, gros acteurs éviteront très largement de laisser grandir ces réseaux.
07:34 D'accord. Alors on va revenir deux secondes sur le marché français,
07:38 parce qu'on a une spécificité qui est évidemment la loi Sapin,
07:41 et je voudrais avoir ton point de vue. En France, il y a deux choses qui me paraissent importantes.
07:46 La première, c'est que la rentabilité des agences médias est effectivement
07:50 beaucoup plus faible que dans d'autres pays, je ne sais pas si c'est la loi Sapin
07:53 ou le taux de charge salariale, ou les deux. Et puis il y a le fait qu'on a tendance
08:00 à se plaindre assez souvent des mauvaises rémunérations des annonceurs.
08:05 Est-ce que c'est un phénomène que tu as pu observer ailleurs, ou c'est franco-français ?
08:10 Je pense que les annonceurs sont extrêmement regardants sur la dépense,
08:16 et donc forcément, ils ont tendance à négocier brutalement les fils des agences,
08:21 et donc les agences se plaignent que la négociation avec les annonceurs est parfois extrêmement dure.
08:26 Ceci étant dit, moi je viens de passer les 15 dernières années à avoir pratiquement
08:32 200 jours de contrat de travail hors France, donc j'ai bien vu le marché global,
08:37 pour un moment, et européen ces dernières années. On a évidemment un cas absolument unique en France,
08:43 qui est la loi Sapin, et la loi Sapin a eu un vice et une vertu.
08:47 La vertu, c'est qu'elle a rendu le marché transparent, donc elle a beaucoup assaini le marché,
08:53 et elle a fait pivoter les agences dans un registre de conseil.
08:57 Les agences qui étaient historiquement des agences de trading, qui faisaient de la chavente,
09:01 sont devenues des agences de conseil, et elles ont vendu du conseil, donc ça c'était hyper vertueux.
09:06 Le vice, c'est que ça a asséché le marché, c'est-à-dire qu'on s'est retrouvé dans une situation
09:10 où la loi Sapin serrait la rémunération des agences extrêmement fort,
09:16 et ne permettait beaucoup moins aux agences de s'enrichir de talents,
09:20 et de savoir-faire, et d'innovation, et de créativité.
09:23 Et quand on voyage à travers le monde ou l'Europe, on s'aperçoit que les agences dans d'autres marchés
09:29 ont des talents qui sont beaucoup plus seniors, peuvent avoir des schémas hiérarchiques
09:36 qui sont plus structurés, et avoir davantage d'innovation, davantage de créativité
09:43 dans la façon d'organiser les schémas médias, de faire des vrais partenariats avec Google, Microsoft,
09:49 Facebook, sur des développements technologiques ad hoc, etc.
09:53 Et ça, je pense que la loi Sapin a eu tendance à museler un peu ça sur le marché français, c'est dommage.
09:58 Parce que quand la loi Sapin est arrivée, au contraire, on est monté très fortement vers la stratégie,
10:03 et la France a été pendant un moment, je ne sais pas si c'est encore le cas,
10:06 un des marchés les plus sophistiqués, je ne sais pas quel est ton regard là-dessus,
10:09 mais en médias en tout cas, la France était quand même un marché très sophistiqué, en études, en outils.
10:14 Oui, mais moi je pense qu'en études, en outils un peu old school, c'est tout à fait le cas.
10:19 En vraie créativité, innovation, développement tech avec les acteurs, que ce soit des start-up ou les GAFAM,
10:25 c'est beaucoup moins le cas. Et je trouve des choses incroyablement plus intéressantes
10:29 qui peuvent être faites au Japon, en Chine, aux Etats-Unis ou en Angleterre,
10:33 que ce que je vois sur le marché français. Avec du coup, des rémunérations qui sont aussi plus généreuses,
10:38 parce que quand vous proposez à un client quelque chose qui va réellement créer de la valeur,
10:43 faire vendre beaucoup de produits, évidemment l'annonceur est capable d'acheter une proposition
10:48 avec des tarifs qui sont plus intéressants pour l'agence.
10:51 Ok. Bon, donc si on veut bénéficier de cette vision-là, on appelle Ubiquit à partir de la semaine prochaine.
11:01 Bon alors, tout en continuant cette carrière chez Densu, tu avais une deuxième vie, une autre vie,
11:11 une vie entrepreneuriale, d'hôtelier. Et j'aimerais que tu nous en dises un mot,
11:15 parce que c'est à la fois passionnant et puis tu en parles extrêmement bien.
11:19 Et je pense que le fait que tu sois après Densu, tu viennes consultant et pas entrepreneur,
11:24 c'est parce que tu as déjà cette vie entrepreneuriale en partie.
11:27 Donc Jacques, tu racontes pour ceux qui ne connaissent pas les échasses.
11:31 En fait, moi j'ai grandi à l'étranger, donc j'ai passé énormément de temps dans les hôtels.
11:36 Et ensuite, quand je suis rentré dans les agences, j'ai énormément voyagé,
11:40 donc j'ai aussi passé beaucoup de temps dans les hôtels.
11:42 Donc les hôtels m'ont toujours intéressé, les hôtels et les restaurants.
11:45 Et du coup, il y a une vingtaine d'années, j'ai décidé d'ouvrir un hôtel, j'ai acheté un terrain
11:50 et j'ai eu l'ensemble des permis, etc. aux alentours de 2015.
11:54 On a ouvert en 2015, donc ça ne fait pas tout à fait 10 ans, mais pas très loin.
11:58 Et on a créé un lodge écologique 4 étoiles, donc il y a un hôtel à côté de Seugor, dans le sud d'Elande.
12:05 Et depuis 2 ans, on a associé un restaurant à cet établissement.
12:10 Et l'idée, c'est vraiment de faire quelque chose qui soit en grande partie autosuffisant.
12:15 Donc on a un verger, un potager, donc c'est un petit peu aussi une ferme.
12:19 Et évidemment, sur le site, on arrive à produire, à conditionner et à consommer une grosse partie de notre production.
12:26 Donc c'est un schéma d'hôtel assez particulier. On n'a que 9 chambres, donc c'est tout petit.
12:31 Mais il y a une dixième chambre en préparation quelque part.
12:34 Oui, il y a une dixième chambre en préparation à Gavarnie.
12:38 Donc pas à Seugor, mais ailleurs, mais ça reste les Echasses.
12:42 Oui, c'est la grange des Echasses, c'est un refuge autonome de moyenne montagne.
12:46 Donc on n'aura pas de connexion au réseau, ni d'eau, ni de gaz, ni d'électricité.
12:51 Et on est à 1700 mètres d'altitude, dans un endroit qui est très, très préservé.
12:57 Et on a restauré une grange vernaculaire totalement à l'identique de ce qu'elle était il y a 300 ans.
13:03 Et ça ouvre quand ?
13:04 Ça ouvre 1er juillet.
13:07 Donc voilà, pour ceux qui nous regardent, il y a deux choses à faire.
13:12 Soit aller aux Echasses, soit consulter Ubiquit, mais en tout cas, deux options absolument passionnantes
13:17 si on veut continuer à te voir et à travailler avec toi.
13:20 Merci d'être venu Thomas, c'est absolument passionnant à chaque fois.
13:23 Merci Sébastien.
13:24 Merci à toi.
13:25 [Musique]