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  • 21/09/2023
Sommes-nous curieux ou voyeurs ?

Retrouvez Promotion de canapé de Maïa Mazaurette sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

Catégorie

😹
Amusant
Transcription
00:00 Et à 17h23, c'est l'heure de la promotion canapé.
00:02 Pourquoi sommes-nous fascinés par la vie sexuelle des animaux ? Je vous en parlais
00:12 hier, des chercheurs espagnols ont été récompensés la semaine dernière pour leurs travaux sur
00:17 l'influence de la copulation des anchois sur les rhumaux marins.
00:19 La nouvelle a fait le tour du monde.
00:21 Et même si on en rigole, cette médiatisation raconte quelque chose de notre époque et
00:25 de notre fascination pour la sexualité animale.
00:27 Depuis quelques années, on a vu fleurir toute une littérature autour de cette question.
00:30 Manifestement, le pénis des canards, la parade amoureuse des bulots, ça nous passionne.
00:35 Alors, sommes-nous curieux ou voyeurs ? Parler de la sexualité des animaux, est-ce une manière
00:39 de parler de nous-mêmes mais sans choquer personne ? La copulation des anchois a-t-elle
00:43 vraiment quelque chose à nous apprendre ? Tout ça peut paraître très anecdotique.
00:46 Mais ce que l'actualité démontre, c'est que ces questions sont tout à fait sérieuses
00:49 parce que la sexualité animale s'est devenue un enjeu politique.
00:52 - Tu es en train de nous expliquer que le pénis des canards, c'est un enjeu politique.
00:57 - Eh bien oui.
00:58 Dans la mesure où on l'instrumentalise pour justifier des comportements humains, ça devient
01:02 de la politique.
01:03 D'ailleurs, pas de favoritisme.
01:05 Tous les bords sont concernés.
01:06 Les comportements sexuels des animaux ont pu servir à s'opposer aux droits des personnes
01:09 gays ou au contraire à les justifier.
01:11 Ça marche aussi pour la reproduction.
01:12 A ma droite, les conservateurs qui disent « regarde les mammifères », les femelles
01:16 sont biologiquement faites pour s'occuper des bébés.
01:17 A ma gauche, les progressistes qui disent « regarde les hippocampes », c'est les
01:20 mâles qui accouchent.
01:21 Pendant ce temps, aux Etats-Unis, l'idéologue masculiniste Jordan Peterson fait un carton
01:25 en comparant les jeunes hommes à des homards.
01:26 Tandis qu'en France, les féministes balancent des porcs au kilomètre.
01:29 Et puis depuis une vingtaine d'années, des deux côtés de l'Atlantique, on nous
01:32 rebat les oreilles avec les mâles alpha.
01:34 Concept importé de l'observation des loups, contesté par nombre de spécialistes, pas
01:38 transposable du tout aux humains.
01:40 Un concept qu'adorent les masculinistes et pourtant repris par certaines féministes
01:44 qui se revendiquent femelles alpha.
01:45 - Donc la comparaison avec les animaux, ce que tu nous dis c'est que ça nous arrange
01:49 comme ça nous arrange.
01:50 - Voilà, ce que je pourrais résumer par « chacun voit Minou à sa porte ». Je suis
01:54 hyper fière de cette blague.
01:55 Et ça, en psychologie, voir Minou à sa porte, ça s'appelle un biais de confirmation.
01:59 Je sélectionne l'information qui me conforte dans mes idées parce que comme ça, mon cerveau
02:03 ne chauffe pas trop.
02:04 Résultat, pour un dépressif qui dit « les humains sont des chimpanzés », il y en
02:07 aura forcément un plus idéaliste pour dire « mais non, les humains sont des bonobos,
02:11 tout va bien ». Ce dont je déduis cette règle simple, dis-moi quel est ton animal totem,
02:15 je te dirai quelle valeur tu défends.
02:16 Et ce qui est génial avec les animaux, c'est qu'il y en a plein, donc il y a l'embarras
02:19 du choix.
02:20 Et là, bienvenue dans le zoo des idées où l'approximation n'a d'égal que la
02:23 mauvaise foi.
02:24 Grâce à l'observation des animaux, on peut défendre que les humains sont monogames
02:27 ou polygames, que les hommes sont fétichistes ou fleurs bleues, que les femmes sont des
02:29 mamans ou des putains.
02:30 On peut se prononcer pour ou contre l'instinct parental, pour ou contre la fellation, pour
02:34 ou contre la pizza hawaïenne.
02:35 C'est totalement arbitraire.
02:37 C'est parfois amusant.
02:38 Mais c'est surtout embêtant parce que ça donne des dialogues de sourds.
02:40 Quand Jean-Michel Darwin vient m'expliquer que les hommes c'est des gorilles, moi je
02:44 sors Jean-Michel des pentes et ça King Kong théorie.
02:46 En fait, ce qui est terrible avec la sexualité des animaux, c'est qu'elle fait tellement
02:49 de bruit qu'on n'arrive même plus à s'entendre.
02:51 Mais je suis sûre qu'on peut quand même apprendre des choses de la sexualité des
02:53 animaux, Maya.
02:54 On pourrait, si et seulement si, on était capable de le faire de manière nuancée,
02:58 mesurée, critique et sans forcément vouloir en tirer des règles politiques absolues.
03:02 En somme, il faudrait s'intéresser aux animaux sans que ça nous rende bêtes.
03:05 Et vous savez quoi ? Sur cette ultime jeu de mots très moyen, je vais refermer cette
03:09 chronique comme une huître.
03:10 Je l'avais même pas !
03:11 Mais si !
03:12 Je referme cette chronique comme une huître.
03:13 Des huîtres qui, soit dit en passant, utilisent entre 60 et 80% de leur énergie juste pour
03:18 se reproduire.
03:19 Je sais que je viens de dire qu'il ne faut pas extrapoler sur la sexualité des animaux,
03:22 mais là, quand même, est-ce qu'on pourrait faire une exception ?
03:24 - Merci Maya, on retrouve ta chronique en podcast sur le site de France Inter.

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