"On n’est plus du tout maître de soi-même. L’homme bien qui était en toi devient malheureusement un homme mauvais." Jerôme Thomas est champion du monde de boxe, double médaillé olympique. Pour neo, il partage son combat contre la dépendance à l'alcool et explique comment il a réussi à en sortir.
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00:00 C'est une descente aux enfers.
00:01 L'homme bien qui était en toi devient malheureusement un homme mauvais
00:05 qui se nourrit d'alcool, qui ne mange pas pour avoir de la place pour boire.
00:08 Tu préfères ta canette à ta femme.
00:11 Mon appart, j'ai appelé ça ma planque de junkie.
00:13 Bonjour, je m'appelle Jérôme Thomas.
00:15 Je suis champion du monde de boxe, double médaille olympique
00:18 et ça ne m'a pas empêché de tomber dans l'alcool.
00:20 Je vais vous raconter mon histoire.
00:21 Il faut savoir dans la boxe, si tu veux la marseillaise, il faut être le number one.
00:24 Donc j'ai eu la marseillaise, la notoriété, la reconnaissance et voilà.
00:29 J'ai été Jérôme Thomas comme j'ai toujours voulu l'être.
00:31 Moi, j'ai toujours voulu de la reconnaissance
00:33 parce que je suis né d'une famille de 7 enfants.
00:35 Je suis né avec un handicap, le syndrome de Paulande.
00:38 Mes petits frères étaient plus grands que moi, donc j'étais vachement introverti.
00:43 J'ai toujours recherché cette reconnaissance et je me suis dit
00:45 malgré mon handicap, c'est comme ça que je vais exister.
00:47 Je vais aller chercher la performance et devenir quelqu'un.
00:50 Alors, qu'est-ce qu'est la vie d'un athlète de haut niveau et d'un champion du monde ?
00:53 Tu réalises ce que tu as fait quand tu descends de l'avion.
00:56 Tu te dis "Waouh, il y a 5 bus qui t'attendent".
00:58 Voilà, maintenant tu es médailleux olympique, il faut tenir le cap.
01:00 En sachant que derrière, je suis champion du monde,
01:03 premier Français à l'être, c'est un truc de dingue.
01:05 Tu perds un peu les pédales, si tu as le cap de le dire.
01:07 Mais il y a des gens assez bienveillants qui te font revenir dans le droit chemin.
01:11 C'est vrai que pendant 6 mois, tu te demandes si tu es encore un sportif
01:15 ou si tu es un jet-setter.
01:16 Il faut savoir que dans la boxe, on fait des régimes de fou.
01:19 Tous les mois, on fait des compétitions.
01:21 Qu'on gagne ou qu'on perd, derrière tous ces sacrifices,
01:24 il y a quand même le côté festif.
01:26 On va fêter la victoire ou malheureusement fêter la défaite.
01:28 Mais on est obligé de se gratifier.
01:30 On reprend 3-4 kilos en 3-4 jours.
01:32 Et puis bien sûr, on commence à boire de l'alcool
01:35 parce qu'il y a un besoin d'adrénaline.
01:37 Ce qu'on n'a pas eu dans la compétition, on va la chercher ailleurs.
01:39 Et notamment pour ma part, moi je suis tombé dans l'alcool assez vite et assez tôt.
01:44 Moi je suis arrivé à Paris, j'avais 16 ans.
01:46 Je viens de Saint-Quentin en Picardie.
01:47 Voilà, je découvre Paris, waouh.
01:49 La vie que je voulais mener va se réaliser.
01:52 Donc je sors avec les grands parce que j'ai 16 ans, je n'ai pas le permis.
01:55 Mes parents m'ont fait une autorisation de sortie parce que je suis interne à l'INSEP.
01:59 J'assure à l'entraînement, mais je découvre la vie parisienne.
02:02 Ce qui engraine la fête, les soirées, les femmes.
02:06 Enfin voilà, je deviens un homme.
02:08 On n'est plus du tout maître de soi-même.
02:10 L'homme bien qui était en toi devient malheureusement un homme mauvais
02:14 qui se nourrit d'alcool, qui ne mange pas pour avoir de la place pour boire,
02:18 qui pense à l'alcool matin, midi, soir.
02:21 Tu essayes de garder une vie sociale, mais après elle n'existe plus.
02:24 Tu préfères ta canette à ta femme.
02:26 Tu oublies tes amis.
02:28 Mon appart, j'ai appelé ça ma planque de junkie.
02:30 J'ai fait la facilité, je me suis caché à boire chez moi après.
02:33 Le 20 janvier, c'est mon anniversaire.
02:35 C'est en 2012.
02:36 Je ne peux pas le fêter parce que je sais que je vais boxe 10 jours après ou 12 jours après.
02:40 Donc je dis, je ne bois pas.
02:41 Donc j'attends, je m'entraîne, je m'entraîne.
02:43 Et le samedi, une semaine avant le combat, je me mets une caisse.
02:45 Donc j'arrive au combat.
02:47 On connaît la suite.
02:48 Je me fais mettre en l'air au troisième round contre un mec que j'avais déjà battu.
02:52 Et là aussi, c'était le déclic.
02:53 L'arrêt de la carrière et de la facilité, on va se mettre à l'alcool.
02:58 Mon addiction, ça a vraiment impacté toute ma vie.
03:01 La vie sociale, la vie familiale, mes fiancés, mes comptes.
03:07 Même eux, ils pleurent, je pense.
03:09 À ce moment-ci, tu es dedans, tu es dans la tourmente.
03:11 C'est un tourbillon, il faut le déclic.
03:13 Je ne sais pas pourquoi, ce jeudi 5 octobre, j'invite mes parents à manger chez moi.
03:17 Et au dernier moment, je les rappelle, je leur dis non, ne venez pas.
03:20 De là, je m'alcoolise, je m'alcoolise.
03:22 Jusqu'au moment où le pourquoi du comment, je ne sais pas, ma copine arrive.
03:25 Je lui jette de la monnaie et je lui dis va-t'en.
03:27 Elle part parce qu'elle me connaît, elle sait que j'ai un problème d'alcool.
03:30 Et de là, il y a quand même un moment de lucidité, qu'est-ce que j'ai encore dit ?
03:34 Bien sûr, je ne me rappelle pas.
03:35 Et là, je pense que c'est le moment critique pour ma vie.
03:38 Je pense que je vais faire une connerie.
03:39 J'ai bu, j'ai bu et j'ai bu.
03:41 Il en reste plein le frigo.
03:42 J'appelle mes frères et ils débarquent chez moi.
03:44 Ils m'enlèvent tout l'alcool dans le frigo.
03:46 Il y a eu quatre jours où je suis resté sans boire, mais sans assistance.
03:51 Donc, ce qui me fera faire la crise "tremendous",
03:53 la crise où tu vois des gens chez toi.
03:56 Tu vois des gens chez toi parler, c'est un truc de dingue.
03:59 Je l'ai vécu, ma copine l'a vécu parce qu'elle était quand même dans le lit.
04:02 Donc là, je parlais, je me battais, je faisais arrête.
04:06 Mais un truc de dingue.
04:07 Aujourd'hui, j'en rigole, ma copine en rigole.
04:10 Mais sur le coup, elle a hésité à appeler le SAMU.
04:13 Je voyais des araignées marcher, j'entendais des bruits, des gens.
04:16 Je chantais que je faisais une crise de pédepsie.
04:19 Je chantais mon cou pour...
04:21 Je pensais faire un AVC.
04:23 Waouh !
04:23 Enfin, j'ai vécu une nuit de folie.
04:25 Donc, tout ça, il y a une petite semaine avant d'arriver vraiment à me faire suivre
04:30 par des vrais médicaments et des vrais médecins.
04:32 Parce qu'au début, pendant quatre jours, j'ai fait ça moi-même à l'arrache.
04:35 Je croyais que j'étais un warrior, mais en vrai, non.
04:37 Il faut vraiment faire attention à ça aussi.
04:39 On n'arrête pas l'alcool comme ça tout seul.
04:40 Il faut se faire aider.
04:41 C'est pire que le reste, parce que le reste, tu peux avoir des substituts.
04:45 L'alcool, il n'y en a pas.
04:46 C'est ça qui est dangereux.
04:46 Une semaine après, je crois aller en cure.
04:49 Finalement, je ne vais pas en cure.
04:51 Je vais en sevrage.
04:52 Le sevrage, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est une semaine où tu ne bois pas,
04:57 où tu as un suivi médicamenteux pour t'aider à dormir, à ne pas avoir envie de boire.
05:03 Bien sûr, tu compenses, tu manges de fou.
05:05 On te laisse être visité par ta famille et tes proches pour aider.
05:09 Bizarrement, il y avait une morgue, mais pas pour les alcooliques,
05:12 parce que le sevrage, il se fait dans le même établissement que la cure.
05:14 Il y a beaucoup de personnes âgées en fin de vie.
05:17 J'ai vu plein de personnes âgées partir.
05:19 En un mois, j'en voyais sur un partir tous les jours.
05:22 Pas pour l'alcool, mais pour des maladies.
05:26 Ils étaient en fin de vie.
05:27 Donc, peut-être que ça fait réfléchir aussi.
05:29 Tu dis, ça peut être ton tour.
05:31 C'est tout un cheminement qui fait réfléchir finalement.
05:34 Je n'ai pas touché d'alcool depuis le 5 octobre.
05:37 Il faut savoir que j'ai combattu dans le sport.
05:39 Aujourd'hui, j'ai un autre adversaire,
05:41 même peut-être plus dur que mes adversaires de la boxe.
05:44 C'est ce poison que j'appelle l'alcool.
05:46 C'est tous les jours, tous les jours, j'y pense.
05:49 C'est un deuxième Jérôme Thomas.
05:50 Je revis tout ce que j'avais laissé tomber.
05:52 L'homme des podiums, des Jeux olympiques.
05:55 Encore aujourd'hui, j'ai une fierté.
05:56 Je suis le plus grand palmarès de l'histoire de la boxe française, amateur.
05:59 Je suis resté 24 ans sur les plaquettes.
06:01 Je sais de mon tour avec plaisir, sans amertume.
06:04 Pour l'instant, j'ai des mauvaises choses dans ma vie,
06:07 parce que j'étais alcoolique.
06:09 Mais aujourd'hui, je regarde devant et l'alcool, on va le laisser derrière.
06:13 Un nouveau Jérôme Thomas est né il y a 4 mois.
06:16 C'est calme de le dire.
06:17 [Générique]