Aller au théâtre ou aller au cinéma, il faut choisir…
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00:00 « Édito culture, Laurent Delmas, aller au théâtre ou aller au cinéma, faut choisir ! »
00:04 Je ne veux pas vous parler ce matin, Nicolas, des adaptations au théâtre de chefs-d'œuvre
00:08 du cinéma comme les « D'année » ou « La Règle du jeu », même si je considère que
00:11 ce furent la plupart du temps de fausses bonnes idées.
00:14 Non, non, c'est une autre tendance actuelle et beaucoup plus envahissante, qui est à
00:17 l'origine de cette chronique et de mes interrogations matinales.
00:20 L'utilisation de la vidéo et du cinéma sur les plateaux de théâtre.
00:24 On a pu voir très récemment au théâtre du Rond-Point à Paris et auparavant au cours
00:28 d'une tournée en province, une pièce de Marc Lenné intitulée « En travers de sa
00:32 gorge » dans une mise en scène de son auteur.
00:35 Dès le lever de rideau, on est prié de partager en permanence son regard entre un
00:39 écran géant qui occupe la moitié de la scène dans sa largeur et le plateau, proprement
00:44 dit, où évoluent les acteurs.
00:46 Alors que faut-il vraiment regarder ? Les acteurs ou leur image filmée d'un autre
00:51 point de vue ? Suis-je au théâtre ou au cinéma ? Je lève les yeux ou je les baisse ?
00:55 Et surtout, pourquoi solliciter ainsi une impossible ubiquité visuelle ? Et pour nous
01:00 dire quoi ? Je cherche encore, après 2h30 de représentation, la nécessité d'un procédé
01:06 dont on peut se demander si la seule raison d'être n'est pas de draguer le chalant
01:09 avec de l'image animée.
01:11 On cache ainsi ce qui fait l'essence même du théâtre, sa singularité, sa fragilité
01:16 et sa force.
01:17 Un spectacle vivant à tous égards.
01:19 Là où le cinéma filme des fantômes à jamais, le théâtre, on le sait bien, montre
01:24 l'éphémère absolu.
01:25 Sommes-nous devenus à ce point incapables d'être sans image dans l'instant présent ?
01:31 Vous êtes donc en train de nous vendre un nouveau moratoire, mais cette fois sur l'utilisation
01:35 de la vidéo au théâtre ?
01:36 Non, rassurez-vous Léa, je sais séparer le bon grain de la caméra utile et de l'ivret
01:43 du gadget vidéaste.
01:44 Car j'ai en tête d'autres représentations irréprochables, comme cet extrait extra
01:49 réjouissant spectacle qui se donne actuellement au Théâtre Montparnasse à Paris où François
01:53 Léan et Nicolas Brianson reprennent les sketchs drôlatiques de Poiré et Serrault.
01:58 Entre chaque sketch, de courts intermèdes filmés n'empêchant rien la réussite de
02:03 l'ensemble.
02:04 Et puis le recours à la vidéo peut être légitimé par ce que raconte la pièce.
02:08 C'était le cas par exemple de celle de Valérie Lévy, mise en scène par Nadia Jeandot,
02:12 « J'avais ma petite robe à fleurs » et dans laquelle l'héroïne, jouée par Alice
02:16 Delong-Saint, se filme elle-même à la demande d'une émission de télé-réalité.
02:20 Capté et diffusé sous nos yeux, l'image fait alors sens et de façon absolue.
02:25 Alors pas de moratoire donc, mais la certitude que mettre un écran et/ou une caméra sur
02:31 une scène de théâtre doit relever d'une nécessité narrative et non d'une pratique
02:36 chic et toc.
02:38 Bien compris Laurent Delmas, mais lâchez-vous sur les moratoires, vous avez table ouverte.