L'impact des agences de notation sur les marchés [Gérard Ampeau]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Gérard Ampeau, professeur à l'IUP Banque, Finance, Assurance à l'Université de Caen, pour parler des marchés face aux dégradations. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00 Bonjour Gérard Rampot.
00:01 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11 Gérard Rampot, vous êtes enseignant IUP
00:13 Banque Finance Assurance, Université
00:15 de Caen.
00:16 Gérard Rampot, La Comédie de la
00:17 Notation, édition EMS, qui est un
00:19 ouvrage qu'il faut absolument lire
00:21 où vous nous faites pénétrer le
00:24 monde merveilleux, non pas de
00:25 Dallas, mais quoique
00:27 un peu quand même, un peu.
00:30 Le monde de l'univers impitoyable
00:31 des agences de notation et de
00:33 l'OMERTA qui y règne.
00:34 Donc un ouvrage extrêmement bien
00:36 informé qui date un petit peu.
00:38 Mais c'est à ça qu'on reconnaît les
00:41 excellents ouvrages qui résistent
00:42 diablement bien au temps.
00:44 Et alors le temps, c'est le temps
00:46 de la dégradation.
00:47 On est de retour après
00:49 la crise de la zone euro 1.
00:51 Nous voilà, voici venu le temps
00:54 du retour de la dégradation.
00:55 Pour l'instant, pas vraiment
00:58 d'impact sur les marchés.
01:00 On se demande si finalement,
01:02 les marchés ne seraient pas devenus
01:03 un peu insensibles aux dégradations.
01:06 Est-ce qu'elles sont toujours aussi
01:07 puissantes qu'avant ces agences de
01:09 notation ? Est-ce que les marchés
01:10 entendent le message ?
01:11 Qu'est-ce qu'ils en pensent ?
01:13 J'allais dire qu'est-ce qu'on
01:14 pourrait voir venir ?
01:16 Mais évidemment, avec beaucoup de
01:17 prudence.
01:18 En 2014, quand la France, en janvier,
01:20 perd son triple A, là
01:22 encore, les marchés financiers ne
01:23 bougent pas.
01:24 Et finalement,
01:25 passer de triple A à double A
01:28 plus, c'est vraiment une forme
01:30 de nuance qui n'inquiète personne.
01:32 J'ajouterais qu'un an après,
01:34 Zorro est arrivé ou de retour,
01:36 mais en tous les cas, la Banque
01:37 Centrale Européenne met en place
01:38 un quantitative easing,
01:40 soulagement général.
01:42 On peut continuer à dégrader.
01:43 Il y a un investisseur
01:45 en dernier ressort qui s'appelle la
01:47 BCE, qui va acheter sur le marché
01:48 secondaire des obligations émises
01:50 par les aides de la zone euro.
01:51 On va pouvoir faire du "walking dead"
01:52 de l'économie zombie.
01:53 Absolument. On va pouvoir financer
01:56 toute une série d'entités
01:59 en difficulté.
02:00 Alors, je crois qu'effectivement,
02:01 aujourd'hui, quand on regarde comment
02:04 les différents critères qui nous
02:06 donnent un signal d'alarme
02:09 sur les marchés financiers,
02:10 on va dire que ce qu'on appelle le
02:11 spread, c'est-à-dire la marge,
02:13 le pourcentage supérieur
02:16 à ce que l'État français
02:18 doit payer par rapport à l'État
02:20 allemand, l'OIT 10 ans par rapport
02:21 au Bund 10 ans, ça n'a quasiment
02:24 pas bougé.
02:25 On peut dire aussi que ce qu'on
02:26 appelle les crédits défaut swap,
02:28 les CDS,
02:29 eux aussi n'ont quasiment
02:32 pas évolué.
02:33 Ce qu'il faut quand même
02:36 remarquer, c'est
02:38 une chose un petit peu technique,
02:40 c'est que la dette française
02:41 est en partie
02:43 à hauteur de 11 % émise
02:46 sur des taux indexés sur
02:48 l'inflation.
02:49 C'est 2 % pour la dette allemande.
02:52 Et donc, en moyenne,
02:55 là c'est Éric Dorre que je vais
02:57 citer, professeur de finance
02:59 à l'IESEG, la dette
03:00 française commence à coûter
03:02 quand même plus cher à la France
03:05 par rapport à l'Allemagne, dans la
03:06 mesure où la structure de la dette
03:08 est quelque chose qui est
03:10 assez différent avec cette
03:12 indexation sur l'inflation à
03:13 hauteur de 11 % pour le stock
03:15 de la dette française.
03:16 C'est significatif déjà.
03:18 Quant aux
03:20 émetteurs, aux sociétés cotées,
03:23 je voudrais peut-être
03:25 donner deux exemples pour vous
03:26 montrer à quel point, aujourd'hui
03:27 encore, les sociétés qui
03:29 émettent de la dette sont sensibles
03:31 à la réalité d'une éventuelle
03:34 dégradation ou d'une dégradation
03:35 effective.
03:37 Il y a quelques jours, le
03:39 groupe Alstom a annoncé que la
03:41 rentabilité de son activité,
03:43 qu'il espérait voir remonter à un
03:45 niveau plus conforme à ce qu'il
03:47 était sur le plan traditionnel,
03:49 ne remonterait pas avant au moins
03:51 un an.
03:52 Je rappelle que le groupe Alstom a
03:54 pris le contrôle de Bombardier
03:55 et qu'effectivement, c'est
03:57 une prise de contrôle et une
03:59 absorption qui est un peu longue,
04:01 une opération un peu délicate.
04:03 Moody's l'a dégradé
04:05 d'un cran.
04:07 Le jour même, l'action
04:09 a chuté de 5 %.
04:10 Donc la bourse, à très court terme,
04:13 est sensible à ce qui se passe.
04:14 Mon deuxième exemple est peut-être
04:16 encore plus significatif.
04:18 Il s'agit d'une vache sacrée
04:19 dont 400 000 Français sont
04:22 actionnaires individuels.
04:23 Cette vache sacrée, c'est Air Liquide.
04:25 Il y a quelques années, Air Liquide a
04:28 lancé une importante offre publique
04:30 d'achat amicale sur Airgas,
04:32 un de ses grands concurrents
04:33 américains.
04:34 Le groupe nouvellement
04:36 créé est devenu le leader mondial
04:38 des gaz industriels.
04:39 Pour financer cette acquisition,
04:42 Air Liquide aurait pu procéder
04:44 rapidement et à plus faible
04:47 coût à une émission
04:49 d'obligation pour financer
04:51 l'achat des actions en circulation.
04:53 Air Liquide n'a financé
04:55 cette OPA qu'à hauteur de 50 %
04:58 par émission d'obligation.
05:00 Parce que s'il était allé au-delà,
05:02 sa dette aurait été plus importante
05:04 et les agences de notation l'auraient
05:06 dégradée, elle aurait perdu son A.
05:08 Puisqu'elle a noté A.
05:10 Et qu'elle tient à la prunelle de ses
05:12 yeux, à ce A magique,
05:13 qui, bien entendu, non seulement
05:16 contribue à
05:18 fixer le taux d'intérêt d'une
05:21 émission d'obligation nouvelle, mais
05:23 aussi est
05:25 quelque chose qui est utilisé
05:28 par les banques pour,
05:29 effectivement, là encore, déterminer
05:31 le taux d'intérêt.
05:32 Donc, vous voyez que...
05:33 Une sorte de cache de fer, si j'en dis.
05:36 C'est une cache de fer et ça a obligé
05:38 Air Liquide à faire une augmentation
05:40 de capital par émission d'action
05:41 nouvelle à hauteur de 50 % de la
05:42 somme.
05:43 Le cours de bourse a plongé de 14
05:45 ou 15 %.
05:46 En gros, le niveau d'augmentation
05:48 de capital par rapport au capital
05:50 existant.
05:51 Donc, aujourd'hui, le lot
05:53 a coulé sous les ponts de la Seine,
05:54 du côté du Quai d'Orsay aussi,
05:56 et le cours de bourse
05:59 se porte bien parce que l'opération
06:00 a été réussie.
06:01 Il n'empêche que pour le
06:04 financement, la société
06:06 Air Liquide a fait particulièrement
06:07 attention à ne pas
06:08 perdre son précieux or.
06:11 Donc, les marchés ne sont pas
06:12 insensibles à la notation
06:14 ou à d'éventuelles dégradations.
06:16 Absolument.
06:16 On a la réponse.
06:17 Merci Gérard Ampaud.
06:18 Merci Jean-Philippe Delis.
06:20 Merci à tous.
06:21 Merci à tous.
06:22 [Musique]

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