C’est l’ancien tennisman Henri Leconte qui est venu aujourd’hui partager un café avec nous. Il sort un livre « balles neuves » disponible aux éditions Marabout.
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00:00 -Ce matin, c'est Riton qui est avec nous.
00:01 Bonjour et bienvenue, Henri Lecomte.
00:03 Comment ça va ? -Moi, ça va très bien.
00:05 -Vous sortez "Balneuve" après-demain,
00:08 qui sort après-demain chez Marabout.
00:10 Alors pourquoi, Henri Lecomte,
00:12 vous avez eu besoin d'écrire aujourd'hui ?
00:13 Vous avez eu 60 ans.
00:16 Est-ce qu'il y avait besoin de faire un bilan,
00:18 d'avoir une réflexion sur votre carrière ?
00:20 -Un bilan, oui, bien sûr.
00:22 Quand on fait un livre, c'est un petit peu
00:24 une rétrospective de sa vie.
00:25 Et puis c'est surtout, je suis passé dans une autre dimension,
00:28 en essayant, bien sûr, de comprendre
00:30 ce qui s'était vraiment passé dans ma vie de joueur de tennis.
00:32 Et puis c'est un moment où on est sage,
00:34 on a envie aussi de partager,
00:35 on a envie aussi d'aller plus loin, d'aller chercher certaines choses
00:39 que je n'ai pas tout à fait compris au tout début de ma carrière.
00:41 -Justement, qu'est-ce que vous avez compris,
00:43 le rire que vous n'aviez pas compris à l'époque ?
00:45 Il y a une phrase étonnante, vous dites,
00:46 "En finir une bonne fois pour toutes avec les masques
00:48 et les manques qui sont encore là dans l'ombre du quotidien."
00:52 Ça veut dire quoi ?
00:53 Le malentendu qu'il y a pu y avoir entre vous,
00:55 une partie du public qui date maintenant de décennies et dix,
00:57 ça existe encore dans votre tête, ça ?
00:59 -Oui, plus ou moins, un petit peu, mais disons que grâce à ce livre,
01:02 les gens vont vraiment comprendre ce qui s'est passé,
01:04 parce qu'on a toujours un masque, on se protège.
01:06 Moi, je voulais qu'on m'aime.
01:07 Moi, en fin de compte, je voulais que...
01:08 Voilà, vous faire plaisir et gagner Roland-Garros
01:10 et aller dans une autre dimension
01:13 qui était ma passion du tennis, qui est toujours, d'ailleurs.
01:15 Mais je ne me connaissais pas moi-même.
01:17 Donc, par la suite, en fonction de ce qui était arrivé,
01:20 je me suis rendu compte qu'on est quand même...
01:23 C'est nous qui dirigeons notre vie, c'est notre cœur, nos émotions,
01:27 et il faut les accepter.
01:28 -Parce que c'est un livre sur le tennis, évidemment,
01:30 mais vous parlez beaucoup de la santé mentale.
01:32 Vous pensez que vous en avez manqué de préparation
01:34 quand vous étiez jeune ?
01:35 -Bien sûr, dans les années 80.
01:37 -Vous auriez gagné si vous aviez été suivi mentalement ?
01:39 -On ne peut pas dire si, mentalement.
01:41 C'est surtout la connexion de soi-même
01:43 et puis d'accepter un petit peu ce qui arrive.
01:46 Moi, j'ai accepté, lorsqu'on a joué la Coupe Davis 91,
01:49 j'ai eu la possibilité de pouvoir, voilà,
01:52 en fin de compte, effacer cette finale perdue,
01:55 mais 91 m'a permis... -A Roland-Garros.
01:57 -De Roland-Garros, bien sûr.
01:59 Mais la Coupe Davis m'a permis aussi, avec Yannick,
02:01 avec tous mes copains, avec Patricia Jouleur,
02:03 de dire, voilà, Henri, on t'aime, vas-y, fonce.
02:06 Et on sait que lorsqu'on dit à Henri "on t'aime",
02:08 je suis capable de décrocher la ligne.
02:10 -C'est marrant, parce que c'est paradoxal.
02:11 Vous dites que vous aviez besoin d'être aimé,
02:14 et en même temps, vous racontez dans le bouquin
02:16 que vous l'appétiez un peu, vous aviez un peu des problèmes d'ego.
02:19 -On a tous...
02:20 Il y a un côté ego, le bon ego, et le mauvais ego.
02:22 Dans le mauvais ego, au bout d'un certain temps,
02:24 lorsqu'on arrive à 5e mondiale, que tout fonctionne bien,
02:27 qu'on arrive à côtoyer le monde et qu'on est là,
02:29 on dit "je suis intouchable".
02:31 Intouchable, tu prends vite un petit râteau.
02:34 Donc je l'ai eu, mon petit râteau, 1988,
02:36 ça a duré toute une année, entre Roland-Garros et les Jeux olympiques.
02:39 Bien sûr que lorsque tu fais une bourde, tu fais pas une petite.
02:41 Et puis après, ce fameux match contre McEnroe,
02:43 qui a aussi eu un déclencheur.
02:45 Mais c'est aussi important de pouvoir aller bien au-delà
02:47 de certaines choses, c'est-à-dire se dire
02:49 "qu'est-ce que je veux, en fin de compte ?
02:50 Me connaître moi, ou alors être quelqu'un d'autre ?"
02:54 Je préférais me connaître moi et aller au fond de mon cœur,
02:57 savoir un petit peu comment je pouvais réagir et être plus performant.
03:00 -Alors vous dites que vous aviez envie qu'on vous aime,
03:01 il y en a un qui vous aime,
03:03 et une petite question pour vous, c'est Manson Baramy.
03:05 -Oh ! -Ça va, Horiovich ?
03:07 Bah écoute, j'espère que tout va bien.
03:10 Et...
03:12 Tu sais, je pense à une anecdote, tu te souviens,
03:15 je sais pas, il y a 22-23 ans,
03:18 à Tokyo,
03:20 la finale de double qu'en a jouée...
03:23 -Mansour, s'il te plaît. -Gomez et moi,
03:25 contre Borg...
03:28 et toi.
03:29 Tu te souviens, qu'est-ce qui s'est passé ?
03:31 -Il a volé. -Tu vas peut-être raconter.
03:34 Allez, à bientôt.
03:36 -Il est coquin, il est coquin, ce Mansour.
03:37 C'est vrai qu'on s'est retrouvés sur le central de Tokyo,
03:40 15 000 personnes, avec Yannick,
03:42 et donc j'étais le rookie de cette tournée,
03:45 et donc je devais faire ce que tous les anciens devaient me dire,
03:48 on avait passé une bonne petite soirée.
03:49 -C'est-à-dire que vous avez bu ? -On avait bu un tout petit peu trop,
03:52 et malheureusement, je devais jouer ce match,
03:55 mais on n'était pas... -Vous étiez bourré sur le terrain ?
03:57 -Un peu fatigué, on peut dire.
04:00 -Et alors, ça a donné quoi ? -C'est-à-dire que la balle
04:03 est arrivée au-dessus de moi, juste, je voulais faire la volée,
04:05 je me suis appliqué vraiment, mais la balle est passée là.
04:08 Et donc Yannick a éclaté les rayons, le stade a éclaté les rayons,
04:12 ils ont pensé que c'était fait exprès, mais eux, ils savaient que c'était...
04:14 -C'était le showman, en fait, c'était pas le showman.
04:16 -Entre Yannick Noah Mansour Barhami plus Borg,
04:18 qui est pas trop un showman, mais qui partage beaucoup de choses,
04:21 c'était un grand moment de solitude.
04:23 -Justement, Borg, vous en parlez dans le bouquin,
04:24 parce que moi, je pensais que votre idole absolue, c'était Djokovic.
04:28 -Je traduis "Novak Bogdanovic", il n'arrête pas de dire.
04:32 -Et en fait, c'est Björn Borg.
04:33 Celui que vous mettez tout en haut, c'est Borg.
04:35 -Oui, parce que Borg m'a amené où je suis aujourd'hui,
04:38 parce que c'est mon idole,
04:41 parce qu'à chaque fois, on dit "mon idole",
04:42 et puis après, c'est plus mon idole, c'est toujours mon idole,
04:44 parce que lui m'a fait comprendre certaines choses,
04:46 et c'est surtout...
04:47 J'ai vécu des moments extraordinaires avec Björn,
04:50 et par la force des choses, j'ai aussi arrêté sa carrière
04:53 en 83 à Monaco, pour un match assez épique,
04:58 mais parce que, voilà, junior,
05:00 quand vous vous retrouvez dans le vestiaire de Wim Lodon
05:03 et qu'il vous donne le poignet et que vous le gardez pendant des années...
05:07 -Vous l'avez encore ? -Je l'ai toujours.
05:09 Ma maman, elle l'a toujours.
05:10 Ma maman, tu l'as dans le musée, attention.
05:13 -En lisant, on réalise que vous étiez quand même obsédé par le tennis,
05:16 depuis que vous êtes tout petit, vous dessiniez même du tennis.
05:19 Vous parliez de tennis dans vos dissertations.
05:21 -Non, mais moi, tennis, c'était ma vie.
05:23 J'allais à l'école avec une balle de tennis.
05:25 J'allais après à l'école avec ma raquette,
05:28 je prenais les balles neuves dans les barils de lessive,
05:32 parce que je faisais attention, pour aller jouer,
05:34 et puis j'ai été viré plusieurs fois,
05:35 parce que c'est le diamètre parfait pour les gouttières.
05:37 -Ah ! -Donc, le proviseur me convoquait.
05:40 "M. Lecomte, venez ici." Bon, viré.
05:42 Alors, à la fin, j'ai eu un professeur principal qui a dit à mes parents,
05:45 "Mettez-le dans un sport d'études." -Mettez-le au tennis !
05:47 -"Mettez-le dans un sport d'études." Ils parlent que de ça.
05:49 -Et il raconte tout ça dans cette biographie,
05:52 préfacée par Jean-Paul Lotte, s'il vous plaît.