Le chef d'état-major des armées Thierry Burkhard réagit également à l'adoption de la loi de programmaton militaire, en hausse de 40%.
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00:00 Nous sommes aujourd'hui le 14 juillet, c'est la fête nationale et c'est bien sûr ce matin,
00:05 à partir de 10h, le traditionnel défilé militaire sur les Champs-Elysées.
00:09 Le défilé notamment de ces femmes et de ces hommes qui ont décidé de s'engager pour la France.
00:14 Alors comment vont-elles, nos armées, dans un contexte et face à des enjeux de plus en plus tendus et compliqués ?
00:21 On en parle ce matin avec le général Thierry Burckhardt. Bonjour.
00:25 Bonjour Madame.
00:26 Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:27 Vous êtes depuis deux ans maintenant le chef d'état-major des armées françaises.
00:32 Alors je le disais à l'instant, comment vont-elles, nos armées ?
00:35 Est-ce qu'elles sont à la hauteur des enjeux qui se présentent devant elles aujourd'hui ?
00:39 Alors tout d'abord, les armées le 14 juillet, c'est forcément des armées heureuses,
00:43 puisque c'est quand même un jour la fête nationale,
00:45 mais c'est aussi un jour de communion entre les Français et leur armée.
00:48 Et c'est quelque chose qui est extrêmement important,
00:50 quand on est en charge de défendre les Français et les intérêts de la France.
00:54 Et en fait, se sentir en communion avec son pays est quelque chose qui est extrêmement important.
00:57 Alors quels sont les grands enjeux ?
00:58 Aujourd'hui, c'est une vraie bonne journée.
01:00 Alors maintenant, les grands enjeux, c'est...
01:02 Il y a bien évidemment en fait quelque chose qui est directement lié,
01:05 c'est, vous l'avez vu, une loi de programmation militaire, 413 milliards, qui est inédite.
01:10 Ce qui est inédit aussi, je pense que c'est l'environnement stratégique.
01:13 Un environnement stratégique qui est...
01:14 On peut avoir différents qualificatifs, mais qui est au moins préoccupant.
01:17 La guerre en Ukraine ?
01:18 La guerre en Ukraine, mais c'est plus globalement, c'est un peu le rapport de force,
01:22 c'est même l'emploi de la force qui est le mode de règlement des conflits aujourd'hui.
01:25 C'est aussi, comment dire, un peu le rejet d'un ordre international qui est fondé sur le droit.
01:32 Et c'est aussi les conséquences de la guerre en Ukraine avec une modification des flux économiques.
01:37 En fait, un monde qui est en grand bouleversement,
01:39 avec des choses qui sont déjà irréversibles, mais qui bougent encore.
01:42 Et face à tout ça, est-ce que nos armées sont prêtes ?
01:44 En fait, on a la chance d'avoir en France une armée d'emploi.
01:47 Et donc, une armée d'emploi, ça veut dire...
01:49 C'est-à-dire une armée professionnelle ?
01:50 C'est une armée professionnelle, mais au-delà, professionnelle, qui est engagée en opération.
01:53 Parce qu'on a des autorités politiques qui savent qu'elles peuvent compter sur les armées
01:57 et qui les engagent en appui de la politique, de la stratégie de puissance, d'équilibre
02:01 que développe le président de la République,
02:03 que ce soit dans différents pays, face à différentes situations.
02:06 Et donc, ça c'est quand même un gros avantage.
02:08 La deuxième chose, c'est qu'avant, c'était la loi de programmation militaire qui est en train d'être adoptée.
02:13 Non, elle a été adoptée lundi. C'est fait.
02:15 Elle a été adoptée, maintenant elle passe encore...
02:17 Elle doit être promulguée.
02:18 Elle doit être promulguée. On a encore une loi de programmation, la précédente,
02:22 qui a été exécutée à l'heure auprès, avec une armée française qui a saisi que le monde
02:27 était en train de bouger, et bien compris qu'il fallait se préparer à la guerre de haute intensité.
02:31 Maintenant, bien évidemment, s'il faut s'engager dans les heures qui viennent, cette nuit,
02:35 les armées françaises sont capables de le faire, en particulier parce qu'on a une armée d'emploi.
02:39 Mais on sera... La loi de programmation militaire qui est votée va nous amener davantage de moyens,
02:44 et on sera davantage prêts.
02:45 Les moyens, on va en parler, je voudrais parler aussi des moyens humains, parce que c'est important.
02:48 Est-ce que c'est plus difficile en ce moment, par exemple, de recruter ?
02:50 Est-ce que les vocations sont toujours là ?
02:52 Alors, je pense que recruter, c'est toujours un défi, quelle que soit la situation.
02:55 Et à ce titre-là, je voudrais rendre hommage aux jeunes Français, aux jeunes Françaises
02:59 qui choisissent de s'engager dans les armées, et par cet engagement, de défendre les Français.
03:05 Et je leur rends hommage, c'est pas la voie de la facilité aujourd'hui.
03:08 Je pense qu'ils ont une vraie conscience de ce qu'il y a, ce qu'il y a à faire,
03:12 quelles sont les menaces aujourd'hui.
03:14 Mais on a quand même un monde aujourd'hui où la différence entre la société civile
03:18 et ce que vit un militaire et les suggestions auxquelles il va être astreint est extrêmement importante.
03:22 Donc c'est un vrai défi, et un vrai défi pour les armées d'être capables de présenter ce qu'elles sont,
03:27 avec ses difficultés, sans fard, mais qu'est-ce que ce métier-là apporte.
03:31 Est-ce que du coup, vous avez besoin de réservistes, de plus de réservistes ?
03:35 Les réservistes, c'est quelque chose qui est extrêmement important.
03:38 Il y en a combien aujourd'hui ?
03:39 Aujourd'hui, il y en a en gros 40 000, 40 000 réservistes.
03:41 Alors qu'il y a 300 000 soldats, c'est ça ?
03:43 Et l'ambition de la loi de programmation militaire est d'aboutir aux environs de 2030-2035
03:49 à un réserviste pour deux militaires d'actifs.
03:53 Donc ça nous amène à quelque chose qui est effectivement un beau défi.
03:57 Mais c'est quelque chose qui est très important, parce qu'il y a l'apport de la compétence des réservistes,
04:02 l'ouverture, et c'est surtout un élément essentiel du lien armée-nation.
04:05 En fait, un réserviste qui est mieux que lui...
04:07 En lui n'en a quoi, un réserviste ? Il est là pour faire quoi ?
04:09 En fait, le réserviste peut remplir les mêmes tâches qu'un militaire d'actifs.
04:14 Et c'est le but, qu'on soit le plus facilement interchangeable.
04:17 Il y a bien évidemment des différences en termes de disponibilité immédiate.
04:20 Parce que si un réserviste était aussi disponible qu'un militaire d'actifs, en fait, il ne serait pas réserviste.
04:24 Mais en termes de compétence, en termes d'expérience, en termes d'apport, d'expertise,
04:28 avec différents types de réservistes.
04:31 Réservistes d'expertise, réservistes opérationnels, mais aussi des réservistes citoyens.
04:35 La réserve citoyenne qui contribue vraiment beaucoup au lien armée-nation.
04:39 Donc, les réservistes sont engagés en opération, les réservistes sont présents sur le défilé.
04:43 Et vous en voulez beaucoup, beaucoup plus.
04:45 Alors voilà, pour les moyens humains, c'était important.
04:47 Il y a les moyens matériels aussi, vous vouliez en parler.
04:49 Avec les nouvelles technologies qui sont de plus en plus présentes, qui sont de plus en plus importantes,
04:53 quels sont les nouveaux équipements qui sont destinés aujourd'hui à nos armées ?
04:57 Alors, les nouveaux équipements, vous avez raison, de la même manière qu'avant les équipements, il y a les hommes,
05:01 il y a aussi la manière dont on se prépare à utiliser les équipements.
05:05 Ce n'est pas seulement un tableau Excel qui matérialise ça.
05:08 Et donc, il y a pour les armées françaises, la volonté de se préparer pour des opérations demain,
05:13 aujourd'hui bien évidemment, mais demain surtout, en intégrant toutes les technologies,
05:17 intelligence artificielle, connectivité, et on voit bien que ça a des liens avec le cyber, avec l'espace.
05:22 Donc ça, c'est quelque chose qui est extrêmement important.
05:24 Et après, il y a les matériels un peu fondamentaux.
05:26 C'est bien évidemment des véhicules blindés pour équiper les soldats, du petit matériel,
05:29 c'est des avions de combat pour la supériorité aérienne,
05:32 c'est des bâtiments pour constituer un groupe aéronaval.
05:35 Mais c'est surtout la volonté de trouver la manière la plus adaptée de combattre.
05:40 Et dans ce combat-là, c'est quelque chose qui a été aussi bien identifié,
05:45 c'est la volonté d'être capable de combiner les actions dans le champ cinétique,
05:48 les actions matérielles, mais aussi le champ informationnel.
05:51 Et le champ informationnel est quelque chose qui est capital, qui a toujours été utilisé.
05:55 Une grande partie de la guerre, elle est informationnelle, ça, vous êtes en train de nous dire.
05:58 Une grande partie de la guerre est informationnelle,
06:00 et le début de la guerre est encore plus informationnel.
06:02 Et toute cette phase de compétition permanente dans laquelle on est,
06:05 l'action, la guerre dans le champ informationnel,
06:08 est quelque chose qui est capital, sur lequel on doit vraiment continuer à progresser.
06:12 Alors cette loi de programmation militaire, vous vouliez absolument en parler.
06:16 Venons-en, elle vient d'être adoptée, donc 413 milliards d'euros,
06:19 vous l'avez dit tout à l'heure, pour les sept prochaines années.
06:22 C'est quand même 40% de plus par rapport à la précédente loi de programmation militaire.
06:27 Ça veut dire quoi tout ça ? Pourquoi une augmentation de 40% ?
06:30 En fait, je pense que c'est effectivement inédit.
06:33 C'est la concrétisation, la volonté du président de la République de poursuivre l'effort
06:36 qui a été engagé par rapport à la loi de programmation militaire précédente.
06:40 C'est le travail qui a été réalisé sous la direction du ministre des Armées,
06:44 avec le travail des armées pour présenter un projet qui soit cohérent.
06:50 Ça je pense que c'est quelque chose qui est essentiel.
06:52 Non mais 40% en plus, pour faire quoi ?
06:54 En plus, c'est pour faire face à l'évolution de la situation aujourd'hui dans le monde.
06:58 Je pense que cette somme-là est quelque chose qui est inédit.
07:01 Mais la situation, l'environnement international,
07:04 avec en particulier, vous l'avez dit, le retour de la guerre à haute intensité en Europe,
07:07 est quelque chose qui est inédit.
07:08 Et l'armée française doit être au rendez-vous.
07:11 Et je pense que ça traduit l'évolution de la conflictualité.
07:14 Sur ces 20 ou 30 dernières années, finalement, la guerre s'est imposée,
07:20 enfin, s'est imposée, était présente, et les armées françaises étaient armées d'emplois engagées.
07:25 Mais c'était des engagements choisis.
07:27 Mais avec tout ça, Général Burkhardt, ça veut dire quoi ?
07:29 On reste sous la protection de l'OTAN ou pas ?
07:31 Ça sera quoi notre rôle dans les années qui viennent ?
07:34 Alors, tout d'abord, la France est un pays qui est doté de l'arme nucléaire,
07:37 donc en fait qui possède, si je veux imager, sa propre assurance vie.
07:40 Pourtant, vous avez raison.
07:41 Aujourd'hui, dans le monde d'aujourd'hui, plus personne ne peut penser agir seul.
07:45 Et la défense collective est quelque chose qui a du sens.
07:47 Et aujourd'hui, en Europe, la défense collective, c'est d'abord l'OTAN,
07:50 pour les Français, mais pour la France, mais aussi pour les autres pays européens.
07:53 Mais on met 413 milliards supplémentaires, mais on reste sous la protection de l'OTAN ?
07:56 Mais impérativement, impérativement.
07:58 C'est quelque chose, la défense, plus personne ne se défend tout seul.
08:01 Et que notre place dans l'OTAN est aussi un vrai gage de crédibilité, une vraie force d'entraînement.
08:06 Donc l'Europe de la défense, ça n'existera jamais ? Vous y croyez ? Vous la souhaitez ?
08:10 C'est directement quelque chose qui est en lien.
08:12 Et je pense que la place, la crédibilité de la France dans l'OTAN,
08:15 c'est son meilleur argument pour promouvoir un esprit de défense européen.
08:19 Car il faut voir les pays européens tels qu'ils sont,
08:21 qui depuis la deuxième guerre mondiale, se sont en fait construits,
08:24 en termes de sécurité collective, autour de l'OTAN.
08:27 Et donc c'est bien par ce vecteur-là qu'il faut continuer à avancer.
08:29 Donc il faut une Europe de la défense dans l'OTAN ?
08:31 En tout cas, c'est un bon vecteur de l'esprit de défense européen,
08:34 et ce fait à travers l'OTAN.
08:36 Et notre crédibilité au sein de l'OTAN est un levier puissant
08:39 pour promouvoir l'esprit de défense européen.
08:41 Merci beaucoup, Général Thierry Burckhardt, d'être venu jusqu'à nous sur France Inter.
08:44 Vous serez tout à l'heure à partir de 10h,
08:46 avenue des Champs-Elysées, évidemment,
08:48 aux côtés du Président Macron pour la revue des troupes.
08:50 Merci encore et bon défilé.
08:52 Merci Madame.