L'interview d'actualité - Romain Barras

  • l’année dernière
Marie Portonalo reçoit Romain Barras, directeur de la Haute performance de la fédération française d'athlétisme. C'est le coup de départ des jeux olympiques, il part en Afrique du Sud prochainement avec les athlètes qualifiés. Un stage important pour préparer l'équipe de France et renforcer l'esprit de cohésion. 

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Transcript
00:00 - Bonjour Romain Barras. Alors ça y est, on peut le dire ?
00:03 - On dit quoi ?
00:04 - Que c'est le lancement des Jeux Olympiques.
00:06 - Oui, ça s'est lancé déjà il y a depuis un moment, mais là c'est vrai qu'on va rentrer réellement dans la préparation pour ces Jeux Olympiques.
00:12 - Parce que ce soir, vous partez trois semaines en Afrique du Sud pour un stage justement pour préparer ces JO de Paris.
00:17 Alors vous, vous avez été champion de participation aux Jeux Olympiques, vous les avez vécus ces stages-là, cette ambiance ?
00:23 On est dans quel état d'esprit, quelques heures avant le départ ?
00:26 - Oui, je les ai vécus effectivement, c'est des stages très importants parce que c'est des grands moments d'entraînement.
00:31 On part en Afrique du Sud parce que c'est sur la même latitude, on n'a pas de décalage horaire.
00:34 On s'adapte très très rapidement pour s'entraîner le plus vite possible et dans des conditions qui sont excellentes,
00:40 autant au niveau des infrastructures que du climat, parce qu'il fait 30-35 degrés, donc pour toutes les disciplines explosives,
00:45 c'est hyper important d'avoir ce genre de température. À Paris en ce moment, vous voyez, ce n'est pas tout à fait le cas.
00:50 Et donc c'est vraiment un stage où l'équipe de France pratiquement au complet se retrouve.
00:54 Il y a un esprit de cohésion qui se met en route. L'esprit de cohésion, ça n'a jamais fait gagner des médailles,
00:58 mais quand il n'est pas là, ça peut en faire perdre.
01:00 - Justement, on va parler des médailles. Combien de médailles on vise, clairement, en athlétisme ?
01:04 - On va partir à 75 qualifiés, je pense que nos 75 athlètes vont viser une cinquantaine de médailles.
01:09 - 50 médailles ? - Non, mais ça c'est une blésentrie.
01:11 - Je me disais, c'est génial ! - Tu ne m'engages jamais sur les nombres de médailles
01:14 parce que c'est un peu faire injure à ceux que je ne citerai pas ou que je ne prévorai pas.
01:19 - Et en athlétisme ? - En athlétisme, on peut avoir des surprises.
01:22 Alors, effectivement, j'ai eu un rendez-vous avec Madame la Ministre au retour de Budapest, immédiatement après.
01:27 On en est convenu que la France n'a jamais été une grande nation d'athlétisme.
01:31 On n'a jamais visé 10, 15 médailles, mais par contre, ça nous est arrivé de faire 3, 4, 5, 6 médailles.
01:36 Et aujourd'hui, on a des chances de médailles, on a des exploits possibles.
01:40 Néanmoins, il faut que les athlètes se servent de l'ambiance du Stade de France, du "home advantage" pour aller...
01:46 - "Home advantage", ça veut dire qu'on est chez nous, à Paris.
01:49 - On est chez nous, on va avoir quelques avantages pour pouvoir aller découvrir le Stade de France en amont.
01:54 Et ça, il faut que les athlètes se servent aussi de la ferveur populaire pour se transcender le jour J,
01:59 aller augmenter leurs résultats possibles.
02:01 - Alors, vous parlez de la ministre des Sports, Amélie Odea-Casterat,
02:04 qui vous a convoquée pour vous remettre un petit peu les pendules à l'heure.
02:08 Elle l'a dit, vous l'avez dit, qu'on n'était pas une grande nation d'athlétisme. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
02:13 - Moi, on n'est pas. - Parce qu'il y a quand même des grands champions en France.
02:15 Il y en a eu des grands champions, il y en a eu des meilleurs, la Mélanie.
02:18 - Oui, il faut faire la différence entre avoir des grands champions et être une grande nation d'athlétisme.
02:20 Une grande nation d'athlétisme, ce serait avoir beaucoup, beaucoup de médailles à chaque édition. Ce n'est pas le cas.
02:24 Par contre, effectivement, on a eu des grands champions, on a encore des grands champions.
02:28 Le niveau olympique, aujourd'hui, il est stratosphérique en athlétisme.
02:31 On a une mondialisation de l'athlétisme, avec énormément de nations qui sont concurrentielles pour aller chercher des médailles.
02:36 - Donc, ça veut dire qu'on n'est pas au niveau ?
02:38 - Non, ça veut dire qu'on a une génération qui est en train d'émerger, qui est en train de se faire connaître,
02:44 qui est en train de gagner des médailles, en tout cas de s'en rapprocher.
02:48 Les Thibaut Collet, vous l'avez vu certainement cet été, Déhalys Finaud, Kevin Maillard, qui était absent cet été pour blessure,
02:54 mais qui va tenter de se qualifier la mi-décembre en Australie.
02:58 Nos collectifs, les relais, qui peuvent aussi aller chercher des médailles.
03:02 Toutes ces épreuves sont des... et j'en oublie certainement, mais ils peuvent aller chercher, s'approcher d'une médaille ou aller en chercher une.
03:09 - Alors, on a quand même raté les Mondiaux de Budapest cet été 2023 avec une seule médaille.
03:13 Qu'est-ce qui s'est passé selon vous ?
03:15 - Alors, l'interprétation que j'en ai, encore une fois, c'est peut-être qu'on était encore un peu frais
03:22 et certains athlètes n'ont pas réussi à élever leur niveau de jeu, le jour J.
03:28 Quand on arrive à la 7e, 8e place des bilans, 10e place, forcément on est réduit à l'exploit,
03:34 réduit à vraiment augmenter son niveau le jour J, à se transcender le jour J pour aller chercher une médaille.
03:38 - Et ça n'a pas été le cas. - Et ça n'a pas toujours été le cas.
03:40 - Comment on explique qu'on ne se transcende pas sur des Mondiaux ?
03:43 - Parce que le niveau est exceptionnel. Et quand on arrive, et quand on découvre ça et qu'on est un petit peu trop passif,
03:48 qu'on n'a pas vraiment cette joie d'être là qui fait qu'on se surpasse, ou alors cette volonté de tout déchirer ce jour-là,
03:57 eh bien malheureusement... - Et vous trouvez qu'on n'a pas cette volonté de tout déchirer ?
04:00 - Non, il ne faut pas généraliser. - Alors, comment on fait pour retrouver cette envie-là ?
04:05 - Eh bien, là, on essaie de mettre des choses en place, on essaie de mettre des choses en place dans le suivi des athlètes,
04:10 dans ces stages dont je parlais, qui ne sont pas les seuls stages que l'on met.
04:14 On a eu des regroupements aussi, on a fait un à Saint-Malo en début d'année, on va en refaire un certainement à Tignes au printemps,
04:19 où on fait venir des personnages du sport, inspirants, qui vont nous parler des expériences olympiques.
04:24 - Comme qui, par exemple ? - Alors, Jean Galfion est venu me parler de sa quête olympique de 1996.
04:28 - Rempertchiste. - Rempertchiste, champion olympique en 1996.
04:31 C'est un athlète qui a été très inspirant pour les athlètes, très parlant, avec beaucoup d'anecdotes et beaucoup de faits des années 90.
04:38 Et puis, c'est aussi toute la mise en place d'une cellule optimisation de la performance.
04:43 - Vous faites appel à des préparateurs mentaux ? - Oui, bien sûr. On s'est staffé depuis quelque temps à la Fédération.
04:49 Alors, beaucoup d'athlètes ont ces préparateurs mentaux, ils les ont dans leur staff au quotidien.
04:53 Nous, on s'est staffé dans la cellule optimisation avec des préparateurs mentaux, avec des diéticiens nutritionnistes,
05:00 avec aussi tout ce qui est analyse de la performance vidéo et puis physiologique, parce que ça, on avait du retard.
05:07 Et on s'est staffé depuis un an, un an et demi. Je suis à la Fédération avec l'ODTN Patrick Ranvier
05:11 pour réussir à mettre en place et donner aux sportifs les maximums de chance.
05:16 - Alors, on a entendu que les jeunes n'avaient peut-être plus envie de faire de l'athlétisme au haut niveau. C'est le cas ?
05:23 - Alors, à haut niveau, je ne pense pas, parce qu'à partir du moment où on arrive à un certain niveau, on a envie d'en faire à haut niveau.
05:29 Quelqu'un qui commence la compétition, son plus grand rêve, c'est quoi ? C'est de faire les Jeux Olympiques.
05:33 Donc ça, ce n'est pas un problème. Par contre, aujourd'hui, on se rend compte qu'effectivement, l'athlétisme est un sport qui est difficile,
05:39 qui demande des qualités physiques, qui demande beaucoup d'entraînement, où on ne peut se reposer que sur soi-même.
05:43 Et avec peut-être la sédentarisation des enfants, c'est un sport qui devient de plus en plus dur.
05:48 Et les enfants ont parfois du mal, pas à s'y lancer, parce que c'est un sport qui attire, mais à y rester.
05:55 À un moment, au niveau de l'adolescence, quand les copains prennent un peu la place, on quitte un peu l'athlétisme.
06:01 Mais nous, on fait tout un travail à la Fédération pour les fidéliser.
06:04 - Qu'est-ce que vous faites justement pour redonner envie aux jeunes ?
06:07 - Déjà, c'est déjà par l'exemple. Il faut forcément que nous, je dirais la haute performance, on ait des résultats,
06:14 que les athlètes puissent faire des médailles, que le sport soit toujours aussi beau à regarder, parce que c'est très joli à regarder à la télé, l'athlétisme.
06:21 - C'est tellement génial à suivre.
06:23 - Ça donne envie d'aller voir. Et puis après, pour garder nos sportifs, c'est aussi de les détecter.
06:28 Donc, il y a tout un travail qui commence à être mis en place à la Fédération, où on va faire de la détection des talents,
06:34 pour qu'ils ne s'échappent pas vers notamment les autres sports.
06:36 On a la chance d'avoir une nation où on a énormément d'offres. Le basket, le foot, le handball, le rugby.
06:42 Mais tout ça, c'est volé. Mais tout ça, ce sont des talents qui, potentiellement, pouvaient être à l'athlétisme, mais qui vont vers les sports co.
06:48 Alors, c'est très bien pour eux. Pour nous, c'est un petit peu dommage.
06:51 - Mais à 235 jours des Jeux, est-ce que vous êtes confiant ?
06:54 - Oui, je suis confiant. Parce que je vois des choses qui se mettent en place. Je vois une dynamique énorme au sein de cette équipe de France.
07:00 Je vois des athlètes qui ont un projet qui est clair, qui est structuré, avec des entraîneurs qui sont hyper investis.
07:05 Et puis, une fédération, la haute performance, qui va vers ces athlètes, qui les accompagne.
07:10 On est de façon de plus en plus proximale avec ces athlètes.
07:14 - On embarrasse, dernière question. Combien de médailles minimum ? Allez, minimum !
07:18 - Minimum ?
07:19 - En athlétisme ?
07:20 - Je pense que si on ne fait pas une médaille, on sera moins bien qu'à Tokyo.
07:24 - Une ? Ah, bon non ! On va dire cinq !
07:25 - Cinq ?
07:26 - Cinq médailles en athlétisme.
07:27 - Vous êtes plus ambitieuse que moi, mais c'est bien.
07:28 - Vous reviendrez nous en parler ?
07:29 - Bien sûr, avec grand plaisir. Si il y en a cinq, je reviens.
07:31 - Merci beaucoup Romain Barras d'avoir été avec nous.

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