Mehdi Djaadi : L'infertilité masculine

Lou

« Quand je voyais un enfant, j’avais une montée de larmes. » Mehdi Djaadi est comédien. Pour Lou, il est venu briser le silence autour de l’infertilité masculine et nous a partagé son histoire.   Son spectacle « Coming Out » est actuellement en tournée dans toute la France !

Transcript

00:00 La fameuse question "J'ai des enfants ?"

00:02 Je dis "Bah non, la vie ne nous en a pas encore fait le cadeau."

00:07 Et parfois, il y a la question maladroite qui vient derrière.

00:10 "Ah, pas encore."

00:11 Et à ça, bon, on répond "Non, pas tout court."

00:15 Salut Lou, c'est Mehdi Diadi.

00:17 Je suis comédien et je viens vous parler de l'infertilité masculine.

00:21 Restez là.

00:22 Enfin, surtout les gars, restez là.

00:23 Anne et moi, on a 37 ans et on s'est mariés à 32 ans.

00:27 Assez rapidement, on s'est dit qu'on était ouvert à la vie

00:30 et qu'on voulait plein d'enfants.

00:32 Et puis, après une année de mariage, une année et demie, deux ans,

00:35 c'est un temps qui est long.

00:36 On se rend compte que ça ne vient pas.

00:38 En fait, nous, on était dans une zone grise,

00:40 c'est-à-dire qu'il n'y a pas le coup près qui est tombé en nous disant

00:42 "Vous êtes stérile."

00:43 On nous a dit "En fait, ça va des deux côtés, mais on ne sait pas pourquoi."

00:47 Et au bout de la troisième, quatrième année,

00:49 on se dit qu'il y a vraiment un problème.

00:51 Ça a été très dur parce qu'on a fait trois fausses couches en un an.

00:55 Les fausses couches, c'est hyper compliqué

00:58 parce que vous êtes tout seul dans votre désespoir.

01:01 Et puis, c'est une souffrance psychologique, mentale,

01:03 puisque vous ne pouvez en parler à personne.

01:05 Comment tu l'as vécu, en fait ?

01:06 C'est une énorme épreuve.

01:07 C'est une épreuve.

01:08 On ne comprend pas.

01:09 Il y a de la colère envers soi, envers la vie, envers les autres.

01:13 Le nombre de fois où je m'en suis voulu de maudire

01:17 les personnes qui nous annonçaient qu'elles avaient des enfants,

01:20 au bout d'un moment, je ne pouvais plus entendre.

01:22 Je ne pouvais plus voir une femme enceinte.

01:24 Je voyais un enfant, j'avais une montée de larmes.

01:26 Puis en plus, on a l'impression de faire une fixette.

01:28 Donc, on voit des bébés partout.

01:29 Au bout d'un moment, il y a aussi une espèce de fracture sociale

01:32 dans le sens où les gens de votre génération ont eu des enfants,

01:35 donc ils se retrouvent entre eux.

01:36 Il y a ceux qui n'ont pas encore d'enfants, mais qui sont célibataires.

01:38 Et donc, vous êtes là aussi, socialement, dans un espèce de no man's land

01:41 où vous n'allez plus trop boire des coups avec les potes célibes.

01:45 Vous n'allez pas au parc avec ceux qui ont des enfants.

01:47 Donc, c'est vrai que même la vie sociale prend un coup

01:50 parce qu'on se retrouve un peu seul.

01:52 Et toi, tu es là au milieu de tout ça avec ces larmes

01:55 que tu verses abondamment.

01:59 Je pense qu'avec Anne, on a beaucoup pleuré.

02:02 Et puis, l'attente des résultats et l'annonce des résultats.

02:06 Vous vous dites, ce serait la pire chose qui pourrait m'arriver.

02:09 J'irais dans les rues à me dire, mais ce n'est pas possible.

02:13 Rien que ce temps de l'attente, il est angoissant.

02:16 Puis là, après, on vous dit, il faut faire une opération de la varicoselle.

02:20 Donc, il faut enlever une varice dans les testicules.

02:23 D'en parler, même, ça me fait un peu bizarre.

02:25 C'est la première fois que j'en parle pour un média

02:26 qui va être vu par des milliers de personnes.

02:28 Ce n'est pas très confidentiel, mais on en a en famille.

02:31 - On dit le mot que je ne connaissais pas.

02:33 - La varicoselle.

02:36 Je pensais que c'était un genre de varicelle sympa.

02:38 Non, c'est un genre de varicelle d'adulte.

02:40 C'est une varicelle des couilles.

02:42 Vous biperez, si vous voulez.

02:43 C'est un peu ça.

02:44 Et donc, tu fais ce truc.

02:45 Tu espères que ça va aller mieux et toujours rien.

02:50 Et au bout d'un moment, on en a marre.

02:51 On s'était dit, on aimerait qu'on nous dise,

02:54 vous êtes stériles.

02:56 Vous ne pouvez pas avoir d'enfants.

02:57 Et nous, au bout de plus de quatre ans,

03:00 on s'est dit qu'on allait partir, qu'on avait besoin de partir.

03:03 Donc, on est parti marcher.

03:04 On est parti faire 1500 kilomètres, ma femme et moi.

03:09 Et ça a été salvateur pour nous,

03:11 dans le sens où on s'est vraiment reconnecté l'un à l'autre.

03:15 On sentait que cette épreuve avait affecté notre vie intime,

03:21 notre vie affective,

03:22 que même notre sexualité ne tournait qu'autour de ça.

03:25 Donc, il fallait vraiment se retrouver.

03:28 Et on s'est dit qu'on avait quand même envie d'être un foyer aimant,

03:34 qui distribue de l'amour pour tous ceux qui en manquent.

03:36 Et donc, quand on est rentré dans notre voyage,

03:38 on a acheté une maison.

03:39 Et là, on a commencé les démarches pour être famille d'accueil.

03:43 [Musique]

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