Dans son édito du 10/08/2023, Jérôme Béglé, le directeur général de la rédaction de Paris Match, revient sur la présence française en Afrique en marge de la crise politique, démocratique et militaire au Niger.
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00:00 Oui Olivier, la concordance des temps est très cruelle.
00:02 Le 9 novembre dernier, Emmanuel Macron annonce la fin de l'opération Barkhane,
00:06 menée au Sahel et au Sahara par l'armée française,
00:08 avec l'appui de quelques armées alliées tout de même,
00:11 qui visent à lutter contre les groupes armés salafistes
00:14 qui ravagent toute la région du Sahel.
00:16 Depuis, donc depuis le mois de novembre,
00:18 le Mali, le Burkina Faso et maintenant le Niger
00:21 ont délogé leurs présidents, plus ou moins démocratiquement élus,
00:24 pour donner le pouvoir à des jeunes militaires
00:26 qui ne dissimulent pas leur proximité avec les islamistes,
00:29 à leur attirance pour par exemple la Russie ou la Chine.
00:32 Dans ces trois pays, la France est haïe, accusée de tous les maux
00:35 et nos ressortissants sont désormais menacés.
00:37 Reconnaissons que c'est évidemment largement injuste,
00:40 mais que faire quand les populations que vous êtes censées protéger
00:43 vous crachent à la figure ?
00:45 Autrefois grande puissance écoutée, la France est aujourd'hui contrainte
00:48 de se mettre en retrait de toute discussion diplomatique autour du Niger
00:52 et donc de laisser le champ libre aux Etats-Unis,
00:54 à la Russie, à la Chine, voire à la Turquie.
00:57 Nous avons perdu la main et la moindre de nos réflexions
00:59 est considérée comme du néocolonialisme.
01:02 La France-Afrique est morte, mais François Hollande
01:04 et maintenant Emmanuel Macron n'ont pas réussi à la remplacer
01:07 par une relation plus équilibrée, plus harmonieuse.
01:10 C'est un échec profond et sans appel.
01:12 Mais Jérôme, il n'y a vraiment rien à sauver de nos actions récentes en Afrique ?
01:17 Alors soyons juste Olivier, Barkhane, comme la quasi-totalité
01:20 des opérations militaires qui l'ont précédé, ne sont pas des échecs.
01:24 Tant que les militaires français stationnent et s'occupent de la sécurité de ces pays,
01:28 les extrémismes religieux s'éteignent à carreau
01:31 et les processus démocratiques électoraux sont à peu près respectés.
01:35 Mais à peine l'armée française a-t-elle tourné le dos que la situation dégénère.
01:39 Il n'y a rien d'extraordinaire à cela, ces pays semblent irrémédiablement
01:42 abonnés à une instabilité politique, civile et religieuse chronique.
01:47 La France ne fait ni mieux ni moins bien que les pays occidentaux.
01:51 Souvenez-vous par exemple du départ piteux des Américains d'Afghanistan.
01:54 Pendant plus de 20 ans, les djihads ont maintenu un semblant de calme et de paix dans le pays.
01:59 À l'instant où ils ont évacué le pays, les talibans ont repris le pouvoir,
02:03 imposé la sharia, voilé les femmes, interdit aux jeunes filles les bancs d'université
02:08 et autorisé les mariages forcés.
02:10 En Orient, les présences occidentales ne sont plus tolérées.
02:13 Mais là où nous échouons, nous français, ça crée des relations diplomatiques,
02:17 économiques et commerciales apaisées.
02:19 On nous reproche toujours notre arrogance, qu'elle soit réelle ou supposée.
02:23 Notre incapacité à traiter d'égal à égal avec nos anciennes colonies.
02:27 Sans doute est si rationnel, voire peut-être même injuste.
02:30 Mais cela contribue à faire reculer encore et encore notre attractivité,
02:34 notre désirabilité et finalement notre poids culturel et diplomatique.
02:38 Et de cela, personne ne peut s'en réjouir.
02:40 [Musique]
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