- 15/10/2023
Sonia Mabrouk reçoit Georges Bensoussan, historien et auteur de «Les origines du conflit israélo-arabe», dans #LeGrandRDV, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos
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00:00 Bonjour à tous et bienvenue à vous au grand rendez-vous européen FENEWS Les Echos.
00:05 Quasiment trois ans jour pour jour après l'assassinat terroriste de Samuel Paty,
00:10 l'enseignant Dominique Bernard, hussard de la République, est tombé sous les assauts de la barbare islamiste.
00:16 Trois ans après, les mêmes questions s'opposent et on retrouve les mêmes réactions des politiques.
00:21 Et les Français sont partagés entre sidération et colère après tant de chocs.
00:26 Le tout lié à un contexte explosif qui est celui des conséquences des attaques terroristes dues à masse contre Israël.
00:32 Notre invité pour en parler aujourd'hui est historien.
00:34 Il a dirigé voilà 20 ans l'ouvrage Les Territoires perdus de la République.
00:39 Il est aussi l'auteur plus récemment d'un exil français ou encore du livre Les Origines du conflit israélo-arabe.
00:46 Bonjour Georges Ben Soussan.
00:47 Bonjour Sonia Mahbouk.
00:48 Merci de nous accompagner pour vous interroger ce dimanche.
00:51 Je suis entourée de Stéphane Dupont des Echos.
00:53 Bonjour à vous Stéphane.
00:54 Bonjour.
00:55 Et de Mathieu Bockcôté.
00:56 Bonjour à vous Mathieu.
00:57 Bonjour.
00:58 Georges Ben Soussan, le professeur de français Dominique Bernard est donc tombé sous les assauts de la barbarie islamiste trois ans après Samuel Paty.
01:06 C'est le énième choc en France.
01:07 Pour l'historien que vous êtes, c'est à la fois une question simple, si je puis dire, extrêmement complexe.
01:14 Est-ce malheureusement prévisible au regard du temps long et de tout ce qui se passe dans notre pays ?
01:20 Prévisible au sens direct du terme, difficile à dire.
01:24 Mais en revanche, que ce soit dans l'air du temps, dans une sorte d'atmosphère de l'époque, oui tout à fait.
01:30 Et d'ailleurs, vous remarquerez que l'assassin est passé à l'offensive le jour où le Hamas a décrété un jour de colère et qu'il s'est attaqué à un professeur d'histoire.
01:39 Et en fait, il est tombé sur Dominique Bernard, professeur de lettre.
01:41 Mais en réalité, c'est un professeur d'histoire qu'il cherchait.
01:43 Donc, le lien, si vous voulez, avec l'atmosphère actuelle et cette offensive djihadiste générale et d'un islamisme mondialisé,
01:52 c'est une offensive générale contre le monde occidental, contre les Lumières, contre la raison.
01:57 Ce n'est pas par hasard qu'à deux reprises, avec Samuel Paty et Dominique Bernard, on s'attaque à l'école,
02:01 parce que l'école, c'est par définition le sanctuaire des Lumières.
02:06 C'est le sanctuaire de l'Occident, le sanctuaire de la raison.
02:08 Bref, tout ce qui s'oppose à la régression islamiste, tout ce qui fait justement la force de l'Occident depuis le 17ème siècle,
02:14 la raison occidentale, précisément, c'est à cela qu'il s'oppose.
02:17 Il y a donc un lien de continuité entre les deux attaques, bien sûr.
02:20 Et il y a une logique au fait qu'il s'attaque à un professeur d'histoire.
02:23 Pourquoi l'histoire ? Parce que c'est par définition le monde du désenchantement.
02:27 L'histoire, c'est le domaine où on ne vous raconte pas précisément des histoires,
02:31 on ne vous raconte pas des mythes, mais on essaie de quitter le domaine de l'émotion,
02:37 de la passion et de la mythologie pour revenir dans le domaine de la raison.
02:40 Il y a Mouna Ouzouf qui disait quelque part il y a quelques années qu'il y avait un proverbe hindou.
02:46 Le proverbe hindou était le suivant "Racontez-nous de belles histoires et nous vous croirons".
02:49 Mais qu'est-ce que c'est le professeur d'histoire ?
02:51 C'est celui précisément qui ne vient pas raconter de belles histoires.
02:54 Et ça, pour la mythologie islamiste, pour l'offensive anti-lumière, c'est quelque chose d'impardonnable.
02:59 – Diriez-vous, Georges Bensoussan, qu'il y a aujourd'hui, comme le disent certains,
03:02 une atmosphère djihadiste en France ?
03:05 – Oui, ce qu'a dit Gilles Kepel, un djihadisme d'atmosphère est parfaitement vrai.
03:08 J'ajouterais qu'il y a un antisémitisme d'atmosphère, c'est tout à fait justifié, oui.
03:12 Là-dessus, que les services de l'État soient mobilisés, c'est une évidence.
03:16 Et les faits leur donnent raison.
03:17 Regardez qu'en quelques jours, on est passé de 100 actes antisémites à pratiquement 200 aujourd'hui.
03:23 En une semaine de conflit israélo-arabe.
03:26 – Restons encore sur l'école Georges Bensoussan, ce sanctuaire des lumières.
03:30 Un enseignant sur deux affirme qu'il s'auto-censure,
03:32 il passe sous silence certains pans de notre histoire.
03:35 On leur dit "il ne faut pas mettre un genou à terre face à la barbarie islamiste",
03:39 mais on peut comprendre quand même plus que la peur d'ailleurs qui les étreint.
03:44 Est-ce qu'on a les moyens de les protéger, mais au-delà de l'aspect sécuritaire ?
03:49 Est-ce qu'on peut aujourd'hui tenir et parler de cette histoire aujourd'hui
03:54 sans qu'il y ait un risque sur un professeur ?
03:56 – On ne peut pas demander aux professeurs, on ne peut pas demander au personnel soignant,
04:00 on ne peut pas demander aux policiers de faire seul le travail
04:03 si tout un appareil politique derrière, un appareil culturel,
04:06 médiético-culturel, ne les soutient pas.
04:08 Sur ce plan-là, ils ne peuvent pas faire tout le travail.
04:10 À savoir que les professeurs aient peur.
04:12 Il y a 20 ans, 21 ans, 22 ans même,
04:15 quand on a rédigé "Les Territoires perdus de la République", ça venait de quoi ?
04:18 Ça venait du fait qu'un certain nombre de professeurs d'histoire
04:20 venaient me voir lors des formations d'enseignants sur la chope
04:23 pour me dire "je ne peux plus enseigner ce chapitre".
04:25 C'est venu de là, il y a déjà 22 ans.
04:27 Et ensuite ça s'est étendu à d'autres sujets bien sûr, à d'autres disciplines.
04:31 Alors est-ce qu'on peut les aider ?
04:33 Oui, on ne peut les aider qu'à la condition qu'il y ait un véritable courage
04:37 à la tête de l'appareil politique français,
04:39 mais aussi qu'il y ait une véritable révolution culturelle
04:42 au sein de l'appareil médiatico-culturel qui est,
04:44 je l'ai dit dans le Figaro début juillet, je ne me dédie pas,
04:48 qui est gangrené par un gauchisme culturel
04:50 qui affaiblit profondément les défenses de la société.
04:53 Mais justement, Gérard Larcher, en début de semaine,
04:56 dit "nous avons été collectivement aveugles et faibles globalement
04:59 par rapport à l'islamisme, par rapport plus encore
05:02 à une islamisation de certains territoires
05:05 qui rendent la vie impossible pour certains juifs français".
05:08 Il dit "nous avons été collectivement aveugles ou collectivement faibles".
05:11 J'entendais ça et je pensais à vous.
05:13 Vous avez, me semble-t-il, depuis 20 ans, avec d'autres, cherché à alerter.
05:17 Est-ce que finalement, depuis 20 ans, quand vous entendez Gérard Larcher dire
05:19 "on a été collectivement aveugles", comment réagissez-vous ?
05:21 - Bien, je réagis comme vous, c'est-à-dire que ce "collectivement"
05:24 a pour but de se dédouaner.
05:26 Ils ont été aveugles. Nous ne l'avons pas été.
05:28 Et quand je dis "nous", nous sommes nombreux à ne pas l'avoir été,
05:31 mais nous ne l'avons pas été entendu.
05:32 Quand nous avons publié "Les Territoires perdus de la République",
05:34 nous avons été traités tous les noms d'oiseaux.
05:36 Nous étions des crypto-fascistes, des racistes, évidemment.
05:40 Nous avons été boycottés, nous avons été stigmatisés.
05:42 On nous a fait connaître, progressivement, étape par étape,
05:45 une forme de mort sociale.
05:46 La mort sociale, c'est quand vous n'êtes plus invité nulle part
05:49 et que vous n'existez plus.
05:50 Et lorsque même nous avons, nous sommes remontés jusqu'au ministère,
05:53 parce qu'il faut reconnaître que le gouvernement de Jacques Chirac
05:56 nous a accordé l'attention et nous a reçus.
05:59 Mais même là, finalement, le constat que nous faisions,
06:02 c'est que le constat de la mort, c'est que la mort,
06:05 c'est la mort de Samuel Paty.
06:06 Et c'est la mort de Samuel Paty,
06:08 qui a été conçue par le président de la République,
06:10 et qui a été conçue par le président de la République.
06:13 Et c'est la mort de Samuel Paty,
06:14 qui a été conçue par le président de la République,
06:16 et qui a été conçue par le président de la République.
06:19 Et c'est la mort de Samuel Paty,
06:20 qui a été conçue par le président de la République,
06:22 et qui a été conçue par le président de la République.
06:25 Et c'est la mort de Samuel Paty,
06:26 qui a été conçue par le président de la République,
06:29 et qui a été conçue par le président de la République.
06:31 - La peur l'emporte avec aussi, j'allais dire,
06:34 toutes ses conséquences, puisque lundi, en hommage
06:38 à la fois à Dominique Bernard et à Samuel Paty,
06:41 il va y avoir d'abord une minute de silence,
06:43 George Benson, puis plus largement,
06:45 une journée de solidarité, elle est appelée ainsi,
06:47 vis-à-vis des professeurs.
06:49 Le risque de non-respect de tout cela est réel chez certains élèves.
06:53 Est-ce que cette fois-ci, on va,
06:55 collectivement, ce système médiatico-politique,
06:57 oser le dire, le dénoncer,
06:58 et en tirer surtout les conséquences, selon vous ?
07:01 - C'est toujours la même question.
07:02 Bien sûr, est-ce que, encore une fois,
07:04 tout l'appareil d'État et, de l'autre côté,
07:07 tout ce qui fait l'opinion en France
07:09 aura le courage de nommer les choses,
07:10 de dire réellement ce qu'il voit,
07:12 la fameuse formule de Peggy, "voir ce que l'on voit".
07:14 Est-ce qu'ils auront enfin le courage ?
07:16 Encore une fois, le maître mot de la politique,
07:20 aujourd'hui, c'est comme dans les périodes
07:22 les plus difficiles de l'histoire, c'est le mot "courage".
07:24 Si le courage manque, vous ne pouvez attendre
07:26 aucune amélioration de la situation.
07:28 - Est-ce que vous pensez que la mort de Dominique Bernard,
07:30 l'enseignante d'Arras, peut provoquer un sursaut
07:32 dans la communauté enseignante,
07:34 dans la classe politique, des gens qui pourraient
07:37 justement avoir cette attitude de courage dont vous parlez ?
07:40 - Je l'espère, mais vous savez depuis...
07:42 - Arrêtez l'autocensure dont vous parliez au début de l'émission.
07:45 - Depuis 20 ans, depuis 25 ans qu'on tire la sonnette d'alarme,
07:47 je ne suis pas le seul, il y avait le rapport Aubin-Après avant moi,
07:49 il y avait Christian Gellène avant nous, etc.
07:52 On peut l'espérer, j'en doute un peu, c'est tout.
07:54 - Justement, c'est-à-dire, on parle souvent de "avant et après".
07:57 On a dit, il y aurait avant-après Mohamed Merah,
08:00 avant-après Charlie Hebdo, avant-après Le Bataclan,
08:03 avant-après Nice, avant-après Samuel Paty.
08:05 Est-ce que finalement, le avant-après ne devienne pas
08:07 une espèce de la rhétorique qui permet d'affronter
08:09 de tels événements sans qu'il n'y ait une change ?
08:11 - La réponse est dans votre question.
08:14 Bien évidemment, je ne crois pas du tout à cette rhétorique
08:16 de l'avant-après, elle sert simplement à rassurer
08:19 l'opinion publique et sous le coup de l'émotion.
08:21 - Et pourtant, vous n'êtes pas un désespéré lorsqu'on vous lit.
08:23 Donc, vous croyez qu'il y a la possibilité d'un véritable après ?
08:26 Vous parlez de l'appel au courage, mais au-delà du courage,
08:29 quels sont les mécanismes qu'il faudrait mettre en place
08:31 pour rendre ce courage possible ?
08:33 - Je pense toujours qu'une situation n'est perdue,
08:35 qu'avec le courage, on peut redresser toutes les situations,
08:38 même parfois les plus désespérées, encore une fois,
08:40 sans faire de la comparaison assimilation.
08:44 Mais lorsqu'en juin 40, De Gaulle lance son appel,
08:47 il a toutes les apparences contre lui,
08:49 toutes les réalités sont contre lui.
08:50 C'est un appel désespéré d'un homme que l'on prend
08:53 pour un dérangé mental, au mieux et au pire, évidemment,
08:56 pour un traître qui sera d'ailleurs condamné à mort par le régime de Vichy.
08:58 Donc, il faut aller contre les apparences pour,
09:01 à partir du moment où il y a un courage politique,
09:03 dire effectivement que tout est possible à condition
09:05 qu'il y ait du courage politique.
09:07 Le reste ne m'appartient pas.
09:08 Le courage politique, c'est celui de toute une société.
09:12 Et toute une société, là, c'est comment faire mouvoir
09:15 toute une société, l'appareil éducatif, l'appareil médiatique,
09:17 l'appareil culturel, l'appareil politique ?
09:19 Très difficile.
09:20 - Plus le terrorisme frappe sur notre sol, plus le débat,
09:24 c'est ce que vous disiez, Georges Bensoussan,
09:26 depuis le début de notre grand rendez-vous.
09:28 Le débat politique et idéologique est presque piégé.
09:31 On a l'impression, presque à l'inverse,
09:33 qu'il devient difficile de le dénoncer sans être traité
09:36 de tous les noms comme vous l'avez été.
09:39 Mis à part le courage, comment expliquer aujourd'hui
09:42 que cette chape de plomb qu'on n'arrive pas à la faire exploser,
09:45 qui est ce plafond aujourd'hui, malgré les attaques,
09:47 malgré les chocs, malgré l'angoisse de nos hussards de la République,
09:50 qu'on n'arrive pas quand même à percer,
09:52 qui empêche cela, au-delà du courage ?
09:55 - Je pense qu'il y a une doxa culturelle, si vous voulez,
10:00 qui impose sa loi et qui impose une forme de terrorisme intellectuel
10:04 qui, lorsque vous nommez la réalité, le seul fait de la nommer,
10:07 vous rend responsable de la réalité que vous décrivez.
10:10 À partir de ce moment-là, vous êtes piégé,
10:11 vous ne pouvez plus parler.
10:13 Et dès lors que plane sur vous l'accusation de racisme
10:17 ou d'extrême droite ou de fascisme, etc.,
10:19 vous êtes stigmatisé d'emblée, votre parole est annihilée.
10:23 Donc, il faut peut-être sortir de ce chantage-là
10:25 et avoir un moment, Elisabeth Badinter le disait,
10:27 avoir un moment le courage d'assumer toutes les insultes
10:30 de type extrême droite, fasciste, raciste, etc.,
10:33 qu'on peut nous assener, parce qu'on sait que ce sont des stigmatisations
10:38 qui ont pour but de nous faire taire.
10:40 Vous savez qu'on prête un mot à Staline,
10:42 qui aurait dit, lorsque vous êtes en présence d'un adversaire,
10:45 traitez-le de fasciste.
10:47 Il va perdre une demi-heure de son temps
10:50 à essayer de se dédouaner et vous aurez gagné.
10:52 Bon, on en est là aujourd'hui, d'une certaine façon.
10:54 - Ce qui s'est passé durant 20 ans.
10:55 On va continuer à en parler, Georges Bensoussan, historien,
10:58 avec ce qui est appelé aujourd'hui l'importation
11:01 de ce qui se passe en Israël sur notre sol.
11:03 Mais on vous posera la question, est-ce que cette importation est récente ?
11:06 Est-ce que cela ne date pas déjà depuis de nombreuses années
11:08 avec toutes les conséquences que nous subissons ?
11:11 À tout de suite, une courte pause et on se retrouve ensemble.
11:15 - Nous poursuivons le grand rendez-vous avec notre invité ce dimanche,
11:18 l'historien Georges Bensoussan,
11:20 auteur, on le rappelle, d'un exil français.
11:23 Les origines du conflit israélo-arabe,
11:25 où encore il a dirigé, voilà, 20 ans,
11:27 les territoires perdus de la République.
11:30 Georges Bensoussan, nous avons assisté depuis quelques jours
11:32 et depuis les attaques terroristes du Hamas contre Israël
11:35 à des manifestations, certains les appellent pro-palestinienne,
11:38 mais il faut bien dire qu'elles sont surtout pro-Hamas et anti-France.
11:42 Pour beaucoup d'entre elles, et même anti-police.
11:45 Écoutez justement ce qui s'est dit à l'une de ces manifestations hier à Paris.
11:50 - Police, police, assassin !
11:53 - Police, police, assassin !
11:55 - Police, police, assassin !
11:57 - Police, police, assassin !
11:59 - Police, police, assassin !
12:27 - Voilà, je crois que le slogan était clair.
12:29 De quoi ce mélange est-il révélateur selon vous ?
12:33 - D'abord, c'est une importation qui est parescente.
12:36 C'est depuis déjà une vingtaine d'années.
12:38 Et ce qui est frappant dans cette importation,
12:40 c'est qu'elle est très paradoxale.
12:42 C'est-à-dire que l'importation du conflit ne se fait pas par les Juifs,
12:45 qui sont directement concernés par le conflit.
12:48 Parce que, comme je l'ai dit ailleurs,
12:50 un très grand nombre de Juifs de France ont de la famille en Israël
12:53 ou des liens familiaux ou des liens amicaux, etc.
12:55 Il y a presque un lien charnel, si vous voulez, avec l'État d'Israël.
12:58 Alors que de l'autre côté, non, il n'y a pas, ça n'existe pas.
13:01 Le problème, c'est que dans ces manifestations,
13:04 et pas seulement en France, d'ailleurs, on le voit,
13:06 d'abord, elles donnent lieu en France à des violences
13:09 qui ont caractérisé la montée de l'antisémitisme des années 2000,
13:12 mais donnent lieu un peu partout aujourd'hui,
13:14 dans une grande partie du monde occidental, entre autres,
13:16 à un déluge d'émotions, un déluge de passion,
13:19 un déluge de déraison profonde.
13:21 Et ce qui m'a frappé beaucoup dans les slogans,
13:23 pas seulement ceux-ci, mais dans d'autres que j'ai lus
13:25 ou que j'ai entendus, c'est l'abîme d'ignorance
13:27 sur l'histoire du conflit.
13:29 C'est quelque chose d'extraordinaire, et je crois que c'est
13:31 sur cet abîme d'ignorance-là que joue la plupart
13:34 de ces passions mortifères.
13:36 Ça, c'est quelque chose qui est particulièrement frappant.
13:39 Et ce qui me frappe aussi, c'est que face aux événements
13:42 qui se sont produits depuis samedi 7 octobre,
13:45 en particulier au kibbutz Kfar Azzah et au kibbutz Be'eri,
13:49 on est en présence d'un gouffre d'horreur,
13:51 un peu comme on a découvert les massacres des Tutsis
13:54 par les Hutus au Rwanda dans les premiers jours d'avril 1994.
13:57 Et c'est une horreur qui sidère parce qu'elle interroge
14:00 forcément notre humanité.
14:02 Elle questionne forcément la part en nous
14:06 qui est capable de céder un jour à cette horreur-là.
14:09 Et quand je dis qu'elle questionne notre part d'humanité,
14:12 je veux dire le fait que ces erreurs aient eu lieu,
14:14 que ce soit celle-là ou celle des Tutsis ou d'autres,
14:16 d'une certaine façon, ça nous salit, nous,
14:18 parce que nous appartenons à la même espèce que les assassins.
14:21 Ça, c'est quelque chose de fondamental.
14:23 Et devant un tel gouffre anthropologique,
14:26 un tel gouffre d'interrogation,
14:28 qu'on ait affaire à un tel torrent de haine,
14:30 comme on le voit dans ces manifestations,
14:32 où on risque, pour le premier qui oserait afficher
14:36 une opinion un peu pro-israélienne, serait lynché,
14:39 plus ou moins simplement, on est en présence d'un retour,
14:42 je ne dirais pas de la barbarie, mais on est en présence
14:44 d'une offensive violente que je ne peux pas ne pas comprendre
14:47 comme une offensive générale contre les Lumières,
14:49 contre la raison, contre ce qu'a fait la force de l'Occident
14:52 et contre l'Occident, tout simplement.
14:54 Je crois qu'il faut ramener tout ça, rappeler tout ça,
14:57 ramener tout ça dans le combat général
14:59 contre le monde occidental et contre, encore une fois,
15:01 ce qui fait notre force, c'est l'héritage des 17e et 18e siècles.
15:05 Et c'est pourquoi, et j'insiste toujours dans mes prises de position
15:08 pour revenir à l'histoire, même si ça paraît dérisoire
15:11 face à ces déferlements de haine, qui sont des haines meurtrières,
15:14 mais il faut malgré tout ne pas désespérer et constamment
15:17 refaire un effort de raison et un effort d'historien pour dire
15:20 comment en sommes-nous arrivés là ?
15:22 C'est ça la question de fond.
15:23 Et quand on est en face de gens de bonne volonté
15:25 mais qui ne savent pas, alors on est pratiquement sûr
15:28 de pouvoir apporter un éclairage.
15:30 – Alors vous parlez des mécanismes de la raison,
15:32 mais il y a quelquefois une forme d'inversion de la raison,
15:34 je donne le sens de mon propos, où vous avez évoqué
15:38 les massacres, notamment dans les Kibout,
15:40 d'une inhumanité absolue, mais très rapidement,
15:43 dans le discours public, on a l'impression que finalement,
15:46 c'est moins ces massacres qui comptaient que les crimes
15:49 de guerre anticipés, possiblement à Gaza, et ainsi de suite.
15:53 Donc finalement, l'agression contre les juifs en Israël
15:56 était un détail de cette histoire qui ne comptait pas vraiment.
15:59 – Absolument, parce qu'en fait, on est en présence de raisonnement
16:01 où la conclusion précède l'interrogation.
16:04 C'est-à-dire qu'on a déjà conclu à savoir que les Israéliens
16:06 sont coupables.
16:07 Donc certes, il y a eu des massacres à Beiré, à Kfar Azaï,
16:11 à d'autres, etc. Mais ce qui compte d'abord et avant tout,
16:13 c'est la culpabilité israélienne.
16:15 Donc on va effacer toute rationalité, on va effacer l'ordre de causalité
16:19 des événements pour s'apesantir sur les représailles israéliennes à Gaza.
16:23 C'est exactement ce qui va se passer.
16:24 – Mais en 24 heures, c'est peut-être ce qui est étonnant,
16:26 c'est-à-dire, normalement, il y a une forme de délai de décence
16:28 avant de chercher à rationaliser.
16:29 – Cette fois, il n'y en a pas, vous avez raison.
16:31 Et j'ajouterai autre chose, et ça c'est caractéristique
16:33 des démarches négationnistes, c'est qu'on est déjà en présence
16:35 d'un négationnisme qui consiste à dire, en réalité, il n'y a pas.
16:39 Il n'y a pas eu de massacre, c'est de la propagande sioniste,
16:41 de la propagande israélienne.
16:43 J'ai lu récemment d'une femme palestinienne,
16:45 qui est d'ailleurs l'épouse du rédacteur en chef adjoint du Monde
16:49 sur ces questions, qui disait en anglais,
16:51 "ne croyez pas à leur propagande d'atrocité".
16:53 C'est quand même aberrant, mais on est déjà dans une démarche négationniste.
16:56 Le négationnisme est partie prenante de la démarche génocidaire.
17:01 – Cette semaine, sur notre antenne, l'avocat Thibault de Montbrial,
17:05 qui est impliqué dans le combat contre le terrorisme islamiste,
17:08 il est notamment l'avocat de la famille de Jessica Schneider,
17:12 je rappelle ce couple de policiers qui a été, il n'y a pas d'autre mot,
17:15 égorgé chez lui à Magny-en-Ville, s'inquiéter aussi de possibles,
17:18 non pas d'importation, mais retentissement d'un certain quartier,
17:21 dans les banlieues en France.
17:25 Est-ce que vous craignez aussi, une forme, je fais attention aux mots,
17:28 mais d'étincelle, plus nous allons aller, on va en parler,
17:32 vers une riposte intensive d'Israël, est-ce qu'il faut craindre là,
17:37 pas seulement ces manifestations, mais davantage ?
17:39 – Oui, à l'évidence, oui, bien sûr.
17:41 Et là, Gérard Darmanin a tout à fait raison d'être vigilant, bien sûr.
17:44 On peut craindre une montée en puissance de la violence, oui, c'est vrai.
17:49 – Et ce seraient les Juifs de France qui seraient les premiers ciblés, selon vous ?
17:53 Vous parlez beaucoup de la montée de l'antisémitisme en France.
17:56 – Oui, bien sûr, les Juifs de France seraient les premiers ciblés,
17:58 parce qu'on fait l'assimilation entre l'armée israélienne et les Juifs de France,
18:01 mais au-delà des Juifs de France, il y a, je l'ai dit,
18:04 ça fait partie de la grande offensive pro-Occident,
18:06 tout ce qui représente la raison, l'école, l'Occident, les Lumières, etc.
18:09 – Alors, on parle de violence, il y a peut-être un autre mot qui s'impose,
18:12 Alain Finkielkraut, cette semaine dans Le Figaro,
18:15 redoute, dit-il, il le redisait hier, des pogroms en Europe,
18:19 la possibilité de pogroms en Europe, suite, après l'intervention de Tsaal à Gaza.
18:25 Est-ce que c'est un terme que vous utiliseriez aussi ?
18:28 – Je ne sais pas si j'utiliserais le terme "pogrom",
18:30 qui est un terme très connoté historiquement, qui est très violent,
18:33 et qui s'apparente à des situations historiques précises.
18:35 Je n'irai peut-être pas jusque-là, mais en tous les cas,
18:37 des attaques violentes contre les communautés juives,
18:39 qu'il faudrait protéger, j'en suis convaincu, ça oui.
18:42 Alors que ça vire au pogrom, quand on sait ce qu'est réellement un pogrom,
18:45 dans la Russie tsariste par exemple, je ne suis pas sûr qu'il fallait y aller jusque-là, c'est tout.
18:50 – Il y a aussi ces images qui sont saisissantes,
18:54 qui ont été relayées en Allemagne par une avocate,
18:58 montrant une identification sur les foyers d'Allemands juifs.
19:04 La voici à Berlin, les foyers juifs sont marqués par des ennemis des juifs pro-hamas.
19:09 Plusieurs incidents de ce type ont été scélianés du jour au lendemain.
19:13 Je pense que nos téléspectateurs et nos auditeurs, il y a une forme de sidération,
19:18 d'un retour de l'histoire qui nous sidère tous.
19:22 – Oui, mais encore une fois, cette sidération est justifiée,
19:25 mais elle était déjà là en 2000.
19:26 Vous savez, quand on a commencé "Les territoires perdus de la République",
19:29 on a collecté un très grand nombre de témoignages,
19:31 nous ne l'avons pas pu tous publier,
19:32 mais dans ces témoignages revenait de façon lancinante,
19:35 cette phrase entendue de la part de certains élèves,
19:37 "Dommage qu'Hitler n'ait pas fini le travail".
19:39 On était en 2001, 2002, aujourd'hui on assiste exactement à la répétition des mêmes choses,
19:44 sauf que, et là je vous rejoins, on est monté en grade en matière de violence,
19:49 et là on était encore dans la violence verbale globalement en 2000,
19:53 on est monté vers la violence physique individuelle dans les années 2000-2010,
19:57 il y a l'analyse, l'analyse, etc.
19:59 On risque d'aller vers une violence de groupe, collective, beaucoup plus intense peut-être.
20:04 – Mais est-ce que même dans la manière de raconter les événements terroristes
20:07 des dernières années, en France,
20:08 est-ce qu'il n'y a pas l'occultation relative de l'antisémitisme ?
20:10 Je m'explique, on fait souvent commencer les attentats en 2015.
20:13 On pourrait les faire commencer en 2012 avec Mérat.
20:16 Est-ce que dans la mise en récit des frappes terroristes en France,
20:19 est-ce qu'il n'y a pas une oublie quelquefois du déclencheur antisémite ?
20:23 – Bien sûr, il y a quelque chose qui est très difficile à prendre en considération
20:27 par tout un appareil médiatico-culturel français,
20:30 c'est la dimension de l'antisémitisme qui les gêne profondément.
20:34 Ça ne veut pas dire qu'ils sont antisémites,
20:36 ça veut dire que c'est quelque chose qui gêne leur raisonnement,
20:39 qui les empêche finalement d'aboutir aux conclusions habituelles.
20:42 Le résultat c'est que non seulement l'antisémitisme gêne et on l'occulte,
20:45 mais le signe juif gêne.
20:47 Vous remarquerez qu'il y a un grand nombre de films sur la Shoah
20:50 produits en France ces dernières années où on occulte le mot juif.
20:53 On parlera de victimes innocentes, enfin ces victimes innocentes qui sont-elles ?
20:57 Elles sont persécutées et tuées parce que juives.
20:59 Le mot juif gêne, alors le mot israélien a fortiori bien davantage.
21:03 Le mot sioniste, n'en parlons pas, c'est quasiment du domaine de l'insulte.
21:06 Non, on est ici dans une économie psychique
21:10 où le signe juif est devenu un signe insupportable dans le monde occidental.
21:13 Et encore une fois, pas forcément par antisémitisme,
21:16 mais par peur liée au grand changement démographique,
21:20 au basculement démographique que le monde occidental a connu.
21:23 La peur joue un rôle fondamental dans les comportements.
21:26 Vous parlez de basculement, Georges Ben Soussan,
21:28 basculement aussi au Proche-Orient avec la riposte terrestre aussi qui est imminente,
21:35 on le dit depuis plusieurs jours, malgré tout là,
21:38 la prépare et tous les signes d'un état de pensée qui aura lieu dans les prochaines heures.
21:42 On va marquer une pause, on va en parler avec ce qui se passe aussi sur le terrain.
21:45 Votre lecture très intéressante, très précieuse pour nous d'historien,
21:49 évidemment intégrée dans le temps long. A tout de suite.
21:52 Invité de ce grand rendez-vous l'historien Georges Ben Soussan,
22:00 nous avons bien entendu démarré, entamé cette émission
22:04 avec l'assassinat terroriste du professeur Dominique Bernard.
22:08 Nous avons parlé de ce que vous avez dénoncé, Georges Ben Soussan,
22:11 ce djihadisme d'atmosphère, cet antisémitisme d'atmosphère,
22:14 la crainte aussi des professeurs et plus largement, j'allais dire, de tous les citoyens.
22:18 Venons-en aussi et c'est lié à ce qui se passe, aux attaques contre Israël et à la riposte.
22:25 On constate, Georges Ben Soussan, au fur et à mesure de l'intensification de cette riposte
22:29 que beaucoup mettent en parallèle le bilan des morts.
22:32 Il y a une sorte de concurrence macabre aujourd'hui des bilans victimes des attaques terroristes du Hamas
22:39 et victimes gazahouis. Comment réagir face à cela aujourd'hui ?
22:44 Précisément, c'est le danger parce que toute notre époque fonctionne à la mythologie victimaire.
22:49 À partir du moment où vous êtes une victime, vous avez raison
22:52 et vous êtes exempté d'avoir à rendre des comptes sur votre conduite.
22:56 Et donc, il y a une véritable course à la victimisation.
22:59 Donc, il faut dépasser ce type d'émotion pour se poser la question de savoir de quoi s'agit-il exactement.
23:06 Comment en est-on arrivé là ? Par quel processus ?
23:09 Et comment en est-on arrivé à ce blocage où le Hamas commet ce qu'il a commis la semaine dernière
23:14 et comment les Israéliens, de leur côté, soumettent Gaza un blocus
23:18 et sont d'une certaine façon condamnés à une attaque terrestre ?
23:21 La question est la suivante, c'est qu'on a le sentiment que le Hamas est toute la Palestine.
23:26 C'est fou ! Le Hamas est une partie de la Palestine,
23:29 et est en fait la bande de Gaza qu'il tient sous sa coupe et sous une tyrannie épouvantable,
23:33 on sait ça, c'est une tyrannie qui vaut guère mieux que celle des talibans en Afghanistan.
23:37 Et ce qui est frappant, et c'est ici qu'il faut refaire de l'histoire encore une fois,
23:40 sinon on ne comprend pas, on est submergé par le quotidien, par l'émotion, par les images,
23:44 et à ce moment-là, on se retrouve totalement saturé et on ne peut plus comprendre ce qui se passe.
23:50 C'est que si aujourd'hui, Gaza est totalement sous la coupe du Hamas,
23:56 par la terreur encore une fois, une grande majorité de Gaza,
23:59 oui, je ne suis pas certain qu'ils suivent le Hamas,
24:02 ils veulent simplement vivre et vivre tranquillement,
24:04 et s'équiter de cette vie de misère et d'oppression,
24:06 où une grande partie de l'argent est consacrée aux armements et aux tunnels,
24:09 les tunnels qui, je le rappelle, sont vastes comme des galeries de métro,
24:12 ce n'est pas du tout de petits tunnels bricolés.
24:16 C'est que cette emprise du Hamas sur Gaza,
24:22 c'est exactement la même que l'emprise de la famille Housseini sur la Palestine en 1948.
24:27 Ce que je veux dire par là, c'est que la famille Housseini en 1948
24:31 a fait taire toutes les voix discordantes qui étaient prêtes à un compromis
24:34 avec les puteurs israéliens, et à force d'assassinats,
24:37 et à force de refus des uns et des autres, tous les refus proposés par les britanniques,
24:41 ils sont arrivés à la catastrophe finale de 1948 et à l'Annakba.
24:44 Eh bien, il se trouve que le Hamas aujourd'hui, c'est exactement l'héritier de cette ligne-là,
24:49 avec la même terreur et les mêmes méthodes, peut-être en pire d'ailleurs.
24:52 – Jean-Baptiste Soussan, comment expliquez-vous que Israël s'est en fait accommodé
24:56 de cette mainmise que vous décrivez du Hamas sur la bande de Gaza ?
24:59 Ça fait plus de 15 ans que le Hamas tient la bande de Gaza d'une poigne de fer,
25:03 on a l'impression qu'Israël, ça leur allait, s'en accommodait d'une certaine manière.
25:08 – On ne peut pas dire qu'ils s'en soient accommodés.
25:11 Le Hamas, c'était une réalité qui est née en 1987,
25:14 d'une certaine façon, ça satisfait les Israéliens dans un premier temps
25:17 parce que ça affaiblissait l'autorité palestinienne.
25:19 Après 1993 et les accords d'Oslo, Israël a combattu le Hamas.
25:23 Ils s'en sont accommodés à partir de 2006-2007 pour la bonne raison
25:28 qu'ils ne pouvaient pas entrer dans la bande de Gaza
25:30 et détruire tout l'appareil politique, tout l'appareil militaire du Hamas
25:34 au prix de pertes humaines considérables.
25:36 Tout simplement, il y avait là une réalité et il fallait faire avec.
25:39 – Mais est-ce que c'est une réalité qu'ils n'ont pas cherché
25:41 à mettre un peu sous le tapis ?
25:43 – Non, ce qu'ils ont cherché à mettre sous le tapis,
25:45 en particulier le gouvernement Netanyahou, c'est à savoir que Gaza
25:48 ne représentait pour eux qu'une menace d'une certaine façon circonscrite
25:51 et que pour eux l'essentiel c'est de tuer en Syjourdanie.
25:53 L'erreur du gouvernement Netanyahou est là, mais encore une fois,
25:56 ça ne dispense pas de faire l'analyse historique de ce qui s'est passé.
25:59 – Restons dans l'histoire.
26:01 – Et le fait que le Hamas, c'est bel et bien l'héritier des frères musulmans
26:04 et l'héritier de la terreur des Houssenis.
26:06 Ce que je veux dire simplement par là, c'est que comme les Houssenis
26:09 ont mené leur peuple à la catastrophe en 1948,
26:11 le Hamas est en train de mener son peuple à Gaza à la même catastrophe.
26:14 C'est ce que je veux dire tout simplement par là.
26:16 Et le deuxième point, et c'est là où je vous rejoins d'une certaine façon,
26:21 ils ne sont pas accommodés d'eux, mais que voulez-vous qu'ils fassent
26:24 face à une organisation qui dit clairement dans sa charte, il faut la lire,
26:27 elle est disponible en français, qu'ils veulent détruire ce pays.
26:30 Comment voulez-vous négocier avec des gens qui veulent votre mort ?
26:33 Comment pouvez-vous négocier avec des gens pour lesquels
26:35 vous allez faire des accommodements, ils vont en faire aussi,
26:38 et vous arrivez à un compromis ? Là, il n'y a pas de compromis possible.
26:40 – Alors, en début de semaine, on notait la distinction, avec raison,
26:44 entre le Hamas de côté, le Hezbollah, l'autorité palestinienne.
26:47 Vous avez l'un n'engage pas nécessairement l'autre.
26:49 Est-ce qu'au terme d'une semaine, est-ce qu'on peut redouter,
26:52 est-ce qu'on peut craindre une forme de fusion des différentes tendances palestiniennes ?
26:56 Et qu'est-ce que ça voudrait dire pour Israël ?
26:59 – On peut craindre une tendance, en particulier une fusion,
27:02 pas forcément palestinienne, le Hezbollah n'est pas palestinien,
27:05 une tendance de toutes ces forces hostiles, parce qu'elles sont unies
27:08 par un dénominateur commun qui s'appelle le refus absolu de toute présence juive,
27:12 non pas d'une présence juive sur telle ou telle partie de la Palestine,
27:15 mais de toute présence juive de la mer ou Jourdain.
27:18 Donc il faut éradiquer totalement ce territoire, cette population,
27:22 il faut en un mot procéder à une épuration ethnique.
27:24 On peut le craindre, parfaitement. Qu'est-ce que ça révèle ?
27:27 Ça révèle que depuis 1948 et même depuis 1920,
27:31 le refus d'une présence juive souveraine sur cette terre
27:35 est quelque chose qui n'a pas pu être accepté.
27:37 Ça a été accepté par l'Égypte et la Jordanie,
27:39 ce sont des paix qui ont été signées, des paix froides, mais enfin des paix quand même, ça existe.
27:43 Mais sur le fond, on peut craindre que dans une grande partie du monde arabo-musulman,
27:47 la légitimité juive sur cette terre ne soit pas acceptée.
27:50 Israël est accepté, moi j'accepte la réalité de cette table si vous voulez,
27:55 mais la légitimité d'Israël, c'est autre chose.
27:58 C'est ça qu'on peut craindre et c'est ça qui interroge forcément quoi ?
28:01 Le fonctionnement psychique de ce monde arabo-musulman
28:04 qui n'arrive pas à élaborer le compromis,
28:07 qui n'arrive pas à élaborer l'idée qu'il faut procéder à un partage du territoire
28:12 tout simplement parce qu'il y a deux légitimités.
28:15 Beaucoup craignent, Georges Ben Soussan,
28:18 je cite les mots, des crimes de guerre par Israël dans la bande de Gaza.
28:22 La France appelle Israël à respecter le droit international.
28:27 Qu'est-ce que cela vous inspire ?
28:30 On est quand même passé en quelques jours presque du devoir pour Israël d'intervenir,
28:36 de la légitimité, de la compréhension la plus totale,
28:39 de la compassion à quand même des lézardes, des fractures, des failles
28:43 dans un soutien occidental aujourd'hui.
28:45 Oui, on pouvait s'y attendre.
28:47 On pouvait s'attendre à ces appels à la retenue.
28:50 La question est la suivante.
28:52 Face à une population, à une zone aussi densément peuplée
28:56 et à une stratégie du Hamas qui consiste à être protégée par les civils,
29:00 c'est-à-dire que dans les immeubles, vous avez au troisième étage
29:03 une agence de presse étrangère, au cinquième étage le Hamas.
29:06 Donc vous ne pouvez pas bombarder, bien sûr.
29:08 Vous avez l'état-major du Hamas qui se cache sous l'hôpital Shiba à Gaza, par exemple.
29:12 La question est la suivante.
29:14 Que peut faire Israël dans un contexte aussi piégé ?
29:17 En clair, ils bombardent, ils rentrent à l'intérieur.
29:20 Les pertes civiles sont considérables et c'est la réprobation internationale.
29:24 Ils n'entrent pas et la force de nuisance du Hamas est la même.
29:27 Et pire, l'image d'Israël est totalement dégradée auprès de ses ennemis,
29:32 la force de dissuasion.
29:34 Et pire, la blessure morale, la blessure psychique terrible des Israéliens
29:39 ne pourra jamais être cicatrisée.
29:42 On est là dans un piège total,
29:44 mais qui se reproduit d'année en année depuis 2008.
29:47 Donc la vraie question est la suivante.
29:49 C'est une question qui s'adresse à tous ceux qui font de la politique avec des gants blancs.
29:55 Mais que peut faire Israël dans une situation aussi piégée ?
29:58 C'est la vraie question parce qu'elle nous concerne tous.
30:00 Et que peuvent faire les démocraties face à ces guerres asymétriques,
30:03 à ces groupes terroristes aujourd'hui ?
30:05 Sommes-nous suffisamment armés moralement, culturellement, militairement ?
30:09 On l'a cru quand même.
30:11 - Est-ce qu'un pays comme Georges Bensoussan, ça nous sidère jusqu'à aujourd'hui,
30:14 réputé invincible, dont les services de sécurité ont été loués par le monde entier,
30:18 et qu'on découvre comme étant un géant au pied d'argile ?
30:22 - Oui, alors que ce soit un colosse au pied d'argile, c'est une vérité, tout simplement.
30:26 Parce que quand vous regardez le territoire, vous constatez qu'il est extrêmement petit,
30:29 que c'est un territoire où l'emprise démographique des Juifs est relativement faible.
30:34 Et c'est un territoire où, si les Israéliens se retirent demain de Cisjordanie,
30:38 Tel Aviv sera à 20 km des canons ennemis,
30:41 et l'aéroport international, qui est le poumon du pays, sera à 8 km de cette frontière-là.
30:47 Et puis surtout, c'est un pays qui est habité par la mémoire de la Shoah,
30:51 donc par la mémoire du traumatisme et de la précarité,
30:53 ce qui s'est passé à Kfar Azad, Béhéry et d'autres kiboutimes,
30:57 a réveillé cette souffrance, a réveillé ce traumatisme.
31:01 De surcroît, l'opinion occidentale a peut-être oublié, mais les Israéliens non,
31:05 ils vivent avec cela tous les jours.
31:06 Les Israéliens se retirent du Liban et ils ont le Hezbollah,
31:09 les Israéliens se retirent de Gaza et ils ont le Hamas.
31:11 Alors, allez convaincre aujourd'hui, les Israéliens se retirer de Cisjordanie,
31:14 ils vont vous dire "mais enfin, on aura un troisième Hamasland ou Hezbollahland,
31:17 c'est absolument impossible". La question est là.
31:20 – M. Bokoté.
31:21 – À la question des, on a beaucoup parlé sur la crainte des crimes de guerre possibles d'Israël,
31:26 est-ce qu'il n'y a pas une forme d'asymétrie dans le jugement ?
31:29 C'est-à-dire lorsque le Hamas commet des crimes de guerre,
31:32 je reprends la formule de la France insoumise, c'est l'objectif.
31:35 Tuer des civils, ce n'est pas un dommage collatéral, c'est l'objectif.
31:38 Est-ce qu'il n'y a pas un versement Israël, il peut arriver que des civils meurent,
31:42 mais c'est un dommage collatéral, ce n'est pas l'objectif.
31:44 Est-ce qu'il n'y a pas une différence de fond ?
31:46 – Vous avez rappelé, les Israéliens préviennent les civils de partir,
31:48 alors que soit réaliste ou pas, ce n'est pas la question,
31:50 je ne suis pas stratégique militaire, mais ils préviennent les civils de partir.
31:53 Et en revanche, l'appareil militaire du Hamas dit "restez, ils s'en servent comme d'un bouclier".
31:57 Et vous avez tout à fait raison, les crimes de guerre, voire crimes contre l'humanité,
32:01 on ne sait pas exactement à Béhéric, Faraza, etc. et ailleurs, c'est un objectif.
32:05 Ici, si crime de guerre il y a, il y aura crime de guerre forcément,
32:08 vu la densité de population, ça sera effectivement quelque chose de regrettable,
32:11 mais ce n'est pas le but initial de l'attaque israélienne.
32:13 Encore une fois, j'en reviens toujours à ma question initiale,
32:16 mais pourquoi on est-on arrivé à une situation aussi inextricable, aussi épouvantable ?
32:21 – Pour vous, c'est un fil contenu dans l'histoire, on va marquer une pause,
32:24 parce que c'est ça, votre regard d'historien est très important ce dimanche,
32:27 Georges Bensousson, pour expliquer, non pas que tout ça pouvait être anticipé,
32:31 mais que c'était malheureusement inscrit dans l'histoire.
32:34 On va en parler, on va insister également avec Stéphane Dupont et Mathieu Bocoté
32:38 sur la réaction de ce qui a été appelé, je mets des guillemets,
32:41 la rue arabe des pays arabes, très importante évidemment,
32:44 avec la crainte d'un embrasement dans la région, à tout de suite.
32:51 – Tandis que la riposte israélienne s'intensifie
32:54 après les attaques terroristes du Hamas,
32:56 on pose toutes les questions à notre invité Georges Bensousson
32:59 avec le regard de l'historien.
33:01 Monsieur Bensousson, vous nous direz ce qui dans l'histoire,
33:04 non pas a pu expliquer, mais en tous les cas marque une continuité
33:08 avec le cortège d'atrocités en Israël.
33:12 Une question malgré tout, et nous en parlions avant la pause,
33:16 elle reste très vive, comment expliquer, Georges Bensousson,
33:21 non pas une telle insouciance, parce que les mots ne peuvent pas
33:24 être utilisés par rapport à la barbarie qui a été commise à Béry
33:27 ou à la rêve partie, comment expliquer qu'à quelques kilomètres
33:30 de Gaza, de jeunes israéliens, ait pu faire la fête
33:35 dans une relative quand même insouciance ?
33:38 Ça nous sidère encore.
33:39 – Je pense que ça renvoie au fossé culturel entre les deux sociétés.
33:43 Et c'est un fossé culturel qui remonte à très longtemps,
33:46 au moins un siècle avant.
33:47 Et vous avez en Israël une société culturellement occidentale,
33:51 anthropologiquement très occidentale, et dans cette classe de jeunes
33:55 qui ont fait la fête justement à un ou deux kilomètres de la frontière,
33:58 on a affaire à la clientèle habituelle occidentale,
34:02 très hédoniste, très centrée sur elle-même,
34:04 très centrée sur la fête et sur l'individu,
34:06 et qui n'ayant pas de connaissance réellement de la société palestinienne
34:09 en face, ne peut pas imaginer le potentiel de haine
34:12 qui germait dans cette société.
34:14 – D'ailleurs ils se réunissaient pour la paix, ces jeunes.
34:16 – Bien sûr, oui.
34:17 Alors ce qui est d'ailleurs le paradoxe,
34:18 c'est que tous ces kiboutzims qui ont été attaqués
34:20 le long de la bande de Gaza, étaient souvent des kiboutzims
34:23 ancrés à gauche, qui avaient milité pour un État palestinien
34:25 et hostiles à la colonisation de Cisjordanie.
34:27 Ce qui signifie d'ailleurs que du côté du Hamas,
34:29 on ne distingue pas entre Israéliens de droite ou de gauche,
34:32 pour ou contre l'État palestinien.
34:34 Pourquoi ? Parce que tout Israélien est en trop,
34:36 parce que l'État d'Israël est en trop.
34:38 Ce n'est pas vrai de tous les Palestiniens, ce que je dis.
34:40 C'est vrai du Hamas, c'est-à-dire d'une idéologie islamiste
34:42 qui considère qu'il ne doit pas y avoir de présence juive sur le terrain.
34:45 Mais pour reprendre, pour répondre plus précisément à votre question,
34:48 encore une fois, là c'est vraiment le gouffre culturel,
34:51 vraiment un gouffre culturel entre deux mondes qui s'ignorent,
34:53 qui vivent côte à côte, mais qui ne se connaissent pas sur le fond.
34:57 Les jeunes gazaouis ne connaissent pas la société israélienne,
34:59 les jeunes de Tel Aviv ne connaissent pas la société gazaouie.
35:02 Et ça c'est dramatique, c'est absolument dramatique,
35:05 et entre autres, ne serait-ce que par l'apprentissage des langues.
35:08 Combien de jeunes arabes de Gaza connaissent l'hébreu, peu,
35:11 et combien de jeunes israéliens connaissent l'arabe ?
35:13 - Mais ce gap culturel dont vous parlez,
35:15 est-ce que ça peut expliquer, d'une certaine manière,
35:18 qu'Israël n'ait pas vu venir cette attaque du Hamas ?
35:22 - Alors ça c'est différent qu'il n'ait pas vu venir l'attaque du Hamas.
35:25 L'enquête le dira plus tard, où on était les services de renseignement,
35:28 et ce qu'ils ont transmis aux politiques.
35:30 C'est beaucoup trop tôt pour le dire aujourd'hui,
35:32 c'est un peu comme la guerre de Kippour.
35:34 C'est une mission d'enquête qui établira les responsabilités.
35:36 Il est possible que les renseignements aient vu,
35:38 et que le politique n'ait pas suivi.
35:40 Et là-dessus, il est possible que le gouvernement Netanyahou
35:42 n'ait pas pris au sérieux un risque de danger de la part de Gaza,
35:45 parce qu'il a les yeux fixés sur la Cisjordanie.
35:47 Ça c'est vrai.
35:48 Bon, on verra plus tard, mais on ne peut pas dire, en règle générale,
35:52 on ne peut pas globaliser pour dire qu'ils ne connaissent pas le danger,
35:54 ou le sous-estiment.
35:55 Peut-être que dans ce cas-là précis, ils l'ont sous-estimé.
35:57 - Alors, Georges Ben Soussan, vous évoquez le refus d'une présence juive,
36:01 d'une souveraineté juive en Palestine, sur ce territoire.
36:05 Mais c'est antérieur, en fait, même à l'existence de l'État d'Israël.
36:08 Le projet sioniste est antérieur à la Shoah.
36:11 Et ce refus d'une présence juive en Palestine,
36:14 c'est inscrit sur plusieurs siècles.
36:16 - Là est le cœur du conflit.
36:19 Là est le centre du conflit.
36:21 Tout le reste, ce sont des couches qui se sont agrégées ensuite,
36:24 et qui ont aggravé le conflit.
36:26 Mais le noyau central, c'est celui-là.
36:28 Comment démarre le sionisme ?
36:30 Il ne démarre pas seulement en dehors de la Palestine.
36:33 Il démarre à l'intérieur de la Palestine,
36:35 dans une vieille communauté juive qui "ressuscite" l'hébreu,
36:38 qui en fait une langue journalistique,
36:40 qui en fait une langue d'enseignement,
36:42 qui en fait une langue vernaculaire
36:44 et progressivement une langue maternelle,
36:46 avant même qu'en Europe, on ait entendu parler
36:48 de Herzl et du Congrès sioniste.
36:50 C'est-à-dire qu'à l'intérieur même de Palestine,
36:52 vous avez une communauté juive hébréophone
36:54 qui commence à revendiquer son indépendance
36:56 et qui va constituer pour l'Empire ottoman de l'époque,
36:59 avant 1914, une nouvelle question nationale.
37:01 C'est un véritable début de décolonisation.
37:06 Là-dessus, se greffe le sionisme venu de l'extérieur,
37:09 qui veut s'implanter sur cette terre.
37:11 Et pourquoi cette terre ?
37:12 Parce que c'est la terre des ancêtres qui parle l'hébreu.
37:14 C'est-à-dire qu'il y a une légitimité juive
37:16 qui à l'origine, d'ailleurs, n'est pas contestée
37:18 par un grand nombre d'autorités musulmanes
37:20 dans les années 90.
37:21 Vous savez, il y a la fameuse lettre
37:23 de l'ancien maire de Jérusalem, Youssef Zia Al Khalidi,
37:26 qui écrit en 1899 au grand rabbin de France,
37:30 "À la vérité, c'est bien votre terre."
37:32 Ensuite, il tente de le dissuader,
37:34 il tente de dissuader les sionistes
37:35 de venir s'installer là,
37:36 parce qu'ils vont devant de gros problèmes.
37:38 Sans quoi il a raison.
37:39 Mais il commence cette lettre par ceci.
37:41 C'est-à-dire qu'en fait, au départ,
37:43 il y a un mouvement d'émancipation
37:45 de cette communauté juive qui parle l'hébreu
37:48 et qui commence à réclamer une forme
37:50 d'indépendance nationale,
37:51 rejointe par des juifs de l'étranger
37:53 qui veulent recréer là un État-nation.
37:55 Et la suivante, pourquoi ?
37:56 Et y a-t-il eu un refus ?
37:58 Et y a-t-il eu un refus unanime ?
38:00 Et bien, pourquoi y a-t-il eu un refus ?
38:02 C'est précisément cette ligne-là
38:04 qui va l'emporter jusqu'en 1948.
38:05 Mais y a-t-il eu un refus unanime ?
38:07 Non. Il y a eu des voix qui étaient prêtes
38:09 à un compromis, à un partage.
38:11 Ces voix n'ont pas été entendues,
38:12 je l'ai dit tout à l'heure,
38:13 elles ont été éliminées par le clan Housseni.
38:15 Comme elles sont éliminées aujourd'hui
38:17 par le Hamas, le résultat, c'est la catastrophe.
38:19 Je le rappelle en trois mots.
38:21 Le plan Peel, en 1937, des Anglais,
38:23 proposent un partage en deux États.
38:25 La partie arabe dit non,
38:27 la partie juive dit non dans un premier temps,
38:29 puis oui dans un second temps.
38:30 Mais c'est trop tard, il faut être deux pour dire oui.
38:32 En 1939, le Livre blanc, proposé par les Britanniques.
38:35 Le Livre blanc, c'était l'occasion
38:37 ou jamais d'avoir un État arabe de Palestine.
38:39 Fin de l'immigration juive,
38:41 et référendum dans dix ans.
38:44 La population étant majoritairement arabe,
38:46 aux deux tiers, il est évident
38:48 que l'indépendance était acquise.
38:49 Or, le moustide Jérusalem en exil au Liban,
38:51 les Anglais l'ont interdit de séjour,
38:53 dit non, alors que la majorité de son conseil
38:55 veut dire oui au Livre blanc.
38:57 Ils auraient eu raison de dire oui au Livre blanc.
38:59 Deuxième refus.
39:01 Troisième refus, le partage de l'ONU en 1947.
39:03 Au bout du compte,
39:05 au bout de ce troisième refus,
39:07 et au bout d'incidents de plus en plus nombreux
39:10 entre villages arabes et juifs,
39:12 arrivent les combats que l'on sait,
39:14 avec la catastrophe que l'on sait, c'est-à-dire la Nakba.
39:16 La question est la suivante.
39:18 Comment on est arrivé à la Nakba,
39:20 l'exode de cette population arabe,
39:22 de 700 ou 800 000 personnes peut-être ?
39:24 C'est une question de fond.
39:26 Pourquoi y a-t-il eu refus ?
39:28 Qui a vendu des terres, par exemple ?
39:30 Y a-t-il eu une vente unanime de terres ?
39:32 Ou au contraire, une vente dans certains milieux
39:34 mais pas dans d'autres ?
39:36 - George Ben Sousan, poursuivons votre raisonnement.
39:38 Il y a aussi les accords d'Oslo avec Yasser Arafat.
39:40 Quoi qu'on pense de lui, c'était quelqu'un
39:42 dont on pouvait dire qu'il était plutôt
39:44 sur une ligne laïque, profane.
39:46 - Mais Arafat est un politique et une intelligence de signaux.
39:48 Nous avons aujourd'hui un mouvement terroriste islamiste.
39:50 Alain Ficulcrot, cette semaine dans Le Figaro
39:52 et encore hier dans l'émission de Mathieu Boccote,
39:54 suggérait que le nationalisme palestinien
39:56 doit se désislamiser pour retrouver sa légitimité.
39:58 Un peu, dit-il, c'est sa comparaison,
40:00 comme l'Allemagne a dû se dénazifier
40:02 pour retrouver sa place dans le concert des nations.
40:04 Est-ce que c'est la seule voie possible ?
40:06 - Une chose est sûre, et là, Alain Ficulcrot a raison.
40:08 Il y a des gens qui sont en train de se dénazifier
40:10 pour se dénoncer.
40:12 Il y a des gens qui sont en train de se dénoncer
40:14 pour se dénoncer.
40:16 Une chose est sûre, et là, Alain Ficulcrot a raison.
40:18 L'islamisation du conflit a rendu le conflit insoluble.
40:20 Pourquoi ?
40:22 Parce qu'avec l'islamisation, vous êtes dans le religieux.
40:24 Le religieux est du domaine de l'absolu.
40:26 Avec le politique, vous êtes dans le relatif.
40:28 À partir du moment où vous êtes dans le relatif,
40:30 vous pouvez négocier et arriver à un compromis.
40:32 Dans le religieux, comme avec le khamas,
40:34 vous ne pouvez pas arriver à un compromis.
40:36 Vous devez arriver à la mort de l'autre.
40:38 Il est évident que face à la mort de l'autre,
40:40 l'État d'Israël, face à une organisation
40:42 qui veut sa disparition, va prendre les devants
40:44 et va tenter de la faire disparaître.
40:46 -Comment on fait dans ce pays et dans ces villes
40:48 pour dissocier le politique du religieux ?
40:50 On est sur une terre sainte, sacrée,
40:52 avec autant de lieux sacrés et religieux.
40:54 Est-ce que vous croyez vraiment
40:56 qu'on peut aller vers quelque chose
40:58 de débarrasser des oripeaux religieux ?
41:00 -Alors, en ce qui concerne la partie juive,
41:02 toutes les polémiques
41:04 qui ont eu lieu
41:06 en ce qui concerne la réforme judiciaire
41:08 depuis un an visent précisément à cela.
41:10 Va-t-on vers une société religieuse juive
41:12 ou va-t-on vers une société laïque
41:14 ou conforter la société laïque
41:16 telle qu'elle a toujours existé ?
41:18 Une grande majorité d'Israéliens ne veulent pas
41:20 de société religieuse juive.
41:22 Pourquoi ? Parce que c'est une société occidentale,
41:24 parce que tout le sionisme s'est forgé
41:26 sur un modèle occidental.
41:28 C'est le père du sionisme allemand qui disait
41:30 que l'Europe avait fait un grand cadeau aux Juifs,
41:32 c'est précisément les Lumières, et le sionisme.
41:34 On en est là ici. Est-ce que dans toute la région
41:36 on pourra séparer le politique du religieux ?
41:38 C'est un grand défi. Mais une chose est sûre,
41:40 c'est que tant qu'on est dans l'islamisation
41:42 du conflit, on ne progressera pas.
41:44 Au contraire, on ira vers de plus en plus de catastrophes
41:46 et de morts. - C'est une impasse ce que vous nous décrivez.
41:48 - Pour l'instant, oui, mais l'histoire
41:50 par définition est labile, elle est mobile.
41:52 Rien n'est joué, rien n'est écrit.
41:54 Les choses peuvent évoluer.
41:56 - Depuis une semaine, j'ai l'impression,
41:58 lorsqu'on écoute les médias,
42:00 on a l'impression que la solution
42:02 des deux États, dont on a longtemps parlé,
42:04 est aujourd'hui considérée comme morte et enterrée,
42:06 c'est terminé, c'est fini,
42:08 il n'y a même plus la peine d'y réfléchir
42:10 parce qu'elle serait aujourd'hui tout simplement impossible.
42:12 Je ne crois pas me tromper en disant que vous ne partagez pas
42:14 cette analyse. - Non.
42:16 - Qu'est-ce qui vous permet de l'espérer encore ?
42:18 - Non, je ne partage pas cette analyse parce qu'il n'y a pas
42:20 d'autre solution que la séparation des populations.
42:22 Je l'espère, ça ne veut pas dire
42:24 que je la pense tout à fait
42:26 pratique aujourd'hui, raisonnablement
42:28 faisable aujourd'hui,
42:30 mais on peut militer,
42:32 mobiliser toutes les énergies
42:34 dans ce sens-là. Encore une fois,
42:36 ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, en 2023,
42:38 ce n'est pas possible que ce ne sera pas le cas en 2030.
42:40 Il y a un certain nombre
42:42 d'événements qui paraissaient totalement impossibles
42:44 et cinq ans avant,
42:46 et ils sont malgré tout revenus. - Voilà pourquoi le regard
42:48 de l'historien est important, c'est-à-dire que vous prenez du recul
42:50 pour nous dire que dans
42:52 une autre génération, il est possible
42:54 que ce dont nous parlons aujourd'hui soit
42:56 totalement inversé.
42:58 - Oui, et peut-être même bien avant, peut-être dans dix ans seulement.
43:00 Mais encore une fois,
43:02 quand on se penche sur
43:04 toutes les racines du problème, il faut aussi
43:06 mettre le projecteur
43:08 sur, à propos
43:10 des massacres du Hamas, sur
43:12 le fait qu'on a laissé faire
43:14 l'éducation du Hamas qui a
43:16 produit les tueurs d'aujourd'hui.
43:18 Encore une fois, l'alerte avait été donnée,
43:20 ça rejoint le début de notre conversation
43:22 sur la France. Depuis 20 ans,
43:24 depuis 30 ans, on tire la sonnette d'alarme
43:26 et personne n'entend. Depuis 20 ans,
43:28 30 ans, on a dit l'éducation
43:30 à Gaza en matière de manuel scolaire,
43:32 de camps d'été pour les jeunes, etc.
43:34 C'est une éducation à la haine qui fabrique des monstres.
43:36 Les monstres en question,
43:38 c'était des enfants il y a 10 ans qui sont passés
43:40 par ces camps d'été où on apprenait à tuer du juif.
43:42 Encore une fois, il faut toujours revenir aux racines
43:44 pour tenter de comprendre.
43:46 - Je vous remercie, c'est ce que
43:48 nous avons tenté de faire et ce que vous avez fait,
43:50 Georges Ben Soussan, tout au long de cette heure.
43:52 On apprend à l'instant que l'armée
43:54 israélienne et le Shin Bet affirment
43:56 en tout cas avoir tué Bilal Al-Qadr
43:58 qui serait, ou qui est le commandant
44:00 du Hamas des forces spéciales de la Nukba.
44:02 Donc l'armée israélienne
44:04 qui intensifie ses opérations
44:06 ciblées également.
44:08 Cette émission aussi, évidemment,
44:10 on la dédie aux professeurs, aux USAR de la République,
44:12 à Samuel Paty, à Dominique Bernard
44:14 et à tous ceux qui, je veux dire,
44:16 enseignent en luttant quotidiennement
44:18 et auxquels vous avez consacré,
44:20 on ne l'oublie pas, il y a 20 ans avec d'autres,
44:22 cet ouvrage "Territoires carrés de la République".
44:24 Merci de votre confiance, Georges Ben Soussan.
44:26 - Merci à vous. - Merci mes camarades Stéphane et Mathieu.
44:28 À très bientôt. Bon dimanche à vous sur nos deux antennes communes.
44:30 de communes.
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