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  • il y a 2 ans
Grand témoin : Géraldine Muhlmann, professeure de science politique et de philosophie politique à l'université Paris 2 et autrice de « Pour les faits » (Les Belles Lettres)

GRAND DÉBAT / Enfer à Gaza : le prix à payer de la victoire d'Israël ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

La situation sanitaire des Palestiniens, cloisonnés sur leur territoire, inquiète la scène internationale. Entre manque d'eau, carence d'essence, pénurie de médicaments et difficultés pour se procurer des denrées alimentaires, la crise devient de plus en plus urgente à Gaza. Le trop faible convoi humanitaire ne peut subvenir aux nombreux besoins de la population. Alors que 12 des 35 hôpitaux de Gaza ne fonctionnent plus et que le territoire est constamment bombardé, les habitants commencent à mourir de faim ou de soif. Les associations indépendantes, comme Médecins sans frontières ou Médecins du Monde, agissent sur place mais elles manquent de moyens. Comment la communauté internationale peut-elle s'organiser pour apporter une aide humanitaire aux Palestiniens sans envenimer le conflit ?

Invités :
- Ilana Cicurel, eurodéputée « Renew »
- Joan Deas, directrice exécutive à l'IReMMO (Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen Orient)
- Jean-Claude Samouiller, Président d'Amnesty International France
- Général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue « Défense nationale »
En Skype : Olivier Rafowicz, porte-parole de l'armée israélienne Tsahal

GRAND ENTRETIEN / Géraldine Muhlmann : journalisme, priorité aux faits !

En faisant appel à l'histoire des médias et du journalisme, Géraldine Muhlmann explique les phénomènes actuels qui menacent nos sociétés démocratiques. La professeure de philosophie distingue le discours, qui se rapproche de la conversation, du récit, qui exprime les faits. Elle aborde également la virtualisation du monde avec la montée des « fake news » et l'arrivée terrifiante des « deep fake ». La confiance envers les témoins, les journalistes sur le terrain, est donc devenue indispensable. Si on renonce à la notion de "fait", la virtualisation du monde va s'accélérer. Comment reconnaître un fait face à la dictature de l'opinion ?

Grand témoin : Géraldine Muhlmann, professeure de science politique et de philosophie politique à l'université Paris 2 et autrice de « Pour les faits » (Les Belles Lettres)

LES AFFRANCHIS
- Nathan Devers, philosophe
- Delphine Sabattier, journaliste à « B Smart »
« Bourbon express » : Stéphanie Dépierre, journaliste LCP

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00:00 ...
00:00:05 -Bonsoir et bienvenue.
00:00:07 Très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:00:10 une philosophe engagée pour les faits.
00:00:13 Bonsoir, Géraldine Mühlmann. -Bonsoir.
00:00:15 -Ravie de vous accueillir.
00:00:17 Pour les faits, c'est votre dernier essai
00:00:19 aux éditions "Les belles lettres".
00:00:21 Les faits sont tellement maltraités, manipulés, déformés
00:00:25 qu'il nous faut réapprendre à les défendre,
00:00:27 y compris dans les pays libres. C'est un essai passionnant
00:00:30 sur le journalisme, notamment à l'heure de la guerre des images.
00:00:34 -Merci de votre question. -Tout à l'heure.
00:00:36 Notre grand débat, ce soir, sur la situation humanitaire.
00:00:39 À Gaza, l'évacuation des premiers binationaux et étrangers
00:00:43 a commencé via le poste frontière avec l'Égypte.
00:00:46 L'armée israélienne continue son avancée dans l'enclave.
00:00:49 Les combats de la nuit ont été intenses.
00:00:51 Le bilan des victimes civiles palestiniennes s'alourdit.
00:00:54 On va voir ce qu'il s'est passé dans un instant sur ce plateau
00:00:58 avec mes invités. Enfin, nos affranchis ce soir,
00:01:00 le billet philo de Nathan Devers,
00:01:02 l'œil sur le numérique de Delphine Sabatier
00:01:05 et Bourbon Express, l'histoire du jour à l'Assemblée
00:01:08 de Stéphanie Despierre. Voilà pour le menu.
00:01:11 On y va. Géraldine Mullmann, Savourga, ça commence maintenant.
00:01:14 (Générique)
00:01:16 ---
00:01:23 -Ettons à un tournant de l'offensive israélienne.
00:01:25 Le Premier ministre Benyamin Netanyahou
00:01:28 parle ce soir de succès impressionnant
00:01:30 aux abords de la ville de Gaza,
00:01:32 tandis que la situation humanitaire est qualifiée
00:01:35 de inquiétante par l'OMS.
00:01:36 Les experts mandatés par l'ONU estiment même,
00:01:39 que je cite, "le peuple palestinien
00:01:42 "court un grave risque de génocide".
00:01:44 Bonsoir, Ilana Sikurel. -Bonsoir.
00:01:46 -Vous êtes députée européenne Renew.
00:01:48 C'est le groupe macroniste au Parlement européen à Bruxelles.
00:01:52 Bonsoir, général Jérôme Pellistrandi. -Bonsoir.
00:01:55 -Ravie de vous retrouver sur ce plateau.
00:01:57 Vous êtes rédacteur en chef de la revue "Défense nationale",
00:02:00 dont voici l'excellent numéro qui vient de paraître.
00:02:04 Bonsoir, Johanne Dehaes.
00:02:05 Bienvenue sur ce plateau.
00:02:07 Vous êtes directrice exécutive de l'IREMO,
00:02:09 l'Institut de recherche et d'études méditerranéens et moyen-orient.
00:02:13 Bonsoir, Jean-Claude Samouyer. -Bonsoir.
00:02:15 -Vous êtes président d'Amnesty International France.
00:02:18 Géraldine Mullmann, il tombe à pic,
00:02:21 vous avez écrit votre livre, parce que vous parlez
00:02:23 de la difficulté de s'informer
00:02:25 et de la difficulté d'avoir des sources dans ce conflit.
00:02:28 N'hésitez pas à intervenir dans ce débat quand vous le souhaitez.
00:02:31 Avant de vous donner la parole,
00:02:33 on va faire le point sur la situation à Gaza ce soir
00:02:36 avec Stéphane Blakowski dans son chrono.
00:02:38 (Tic-tac)
00:02:41 Bonsoir, Stéphane. -Bonsoir, Myriam.
00:02:43 -Je vous invite à faire la même chose pour accueillir Stéphane Blakowski.
00:02:47 -On va tenter de faire un point sur la situation à Gaza.
00:02:50 C'est quasiment un mois après le début de l'offensive israélienne.
00:02:54 Dans ce cas-là, rien de tel qu'une petite carte.
00:02:57 Je vous rappelle que l'essentiel de l'offensive israélienne
00:03:00 se concentre sur le nord,
00:03:01 si bien qu'environ un million d'habitants du nord
00:03:04 se sont déplacés vers le sud,
00:03:06 où ils vivent dans des conditions très précaires.
00:03:08 Le seul point de passage entre Gaza et le reste du monde,
00:03:12 c'est ce point ici, Arafat,
00:03:13 ce poste aux frontières contrôlé par les Égyptiens,
00:03:16 qui est le seul endroit par lequel on peut faire rentrer
00:03:19 des combats inhumanitaires,
00:03:21 soit faire sortir des gens qui cherchent à fuir le territoire.
00:03:24 L'actualité du jour, ça a commencé hier.
00:03:27 Regardez, ça s'inscrit dans vos journaux.
00:03:29 On a assisté aux premières évacuations hier.
00:03:31 Il y a eu à la fois quelques centaines d'étrangers,
00:03:34 souvent des binationaux,
00:03:36 quelques dizaines de blessés graves palestiniens.
00:03:40 Évidemment, cette première évacuation a été saluée,
00:03:43 notamment par le président Biden,
00:03:45 qui a dit que les Américains avaient joué un rôle moteur,
00:03:48 les Israéliens, les Égyptiens, les Qataris,
00:03:50 pour leur rôle dans les négociations.
00:03:53 De leur côté, les Égyptiens annoncent
00:03:55 qu'au total, ce sont près de 7 000 étrangers
00:03:57 qui devraient, dans les jours à venir,
00:04:00 pouvoir quitter la bande de Gaza.
00:04:02 Le problème, c'est que si l'Égypte est prête à faciliter
00:04:05 l'évacuation des étrangers, elle n'a, en revanche,
00:04:08 aucune intention d'accueillir des Palestiniens
00:04:10 qui voudraient fuir les bombardements israéliens.
00:04:13 Premièrement, elle redoute qu'il puisse y avoir
00:04:16 des combattants du Hamas sur son territoire,
00:04:19 ce qui risquerait de déstabiliser le régime.
00:04:21 D'ailleurs, on a vu dans la presse
00:04:23 que l'Égypte avait déplaché des chars
00:04:25 pour éviter une intrusion.
00:04:27 La seconde raison, c'est que si des centaines de milliers
00:04:30 de Palestiniens devaient fuir la bande de Gaza
00:04:33 pour échapper aux bombardements,
00:04:35 qui sait si Israël, une fois le conflit apaisé,
00:04:37 les laisserait rentrer à nouveau ?
00:04:39 L'Égypte ne veut pas de Palestiniens.
00:04:42 On écoute le président al-Sissi.
00:04:44 -L'Égypte affirme et réitère son refus catégorique
00:04:49 du déplacement forcé des Palestiniens
00:04:51 et de leur exode vers les territoires égyptiens du Sinaï.
00:04:56 Car cela ne représente rien de plus
00:05:00 qu'une liquidation définitive de la question palestinienne,
00:05:04 la fin du rêve d'un Etat palestinien indépendant
00:05:08 et de l'anéantissement de la lutte du peuple palestinien.
00:05:13 -Si les Israéliens ne veulent pas accueillir
00:05:15 les Palestiniens qui fuient les bombardements,
00:05:18 il faudrait qu'on puisse faire rentrer
00:05:21 de l'aide humanitaire à l'intérieur de Gaza.
00:05:23 Mais les Israéliens s'inquiètent
00:05:25 à l'idée que cette aide pourrait servir au Hamas
00:05:28 ou dissimuler une aide pour le Hamas.
00:05:30 On peut prendre le carburant.
00:05:32 Israël dit qu'on ne veut pas laisser rentrer de carburant,
00:05:35 ça va servir à mener le conflit pour le Hamas.
00:05:38 Mais le carburant est utile pour tout le monde à Gaza.
00:05:41 Voici ce que dit Philippe Lazzarini,
00:05:43 le représentant de l'ONU pour les réfugiés palestiniens.
00:05:47 -Nous savons que le carburant ici, à Gaza,
00:05:50 est absolument essentiel,
00:05:52 car sans carburant, nous n'avons pas de générateur,
00:05:55 de commerce alimentaire,
00:05:58 d'hôpital qui fonctionne,
00:06:01 et vous ne pouvez pas pomper de l'eau.
00:06:04 -Donc si d'un côté, on peut se réjouir
00:06:07 de voir l'évacuation,
00:06:08 c'est la première partie de la population
00:06:11 qui cherche à sortir de Gaza.
00:06:13 En revanche, on voit qu'il y a un problème
00:06:15 pour faire rentrer l'aide humanitaire.
00:06:18 Même le président Biden a lancé un appel à une pause.
00:06:21 Il n'a pas rajouté "humanitaire".
00:06:24 Mais si on fait une pause, c'est une pause pour quoi ?
00:06:27 C'est pour évacuer ceux qui ont la nationalité
00:06:30 de pays occidentaux ?
00:06:31 Ou c'est une pause pour permettre d'aider
00:06:34 les Gazaouis qui sont sous les bombes ?
00:06:36 -Je vais commencer avec vous, Johanne de Haas.
00:06:39 Merci beaucoup, Stéphane.
00:06:41 L'Etat se dessert un peu, un tout petit peu.
00:06:43 Alors, il faut être très prudent sur les chiffres,
00:06:46 mais en tout cas, on a plusieurs centaines de personnes,
00:06:50 étrangers, binationaux, parfois,
00:06:52 uniquement palestiniens, blessés,
00:06:55 qui peuvent aujourd'hui sortir via le poste frontière de Rafah.
00:06:59 C'est le fruit d'un accord avec le Qatar,
00:07:02 Israël, Hamas, Egypte et Qatar.
00:07:04 A chaque fois, on retrouve le Qatar.
00:07:06 C'est le pays qui détient la clé, aujourd'hui,
00:07:09 de la question humanitaire, notamment, dans ce conflit ?
00:07:12 -Alors, le Qatar, c'est traditionnellement
00:07:15 un pays qui a toujours servi d'intermédiaire
00:07:17 dans les conflits entre Israël et le Hamas,
00:07:20 et même les conflits aussi internes,
00:07:22 parce que le Qatar parle au Hamas,
00:07:24 ce qui n'est pas le cas des interlocuteurs occidentaux
00:07:28 qui considèrent le Hamas comme une entité terroriste
00:07:31 et coupent les ponts et ne peuvent pas s'entretenir
00:07:34 directement avec le Hamas.
00:07:36 C'est un rôle d'intermédiaire,
00:07:37 qui est un rôle très...
00:07:39 disons, salué et très...
00:07:41 Voilà, j'essaie de trouver mon mot.
00:07:44 -Oui, il est reconnu aujourd'hui
00:07:45 comme étant le mandataire, enfin, le médiateur
00:07:48 dans ce conflit, même s'il est un peu jugé parti,
00:07:51 parce qu'on sait qu'il a financé aussi le Hamas
00:07:54 pendant longtemps avec l'accord des Israéliens.
00:07:56 -Absolument.
00:07:58 -Je précise ça.
00:07:59 Il faut rester prudent,
00:08:00 ou est-ce qu'il pourrait y avoir plusieurs milliers de personnes
00:08:04 évacuées via l'Egypte ?
00:08:06 -Je pense que pour le moment, il faut rester très prudent,
00:08:10 parce que ça concerne principalement les binationaux.
00:08:13 Il y a eu une très petite minorité de personnes gazaouies
00:08:16 qui sont sorties des blessés,
00:08:18 mais ça concerne principalement les binationaux.
00:08:21 Il faut rester prudent,
00:08:22 parce que comme ça a été expliqué dans votre reportage,
00:08:25 l'Egypte est très réfractaire à l'idée de pouvoir laisser rentrer
00:08:29 davantage de Palestiniens sur son territoire.
00:08:32 -C'est incompréhensible, au vu de la situation humanitaire ?
00:08:36 -L'Egypte...
00:08:37 Pour deux raisons, selon moi.
00:08:39 La première raison, c'est que, d'un point de vue stratégique,
00:08:42 l'Egypte n'a aucun intérêt à provoquer
00:08:44 un mouvement de population qui puisse potentiellement
00:08:47 faire rentrer des éléments du Hamas à l'intérieur du Sinaï.
00:08:51 Le Hamas est affilié aux Frères musulmans,
00:08:53 qui sont l'ennemi juré d'Al-Sisi. -Terroriste.
00:08:56 -Qui est, en tout cas, un mouvement islamiste
00:08:59 qui est l'ennemi juré d'Al-Sisi.
00:09:01 Al-Sisi n'a pas du tout envie de voir des éléments du Hamas
00:09:04 qui infiltrent le Sinaï.
00:09:05 La deuxième chose, c'est que...
00:09:07 Et il l'a d'ailleurs très clairement dit,
00:09:10 on est peut-être potentiellement face à une seconde Nakba.
00:09:14 La Nakba, pour recontextualiser, c'est ce qui s'est passé,
00:09:17 ça veut dire la catastrophe,
00:09:19 c'est ce qui s'est passé en 1948,
00:09:21 pendant la guerre israélo-arabe,
00:09:24 après la déclaration d'indépendance de l'Etat d'Israël.
00:09:27 -Immédiatement après la création de l'Union.
00:09:30 -Les Israéliens ont été expulsés ou fuient les combats.
00:09:33 C'est considéré, dans le narratif identitaire
00:09:36 et collectif palestinien, comme une catastrophe.
00:09:39 -Si on part, on ne revient pas. -Si on part, on ne revient pas.
00:09:42 -La situation est telle... -Les gens craignent
00:09:45 qu'il y ait un projet dissimulé comme un projet humanitaire.
00:09:48 Les gens craignent que le projet... -Les gens, c'est qui ?
00:09:51 -Les observateurs du conflit,
00:09:55 les juristes internationaux, les humanitaires.
00:09:58 Les juristes internationaux sont, à l'heure actuelle,
00:10:01 en train d'avancer des éléments qui peuvent laisser penser
00:10:05 qu'on a des propos juridiquement qualifiables de génocidaire
00:10:09 par certains membres du gouvernement israélien,
00:10:12 notamment Benjamin Netanyahou, qui a cité la Bible
00:10:14 pour inciter à un massacre.
00:10:17 -Vous dites beaucoup de choses. -Oui.
00:10:19 -Dans ce conflit, on sait à quel point les mots comptent
00:10:22 et sont très importants. Ilana Sicurel,
00:10:25 déjà, sur les évacuations,
00:10:27 le Maroc, qui n'est pas le pays arabe le plus hostile à Israël,
00:10:31 dit que la communauté internationale est inactive.
00:10:35 Est-ce que vous avez l'impression
00:10:37 que les Occidentaux ne mettent pas assez la pression
00:10:40 sur Israël pour épargner les civils, déjà sur ce point-là,
00:10:44 ou vous dites que cette évacuation, c'est déjà ça ?
00:10:47 -Je voudrais réagir, parce que je ne peux pas rester
00:10:50 sans commenter ce qu'il vient de dire,
00:10:52 qui m'a profondément choquée.
00:10:54 C'est-à-dire que l'idée d'un génocide,
00:10:56 je crois que les Israéliens ont été extrêmement clairs...
00:11:00 -Le propos au génocide. -Oui, mais bon...
00:11:02 C'est pas partout précisé. -Ce soir,
00:11:04 il y a deux experts de l'ONU qui disent "risque de génocide",
00:11:07 je vous laisse les guillemets et je les referme.
00:11:10 -Un génocide, on est en droit international,
00:11:13 un génocide, il fait toute la différence,
00:11:15 et si vous me le permettez, je vais commencer par là.
00:11:18 Il y a une différence à faire,
00:11:20 et nos téléspectateurs ne comprendront rien
00:11:23 si on n'apporte pas cette précision,
00:11:26 c'est qu'en droit international,
00:11:28 on fait vraiment la différence entre un crime,
00:11:32 une attaque qui vise délibérément les civils,
00:11:35 il ne fait aucun doute que le 7 octobre,
00:11:37 on est arrivé au paroxysme de l'horreur et de la barbarie,
00:11:40 et c'est très documenté,
00:11:42 puisqu'en plus, les terroristes ont filmé ce qu'ils ont fait,
00:11:45 donc il y avait une volonté non seulement de tuer
00:11:48 le plus de civils possible, mais en plus,
00:11:50 de leur faire subir le pire.
00:11:52 Il est évident aussi que quand vous avez des...
00:11:57 Et c'est en train d'arriver, à ces heures-ci,
00:12:00 l'envoi de roquettes
00:12:04 dans des zones très peuplées en Israël,
00:12:06 on cherche à tuer le plus de civils possible.
00:12:09 On est dans un cadre clair.
00:12:10 Pour ce qui concerne l'attaque israélienne,
00:12:13 on est, et les Israéliens ont été très clairs là-dessus,
00:12:16 sur le fait que le but est militaire,
00:12:18 le but est de démanteler le Hamas,
00:12:20 et dans cela, en tant que députée européenne,
00:12:24 la France et l'Europe comprennent
00:12:27 qu'un État qui a été frappé de la sorte,
00:12:30 eh bien, répondent pour démanteler le Hamas,
00:12:34 qui est une organisation terroriste,
00:12:36 qui nous menace tous, et je rappelle qu'on a 31 compatriotes
00:12:40 qui ont été tués et neuf otages français
00:12:42 qui sont potentiellement toujours détenus.
00:12:44 Donc, l'objectif, ça n'est pas les civils.
00:12:47 Et nous sommes dans un contexte extraordinairement compliqué,
00:12:50 puisque, comme vous le savez,
00:12:52 le Hamas fait un usage extrêmement pervers
00:12:57 de la population civile,
00:12:58 qui est, d'une certaine manière, otage du Hamas,
00:13:01 puisque les infrastructures militaires
00:13:04 sont dans des zones fortement peuplées,
00:13:07 sous des hôpitaux, et donc, Israël veut faire, évidemment,
00:13:11 le moins de victimes possibles civiles.
00:13:13 -C'est la question des groupes électrogènes.
00:13:16 -L'élément d'intentionnalité n'est pas là,
00:13:18 et je crois que la dimension humanitaire,
00:13:21 je pense que les Israéliens n'y sont pas du tout insensibles,
00:13:24 et d'ailleurs, dans les discussions qu'il y a pu y avoir
00:13:27 entre Biden et Netanyahou, entre le président Macron
00:13:30 et son interlocuteur israélien, notamment le président Herzog,
00:13:34 la dimension humanitaire était présente.
00:13:36 -La France envoie des avions,
00:13:38 des porte-hélicoptères hôpitaux.
00:13:40 Un de plus, aujourd'hui.
00:13:42 -Et les Israéliens, d'ailleurs, je l'ai su,
00:13:45 avaient insisté sur la nécessité de monter des hôpitaux
00:13:48 pour accueillir les victimes.
00:13:50 Je crois que c'est très important de rappeler ça,
00:13:53 parce qu'on ne peut pas parler...
00:13:55 En plus, nous sommes dans un contexte français-européen
00:13:58 très inflammable, où il y a des causeurs de haine
00:14:01 qui souffrent sur les braises,
00:14:03 et la moindre étincelle peut être très inflammable.
00:14:06 -L'armée israélienne se dit choquée.
00:14:08 -On parle des faits, mais aussi de la qualification.
00:14:11 C'était important pour moi de le dire.
00:14:14 -On va parler de l'offensive,
00:14:15 que vous allez nous aider à comprendre et à analyser,
00:14:19 mais les mots "crime de guerre",
00:14:21 est-ce que c'est à ça qu'on fait face ?
00:14:23 Quand des civils,
00:14:25 quand c'est pas le but de l'armée,
00:14:28 mais sont victimes de bombardements,
00:14:30 quels sont les mots à employer, justement ?
00:14:34 -Il faut d'abord souligner que...
00:14:36 Il faut revenir aux fondamentaux,
00:14:40 ce qui s'est passé le 7 octobre.
00:14:42 Ce qui s'est fait en toute proportionnalité,
00:14:45 c'est comme si, en novembre 2015,
00:14:47 il y avait eu 10 000 Français tués.
00:14:49 Donc, on est dans quelque chose qui est extraordinaire,
00:14:53 ce qui n'est jamais arrivé dans l'histoire d'Israël
00:14:56 depuis 1948, avec autant de victimes civiles
00:14:59 par acte de terrorisme.
00:15:01 Et à cela se rajoute le fait
00:15:04 qu'il y a environ 240 otages israéliens et binationaux
00:15:09 qui sont quelque part dans la bande de Gaza.
00:15:11 Ce qui est très compliqué sur le plan militaire,
00:15:14 c'est qu'il n'y a pas de bonne solution.
00:15:16 D'abord, premièrement, le Hamas...
00:15:19 Et ça, souvent, il y a beaucoup de confusion dans les plateaux
00:15:22 quand on parle des militaires du Hamas.
00:15:24 Je suis désolé, les membres du Hamas ne sont pas des militaires.
00:15:28 Ils n'ont pas droit, par exemple, au statut de prisonniers de guerre.
00:15:32 Ils sont des militants d'une organisation
00:15:35 que certains Etats qualifient de terroristes, comme la France.
00:15:39 Donc, la difficulté, comme vous l'avez souligné,
00:15:42 c'est que pour conduire des opérations militaires
00:15:45 dans un espace restreint, extrêmement dense,
00:15:48 où, effectivement, le Hamas mélange
00:15:51 ses infrastructures à des fins militaires
00:15:55 ou à d'autres fins de contrebande au milieu de la population civile,
00:15:58 c'est extrêmement difficile.
00:16:00 C'est plus simple d'aller bombarder
00:16:03 un aérodrome militaire en Syrie.
00:16:05 C'est sûr que là, il n'y a pas...
00:16:07 -Pour vous, ce ne sont pas des crimes.
00:16:09 Ce sont des victimes collatérales
00:16:11 menées contre un mouvement terroriste.
00:16:14 -Quand, par exemple, il y a le bombardement
00:16:16 d'un camp de réfugiés,
00:16:18 dans lequel, en dessous, il y a effectivement
00:16:20 des installations du Hamas,
00:16:22 ça fait des victimes collatérales.
00:16:24 Maintenant, est-ce qu'il faudra, là aussi,
00:16:27 travailler sur l'intentionnalité,
00:16:29 c'est-à-dire les cibles qui ont été visées,
00:16:31 étaient-elles clairement identifiées ?
00:16:34 Est-ce qu'on minimise au maximum les risques collatéraux ?
00:16:37 Ca, ça va être très compliqué,
00:16:39 d'autant plus qu'il faut également souligner
00:16:42 qu'il n'y a très peu d'observateurs impartiaux,
00:16:45 dire, dans la bande de Gaza.
00:16:48 Et donc, ce sera notamment, par exemple,
00:16:50 sur le bilan humain fourni par le Hamas,
00:16:53 qui est un bilan fourni par le Hamas.
00:16:55 -Ca veut dire quoi ?
00:16:57 Ca veut dire qu'il faut quoi ? Diviser par combien ?
00:17:00 -Je ne sais pas. En tout état de compte,
00:17:02 on ne peut pas le considérer
00:17:04 comme un bilan officiel qui a été validé,
00:17:06 par exemple, comme le fait le NHL,
00:17:08 par exemple, pour l'Ukraine. -Ca, on le dit,
00:17:11 et on le redit, il n'y a aucun journaliste international
00:17:14 dans la bande de Gaza. Jean-Claude Samouyer,
00:17:17 on va voir un reportage grâce aux équipes de l'AFP,
00:17:20 puisque l'AFP est la seule agence sur place.
00:17:22 Le Hamas prend en otage les populations palestiniennes,
00:17:26 selon vous, dans Gaza. -Je voudrais revenir
00:17:28 sur ce qui a été dit jusqu'à présent,
00:17:30 la position d'Amnesty International.
00:17:33 -Mutiler des civils, les prendre en otage,
00:17:35 ce sont des crimes de guerre au regard du droit international.
00:17:38 Les deux belligérants, que ce soit une armée régulière
00:17:41 ou un groupe armé, ils sont soumis
00:17:43 au droit international humanitaire,
00:17:46 les conventions de Genève et le droit de la guerre.
00:17:48 -Amnesty condamne. -Nous condamnons,
00:17:51 mais sans la moindre réserve, les atrocités commises
00:17:54 par le Hamas le 7 octobre et l'envoi de roquettes...
00:17:57 -Ce sont des attaques terroristes,
00:17:59 pour qu'on soit d'accord sur les mots.
00:18:01 -C'est ce qu'on appelle "attaque terroriste".
00:18:04 -Nous n'employons pas le terme "terroriste",
00:18:06 nous l'appelons "groupe armé palestinien".
00:18:09 Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas reconnu
00:18:11 au droit international. Un jour, si on veut que la justice passe,
00:18:14 il faut qu'on qualifie les choses précisément.
00:18:17 Nous les qualifions "groupe palestinien armé
00:18:20 coupable de crime de guerre".
00:18:21 C'est comme ça qu'on rendra justice aux victimes.
00:18:24 -C'est reconnu par l'Union européenne,
00:18:27 par les Etats-Unis. -La notion de terrorisme
00:18:29 dépend de chaque groupe d'Etat.
00:18:31 -Les faits. -Basons-nous sur les termes.
00:18:34 -Géraldine Mühlmann, c'est intéressant,
00:18:36 on a des faits, on s'est acharné sur des corps
00:18:39 avec un commandement de mutiler.
00:18:41 -C'est pas parce qu'on dit... -Ca s'appelle comment ?
00:18:44 -Ca s'appelle un crime de guerre.
00:18:46 Au niveau du droit international...
00:18:48 -C'est grave. -C'était combien grave ?
00:18:50 -Géraldine Mühlmann. -Il y a une folie,
00:18:52 d'ailleurs antérieure aux événements actuels,
00:18:55 on n'arrive plus à sentir la gravité extrême
00:18:59 des crimes de guerre, qui est une notion,
00:19:01 effectivement, dans laquelle il y a des viols.
00:19:04 Il y a une montée en puissance
00:19:06 que tous les sociologues et juristes notent,
00:19:09 par exemple, du terme de génocide.
00:19:11 Je rappelle que quelques jours après l'attaque des Russes
00:19:15 sur "inadmissible" sur l'Ukraine,
00:19:17 où il y a des crimes de guerre documentés,
00:19:20 avec des viols, notamment, de femmes,
00:19:22 c'est vraiment des crimes de guerre,
00:19:24 certains, notamment l'historien Timothy Snyder,
00:19:27 qui a tout de suite parlé de génocide.
00:19:29 Le fait qu'il y ait parfois même une intention génocidaire
00:19:33 ne suffit pas à qualifier, enfin, à employer tout de suite
00:19:36 le plus énorme des mots du droit de la guerre
00:19:39 ou du droit international, ou du droit, si j'ose dire,
00:19:42 des violences, qui est le mot de "génocide".
00:19:45 Personnellement, je pense qu'il y a un autre mot,
00:19:48 à part "crime de guerre", qui dit mieux les choses,
00:19:51 et qui est celui des sociologues et des politologues,
00:19:54 c'est le mot de "massacre".
00:19:55 Le mot de "massacre" suffit,
00:19:57 et je pense qu'il y a eu le 7 octobre
00:19:59 tous les critères d'un massacre,
00:20:01 c'est-à-dire une attaque d'une cruauté extrême
00:20:04 contre des populations civiles israéliennes,
00:20:07 avec une visée indéniable, compte tenu de la charte du Hamas,
00:20:10 à l'égard des Juifs et pas seulement des Israéliens.
00:20:13 Et maintenant, comme il est très difficile
00:20:16 de savoir ce qui se passe dans la banque de Gaza...
00:20:18 -On va essayer de voir. -Je pense qu'il n'est pas
00:20:21 à exclure qu'il y ait des crimes de guerre
00:20:24 contre les Israéliens. -On avance, justement.
00:20:26 Pas tout de suite, parce que justement,
00:20:28 je voudrais qu'on avance avec l'un des protagonistes.
00:20:31 On va s'attarder sur l'offensive militaire en cours.
00:20:34 Bonsoir, colonel Olivier Rafovitz.
00:20:36 Merci beaucoup d'avoir patienté depuis Tel Aviv.
00:20:39 Merci d'être là, vous êtes porte-parole de Tsaïl.
00:20:42 Tsaïl, qui a continué sa percée
00:20:46 dans Gaza City avec des avancées importantes,
00:20:50 des combats ultra-violents, d'homme à homme,
00:20:53 justement, des succès, selon le Premier ministre.
00:20:56 Précisez-nous les choses.
00:20:57 Est-ce que la ville de Gaza, dans l'enclave,
00:21:00 est encerclée, ce soir ?
00:21:02 -Bonsoir et merci de m'avoir invité sur votre plateau.
00:21:06 Je vois les émotions, j'entends les mots,
00:21:08 j'entends aussi ce qui n'est pas dit derrière les mots.
00:21:11 Il y a une guerre dans la guerre,
00:21:13 une guerre de communication,
00:21:15 une guerre des mots dans la guerre véritable
00:21:17 entre l'Etat d'Israël et le Hamas.
00:21:19 Je voudrais vous dire deux mots avant de répondre.
00:21:22 L'Etat d'Israël a été attaqué le 7 octobre 2023.
00:21:27 Le 6 octobre, on était en paix.
00:21:30 C'était le cessez-le-feu, si vous voulez.
00:21:32 Le 7, ça a été le massacre le plus horrible que nous ayons connu,
00:21:35 atrocité sans nom.
00:21:37 Depuis, le Hamas a déclaré la guerre à Israël.
00:21:39 Nous sommes dans une guerre dans laquelle nous voulons détruire,
00:21:43 une fois pour toutes, le Hamas,
00:21:45 et éliminer les assassins,
00:21:48 ceux qui ont fait ce qu'ils ont perpétré,
00:21:52 et je veux pas maintenant...
00:21:53 -Dites-nous où en est la percée, l'offensive militaire sur le terrain.
00:21:57 -Nous sommes dans la deuxième phase de cette guerre,
00:22:00 dans le sens où, après plus de 15 jours
00:22:04 d'opérations aériennes extrêmement intenses et intensives
00:22:07 sur des objectifs du Hamas,
00:22:09 nous avons commencé vendredi une opération terrestre,
00:22:12 et ce soir, alors, nous parlons,
00:22:14 il y a des combats extrêmement durs.
00:22:17 Nous avons 20 morts depuis le début de l'opération,
00:22:20 et nous sommes maintenant en train d'encercler
00:22:24 la ville de Gaza City, et je rappelle,
00:22:26 au niveau de l'humanitaire, que nous avons, depuis le début,
00:22:29 annoncé, en arabe, par différents canaux,
00:22:32 à la population gazaouie de quitter la région nord
00:22:36 pour la région sud, entre autres, la région autour de Khan Younes,
00:22:40 qui est une zone humanitaire, avec des médicaments,
00:22:43 de la nourriture, de l'eau, et ceci, en fin de compte,
00:22:46 pour éviter qu'elle soit prise dans les combats.
00:22:49 Le Hamas, lui, ne veut pas empêcher que les gazaouies s'en aillent.
00:22:52 Une grande partie sont partis, près d'un million,
00:22:55 mais il y en a encore qui sont restés et qui, malheureusement,
00:22:59 sont otages du Hamas, et les combats, aujourd'hui,
00:23:02 s'accélèrent, mais nous sommes extrêmement prudents
00:23:05 dans notre action contre le Hamas.
00:23:07 -Est-ce que vous pensez que vos buts de guerre,
00:23:10 éliminer le Hamas à Gaza, sont atteignables ?
00:23:12 Est-ce que vous avez détruit une partie des centaines de tunnels
00:23:16 dans l'enclave ?
00:23:17 Comment empêcher que le Hamas ne passe systématiquement
00:23:22 par les tunnels et vous échappe ?
00:23:24 -D'après nos analyses, il y aurait 800 km de tunnels,
00:23:28 800 km de tunnels, de souterrains creusés
00:23:31 à des dizaines de mètres sous terre,
00:23:33 la vraie majorité étant dans la ville de Gaza
00:23:36 et également sous des institutions humanitaires,
00:23:39 comme l'hôpital de Shifa,
00:23:40 que nous avons présenté à la presse internationale,
00:23:44 fondé sur des informations,
00:23:45 des éléments d'information que nous avons d'ailleurs disclosés
00:23:49 à des Etats amis, à des agences de sécurité alliées.
00:23:52 Je pense que le général en place sur notre plateau
00:23:55 doit être au courant de ces documents
00:23:57 qui ont été transmis à nos amis.
00:23:59 Il est clair que le Hamas, si vous voulez,
00:24:02 a véritablement créé une infrastructure de guerre,
00:24:05 je dis bien de guerre, contre Israël.
00:24:07 Ces tunnels et ces souterrains,
00:24:09 qui pourraient servir de protection à la population civile,
00:24:12 sont interdits à la population de Gaza.
00:24:15 Seuls les membres du Hamas et du djihad islamique
00:24:18 ont le droit d'y pénétrer
00:24:19 et actuellement, ils sont présents avec l'arsenal militaire du Hamas.
00:24:23 -Question sur les exactions en Cisjordanie, cette fois.
00:24:28 On a vu des vidéos très choquantes
00:24:30 avec des colons israéliens qui maltraitent et torturent
00:24:33 des Palestiniens. Il y a eu aussi des soldats de Tsaïl
00:24:36 qui ont pu participer à ces exactions.
00:24:39 Est-ce que vous les condamnez, vous, en tant que porte-parole ?
00:24:42 -On a une audite à Antony Blinken, le secrétaire d'Etat américain,
00:24:46 qui demande des mesures concrètes à Israël
00:24:48 pour épargner les civils palestiniens.
00:24:51 -Je suis porte-parole de Tsaïl,
00:24:53 pas du gouvernement israélien,
00:24:55 donc avec tout le respect que j'ai pour vous,
00:24:57 je ne peux pas commenter l'arrivée de Blinken en Israël,
00:25:00 qui arrive donc demain, vite importante.
00:25:03 Pour ce qui est de la problématique sécuritaire
00:25:06 en Cisjordanie,
00:25:07 s'il y a des choses qui sont faites contre l'ordre et la loi,
00:25:10 elles sont effectivement contre l'intérêt
00:25:13 à la fois sécuritaire d'Israël et en dehors de la loi.
00:25:16 Si elles sont en dehors de la loi, elles doivent être punies.
00:25:19 -Il y aura sans doute des enquêtes.
00:25:21 Dernière question avant de vous libérer,
00:25:24 monsieur Rafowitz. Le journal Yedioth Aronoth,
00:25:26 le journal israélien, parle de négociations possibles
00:25:30 entre Israël et le Hamas.
00:25:31 Israël pourrait accepter que le Hamas quitte Gaza
00:25:34 en échange de la libération des otages.
00:25:36 Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:25:40 -Je pense qu'il y a beaucoup d'intox
00:25:43 et beaucoup de fausses informations qui circulent.
00:25:45 Je répète et je signe, le Hamas a massacré
00:25:49 1 400 personnes, plus même,
00:25:51 et on a kidnappé 242, dont des citoyens français.
00:25:55 Il y a encore une cinquantaine de personnes disparues.
00:25:59 Et le Hamas, aujourd'hui,
00:26:01 invente des histoires et invente des pseudos...
00:26:05 je dirais informations,
00:26:06 pour, entre guillemets, changer le narratif.
00:26:10 Le Hamas va être éliminé d'abord de Gaza.
00:26:13 Je voudrais finir par une note à propos des mots.
00:26:16 Je suis pour libérer Gaza, mais libérer Gaza du Hamas.
00:26:20 -Merci, merci beaucoup, Olivier Rafowitz,
00:26:22 porte-parole de TSAL, d'avoir été en duplex avec nous.
00:26:25 Alors, le général va nous aider à y comprendre
00:26:28 quelque chose à cette offensive.
00:26:30 Expliquez-nous, est-ce que ce but de guerre,
00:26:33 d'éliminer Gaza, où on a bien entendu le porte-parole,
00:26:36 les centaines, pardon, d'éliminer le Hamas,
00:26:39 excusez-moi, les mots, on parle des mots, voilà,
00:26:43 expliquez-nous si c'est possible.
00:26:46 -Alors, en fait, c'est compliqué, bien entendu,
00:26:50 par la nature même du mouvement qu'est le Hamas,
00:26:53 qui est à la fois un mouvement terroriste,
00:26:55 un mouvement politique, un mouvement social.
00:26:58 Donc, en fait, l'objectif de TSAL,
00:27:01 c'est d'éliminer, vous diriez,
00:27:04 la partie militaire du Hamas,
00:27:08 et notamment le fait qu'Israël
00:27:11 dispose de très nombreuses informations,
00:27:13 du renseignement, mais renseignement auquel
00:27:16 nous collaborons. Le ministre des Armées,
00:27:18 Sébastien Lecornu, a dit que nous fournissions
00:27:21 du renseignement, parce qu'il faut pas oublier
00:27:23 que derrière, il y a des terroristes,
00:27:26 le djihad islamique, et qu'il y a une forme de lutte commune.
00:27:29 Il s'agit d'identifier les leaders du Hamas
00:27:32 et de les éliminer, dans la bande de Gaza.
00:27:35 Donc là, ça passe par, notamment,
00:27:37 beaucoup de combats de nuit.
00:27:39 Pourquoi ? Parce que le combat de nuit,
00:27:41 TSAL a l'avantage d'être très bien équipé
00:27:43 en instruments de vision nocturne, et ainsi de suite.
00:27:46 Et puis, paradoxalement, c'est beaucoup plus facile,
00:27:49 de nuit, de discerner un combattant qu'un civil.
00:27:52 Parce que vous voyez tout de suite,
00:27:54 par exemple, des gens qui se déplacent
00:27:56 avec de l'armement de nuit, ils vont pas faire le marché.
00:27:59 C'est aussi un élément important.
00:28:01 -C'est possible d'arriver à éliminer le Hamas ?
00:28:04 Cette stratégie peut-elle... -Éliminer...
00:28:06 -On a l'impression que la violence alimente la violence.
00:28:09 -Je ne sais pas. Une chose est sûre,
00:28:12 c'est qu'en tout état de cause, c'est intéressant,
00:28:14 on parlait du nombre de victimes.
00:28:16 On sait exactement le nombre de soldats de TSAL qui sont tués.
00:28:20 Le colonel l'a évoqué, 20 soldats depuis quelques jours.
00:28:24 On ne connaît pas le nombre de combattants éliminés.
00:28:27 Ils font partie du chiffre donné par le Hamas.
00:28:30 Il y a aussi la destruction de toutes les infrastructures.
00:28:34 Effectivement, dans les tunnels,
00:28:36 les ateliers de fabrication des roquettes,
00:28:38 les ateliers de stockage de munitions,
00:28:40 là, c'est assez documenté.
00:28:42 Ils ont énormément de matériel dispersé,
00:28:44 des postes de commandement,
00:28:46 et notamment le fait qu'ils sont sous sol,
00:28:49 en sous-sol, et hélas,
00:28:51 sous des infrastructures à usage civil.
00:28:53 -Joanne de Hache ?
00:28:55 -Je voudrais revenir sur un argument que je trouve très grave,
00:28:58 qu'on utilise beaucoup, qu'on entend beaucoup.
00:29:01 C'est l'argument comme quoi le Hamas utilise des civils
00:29:04 comme des boucliers humains,
00:29:06 qui est présenté comme une circonstance atténuante
00:29:09 pour justifier les bombardements israéliens.
00:29:11 C'est très grave, parce que c'est une circonstance aggravante.
00:29:15 Qu'est-ce qui se passe ?
00:29:16 Ca veut dire qu'Israël a parfaitement connaissance
00:29:19 d'une information comme quoi il fait état
00:29:21 de la présence de civils dans une zone définie,
00:29:24 sur laquelle il va y avoir un bombardement,
00:29:26 et malgré cette information,
00:29:28 Israël prend la décision de bombarder quand même.
00:29:31 C'est-à-dire qu'Israël prend la décision consciente,
00:29:34 avec cette information en tête, de bombarder des civils,
00:29:37 au mépris du droit international humanitaire.
00:29:40 -Ilana Secherel ?
00:29:41 -C'est pas au mépris du droit international,
00:29:43 puisque, justement, plusieurs choses.
00:29:46 D'une part, quand vous avez, et là, je parle en juriste,
00:29:49 quand vous avez une infrastructure militaire
00:29:52 qui se sert d'un bouclier humain,
00:29:54 qui est un crime de guerre, soit dit, en passant,
00:29:57 eh bien, ça devient une cible militaire.
00:30:01 Est-ce que vous devez tout faire pour épargner les civils ?
00:30:05 Bien évidemment, parce que ça se fait dans des règles.
00:30:08 Est-ce que les Israéliens ont fait ce qu'ils pouvaient
00:30:11 en prévenant 24 heures à l'avance ce qui a été fait ?
00:30:15 Et heureusement, ça a permis à un million de Gazaouis
00:30:19 de quitter le territoire.
00:30:20 Oui. Est-ce que, si vous étiez, vous,
00:30:23 à la tête d'un Etat qui vient d'avoir une attaque
00:30:26 de cette ampleur, et que vous aviez en face de vous
00:30:29 une force comme le Hamas,
00:30:31 qui est une organisation terroriste
00:30:34 selon l'Europe et la France,
00:30:36 et qui se sert de manière systématique,
00:30:38 puisque son but de guerre au Hamas,
00:30:41 et c'est affirmé, c'est atroce,
00:30:43 mais c'est provoquer le plus de morts civiles
00:30:46 dans son propre camp.
00:30:47 Qu'est-ce que vous faites ?
00:30:49 Autrement dit... -La question du droit
00:30:51 de se défendre. -Autrement dit,
00:30:53 que prévenir les populations, rien n'est satisfaisant.
00:30:59 Chaque mort civile est une tragédie.
00:31:02 Tout le monde est d'accord là-dessus.
00:31:04 Mais simplement, vous comprenez bien
00:31:06 dans quelle situation absolument inextrictable
00:31:09 se trouve Israël, qui ne peut pas...
00:31:11 D'ailleurs, c'est un combat que les forces démocratiques partagent.
00:31:15 Nous ne pouvons pas laisser les bras croisés.
00:31:18 -Donnez-moi un élément de preuve.
00:31:20 -Il n'a pas pu s'exprimer.
00:31:22 -Le nombre de morts du Hamas, derrière 9 000,
00:31:24 c'est le nombre du Hamas.
00:31:26 -C'est le chiffre de l'ONU,
00:31:28 c'est le chiffre de l'Office de coordination
00:31:31 des affaires humanitaires.
00:31:32 -Les 9 000 morts à Gaza, c'est le nombre du Hamas.
00:31:35 -Ce sont des crimes de guerre.
00:31:37 Le fait de faire un blocus et d'affamer une population
00:31:41 de la privée d'eau, de la privée de gasoil,
00:31:43 pour faire tourner les hôpitaux, les pompes à eau,
00:31:46 les usines de décellement,
00:31:48 ce sont des crimes de guerre.
00:31:50 Nous demandons à cesser le feu,
00:31:52 de pouvoir mettre en place des corridors humanitaires.
00:31:55 On a vu tout à l'heure des personnes
00:31:57 qui quittaient la bande de Gaza,
00:31:59 mais nous, nous demandons que les biens
00:32:02 de première nécessité arrivent.
00:32:04 Il y a eu 59 camions hier, 62 aujourd'hui,
00:32:06 mais il en faudrait 100 par jour.
00:32:08 Il faut soulager la détresse de la population de Gaza,
00:32:12 qui est au bord du gouffre humanitaire.
00:32:14 -Vous faites confiance à la communauté internationale ?
00:32:18 -Il faut continuer, chacun dans notre rôle.
00:32:20 La communauté internationale, l'Union européenne, les ONG.
00:32:24 Il faut faire pression pour que ce soit un cessez-le-feu
00:32:27 pour mettre en place des corridors humanitaires
00:32:30 et laisser le temps de négocier la libération des otages.
00:32:33 -On sait que les Américains reviennent.
00:32:35 Ce n'est pas Joe Biden, mais c'est Antony Blinken, demain.
00:32:39 Les Américains ont-ils les moyens de peser ?
00:32:41 Et comment vous, le militaire que vous êtes,
00:32:44 voyez ce conflit ? Est-ce qu'il va durer ?
00:32:46 -Il y a un pays dont on n'a pas parlé, l'Iran.
00:32:49 Or, l'Iran, actuellement, met de l'huile sur le feu.
00:32:52 Vous avez les rebelles houthis
00:32:55 qui tirent des missiles et des drones vers Israël.
00:32:58 Soit dit en passant, je pense qu'à Riyad,
00:33:02 il doit être assez intéressant de voir
00:33:05 comment ils perçoivent cette action.
00:33:07 L'USBOLA a amplifié ces actions.
00:33:09 La problématique, elle est là.
00:33:12 C'est-à-dire qu'effectivement, le risque,
00:33:15 c'est est-ce que l'USBOLA va rentrer en guerre...
00:33:18 -Hassan Nasrallah, son chef, doit s'exprimer demain.
00:33:21 Il pourrait ouvrir un deuxième front ?
00:33:23 -C'est... En fait, la problématique, là, elle est à Teheran.
00:33:28 Que veut Teheran ? Est-ce que Teheran veut profiter
00:33:31 de la situation pour aggraver la situation
00:33:34 et surtout empêcher la mise en oeuvre des accords d'Abraham ?
00:33:38 C'est la raison pour laquelle le déploiement militaire américain
00:33:41 est extrêmement important.
00:33:43 On est présents militairement avec un groupe
00:33:46 autour du porte-hélicoptère amphibie
00:33:48 avec une priorité donnée à l'aide humanitaire,
00:33:51 mais également avec des frégates pour acquérir du renseignement.
00:33:54 Parce qu'effectivement, si d'autres pays, dont Teheran,
00:33:58 veulent mettre de l'huile sur le feu,
00:34:00 le dérapage sera dramatique. -On va s'arrêter là.
00:34:03 On va s'arrêter là. Merci à vous.
00:34:05 Merci d'être venus débattre sur ce plateau.
00:34:07 Vous restez avec moi, Géraldine Bullman,
00:34:10 dans une dizaine de minutes.
00:34:12 Les parties prises de nos affranchies.
00:34:14 Ce soir, le regard du philosophe Nathan Devers
00:34:16 de retour de Tel Aviv sur la société israélienne
00:34:19 à front renversé, il nous dira.
00:34:21 L'oeil sur le numérique de Delphine Sabatier
00:34:24 qui revient sur les polémiques autour de la reconnaissance faciale.
00:34:27 Ce soir, de quoi nous parlons, Stéphanie ?
00:34:30 D'une nouvelle tentative des Insoumis d'abroger la retraite à 64 ans.
00:34:34 -Bon courage. On verra ça.
00:34:35 Merci. A tout à l'heure.
00:34:37 D'abord, on va plonger dans votre livre, Géraldine Bullman.
00:34:40 C'est d'une certaine manière la suite de ce débat.
00:34:43 Pour les faits, aux éditions des Belles Lettres,
00:34:46 nous invitons à revenir aux récits des reporters sur le terrain.
00:34:49 Le défi est de taille,
00:34:51 tant la défiance vis-à-vis des médias est grande.
00:34:53 C'est dans "L'invitation" de Baptiste Garguichartier.
00:34:56 On en parle après.
00:34:58 -Si on vous invite, Géraldine Bullman,
00:35:00 c'est pour votre analyse sur l'essence des faits.
00:35:03 Thème central de votre dernier ouvrage
00:35:05 dans lequel vous rappelez leur importance
00:35:08 à fortiori dans une période polluée par les fake news.
00:35:10 -Nous sommes à un moment historique, en ce moment,
00:35:13 où triomphe l'idée du "à chacun ses faits",
00:35:17 que les gens voient singulièrement qu'il n'y a pas de commun.
00:35:21 -Géraldine Bullman, vous êtes philosophe,
00:35:23 agrégée de sciences politiques
00:35:25 et professeure à l'université Panthéon-Assas.
00:35:28 Votre ouvrage le plus marquant reste sans doute
00:35:31 celui sur la liberté d'expression,
00:35:33 mais dans votre dernier livre,
00:35:35 "Réflexion subtile sur l'avenir du journalisme".
00:35:38 -Il faut apprendre à raconter les faits,
00:35:40 c'est le travail des reporters,
00:35:42 en essayant de mettre le moins de sensibleries singulières possible,
00:35:46 en essayant de parler, de raconter à la place de n'importe qui,
00:35:49 pour que... C'est ça, le contrat entre des gens qui racontent
00:35:52 et des gens qui racontent.
00:35:54 C'est le témoin ambassadeur.
00:35:56 -Votre livre nous plonge dans un journalisme du réel, dites-vous.
00:36:00 Côté pile, analyse de la sensibilité,
00:36:03 et côté face, analyse de l'impartialité journalistique.
00:36:07 Pour bien comprendre, flashback historique.
00:36:10 Vous vous appuyez entre autres sur l'affaire Dreyfus,
00:36:13 qui divise la société en 1894.
00:36:16 Et à cette époque,
00:36:18 l'objectivité journalistique fait déjà débat.
00:36:21 À chacun ses faits, une presse Dreyfusard d'une part
00:36:24 et une presse anti-Dreyfusard d'autre part.
00:36:27 Vous évoquez ensuite la transition d'une presse d'opinion
00:36:30 à une presse d'information, mais un siècle plus tard,
00:36:33 la tendance serait-elle de nouveau inversée
00:36:35 par la harmonie des chaînes d'info, des réseaux sociaux
00:36:38 et l'intrusion des intelligences artificielles ?
00:36:41 À vous lire, chacun aurait ses propres faits
00:36:43 et grandirait dans une réalité parallèle.
00:36:46 Alors y a-t-il encore une place pour ce témoin ambassadeur ?
00:36:49 Et le journalisme de terrain est-il en danger ?
00:36:52 -Réponse, Géraldine ? -Il est en danger.
00:36:56 Ca fait déjà un moment.
00:36:57 Je pense que nous avons eu un siècle et demi
00:37:00 de tentatives très belles, à mon avis,
00:37:02 de raconter à des gens qui pensaient différemment
00:37:05 des faits, des récits, donc,
00:37:07 où il y avait des éléments factuels,
00:37:09 pour moi, souvent sensibles,
00:37:11 perçus par le corps des reporters.
00:37:13 -Les yeux et le corps, sur place, c'est important.
00:37:16 -On peut avoir ensuite, sur ces faits,
00:37:19 des avis extrêmement différents.
00:37:21 Ce qui est important, c'est de reconnaître les mêmes faits
00:37:24 pour que le conflit des valeurs et des idées
00:37:26 puisse avoir lieu sur la même réalité.
00:37:29 -Le contrat de confiance. -Oui, que j'appelle, en effet,
00:37:32 le contrat de confiance. -Ca a existé
00:37:34 entre le public et le reporter de terrain.
00:37:36 Il a disparu, aujourd'hui ? -Il est très fragilisé
00:37:39 par plusieurs choses. Les réseaux sociaux tendent
00:37:42 à être des discours plus que des récits.
00:37:44 On donne son opinion, on fait des blagues,
00:37:48 on commente. Vous savez, raconter les faits,
00:37:50 ça prend du temps, ça interrompt une conversation.
00:37:53 Ce temps-là n'est pas celui des réseaux sociaux.
00:37:56 Au bout d'un moment, c'est comme dans les conversations
00:37:59 où il y a des faits inconfortables, comme disait Max Weber,
00:38:02 on les met de côté et on reste avec les faits confortables.
00:38:06 -Qu'est-ce qu'un fait ? Je m'adresse à la philosophe
00:38:09 que vous êtes, la définition, comment je le reconnais ?
00:38:12 -Il y a deux chapitres de ce livre où j'essaie vraiment
00:38:15 de définir la chose en m'aidant de l'histoire de la philosophie.
00:38:18 Je crois que la factualité, puisque les philosophes
00:38:21 peuvent parler parfois comme ça, a toujours une dimension sensible.
00:38:25 Je pense que, vous voyez, Myriam, on peut intellectualiser tout,
00:38:29 toute la réalité autour de nous.
00:38:31 Il y a un moment, cette table, je la sens,
00:38:33 elle est un peu froide, blanche.
00:38:35 Je crois que la réalité s'impose d'abord au corps.
00:38:39 C'est un choc sur la peau.
00:38:41 Je sais qu'il y a des philosophes qui ont voulu mettre en doute
00:38:44 la vérité sensible, à commencer par notre grand philosophe
00:38:48 national, Descartes. C'est extrêmement intéressant,
00:38:51 ce qu'il fait, mais je crois que l'histoire de la philosophie
00:38:54 a avancé et que le caractère sensible de la factualité,
00:38:57 que tout n'est pas intégralement pensable,
00:39:00 il y a des choses qui nous arrivent à nos corps
00:39:03 qui ne sont pas...
00:39:05 qui ne sont pas d'emblée de l'intellect.
00:39:07 Je crois que la factualité a une dimension de ce genre.
00:39:10 -Vous dites que l'observateur impartial est un idéal,
00:39:13 voire une croyance, mais même imparfaite,
00:39:16 elle est fondamentale, cette croyance.
00:39:18 -Alors oui, parce que si le fait est sensible,
00:39:21 la question est de savoir si je peux faire partager,
00:39:24 je sais pas, ce soir, si je rentre chez moi,
00:39:26 dire "Voilà, il y avait une table blanche,
00:39:29 "j'ai éprouvé cela, je racontais cette situation".
00:39:32 Si le sensible est purement singulier,
00:39:34 si vous avez une réalité sensible et moi, une réalité sensible,
00:39:38 et les gens, les uns et les autres, chacun,
00:39:40 a une réalité sensible, il n'y a pas de partage possible
00:39:43 du sensible, c'est gravissime, et je pense qu'aucune société
00:39:47 ne peut se fonder, ne peut avoir un système judiciaire,
00:39:50 mais ne peut avoir non plus un débat public digne de ce nom
00:39:53 d'un pari, d'un partage du sensible,
00:39:55 qui n'est pas un pari si fou que cela.
00:39:58 Il y a quand même des gens qui racontent des histoires,
00:40:01 qui ont réfléchi à l'impartialité en essayant de prêter leur corps
00:40:04 comme si c'était un corps universel à une réalité,
00:40:07 essayer de ne pas trop choisir en fonction de leurs avis.
00:40:10 -Cet échange est fondamental.
00:40:12 -On va revenir, bien sûr, à difficile,
00:40:15 mais si on y renonce, avec un "à chacun ses faits",
00:40:18 grandiloquent, très sûr de lui,
00:40:20 quelque chose de très grave se produit dans la société.
00:40:23 C'est ce que vous dénoncez, le "à chacun ses faits",
00:40:26 avec la virtualisation du monde, les réseaux sociaux.
00:40:29 On n'arrive plus à se mettre d'accord sur rien,
00:40:32 vous diriez ça, est-ce qu'on en est là ?
00:40:34 Ou il ne faut pas non plus se faire peur ?
00:40:36 -Ce que j'appelle la virtualisation du monde
00:40:39 est un risque. Je crois sérieusement qu'il est en cours.
00:40:42 Je crois sérieusement que sur certains sujets sensibles,
00:40:45 les partis, parfois, n'ont même plus de faits en commun.
00:40:48 J'ai même écrit une page sur le conflit israélo-palestinien
00:40:52 pendant les événements actuels, puisque j'ai fini ce livre cet été.
00:40:56 Je suis, par exemple, extrêmement troublée par une chose,
00:41:00 les reporters qui, il y a 15 jours,
00:41:03 sont allés, par exemple, au moment où le Hamas a commis
00:41:06 ses exactions... -Dans les kiboussées.
00:41:08 -Les reporters sont allés en Cisjordanie
00:41:10 pour voir des gens parfois très éduqués,
00:41:13 des médecins, leur demander comment ils avaient réagi,
00:41:16 ce qui s'était passé, ce qu'avait fait le Hamas.
00:41:19 Ils ont eu des réponses, mais ça n'a pas existé.
00:41:22 C'est une fake news.
00:41:23 Ou alors, les Israéliens ont commis des exactions
00:41:26 contre leur propre jeunesse pour justifier une entrée en guerre.
00:41:29 Là, vous voyez quelque chose qui est,
00:41:31 dans certains cas vraiment très traumatiques,
00:41:34 on ne parle plus de la même réalité.
00:41:36 La réalité de l'autre est plongée dans un parfait déni.
00:41:39 -A chacun ses faits. -Ca inquiète tout le monde.
00:41:42 Je ne stigmatise pas uniquement un peuple.
00:41:44 Je pense que ce risque, il existe...
00:41:47 Il existe dans beaucoup de populations.
00:41:50 -Oui, c'est un risque, c'est un abîme.
00:41:52 Vous dites que les fake news ne sont pas dangereuses
00:41:55 car elles nous trompent, elles sont dangereuses
00:41:57 car elles nous font perdre la confiance dans les faits.
00:42:00 Une femme a une responsabilité particulière,
00:42:03 on va voir son visage, elle s'appelle Kellyanne Conway,
00:42:06 c'est la conseillère de Donald Trump.
00:42:09 C'est elle.
00:42:10 Pourquoi c'est si dangereux, ce qu'elle a fait ?
00:42:13 -Parce qu'elle a inventé cette notion de fait alternatif.
00:42:17 Quand Trump disait...
00:42:19 Les journalistes disaient qu'il n'y avait pas grand monde
00:42:22 au moment de l'investiture,
00:42:24 on avait des images,
00:42:26 elle disait qu'il y avait des faits alternatifs
00:42:28 à ceux que nous présente la presse américaine.
00:42:31 Le Covid est difficile à soigner,
00:42:33 le président Trump nous a expliqué
00:42:35 que si l'eau de Javel pouvait nettoyer une table,
00:42:38 on devait bien avoir un moyen de nettoyer notre corps du Covid.
00:42:42 Il y a des faits alternatifs, cette espèce d'idée.
00:42:45 C'est elle qui l'a inventée, c'était assez génial,
00:42:48 parce que ça a laissé tout le monde de ronde-flamme.
00:42:51 -C'était vertigineux.
00:42:52 -Il n'y a pas toujours des faits alternatifs.
00:42:55 Il y a des faits imaginaires,
00:42:56 il y a des faits... -Rationnels, deux et deux, quatre.
00:43:00 -Il y a des faits rationnels,
00:43:01 mais les faits rationnels s'imposent à nous,
00:43:04 peut-être pas corporellement,
00:43:06 mais que deux et deux fassent quatre et pas cinq,
00:43:09 c'est la factualité, dans ce cas-là, d'imposant.
00:43:12 La factualité sensible, contingente, certes,
00:43:15 un nombre de morts dans les kibout,
00:43:17 dans tel kibout, dans tel autre kibout,
00:43:19 un nombre de civils massacrés à Gaza,
00:43:21 et cette question, au passage, est difficile à trancher,
00:43:25 parce qu'on n'a pas de journalistes internationaux
00:43:28 pouvant évoquer cette factualité
00:43:30 d'une manière qui nous donne confiance.
00:43:32 Ils ne peuvent pas s'exprimer, ceux qui sont là-bas,
00:43:35 mais la question des faits, lorsqu'on la prend sérieusement,
00:43:39 elle s'impose comme deux et deux sont quatre.
00:43:41 Il n'y a plus assez de gens pour dire ça,
00:43:44 en ce moment, Myriam.
00:43:45 -Il y a pas mal de responsables,
00:43:47 y compris parmi notre profession,
00:43:49 les médias au sens large.
00:43:51 J'en citerai deux, puisés dans votre livre.
00:43:54 Pascal Praud, pour symboliser la question
00:43:56 des médias en continu, des chaînes d'information en continu,
00:44:00 vous dites, au fond, sur cette chaîne,
00:44:02 ces news, on a mis sur le même plan
00:44:05 le discours et le récit,
00:44:07 autrement dit, les avis, la subjectivité,
00:44:10 l'interprétation et le récit des faits.
00:44:14 -Je pense que je risque de mettre du discours partout
00:44:17 et de l'opinion partout, au lieu de donner un temps énorme
00:44:20 à la narration qui essaye de... Comment dire ?
00:44:23 Qui ne va pas de soi, parce qu'elle interrompt
00:44:25 les conversations, les jugements,
00:44:27 elle essaie de parler à tout le monde par-delà les opinions.
00:44:31 Ce temps-là est diminué partout dans les médias.
00:44:34 Mais il est vrai que CNews le dit
00:44:36 de manière incroyablement décomplexée.
00:44:38 Nous parlons ici des faits dont personne ne parle.
00:44:41 On laisse beaucoup aux chroniqueurs
00:44:43 la narration même de ces faits,
00:44:45 qui est tout de suite prise dans un point de vue.
00:44:48 L'idée qu'il n'y a que des points de vue
00:44:51 et qu'il n'y a rien qui s'impose par-delà des points de vue
00:44:54 est extrêmement assumée. -Tout est relatif,
00:44:56 donc les faits également. -Je pense que ce risque,
00:44:59 je tiens à le dire, existe, y compris chez les gens
00:45:02 qui font de l'antisinews. Le risque, c'est de dire
00:45:05 qu'on va faire de l'antisinews en faisant la même chose,
00:45:08 mais à l'envers, on aura nos faits et nos avis militants opposés.
00:45:11 Je m'oppose à cela. Je pense que ce serait une victoire
00:45:14 ultime de la logique CNews.
00:45:18 Il faut vraiment raconter les histoires
00:45:20 que tout le monde peut recevoir. -Dernier exemple,
00:45:23 Cyril Hanouna. C'est autre chose,
00:45:25 c'est l'arrivée de la rumeur, presque de la post-vérité.
00:45:28 Dans son show "TPMP", vous dites
00:45:31 qu'il incarne la maltraitance maximale
00:45:34 de la notion de fait à notre époque.
00:45:36 -Je donne un exemple, j'ai scripté.
00:45:39 -C'est un vrai travail de scripté. On découvre plein de choses.
00:45:42 -L'affaire Palma de la drogue de l'adrénochrome.
00:45:45 -L'adrénochrome, qui, par tous les chroniqueurs,
00:45:48 et on voit très bien comment Cyril Hanouna,
00:45:50 dans cette scène du printemps dernier,
00:45:53 met de l'huile sur le feu, ce serait,
00:45:55 dit-on, disent beaucoup de complotistes,
00:45:57 "Q and on", etc., une substance prélevée
00:46:00 sur le sang des enfants,
00:46:03 qui serait donc sacrifiée par tout un tas d'élites
00:46:06 hollywoodiennes, américaines,
00:46:08 partis démocrates, et pourquoi pas chez nous aussi,
00:46:11 et, paraît-il, cette substance donnerait
00:46:14 une forme d'immortalité. C'est aberrant,
00:46:16 l'adrénochrome existe, c'est une substance
00:46:19 qu'on construit parfaitement de manière synthétique,
00:46:22 ça n'a rien à voir avec le sang d'enfant,
00:46:24 et ça donne surtout des taquicardies,
00:46:26 donc c'est un délire pur.
00:46:29 Mais on voit très bien comment l'animateur
00:46:32 fait monter la sauce,
00:46:34 et surtout, il a cette phrase extraordinaire,
00:46:37 un invité en parle,
00:46:40 mais ce qu'il dit là-dessus,
00:46:42 tout le monde en parle, on en parle énormément.
00:46:44 -C'est vrai. -Donc, il sent que ça existe,
00:46:47 et tout d'un coup, on voit bien, et ça existe,
00:46:50 et au bout d'un quart d'heure, ça existe.
00:46:52 Ce que je trouve terrible, c'est que le journalisme moderne
00:46:55 s'est construit contre la rumeur, en allant vérifier
00:46:58 avec des reporters impartiaux, j'évoque Nelly Bly,
00:47:01 une journaliste américaine extraordinaire
00:47:04 qui a tué une rumeur,
00:47:06 et ça, finalement, ça va mal,
00:47:09 ces idéaux-là vont très mal,
00:47:11 et la rumeur se venge.
00:47:13 À des heures de grande écoute, il y a des rumeurs terrifiantes.
00:47:16 -Merci infiniment. Pour les faits,
00:47:18 on s'engage pour les faits, c'est très important.
00:47:21 C'est un livre, vous l'avez compris,
00:47:23 que l'on vous recommande sur LCP, aux éditions Les Belles Lettres.
00:47:27 Vous allez voir, ça va vous intéresser,
00:47:29 les parties prises de nos affranchies.
00:47:31 On les accueille.
00:47:33 Bienvenue, Delphine Sabatier de Bismarck,
00:47:36 Nathan Devers, philosophe et chroniqueur
00:47:39 dans cette émission, et Stéphanie Despierre,
00:47:42 avec qui on commence Bourbon Express,
00:47:44 l'histoire du jour à l'Assemblée.
00:47:46 Bonsoir.
00:47:47 -Bonsoir. Je vous raconte l'histoire
00:47:49 d'une proposition de loi en forme de poupée russe.
00:47:52 Les Insoumis, obstinés, viennent de faire une nouvelle trouvaille
00:47:56 pour reparler des retraites, leur précédente initiative
00:47:59 ayant fait pchit. Ils ont trouvé qu'au printemps dernier,
00:48:02 il n'y avait pas une proposition de loi Lyott
00:48:05 pour abroger la retraite à 64 ans,
00:48:07 mais deux, une deuxième, plus petite,
00:48:09 comme pour les poupées russes.
00:48:11 Elle contient deux articles au lieu de trois,
00:48:13 elle n'a pas été jugée irrecevable
00:48:15 et elle est encore dans les tuyaux de l'Assemblée.
00:48:18 Les Insoumis veulent donc la récupérer telle qu'elle,
00:48:21 rajouter leur signature et l'inscrire à l'agenda
00:48:24 de leur niche parlementaire le 30 novembre.
00:48:26 Je vous épargne les raisons très techniques,
00:48:29 mais Mathilde Panot estime que, contrairement au mois de juin,
00:48:32 à la première proposition de loi Lyott,
00:48:34 cette fois, le camp présidentiel ne pourra pas s'épargner
00:48:37 un débat dans l'hémicycle.
00:48:39 -Le subterfuge qui a été utilisé la dernière fois
00:48:42 pour contrer le fait que l'Assemblée nationale
00:48:44 ne puisse pas voter contre la retraite à 64 ans
00:48:47 ne peut pas fonctionner cette fois-ci.
00:48:49 Donc peut-être que Mme Yann Brome-Pivet
00:48:52 va inventer de nouvelles règles pour déroger aux choses.
00:48:55 Mais si vous regardez ce qui s'est passé la dernière fois,
00:48:58 nous sommes sur une proposition de loi jugée recevable
00:49:01 pour abroger l'ensemble du projet de loi
00:49:03 de financement de la sécurité sociale rectificatif.
00:49:06 -Le premier auteur de cette... -Pas simple.
00:49:09 -Non, pas simple. Le premier auteur de ce texte d'abrogation
00:49:12 exhumé par les Insoumis, c'est Bertrand Pancher,
00:49:15 le président du désormais célèbre groupe Lyott.
00:49:17 Il n'a pas été consulté par la France insoumise,
00:49:20 simplement prévenu hier par Mathilde Panot.
00:49:23 -Les Insoumis reprennent votre proposition de loi.
00:49:26 -Tout groupe parlementaire peut reprendre n'importe quelle loi.
00:49:29 La France insoumise le fait, donc acte.
00:49:31 Je rappelle que nous avions été battus
00:49:33 en commission des finances et là, la présidente
00:49:36 de l'Assemblée nationale avait bloqué notre loi
00:49:39 de façon à ce qu'elle ne puisse pas être examinée en séance.
00:49:42 Les mêmes causes peuvent reproduire les mêmes conséquences.
00:49:45 -Vous remarquerez que l'enthousiasme
00:49:47 de Pancher n'est pas débordant et que son optimisme
00:49:50 est assez mesuré. -La majorité,
00:49:52 même pas peur ou on tremble au contraire ?
00:49:54 -On peut dire que les Insoumis ont réussi leur surprise.
00:49:58 Les députés Renaissance ne s'attendaient pas
00:50:00 à cette énième tentative d'abroger la retraite à 64 ans.
00:50:03 Le camp présidentiel voudrait passer autre chose,
00:50:06 mais réfléchit à une stratégie.
00:50:08 Sur la forme comme sur le fond,
00:50:09 Renaissance estime que les Insoumis se trompent,
00:50:12 qu'il n'y a pas de différence entre la 1re proposition de loi Lyott
00:50:16 de juin dernier et la 2e.
00:50:17 -Il y aura donc un nouveau débat sur la réforme des retraites
00:50:20 dans l'hémicycle bientôt ?
00:50:22 -On va voir, mais vous savez, la Constitution n'a pas changé.
00:50:26 Donc on va rappeler à nos opposants que,
00:50:28 un, revenir sur la réforme des retraites
00:50:31 est impossible au titre de l'article 40,
00:50:34 ça crée une charge, donc ça n'est pas possible.
00:50:37 Puis 2e obstacle constitutionnel très important,
00:50:40 c'est qu'une loi ordinaire ne peut pas supprimer
00:50:43 un projet de loi, enfin une loi de finances.
00:50:45 Autrement, ce serait négation de l'article 49.3
00:50:48 de notre Constitution, donc ça n'est pas possible.
00:50:51 Donc il y a un double obstacle constitutionnel
00:50:54 très fort.
00:50:55 -Bon, l'espoir fait vivre, alors. C'est non.
00:50:58 -C'est un peu non.
00:50:59 Chez Renaissance, on imagine déjà plus ou moins
00:51:01 le même scénario qu'en juin.
00:51:03 En commission, les députés du camp présidentiel
00:51:06 pourraient réécrire cette proposition de loi,
00:51:09 la vider de sa substance et sortir, juste avant l'hémicycle,
00:51:12 le carton rouge de l'irrecevabilité.
00:51:14 Nouvelle passe d'armes en perspective,
00:51:16 sauf que c'est Jean-René Cazeneuve qui le dit,
00:51:19 c'est un plat réchauffé.
00:51:21 La retraite à 64 ans ne fait plus la une de l'actualité
00:51:24 et la réforme est entrée en vigueur.
00:51:26 -Merci, Stéphanie Despierre.
00:51:28 Ils ont raison, ils sont dans leur rôle,
00:51:30 les Insoumis, à vouloir abroder ce texte.
00:51:32 -Je n'ai pas à juger cela.
00:51:34 Je crois juste qu'une chose se dessine,
00:51:36 c'est que l'usage du 49.3
00:51:38 est de moins en moins accepté.
00:51:41 C'est parfaitement légal et constitutionnel,
00:51:43 mais je crois que dans notre société,
00:51:46 malgré tout, quelque chose s'est dessiné.
00:51:48 -La société française ne le supporte plus.
00:51:51 -Il y a une résistance à l'usage de cet article.
00:51:54 Nathan Devers, vous revenez d'Israël,
00:51:56 vous avez passé trois jours de Tel Aviv au village du Sud.
00:51:59 Quelle image retenez-vous ?
00:52:01 -Alors, oui, bonsoir, Myriam.
00:52:03 Comme je m'y attendais, j'ai vu une société traumatisée.
00:52:06 Celui qui a sans doute le mieux exprimé ce traumatisme-là,
00:52:09 c'était le président du Parlement,
00:52:11 qui a dit le 7 octobre,
00:52:13 "En l'espace d'une journée, nous avons vécu la Shoah."
00:52:16 La Shoah en l'espace d'une journée,
00:52:18 où l'idée qu'Israël a été confronté
00:52:20 à une épreuve, à une expérience
00:52:22 dont les Israéliens pensaient qu'elle était révolue,
00:52:25 et plus encore que ces attaques-là du 7 octobre,
00:52:28 qui étaient des pogroms, en fait,
00:52:30 le refus des pogroms était une des raisons
00:52:33 de la création de l'État d'Israël.
00:52:35 Il y a un très célèbre poème,
00:52:37 qui a été écrit en 1903, qui a joué un rôle central
00:52:40 dans l'histoire du sionisme, du poète Rahim Bialik,
00:52:43 "Dans la ville du massacre",
00:52:44 juste après des pogroms en Bessarabi, à Kishinev,
00:52:47 où Bialik décrit les horreurs qui ont été faites dans ces pogroms.
00:52:51 Il y a eu des images que nous connaissons du 7 octobre,
00:52:54 et où Bialik critique le mythe de la passivité juive,
00:52:57 des pogroms où les Juifs ne peuvent pas résister.
00:53:00 Israël a été créé pour empêcher cela.
00:53:02 Israël se retrouve dans cette situation,
00:53:04 dont le refus était la raison d'être de son existence,
00:53:07 ce qui signifie, et je l'ai vraiment vu de A à Z
00:53:10 dans ce déplacement, que les Israéliens
00:53:12 ont été confrontés à l'expérience
00:53:15 de la possibilité de leur inexistence.
00:53:17 -C'est la survie, pour eux, d'Israël qui est en jeu.
00:53:20 -Je peux dire un mot ? -Pas à la fin.
00:53:22 On va laisser terminer Nathan,
00:53:24 puis je vous donne la parole.
00:53:26 Avez-vous perçu une dimension politique
00:53:28 de ce traumatisme du 7 octobre ?
00:53:30 -Oui, et c'est justement ce qui m'a surpris.
00:53:33 Je m'attendais à voir une société traumatisée,
00:53:36 mais je pensais à deux possibilités.
00:53:38 Ou bien je m'étais dit que ça allait ressembler à la France,
00:53:41 on se souvient de l'état d'abattement généralisé
00:53:44 dans lequel nous étions tous, et l'abattement était le sentiment,
00:53:48 comme le disait, ça va peut-être être
00:53:50 comme les Etats-Unis post-11 septembre,
00:53:52 mais c'est-à-dire un pays en proie à des pulsions vengeresses
00:53:56 exprimées par le président Bush.
00:53:58 Or, ce que j'ai vu avant tout, et c'était vraiment surprenant,
00:54:01 c'était un sentiment d'unité retrouvée.
00:54:04 C'est-à-dire que depuis des années,
00:54:06 en particulier des mois, la société israélienne
00:54:09 est en proie non pas à une guerre civile,
00:54:11 mais à une situation proche de ce qu'ont vécu les Etats-Unis,
00:54:15 un clivage politique majeur,
00:54:17 avec des manifestations fleuves toutes les semaines,
00:54:19 des réservistes de l'armée qui disaient
00:54:22 qu'ils ne voulaient plus faire leur service,
00:54:24 un pays en stand-by et en division.
00:54:26 Or, le 7 octobre, cette unité semble avoir été retrouvée.
00:54:30 Un exemple très intéressant,
00:54:32 un organisme qui s'appelait Frères d'armes,
00:54:34 qui avait été à la manœuvre de toutes les mobilisations
00:54:37 et notamment pour demander aux réservistes
00:54:40 d'arrêter de faire leur service, le 7 octobre,
00:54:43 cet organisme a arrêté toutes ses activités politiques
00:54:46 et toutes les infrastructures pour aider Israël à gérer la crise.
00:54:50 Autre image marquante, dans les rues de Tel Aviv,
00:54:53 comme une sorte de stratification ou de sédimentation,
00:54:56 il y avait plein d'affiches avec des slogans pro-Anti Netanyahou
00:54:59 et des slogans de division, mais sans les avoir enlevées,
00:55:03 il y avait des affiches relatives à cela, au 7 octobre.
00:55:06 Le sentiment que j'ai eu, c'est que derrière cette unité,
00:55:09 il y avait l'idée d'une recomposition politique
00:55:12 du pays profond.
00:55:13 Dans le cataclysme qu'a vécu Israël,
00:55:15 il y a eu des militants israéliens
00:55:17 qui m'ont dit que ce cataclysme les a transformés.
00:55:20 J'ai vu des gens qui m'ont dit qu'ils étaient de gauche,
00:55:23 qu'ils se battaient pour la paix, qu'ils militaient,
00:55:26 et qu'ils n'y croyaient plus.
00:55:28 Inversement, j'ai rencontré des fans absolument acharnés
00:55:32 de Netanyahou qui m'ont dit qu'ils avaient l'impression
00:55:35 que sa politique était un mirage,
00:55:37 qu'il fallait une perspective de paix.
00:55:39 Donc, ce qui m'a marqué, c'est l'idée
00:55:41 qu'à la fois les clivages de division avaient été abolis,
00:55:45 et qu'il y avait une espèce de poussière sous le tapis.
00:55:48 C'était comme une 2e guerre d'indépendance,
00:55:51 au sens où la continuité d'Israël avait été menacée,
00:55:54 mais plus profondément, que c'était la redéfinition
00:55:57 du pays qui s'engageait derrière les actions militaires
00:56:00 contre le Hamas. -Merci, Nathan Devers.
00:56:03 -Je trouve votre critique très intéressante,
00:56:05 l'idée d'aller réfléchir au trauma et de voir comment ça parle.
00:56:09 Ce que les gens disent est très intéressant.
00:56:12 Il faut faire attention aux mots, c'est le problème qu'on a évoqué.
00:56:15 Je comprends parfaitement que dans des familles juives,
00:56:19 où il y a eu des histoires de pogroms, puis de Shoah,
00:56:22 c'est pas la même chose, les pogroms, puis la Shoah,
00:56:25 c'est pas la même chose, cette mémoire soit sollicitée.
00:56:28 Mais je crois néanmoins qu'il faut éviter ces mots.
00:56:31 Techniquement, un pogrom, ça se passe
00:56:34 dans une population sympathisante des massacreurs,
00:56:38 avec des gouvernements qui ont été sympathisants des massacreurs,
00:56:42 à l'égard de populations souvent assez ghettoïsées et minoritaires.
00:56:46 Là, ça s'est passé en Israël, la société n'était pas sympathisante.
00:56:50 C'est une attaque. Il faut faire attention.
00:56:52 -On laisse le temps. -Même si la mémoire,
00:56:55 je comprends, soit sollicitée de cette façon.
00:56:57 -Je suis d'accord avec vous. -On enchaîne avec Delphine Sabatié.
00:57:01 Vous avez été chroniqueuse. C'est pas marrant d'arriver en dernier.
00:57:04 Bonsoir, Delphine. Vous vouliez revenir sur ces polémiques
00:57:08 autour de la reconnaissance faciale,
00:57:10 après l'attentat d'Arras. Laurent Wauquiez avait demandé
00:57:13 de pouvoir expérimenter ça dans sa région.
00:57:16 Ca n'est pas possible ?
00:57:17 -Non, pour l'instant, c'est non.
00:57:19 Laurent Wauquiez le sait très bien.
00:57:21 La loi n'autorise pas ces expérimentations.
00:57:23 Pour combien de temps ? C'est la question,
00:57:26 parce que la pression monte.
00:57:28 Déjà, le président Renat nous dit qu'il réclame
00:57:30 cette reconnaissance faciale pour détecter les individus suivis
00:57:34 pour radicalisation terroriste et que si on ne réagit pas,
00:57:37 le prochain drame est écrit d'avance.
00:57:39 C'est ce qu'il a brandi dans son interview aux Parisiens.
00:57:42 Et là, encore plus récemment, c'est la région Sud,
00:57:46 qui a fait une demande assez similaire,
00:57:49 alors que sa demande pour installer la reconnaissance faciale
00:57:53 devant le lycée avait été déjà retoquée en 2019.
00:57:56 -Pourquoi c'est interdit ?
00:57:58 -Parce que, comme dans toutes les démocraties,
00:58:01 on a des garde-fous qui protègent nos droits et nos libertés,
00:58:04 et que la reconnaissance faciale, c'est pas une technologie
00:58:07 mais un dispositif numérique qui est hautement intrusif.
00:58:10 Les politiques le savent très bien, ils savent que c'est un sujet brûlant,
00:58:14 ils évitent d'y toucher.
00:58:16 Je vais juste rappeler les caméras,
00:58:18 parce que dans la rue, on est déjà habitués
00:58:21 à la vidéoprotection, ce sont des caméras qui filment.
00:58:24 Et puis, il y a un degré qui est déjà très supérieur,
00:58:27 qui vient d'être adopté dans la loi française,
00:58:31 qui sont ces caméras algorithmiques.
00:58:33 Là, pour les Jeux Olympiques Paris 2024,
00:58:36 on aura des caméras qui vont sonner l'alerte
00:58:38 si elles aperçoivent des mouvements de foules
00:58:41 ou des comportements atypiques
00:58:43 qui voudraient dire qu'il y a un risque potentiel
00:58:46 pour la population.
00:58:47 Mais notez qu'il n'y a pas d'identification des visages,
00:58:50 il n'y a pas de reconnaissance faciale dans ce texte,
00:58:53 dans la loi française, c'est vraiment la ligne rouge.
00:58:56 -Et l'espace public, pas de reconnaissance.
00:58:59 Ca peut changer ? -Mais oui,
00:59:00 on peut se poser cette question,
00:59:02 il y a même de fortes chances que ça arrive.
00:59:05 Il y a déjà des expérimentations de reconnaissance faciale
00:59:08 qui sont en cours.
00:59:09 Les cadres sont vraiment très restreints,
00:59:12 avec des obligations.
00:59:13 Les utilisations doivent être jugées acceptables
00:59:16 au vu des bénéfices obtenus,
00:59:18 des principes de nécessité, de proportionnalité.
00:59:21 Mais autoriser cette reconnaissance faciale
00:59:24 devant un lycée,
00:59:25 ça veut dire qu'on va analyser l'ensemble des visages qui passent,
00:59:28 des passants, de tous les enfants, dans la rue.
00:59:31 Est-ce que c'est justifié ?
00:59:33 Est-ce que c'est proportionné au vu des bénéfices
00:59:36 dans la lutte contre le terrorisme ?
00:59:38 Eh bien, peut-être que la réponse va changer, justement,
00:59:41 parce que le contexte se tend en France,
00:59:43 le contexte social, et que cette pression sécuritaire
00:59:46 pourrait faire sauter ces garde-fous
00:59:49 contre la surveillance biométrique.
00:59:51 Je dis juste attention, parce qu'une fois qu'on a accepté
00:59:54 ce type de technologie très intrusive,
00:59:56 la marche arrière est très difficile.
00:59:58 -Merci de cet avertissement.
01:00:00 Merci beaucoup, les Affranchis.
01:00:02 Je sais que vous avez peur de réagir,
01:00:04 mais je suis sûre que vous en parlerez,
01:00:06 de cette chronique en coulisses. Merci, Stéphanie.
01:00:09 A très bientôt, les Affranchis. Merci à vous.
01:00:12 Pour les faits, il faut lire ce petit essai important
01:00:15 aux éditions "Les belles lettres qui tombent" + Capic.
01:00:18 Très belle soirée sur LCP,
01:00:20 soirée documentaire avec Jean-Pierre Gratien.
01:00:22 A demain.
01:00:24 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:00:26 ...
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