Catherine Frenzel : « L’intelligence des auditeurs internes n’est pas artificielle »

Lopinion.fr

25/09/2023

En amont des journées de l'IFACI qui se tiendront à Paris les 13 et 14 novembre prochains, Cécile Desjardins reçoit Catherine Frenzel, directrice de l'Inspection générale et de l'audit chez Bpifrance.

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00:00 Bonjour à tous, en amont des journées de l'IFACI qui se tiendront à Paris les 13 et 14 novembre

00:08 prochains, nous allons partir à la découverte des métiers de l'audit et du contrôle interne.

00:12 Je suis très heureuse de recevoir aujourd'hui Catherine Fansen. Bonjour Catherine. Bonjour

00:18 Cécile. Catherine, vous êtes directrice de l'inspection générale et de l'audit chez

00:22 BPI France. C'est un titre impressionnant. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?

00:26 Qu'est-ce que ça veut dire ? Je peux essayer de vous impressionner encore plus en disant que je

00:31 suis inspectrice générale de BPI France. On est dans le monde bancaire et dans le monde bancaire,

00:36 l'audit existe depuis très longtemps. Réglementairement, ça a été mis en place

00:41 dans les années 90 déjà. Et au fond, si ça a commencé dans le monde bancaire, c'est peut-être

00:47 parce qu'il y avait encore plus de risques, de choses à réguler qu'avant. Donc en fait,

00:51 ça s'est appelé inspection générale souvent dans les banques parce qu'on a commencé par

00:56 devoir traiter des vols de la fraude par le biais d'enquête. Et en fait, maintenant,

01:03 c'est complètement basé sur les normes d'audit. Il peut y avoir des missions spéciales, mais en

01:08 fait, on est directeur de l'audit dans la banque. Donc je suis finalement directrice de l'audit de

01:13 BPI France. On peut aussi le dire plus simplement. Quels sont les grands enjeux pour l'audit interne

01:18 dans une structure financière, dans une institution financière qu'est un BPI ?

01:22 Alors j'allais dire que, comme je l'ai exprimé un instant, en fait, on est habitué à l'audit

01:29 depuis longtemps, mais pour autant, on doit toujours être en phase avec les risques du

01:32 moment. Donc les activités bancaires, classiquement, risques de crédit, on pense tout de suite à ça,

01:37 mais on est exposé à tous les autres types de risques qui existent, comme partout, et en plus,

01:42 dans un environnement très régulé. Donc au fond, on doit aussi s'assurer que l'on respecte bien

01:47 toutes les réglementations. Alors heureusement, on n'est pas le seul corps de contrôle à

01:52 s'assurer de ça. C'est très hiérarchisé, en fait, au sein des banques. Mais je dirais qu'en ce moment,

01:56 au-delà de la réglementation qu'on connaît depuis très longtemps, des risques opérationnels très

02:03 transverses, du structurel exactement, on est soumis, j'allais dire, au feu de l'actualité,

02:09 aux risques qui émergent à cause de l'actualité. Typiquement, en ce moment, on a chez BPI France

02:14 un portefeuille d'investissement dont les valeurs dépendent, quand c'est coté de l'évolution du

02:19 CAC, du marché exactement. Quand c'est du non-coté, on a quand même le poids, l'influence

02:25 en fait de l'environnement économique qui joue beaucoup. Et puis, quand on est très en pointe,

02:32 en fait, pour financer l'innovation, dans un contexte économique plus compliqué, évidemment,

02:36 ça pèse sur nos valeurs. Et au niveau de nos clients, en termes de risque de défaut, c'est-à-dire

02:42 finalement le risque que les clients à qui on a prêté de l'argent cette fois ne remboursent pas,

02:46 mais évidemment, on est plus exposé. Donc, en ce moment, c'est vrai que le contexte économique

02:50 nous fait être très vigilants. Et donc, en tant que direction de l'audit ou inspection générale,

02:56 on doit faire attention à ces sujets-là, porter attention à ces sujets-là pour veiller,

03:00 pour s'assurer qu'ils soient bien traités en ce moment, encore plus que d'habitude.

03:04 Est-ce qu'il y a des choses qui vraiment vous empêchent de dormir la nuit ?

03:07 Alors, m'empêcher de dormir, c'est peut-être parce que j'exerce ce métier depuis quand même

03:11 assez longtemps. Donc, j'allais dire non, il y a peu de choses qui m'empêchent de dormir. Et puis,

03:16 je dirais oui, le poste est très important, mais avant tout, il y a une direction générale,

03:22 il y a des patrons de business qui sont vraiment en première ligne. Il ne faut, je pense,

03:27 jamais oublier en toute humilité qu'on est là pour les éclairer, mais on n'est pas en responsabilité

03:32 première. Maintenant, si quelque chose devait m'empêcher de dormir, ce serait par exemple de

03:35 dire au fond, je ne tape pas au bon endroit, enfin, taper dans le sens, je ne vais pas viser au bon

03:41 endroit pour déterminer finalement quelles sont mes priorités d'audit. Ça, c'est quelque chose

03:45 que j'ai quand même toujours à l'esprit. La technologie, l'arrivée de l'intelligence

03:53 artificielle, de tous les outils dont on peut disposer aujourd'hui, est-ce que ça va changer

03:58 votre quotidien ? Est-ce que ça vous fait travailler différemment ? Ça nous fait nous

04:02 interroger beaucoup, mais je vais être un peu provocatrice. À court terme, on ne sait pas ce

04:13 qui se passe, mais à court terme, ça doit nous aider, mais ça ne va pas révolutionner. Alors,

04:19 très concrètement, on est en train de travailler sur des éléments de robotisation, de certaines

04:25 parties de nos rapports d'audit. Évidemment aussi qu'on travaille beaucoup de plus en plus sur des

04:31 bases de données pour avoir des outils plus performants, mais je vais vous partager une

04:39 anecdote. J'ai récemment revu les bureaux de mon équipe et j'ai fait mettre un slogan sur les

04:47 murs qui est "notre intelligence n'est pas artificielle". Et ça, c'est vraiment quelque

04:52 chose de fondamental. C'est-à-dire que l'intelligence artificielle doit nous aider,

04:56 mais attention, on est vraiment un métier de valeur ajoutée où le jus de cerveau,

05:02 comme je dis, je pense qu'il n'est pas prêt d'être remplacé ou alors le métier va s'appauvrir.

05:07 Donc, il faut utiliser l'intelligence artificielle, voir ce qu'on peut en faire en tant qu'outil

05:11 complémentaire, mais attention à ne pas perdre vraiment la substance, la réalité de notre métier.

05:18 C'est aussi ce que vous dites aux jeunes qui s'interrogent éventuellement sur la profession,

05:22 moi, si vous vous recrutez, c'est quoi votre message pour eux ?

05:24 Mon message pour eux, c'est venez faire de l'audit parce qu'il y a quelques années,

05:32 c'était encore plus en vue que maintenant. Maintenant, il y a aussi d'autres métiers

05:38 qui attirent beaucoup les jeunes. Mais à l'audit, on a une position unique qui nous

05:42 permet d'avoir une vision très transverse, complètement transverse d'ailleurs, des

05:46 activités, des risques qui sont portés par les activités de la boîte pour laquelle on travaille.

05:52 Donc, c'est très transverse. En plus, on doit avoir une analyse très profonde et on est le seul

05:58 corps indépendant finalement des activités pour porter un jugement qui va éclairer en

06:05 termes de gestion des risques. Donc, ça, c'est une vision unique. Donc, si vous venez faire de

06:10 l'audit, vous allez avoir vraiment la capacité de comprendre à 360 la boîte pour laquelle vous

06:16 bossez, de lui apporter quelque chose et en même temps, de gagner en compétence parce que si vous

06:20 ne travaillez pas les sujets en profondeur, cette valeur ajoutée, vous n'allez pas pouvoir

06:25 en fait l'acquérir et les diffuser. Merci beaucoup Catherine Frenzel. Merci beaucoup Cécile.

06:30 [Musique]

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