L'incroyable maison sculptée de Jacques Lucas

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"J’ai travaillé d’une façon très isolée, tel que je le souhaitais." Jacques Lucas est artiste peintre et sculpteur. Pour neo, il présente son incroyable maison sculptée de ses propres mains. ⚒️

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00:00 L'art c'est pas de la physique théorique, l'art c'est pas des mathématiques, l'art c'est pas de la comptabilité.
00:05 Non non, l'art c'est prendre en compte l'indicible.
00:09 En fait l'art est incompréhensible.
00:12 A partir du moment où vous comprenez l'art, c'est plus de l'art.
00:15 Les fermiers me prenaient pour un original, un mec bizarre.
00:22 Honnêtement, ils n'aimaient pas du tout.
00:24 Pour beaucoup de gens, tout ce que j'ai fait là, ça n'a aucun sens d'utilitaire.
00:30 Cette maison, la maison sculptée, que j'ai faite avec des pierres, du grillage,
00:42 et naturellement du ciment dans lequel j'ai mis un peu de chaux, des petits mélanges.
00:48 Venez, je vais vous faire visiter.
00:51 En 1979, j'étais avec un associé qui conduisait sa Mercedes à minuit et moi dedans.
01:00 Et il s'est craché à 180 à l'heure, dans un camion, ce qui fait que lui est décédé.
01:09 Et moi, j'ai été fracturé de l'âme.
01:14 Bon, lui est décédé et moi, j'ai été fracturé de la colonne vertébrale,
01:21 mais j'ai été arrêté pendant un bon bout de temps.
01:25 Donc, au bout de 3-4 mois, ça allait mieux et j'ai commencé à faire les sculptures.
01:34 À l'époque, il n'y avait rien.
01:36 J'ai fait ça à partir d'une envie.
01:38 Je voulais faire une maison avec plein de sculptures marrantes
01:41 pour vivre et avoir un environnement plutôt agréable.
01:45 J'avais 40 ans quand j'ai fait ça.
01:49 Et donc, j'avais une énergie, une teneur de Dieu que je n'ai plus maintenant.
01:53 Et bon, bien sûr, je travaillais avec l'aide de ma femme.
01:57 Mais j'ai travaillé d'une façon très isolée, telle que je souhaitais.
02:02 J'ai fait ça pendant 2 ans, 2 ans et demi, 3 ans.
02:08 Quand je suis arrivé ici, je sortais de faculté, j'étais universitaire.
02:12 Je n'avais jamais fait un sac de ciment de ma vie.
02:16 Donc, le premier sac de ciment, moi, c'était dans la broite
02:21 parce que sinon, il était trop liquide.
02:23 Mais ça ne marchait pas.
02:24 J'ai incité beaucoup, justement, sur le fait de ne pas vouloir préparer mon travail.
02:29 C'était toujours un travail qui se préparait le matin, dans la journée.
02:32 Je ne sais pas, tirer des plans avec des pointes, une ficelle, tout ça.
02:36 Je n'ai jamais fait ça comme ça.
02:38 C'est toujours, c'est ça, obligé, quoi.
02:41 Ici, la porte d'entrée, on voit bien qu'il y a une proportion à une certaine symétrie.
02:47 Mais ce n'est pas symétrique, c'est dyssymétrique.
02:49 Vous pouvez y voir une sorte d'obstacle.
02:54 Plein de choses que je refusais quand j'étais jeune,
02:57 c'est-à-dire la répétition, je liaise, je décore,
03:01 tous ces trucs-là qui m'énervaient au maximum.
03:05 Je suis naturellement ambidextre.
03:08 Donc je prends deux épluches légumes,
03:11 les deux lames permettent de se rejoindre,
03:14 et tout ce qui est à l'intérieur saute.
03:16 Et ce qui produit, c'est ce qui produit la rainure.
03:19 L'aigle du Nord, j'ai fait d'une façon complètement extravagante,
03:23 sans aucun échafaudage à l'échelle.
03:25 Le bout des ailes et le bec, j'étais à un mètre dessous, le haut d'échelle.
03:31 J'étais à un mètre dessous, il fallait que je balance le ciment en hauteur,
03:36 puis qu'il se colle contre le mur pour terminer l'aigle.
03:38 Vous vous rendez compte le bordel ?
03:40 Les gens me disent des fois "Oh, quel travail !"
03:47 Mais je dis "Monsieur, où est le travail là-dedans ?
03:50 Il n'y a pas de travail, je n'ai jamais travaillé."
03:52 Je me suis amusé, il ne faut pas me voir comme une bête de travail.
03:58 Il fallait attendre que la prise se fasse,
04:01 il fallait remettre une couche, il fallait attendre encore.
04:04 Je commençais à 8h du matin, je terminais à 8-9h du soir,
04:09 mais j'avais la moitié du temps où je ne travaillais pas
04:12 parce qu'il fallait que le ciment se repose.
04:15 Il reste quelques couleurs au Nord, abritées,
04:23 il reste des couleurs encore, mais ça ne tient pas.
04:27 Je préfère les couleurs de la nature qui s'emparent de mes gravures,
04:31 c'est mieux je trouve.
04:32 Il y a beaucoup de végétation qui s'est saisie de la sculpture,
04:37 qui la recouverte, et donc il y a une sorte de symbiose
04:41 entre la sculpture et la végétation.
04:44 C'est maintenant des gravures de mousse,
04:46 ce n'est plus des gravures de ciment.
04:48 Quelqu'un qui est venu, un agité du bocal,
04:52 qui dit "Oh, mais moi je viens avec le carcheur,
04:54 je nettoie tout ça, monsieur."
04:56 "Surtout pas", je dis.
04:58 Il y a des gens qui ne doutent de rien.
05:03 La sculpture romane, pour moi, a été un déclic,
05:11 et plus que les sculptures académiques,
05:13 qui ne me plaisaient pas du tout.
05:15 Et puis bien sûr, quand j'étais un recenseur du Monument Historique,
05:18 j'étais payé par l'État pour me balader en Bretagne,
05:21 pour prendre en photo, faire des dossiers sur les chapelles,
05:24 aux sphères, fontaines.
05:27 La pierre, c'est du granit.
05:30 Donc il y avait ce côté un peu...
05:33 Même la sculpture classique bretonne
05:35 fait penser un peu à une sorte d'art brut
05:37 à cause du grain, du granit.
05:39 Il y a une moyenne de 4 à 5 visiteurs par jour,
05:48 ce qui fait environ dans les 2000 par an.
05:51 Ça me suffit.
05:53 Quand leur tête ne me plaît pas,
05:55 je reste à faire ma peinture dedans.
05:57 Quand ils m'ont l'air sympa, je sors,
05:59 on s'assoit, puis on discute de trois heures.
06:01 Il y a des visiteurs, vous savez,
06:03 ils viennent, ils font le tour, ils foutent le camp.
06:05 Donc il reste un quart d'heure.
06:07 Il y a des visiteurs qui viennent, puis qui restent trois heures.
06:09 Il y a des visiteurs qui viennent, des fois, il reste trois jours.
06:11 Parce qu'on discute, parce que j'ai 5-6 pièces.
06:15 Les visiteurs, pour moi, c'est un moyen de rencontre.
06:18 C'est pas un but commercial.
06:21 Mettre une pancarte "La Maison Stulté",
06:23 je veux pas avoir des signes ostentatoires, publicitaires.
06:27 Ça va contre ma façon de voir, vous voyez ?
06:30 Vous voyez ?
06:32 ♪ ♪ ♪
06:35 [Générique de fin]
06:37 [SILENCE]

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