- 21/11/2023
Elie Barnavi, l'ancien ambassadeur d'Israël à Paris (2000-2002), est l'invité du Grand Entretien. Il revient sur la situation au 46e jour de la guerre entre Israël et le Hamas. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-21-novembre-2023-8314008
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00:00 - Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien un historien.
00:04 Il fut de 2000 à 2002 ambassadeur d'Israël à Paris.
00:09 Vos questions au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:14 Elie Barnaby, bonjour.
00:16 - Bonjour.
00:17 - Et bienvenue sur Inter.
00:18 Le 9 octobre, deux jours après les attaques du Hamas contre Israël, vous étiez en ligne
00:24 avec nous de Tel Aviv et vous nous disiez "je suis partagé entre un sentiment d'horreur,
00:30 de colère, de peur aussi.
00:32 Je me demande comment tout cela va se terminer".
00:36 Aujourd'hui, au 46e jour de guerre, est-ce que vous voyez un peu mieux comment tout cela
00:42 va se terminer ?
00:43 - Pas vraiment, à dire vrai.
00:47 D'abord, je ne sais pas comment la campagne militaire va se terminer.
00:52 C'est la guerre.
00:53 C'est l'inceptitude par définition.
00:55 Et on sait comment la guerre commence.
00:59 On a une idée de la manière dont elle devrait se terminer.
01:01 Mais en fait, on n'a pas la moindre idée de la manière dont elle va vraiment se terminer.
01:06 Il y a des buts de guerre.
01:08 Ces buts de guerre, on les connaît.
01:10 C'est l'extirpation du Hamas, le démantèlement de son potentiel militaire et politique.
01:16 - Est-ce que c'est faisable ça ?
01:18 Quand vous entendez le gouvernement israélien dire, et le dire le lendemain du 7 octobre,
01:22 "Nous allons détruire le Hamas, nous allons l'éradiquer, ça prendra un mois, deux mois
01:27 ou trois mois, mais il n'y aura plus de Hamas."
01:29 - Oui, c'est faisable.
01:31 On peut faire avec la force, on peut faire beaucoup de choses.
01:34 Alors on dit c'est irréaliste.
01:36 Non, ce n'est pas irréaliste.
01:38 L'histoire est pleine de régimes qui sont effondrés sur les coups de boutoir de la
01:43 guerre, d'une campagne militaire.
01:44 Donc c'est faisable.
01:45 Alors, c'est faisable, ça veut dire quoi ? C'est ça qui est intéressant.
01:48 Ça veut dire quoi, démanteler le Hamas ?
01:50 Alors on peut effectivement l'empêcher de gouverner, l'empêcher de nuire.
01:56 On peut démanteler ces structures, on ne va pas démanteler les têtes et on ne va pas
02:02 tuer jusqu'au dernier militant, jusqu'au dernier terroriste.
02:06 Ça c'est hors de notre portée.
02:08 Mais ce n'est pas très important.
02:10 La grande question est de savoir si d'abord, si on nous laissera finir cette campagne militaire,
02:18 il y a déjà des noms de pression, et je ne parle pas de pression de la rue, je parle
02:22 de pression politique, notamment de pression américaine.
02:25 Quelle est la fenêtre d'opportunité que nous laissons à l'armée pour finir le travail
02:29 comme ils disent ? Et de notre côté, et surtout, et c'est ça qui m'intéresse
02:34 le plus et qui m'angoisse le plus, qu'est-ce qu'on fait après ? Parce que la guerre n'a
02:39 de sens que si elle est là.
02:41 Même si on la gagne, mais pour en faire quoi ?
02:44 On va en parler de l'après.
02:46 Vous dites d'ailleurs, ce qui m'étonne, c'est que personne n'en parle de l'après,
02:49 ou très peu sont ceux qui évoquent l'après.
02:51 Mais pour l'instant, on est encore dedans.
02:53 Vous dites, cette campagne militaire, est-ce qu'on aura le temps de la finir ?
02:57 A cause des pressions politiques et notamment des pressions américaines.
03:02 Le ministre des Affaires étrangères disait il y a quelques jours, on a une fenêtre de
03:07 tir encore de deux ou trois semaines.
03:09 Vous pensez que vous avez encore, que le gouvernement, que Israël a encore deux ou trois semaines
03:14 ou moins, tout simplement, puisque vous le voyez bien, l'opinion publique, les chancelleries
03:22 et même les américains, et même Joe Biden, est en train de changer, au vu des pertes
03:27 civiles à Gaza.
03:28 Franchement, je n'en sais rien.
03:31 Et le ministre non plus.
03:33 Parce qu'il faut dire que les ministres que nous avons, s'ils savaient quelque chose,
03:37 ça se saurait.
03:38 C'est une bande de bras cassés.
03:43 Lui particulièrement, c'est une caricature.
03:45 Mais peu importe.
03:46 Il est évident qu'on ne peut pas aller jusqu'au bout de ses intentions.
03:50 Plus jamais ne peut aller jusqu'au bout.
03:52 Mais ce qui est certain, c'est qu'on a une image de manœuvre plus importante qu'on
03:55 n'a jamais eue aussi.
03:56 Pour une raison très simple, que ce qui nous est arrivé est une première également.
04:02 C'est-à-dire que tout est exceptionnel dans cette affaire.
04:04 Et donc, les gouvernements, je ne parle pas des opinions publiques, mais les gouvernements
04:08 nous laissent quand même pas mal de liberté de manœuvre.
04:12 Ils nous laissent assez longues, je dirais, les Américains, mais aussi les Européens.
04:17 Donc on a encore la capacité d'aller jusqu'à quand ?
04:22 Jusqu'à la prochaine énorme bavure.
04:25 C'est là que l'imprévu de la guerre intervient.
04:30 Vous savez, parfois il se passe quelque chose qui fait que tout bascule.
04:35 Si tout se passe bien, c'est-à-dire bien, normalement, ça veut dire quoi ?
04:41 À ce moment-là, oui, on peut imaginer qu'on a quelques semaines pour finir ce travail
04:48 de démantèlement.
04:49 Mais j'insiste, ce n'est pas l'essentiel.
04:53 Ça n'a de sens que si ça débouche sur autre chose.
04:58 Et c'est autre chose, c'est vrai qu'on en parle peu.
05:01 On en parle dans les chancelleries, on en parle dans la presse en Israël, mais ça
05:07 doit être l'essentiel des conversations, on doit porter là-dessus.
05:11 Elie Barnavi, Emmanuel Macron a de nouveau interpellé Benjamin Netanyahou sur les trop
05:16 nombreuses pertes civiles à Gaza, 13 000 morts, dont deux tiers des femmes et des enfants.
05:22 Emmanuel Macron a rappelé la nécessité absolue de distinguer les terroristes de la
05:27 population, l'importance d'instaurer une trêve humanitaire immédiate devant mener
05:32 à un cessez-le-feu.
05:33 Mais ces déclarations-là, celles du président français ou d'autres leaders occidentaux,
05:39 ne semblent pas être considérées à Tel Aviv.
05:42 Je ne veux pas me faire l'exagète du président de la République, je sais qu'il a un énorme
05:48 problème intérieur.
05:49 Bon, il parle de trêve, il parle de cessez-le-feu, ce sont deux choses différentes.
05:57 Moi je suis personnellement très favorable d'emblée à des pauses humanitaires et à
06:03 des couloirs humanitaires aussi larges que possible et inconditionnels.
06:06 En revanche, le cessez-le-feu, je ne sais pas ce que c'est.
06:10 Quand vous déclarez un cessez-le-feu, vous avez déclaré la cessation des hostilités.
06:15 Les reprendre ensuite, c'est pratiquement impossible.
06:17 Donc c'est très compliqué.
06:18 Il y a le problème des otages.
06:19 Alors justement, le problème des otages, on a appris cette nuit, mais après il y a
06:23 eu plusieurs fois, à plusieurs reprises, on a dit que c'est quasiment fait, le deal
06:26 est fait et ça n'a pas été accepté à la fin.
06:29 Mais là, il faut être prudent, mais le Hamas a fait savoir qu'un accord serait proche
06:33 avec Israël, l'accord porterait sur la libération de 50 à 100 otages en échange
06:37 d'une trêve humanitaire de 5 jours renouvelables et de 300 prisonniers palestiniens détenus
06:42 en Israël.
06:43 Regardez bien ce qu'ils font.
06:45 On parle de libérer les femmes et les enfants.
06:48 On a 240 otages, 239 maintenant, parce qu'on découvre aussi des corps, enfin tout ça
06:55 bouge encore.
06:56 50, peut-être 100, on ne sait pas trop, femmes et enfants.
07:02 Et puis ils vont dire, oui, mais on n'arrive pas à les localiser.
07:06 5 jours, ce n'est pas suffisant, donnez-nous encore 2 jours.
07:09 On donne encore 2 jours, ils vont libérer cette nombre de femmes et d'enfants.
07:13 Il y en a 240, 239, 238.
07:17 Qu'est-ce qu'on fait des autres ? Ils disent, on va recommencer, on a besoin d'une nouvelle
07:21 négociation.
07:22 Cette affaire-là, ce pôle d'otages dont ils se servent peut durer indéfiniment.
07:29 En fait, c'est qu'ils veulent se servir des otages pour nous forcer à une trêve,
07:35 à cesser le feu.
07:37 C'est-à-dire, en fait, à la fin de la guerre, pour pouvoir reconstituer leur fosse et recommencer.
07:43 Et c'est un énorme dilemme.
07:44 Parce que qu'est-ce qu'on fait ? On ne fait rien.
07:46 On laisse crever les otages.
07:48 On fait ce qu'ils veulent.
07:50 A ce moment-là, tous ces sacrifices ont été pour rien.
07:52 Je n'envie pas les dirigeants.
07:56 Il y a des vraies lignes de fracture au sein du gouvernement israélien.
08:00 Entre ceux qui disent, l'important, la priorité, c'est les otages, quitte à faire une trêve
08:05 de 3 ou 5 jours.
08:06 Et d'autres qui disent, non, il ne faut pas qu'on arrête de bombarder.
08:10 Il y en a qui disent, il ne faut pas leur laisser un jour pour reconstituer leur force.
08:14 Oui, mais ça c'est fini.
08:16 Le principe est acquis, probablement de 5 jours.
08:19 Et la pression est énorme.
08:21 Si vous vivez à Tel Aviv, comme moi, vous vous rendez compte, la ville ne parle que
08:27 de ça.
08:28 Elle est couverte de photos d'otages.
08:32 C'est une pression à laquelle aucun gouvernement ne peut résister, même celui que nous avons.
08:38 Comment expliquez-vous, Elie Barnavi, le changement de l'opinion publique internationale ? Il
08:43 y a eu un effet de sidération et de solidarité qui a duré quelques jours après le 7 octobre.
08:50 Mais depuis, les choses se sont retournées.
08:53 Comment l'expliquez-vous donc ? Et est-ce que ça vous a surpris ?
08:56 Non, pas du tout.
08:58 Je ne m'attendais pas que ce soit aussi brutal.
09:01 Ça oui, c'est la rapidité du changement qui m'a un peu surpris.
09:05 C'est l'affaire de l'hôpital, la fameuse affaire de l'hôpital, 5 jours après ?
09:09 Ça a joué.
09:10 Alors que justement, là, on n'y était pour rien.
09:13 Mais c'est un modèle courant.
09:16 Chaque fois, c'est comme ça.
09:17 C'est-à-dire que le Hamas attaque.
09:20 À ce moment-là, bon, ils se disent "c'est pas bien, les Israéliens ne peuvent pas réagir".
09:24 Et quand on réagit, étant donné les conditions sur place, ce territoire exigu de moins de
09:31 400 km², avec l'une des plus fortes densités démographiques au monde, à ce moment-là,
09:38 ça fait forcément des dégâts et là, l'opinion tourne très rapidement.
09:43 D'autant plus qu'on n'a jamais su accompagner une campagne militaire d'une autre politique.
09:52 Il y a aussi ça, il y a eu cette espèce de fixation.
09:55 Et vous ajoutez à cela la cassure générationnelle qui explique la brutalité du retournement
10:04 de l'opinion publique.
10:05 C'est-à-dire la jeunesse.
10:06 Effectivement, c'est ça qui se passe en Occident.
10:08 Aux États-Unis, on le voit sur les campus.
10:10 Mais en France aussi.
10:11 Et en Europe aussi, la jeunesse.
10:14 Et c'était Pierre Rosenvallon à votre place il y a dix jours qui nous disait quand je
10:18 parle à mes petits-enfants, j'essaie d'expliquer la réaction d'Israël en expliquant l'histoire
10:25 d'Israël et les camps et la Shoah et pourquoi on a créé cet état, etc.
10:30 Ils me répondent Gaza.
10:31 Mes petites-filles me répondent Gaza.
10:33 Et on le voit bien la cassure générationnelle de ceux qui ont moins de 25 ans qui sont
10:37 très pro-palestinien.
10:38 Il y a un vrai esservellement, il faut bien le dire.
10:43 C'est épouvantable.
10:44 Le manque total de culture historique.
10:48 Enfin bon, ça, on ne va pas résoudre ce problème ici.
10:51 Mais là, il y a un vrai problème.
10:53 Et quand vous demandez, Pierre Aschermann disait tout à l'heure dans le couloir qu'il
10:56 y a eu un micro-trottoir aux États-Unis où les gens hurlaient la Palestine de la mère
11:03 au fleuve.
11:04 Les journalistes demandaient mais quelle mère et quel fleuve ? Aucun n'a été capable
11:07 de le dire.
11:08 Les gens ne savent pas de quoi on parle.
11:10 Moi, j'ai fait l'expérience aux États-Unis, demandé à mes étudiants, combien y a-t-il
11:15 d'Israéliens étudiants dans une bonne université d'Ivy League ? Ils m'ont dit
11:20 entre 130 et 150 millions.
11:22 Les gens sont d'une ignorance absolument classe.
11:25 Et d'alors que vous avez dans la tête le binôme tellement contemporain, vous savez,
11:32 du bourreau et de la victime, du colonialiste et du coloniseur, et que vous approchez tout,
11:39 toute réalité avec ces instruments-là, avec ces outils de pensée, si j'ose dire,
11:44 à ce moment-là, évidemment, nous sommes du mauvais côté du manche.
11:47 On va passer au Standard Inter, Eli Barnavi.
11:50 Plusieurs questions nous attendent.
11:52 Abess, bonjour.
11:53 Oui, bonjour, M.
11:54 Barnavi.
11:55 Alors, j'ai une question à vous poser, moi, qui m'intéresse au conflit depuis très
12:00 longtemps.
12:01 En 1993, on avait parlé d'un futur Etat palestinien.
12:04 Or, depuis 25 ans, tout a été fait pour que l'inverse se réalise.
12:11 Et je ne vois pas comment aujourd'hui, tout d'un coup, on parle de paix, de deux Etats.
12:16 Alors c'est tout l'inverse qui a été accepté depuis 25 ans par la communauté internationale.
12:20 Comment voyez-vous les choses demain ?
12:22 Merci.
12:23 Merci pour cette question.
12:24 Eli Barnavi vous répond.
12:25 Oui, merci de cette question qui est vraiment importante.
12:28 Nous n'avons pas encore eu le temps de l'aborder.
12:31 Vous avez évidemment raison.
12:33 C'est-à-dire que tout a été fait pour que la question de l'Etat palestinien, même
12:38 de quelques négociations israélopalestiniennes, soient passées à l'arrière-plan.
12:44 On n'en parlait plus.
12:46 Et lorsque l'on évoquait, lorsque l'on disait, des gens comme moi disaient « mais écoutez,
12:50 les Palestiniens sont toujours là, il faut bien s'en occuper », vous attiriez de l'égard
12:57 de pitié, de mépris.
13:00 De mépris, de quoi parle-t-il celui-là.
13:03 Et ça c'est le grand travail de Netanyahou.
13:06 Il a réussi à convaincre ses compatriotes et le monde entier que la question palestinienne
13:11 n'intéressait plus personne, que l'on pouvait faire la paix avec tous les pays arabes.
13:18 Vous voyez les accords d'Abraham, demain avec l'Arabie Saoudite, et que tout cela,
13:23 dans cette équation-là nouvelle, les Palestiniens ne comptaient pour rien.
13:28 Et bien le Hamas, à sa manière, barbare, brutale, néo-nazi, il a remis la question
13:38 palestinienne sur la table.
13:39 Et de nouveau, des gens comme moi peuvent parler de l'état palestinien sans se faire
13:45 traiter de doux rêveurs.
13:47 Et je pense qu'il est plus que jamais d'actualité.
13:52 Le monde a enfin compris qu'on ne pouvait pas faire l'économie de cette question-là.
13:56 Et vous voyez ce que dit le président Biden, il n'y a pas deux jours où il ne dit pas
14:00 qu'il faut un état palestinien.
14:02 Oui d'accord, mais n'êtes-vous pas tout simplement trop optimiste ?
14:07 Est-ce encore possible d'avoir deux états palestiniens et israéliens ?
14:16 D'ailleurs c'est un lapsus qui n'est pas totalement faux, puisqu'il y a deux entités.
14:20 Il y a Gaza et la Cisjordanie.
14:22 Il y a une Cisjordanie que le gouvernement de Netanyahou a laissé coloniser, puisque
14:28 c'est le terme.
14:29 Non seulement c'est possible, c'est faisable, mais c'est inéluctable.
14:36 Vous savez pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas d'autre solution.
14:39 Et je vous donne rendez-vous ici.
14:41 Oui, donnez-nous rendez-vous.
14:43 J'espère que vous serez sûrement vous encore en vie, moi je ne sais pas.
14:48 Mais j'espère que dans pas trop longtemps, on aura une négociation significative, parce
14:53 qu'il n'y a pas d'autre solution.
14:54 Et vous le verrez de votre vivant, l'état palestinien et l'Ibarnabie ?
14:58 Oui, oui.
14:59 De votre vivant, vous le verrez là, dans les...
15:01 Non mais je vous espère de vivre extrêmement longtemps.
15:03 Je ne suis pas venu à ce point.
15:05 Non mais ce que je veux dire c'est que vous le verrez là, dans les deux, trois ans qui
15:08 viennent ?
15:09 Dans les deux, trois ans, je ne sais pas, dans cinq ans sûrement, parce qu'il faudra
15:12 bien sortir.
15:13 C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'autre solution.
15:15 Et quand vous écoutez le gouvernement israélien aujourd'hui, ils sont sonnés, vous voyez,
15:21 qu'est-ce qu'on fait ?
15:22 Ils ne savent pas.
15:23 Et on s'aperçoit que, de nouveau, la seule possibilité de sortir par le haut de cette
15:29 tragédie, c'est une négociation pour un état palestinien.
15:32 Avec qui ? Avec qui de quel côté ? Des deux côtés, avec l'autorité palestinienne
15:36 qui est discréditée, qui est...
15:38 Alors justement...
15:39 Là, avec le gouvernement actuel du jeu israélien ?
15:41 La beauté de cette nouvelle situation, si j'ose dire, c'est qu'on a moins besoin des
15:46 interlocuteurs locaux.
15:47 Je te dis, moi je plaide depuis des années pour une solution imposée.
15:51 Je pense que là, ce qu'on verra, c'est un cadre imposé.
15:55 A ce moment-là, peu importe qui négociera pour les deux parties.
16:00 Ça pourrait être Mosha, Fred à trois pattes et en face, je ne sais pas qui.
16:06 Peu importe.
16:07 A ce moment-là, il faudra qu'il le fasse parce que ça sera imposé par la coalition internationale.
16:11 Mais une solution imposée par la coalition internationale, donc principalement par les
16:15 américains, vous savez qu'il y a une élection présidentielle aux Etats-Unis l'année prochaine.
16:19 Si Donald Trump arrive, il ne va pas imposer une paix de deux états ?
16:25 D'abord, je ne suis pas sûr.
16:26 Donald Trump n'est pas vraiment un homme de conviction idéologique forte.
16:30 Et je vous rappelle qu'il a quand même dit de son grand pote Netanyahou, à son propos,
16:35 il a dit publiquement, passez-moi l'expression, je cite le président des Etats-Unis, « Fuck him ».
16:41 Donc vous voyez, je ne sais pas ce qui va se passer.
16:44 Ce que je sais, c'est que les situations font surgir finalement des solutions.
16:51 Et on s'aperçoit que lorsqu'on n'a pas le choix, on finit par faire ce qu'il faut.
16:56 On ne veut pas.
16:57 Même si on ne veut pas.
16:58 Au Standard, nous attend Martine.
17:01 Bonjour et bienvenue.
17:02 Oui, bonjour M.Bornavi. J'avais une question sur les deux états palestiniens et israéliens.
17:08 Vous venez d'y répondre.
17:09 Bien évidemment, c'est l'avenir.
17:11 Il faut un état palestinien fort avec un état israélien fort.
17:15 Et ça pourrait être pour l'avenir quelque chose de fantastique.
17:19 Maintenant, j'ai autre chose à vous dire.
17:21 La communauté juive en France a peur.
17:24 Toute la communauté juive, pas seulement celle des banlieues.
17:27 Qu'allons-nous faire ? Qu'allons-nous devenir ?
17:30 Merci pour votre réponse.
17:32 Merci Martine pour cette question relayée par Anna sur l'application de France Inter.
17:39 Que pensez-vous de l'explosion de l'antisémitisme ?
17:42 Alors là, à gauche, et chez les jeunes, en France et en Occident, Etats-Unis, Royaume-Uni,
17:48 pour ce qui est de la France, 1700 actes antisémites recensés depuis le 7 octobre par le ministère de l'Intérieur.
17:55 Voilà, je livre l'ensemble de ces faits et de ces questions.
17:58 Je vous les livre, Elie Barnavi.
18:00 En France, en Grande-Bretagne, la situation est encore pire.
18:04 Ici, vous avez eu une manifestation de 30 000, une manifestation pro-palestinienne.
18:11 À Londres, il y a eu 300 000.
18:14 Donc, un peu partout, on a ce phénomène.
18:17 Aux Etats-Unis, on en a parlé brièvement.
18:20 Bon, je ne suis pas le meilleur placé pour juger et donner des conseils sur ce qu'il faudrait faire ici.
18:28 Mais c'est vrai que la situation est inquiétante.
18:31 Et j'ai connu cela personnellement quand j'étais ambassadeur en France au début des années 2000.
18:36 C'était l'intifada.
18:38 Je raisonnais des cloches d'alarme un peu partout parce qu'il y a déjà eu une vague antisémite de ce genre.
18:48 Et je n'ai rien à dire, sauf qu'il faut organiser le Front Républicain.
18:51 Il ne faut rien passer.
18:53 Il faut se battre.
18:55 La manifestation qui a rassemblé 200 000 personnes en France il y a 10 jours, le dimanche, elle vous a fait chaud au cœur ?
19:03 Oui, ça m'a fait chaud au cœur.
19:04 Ça m'a fait chaud au cœur, d'abord parce qu'elle était quand même massive et qu'elle était claire.
19:08 C'était vraiment une manifestation contre l'antisémitisme.
19:12 Et on ne l'a pas laissé polluer par des éléments étrangers.
19:17 Alors, il y a la responsabilité évidemment des hommes et des femmes politiques.
19:22 Et je constate que de ce point de vue-là, l'extrême gauche se comporte lamentablement.
19:28 Ils jouent avec le feu, ils font de la politique politicienne.
19:32 Et je remarque avec une certaine satisfaction que la nupèce se déchire et risque d'imposer précisément sur cette question.
19:43 Puisque la gauche républicaine ne supporte pas cela.
19:48 Et il y a donc, je veux y voir, quand même des signes d'espoir.
19:53 Que pensez-vous de la situation en Cisjordanie maintenant ?
19:57 Les affrontements entre colons et palestiniens ont déjà fait plus de 200 morts.
20:02 Les chancelleries sont inquiètes.
20:04 Redoutez-vous un embrasement, une nouvelle intifada ?
20:08 Oui, je le redoute.
20:10 Je pense d'abord que les éléments les plus extrémistes parmi les colons,
20:16 ce qu'on appelle chez nous la jeunesse des collines, vous savez, les fous intégraux.
20:21 Ces gens-là profitent de ce qui se passe à Gaza.
20:26 Les gars sont fixés sur la bande de Gaza pour n'en faire qu'à leur tête.
20:31 Il y a en Cisjordanie une situation de far-west d'anarchie avec des unités militaires qui sont recrutées sur place.
20:40 C'est-à-dire, c'est tout à fait contraire aux traditions militaires israéliennes.
20:44 C'est-à-dire des unités qui sont faites de telle manière, avec un tel esprit,
20:50 que vous ne savez plus qui est colon et qui est militaire.
20:55 Et ça c'est une situation qui est dans le malsain.
20:58 Et quand vous parlez de paix, pardonnez-moi, sur la Cisjordanie,
21:02 ça veut dire demander, dire aux colons de quitter la Cisjordanie ?
21:06 J'y viens tout de suite parce que c'est une très bonne question.
21:08 Parce que c'est ça la grande question ?
21:09 En attendant...
21:10 Ça a coûté la vie à Yitzhak Rabin de dire ça ?
21:12 Oui, le problème c'est que ces gens-là sont représentés au gouvernement.
21:16 C'est-à-dire que c'est ça la nouveauté, l'un des crimes les plus abominables de Netanyahou.
21:24 C'est d'avoir pris ces gens-là des marges de la société israélienne
21:29 et les avoir propulsés au cœur de l'establishment israélien.
21:33 Donc ils sont du gouvernement.
21:34 C'est ça le drame.
21:35 Alors vous me posez une question qui est tout à fait pertinente.
21:38 Comment voulez-vous faire avec ces gens-là ?
21:41 Et je vous répondrai de manière assez brutale.
21:46 Je pense que nous ne pourrons pas faire l'occasion des noyaux de guerre civile.
21:52 La situation étant ce qu'elle est, c'est-à-dire qu'avec des éléments qui ne sont pas nombreux,
21:57 ils sont une infinie minorité, mais ils sont armés et très motivés.
22:02 Je crois qu'on ne pourra pas les déloger de là.
22:04 Je ne parle non pas de l'ensemble des colons.
22:07 Ils sont 500 000, mais on a des moyens de négocier leur présence dans un futur État palestinien.
22:14 Je parle de ces quelques dizaines de milliers qui sont au cœur de la population palestinienne.
22:19 Et parmi eux, il y a au moins 3, 5, 10 000 qui sont armés et dangereux.
22:25 Et cela, il faudra les déloger par la force.
22:28 Et ça coûtera du sang.
22:30 Elie Barnavi, merci d'avoir été à notre micro.
22:40 Historien, ancien ambassadeur d'Israël à Paris.
22:43 Il est 8h47.
22:44 concept.
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