- 02/06/2023
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00:00 Bonjour Elie Cohen.
00:07 Bonjour.
00:08 On va revenir avec vous sur l'information de la journée.
00:10 On attend la dégradation potentielle de la dette de la France, la note de la dette de
00:15 la France par Standard & Poor's après celle de Fitch.
00:17 Mais d'abord, je voudrais qu'on parle pouvoir d'achat parce que c'est la préoccupation
00:20 majeure des Français avec une flambée des prix, notamment dans l'alimentation.
00:24 Inflation qui a cependant ralenti le mois dernier, 5,1% sur un an après avoir atteint
00:30 5,9% en avril et plus de 6% en début d'année.
00:33 Est-ce que ça veut dire que le pire est derrière nous ou est-ce que c'est juste un petit instant
00:38 où on peut souffler ?
00:39 Écoutez, l'inflation qu'on observe, notamment celle sur les prix alimentaires, est une inflation
00:44 composite.
00:45 Elle tient à des facteurs très différents et pour beaucoup de ces facteurs, ils ne sont
00:49 pas maîtrisés.
00:50 Par exemple, ce qui se passe en Ukraine et l'impact que ça a sur la reusse du prix
00:55 du blé et par conséquent sur toute la chaîne alimentaire derrière, on ne sait pas très
01:00 bien comment va évoluer la guerre en Ukraine.
01:03 Le fait par exemple, toujours pour rester dans le domaine alimentaire, sur les pattes,
01:07 il y a eu un accident climatique au Canada.
01:09 Si vous voulez kiffer, que le prix du blé dur a augmenté.
01:12 A côté de ça, vous avez des comportements opportunistes comme ceux de Coca-Cola qui
01:17 a profité de l'occasion pour augmenter ses marges.
01:19 Donc vous voyez, le panier de la ménagère, il est fait d'une série d'achats qui renvoient
01:23 à des causes géopolitiques, climatiques, économiques.
01:27 Et puis, à côté de ça, il y a quand même quelques bonnes surprises.
01:30 C'est-à-dire que ce qu'on craignait, c'était que soit enclenchée la fameuse boucle prix-salaire.
01:37 Et on n'observe pas ça.
01:38 On voit que les Français, pas simplement les Français, les Européens acceptent relativement
01:44 calmement une dégradation de leur pouvoir d'achat.
01:47 Parce que quand vous avez une hausse des prix qui est à plus de 5 en France et à 8 en
01:53 Europe, et que les salaires augmentent beaucoup moins vite, ça veut dire que de facto, les
02:00 gens enregistrent une certaine baisse de leur pouvoir d'achat.
02:01 Ce sont les ménages qui encaissent cette hausse des prix.
02:04 Absolument.
02:05 Et donc il peut continuer à avoir une hausse des prix dans l'alimentaire à deux chiffres
02:09 Élie Cohen éventuellement.
02:10 Vous dites que c'est des facteurs exogènes, donc il faut s'attendre à tout.
02:13 S'il y a cumul de facteurs exceptionnels.
02:15 Or, malgré tout, bon, les perspectives en Ukraine sont en train de se débloquer et
02:23 on constate, premier effet, que les prix de l'énergie sont retombés des niveaux astronomiques
02:28 qui étaient les leurs.
02:29 Je vous signale qu'au plus fort de la crise, le prix du gaz avait été multiplié par
02:33 10.
02:34 Alors est-ce que ça veut dire Élie Cohen ?
02:35 On est en train de revenir au niveau de l'énergie au prix d'avant la crise du Covid.
02:38 Les négociations ont repris entre les distributeurs et les industriels.
02:41 C'est quand même pas rien parce que c'est compliqué pour eux de se mettre d'accord.
02:46 Est-ce que ça veut dire qu'à un moment donné, il peut y avoir aussi de leur côté un effort
02:49 supplémentaire de la part des industriels et des fournisseurs ?
02:52 Certainement.
02:53 C'est-à-dire que les industriels, dans le cadre des négociations qui sont engagées,
02:59 sont sous le regard scrutateur de l'État qui peut accepter que soient retransmises des
03:04 hausses de prix qui sont en fonction des hausses de prix des matières premières, mais certainement
03:08 pas d'accepter des comportements opportunistes de reconstitution des marges.
03:12 Et vous dites qu'ils en ont eu, des comportements opportunistes.
03:15 Vous avez cité Coca-Cola par exemple.
03:16 J'ai cité Coca-Cola.
03:17 J'ai cité, ça a été rappelé à plusieurs reprises, que certaines grandes multinationales,
03:23 donc ça échappe par définition au contrôle national, certaines multinationales ont essayé
03:28 de reconstituer leurs marges à la faveur des crises successives qu'on a décrites,
03:33 crise énergétique, crise géopolitique, etc.
03:35 On sent qu'il y a une forme d'impuissance du gouvernement français, puisque vous nous
03:38 parlez de multinationales.
03:40 Que peut faire le gouvernement à part, c'est ce qu'on appelle le "name and shame", c'est-à-dire
03:44 nommer ces marques qui font…
03:46 Nous avons quand même quelque chose qui est très caractéristique de la France, c'est
03:49 que le gouvernement peut quand même convoquer les entreprises, convoquer les distributeurs,
03:55 leur demander de se rencontrer et d'agir dans le sens de la modération des prix.
04:00 Ça c'est spécifique à la France.
04:01 Ça n'existe pas ailleurs.
04:02 Non, non, là vraiment, un gouvernement qui convoque tous les grands acteurs du secteur,
04:06 qui leur dit "mettez-vous autour d'une table et je veux que vous me manifestiez clairement,
04:11 que vous remétrisiez les prix et que pour les consommateurs il y a des perspectives
04:15 de stabilisation des prix, voire de baisse quand il y a eu des hausses excessives",
04:19 non, ça c'est une forme de dirigisme…
04:21 Mais avec quelle efficacité ?
04:22 Ah ben une certaine efficacité, c'est-à-dire que les entreprises sont là et négocient
04:26 des compromis…
04:27 Mais elles ont baissé leurs marges ou pas ?
04:28 Non mais…
04:29 Est-ce qu'il y a eu une baisse des marges quand même ces derniers temps ?
04:32 Mais attendez, il faut savoir de quoi on parle.
04:34 Dans la distribution, les marges sont particulièrement fines.
04:38 Donc il n'y a pas beaucoup de marge de manœuvre du côté des entreprises de distribution.
04:42 Pour l'industrie aussi, pour les industriels…
04:43 Donc ce qu'a fait le gouvernement, c'est qu'il leur a dit "bon, ok, je comprends
04:47 que vous avez des marges très fines, mais on va définir des paniers de biens sur lesquels
04:51 vous allez pratiquer une modération des prix particulièrement nette".
04:55 Et c'est ce qui s'observe.
04:57 Et l'Éconne prête d'un Français sur deux d'y vivre avec moins de 200 euros à
05:00 partir du 10 du mois, dont un tiers avec au maximum 100 euros.
05:04 C'est une étude IFOP.
05:05 Et Emmanuel Macron veut donc engager pour les classes moyennes d'ici la fin du quinquennat
05:10 2 milliards d'euros d'allègements fiscales.
05:12 Ça paraît judicieux, non ? Logique ? Qu'est-ce que vous diriez ? Ou est-ce que c'est dangereux
05:16 pour nos finances publiques ?
05:18 Non, je dirais d'abord que 2 milliards de baisse d'impôt pour un État qui prélève
05:24 et recycle plus de 1000 milliards d'euros par an, ça fait un peu dérisoire, franchement.
05:29 Alors c'est plus, il faut faire plus.
05:31 Non, c'est pas qu'il faut faire plus, c'est que nous n'avons certainement pas
05:33 de marge de manœuvre.
05:34 C'est ça que ça veut dire.
05:35 Si le gouvernement veut agir sur le pouvoir d'achat et s'il veut mobiliser l'arme
05:40 fiscale, et s'il ne peut mobiliser que 2 milliards, attendez, le gouvernement dit
05:44 qu'au cours de l'année passée, entre les baisses d'impôt pour les ménages et
05:48 les baisses d'impôt pour les entreprises, c'est 50 milliards qui ont été consacrés.
05:52 S'il ne dégage que 2 milliards, vous voyez bien que c'est plus de l'action psychologique,
05:56 c'est de la communication politique, plus qu'une décision économique et politique
06:01 qui va avoir des effets structurants sur le portefeuille des ménages.
06:04 Ça fait à peu près quoi, 10 euros par ménage en moyenne, cette baisse d'impôt ?
06:08 Voilà, 10 à 20 euros selon la manière dont vous calculez.
06:12 Donc franchement, c'est juste, à mon avis, un message politique qui est "le gouvernement
06:17 se soucie de votre pouvoir d'achat".
06:19 En tout cas, la cible est la bonne.
06:20 Les ménages qui touchent entre 1 500 et 2 500 euros, c'est Emmanuel Macron qui a
06:24 fait ces assurances.
06:25 Oui, c'est l'une des grandes critiques qu'on a faites à la grande vague de dépenses
06:28 publiques depuis la crise du Covid, les 230 milliards d'euros qui ont été consacrés
06:33 sous différentes formes au soutien du revenu des ménages, au soutien de l'activité
06:37 des entreprises, etc.
06:39 C'est que ces mesures n'étaient pas suffisamment ciblées.
06:41 Là, on a un exemple typique de ciblage très précis avec un effet qui va être limité
06:50 mais qui va porter sur ceux qui en ont le plus besoin.
06:52 Oui, parce qu'il faut expliquer que le SMIC étant indexé sur l'inflation, les plus
06:56 bas salaires ont pu suivre.
06:57 Absolument.
06:58 Au niveau de l'inflation, il y a un tassement en fait.
06:59 Voilà, les plus bas salaires augmentent régulièrement.
07:02 Par contre, comme le reste de l'échelle des salaires n'évolue pas, on a un tassement
07:08 de la distribution salariale, ce qui fait qu'on a une concentration de plus en plus
07:11 des salaires, je dirais, entre le SMIC et la médiane des revenus, ce qui est en effet
07:17 effectivement pas très souhaitable parce que ça n'ouvre pas beaucoup de perspectives
07:21 de mobilité.
07:22 Vous parliez des marges de manœuvre du gouvernement français.
07:25 On va parler justement, budget de l'État, dette de la France surtout puisque c'est
07:28 l'actualité du jour.
07:29 Elie Cohen, économiste et chercheur émérite au CNRS, invité de France Info, vous restez
07:33 avec nous, 8h40.
07:34 C'est le Fil info, Valentine Letez.
07:36 Un bandeau noir et un message.
07:39 Quatre influenceurs ont l'obligation d'afficher ce matin sur les réseaux leur sanction pour
07:44 pratique commerciale.
07:45 Trompeuses, sans quoi, avec la loi votée hier par le Parlement, ils risquent jusqu'à
07:50 3000 euros d'amende par jour.
07:52 Garde à vue, levée pour le patron de Casino, Jean-Charles Nahoury, n'est pas poursuivi
07:57 pour l'instant par le parquet national financier, malgré des soupçons pour délit dénié.
08:02 Les très fortes réserves de l'assurance maladie sur une fusion de la carte vitale
08:07 et de la carte d'identité, cette mesure envisagée par le gouvernement pour lutter
08:11 contre la fraude sociale, est risquée sur le plan technique pour récupérer des mondants
08:16 minimes, selon elle.
08:18 Début du troisième tour, à Roland-Garros, et déjà plus aucun Français en simple.
08:23 Le dernier représentant tricolore, Arthur Rinderknecht, a été éliminé hier soir
08:28 par l'américain Taylor Fritz en 4-7.
08:30 France Info.
08:34 Le 8h30 France Info.
08:37 Laura Senechal.
08:38 Benjamin Sportouche.
08:39 Avec nous, Eli Cohen, économiste et directeur de recherche chez Merito-CNRS.
08:43 Eli Cohen, après la mauvaise note de Fitch infligée en avril à notre pays, on attend
08:47 pour aujourd'hui la note de l'agence Standard & Poor's sur notre économie.
08:52 Qu'est-ce que vous attendez, vous, à une dégradation de cette note de A à A à A
08:57 moins ? C'est comme ça qu'on le dit.
08:59 Oui, je m'attends à une dégradation, pas tellement à cause de la performance récente
09:03 des finances publiques françaises, parce que ce qu'on peut dire, c'est que le gouvernement
09:06 est assez fidèle aux engagements qu'il a pris, perspective de déficit pour 2022 respecté,
09:13 perspective de chômage, encadrement de l'évolution des prix avec les négociations qu'on a évoquées
09:19 tout à l'heure, évolution de la dette conforme aux prévisions.
09:23 Donc, a priori, on pourrait dire bon, ben, le gouvernement est dans des...
09:26 Pourquoi nous dégrader ?
09:27 Alors, pourquoi on va dégrader ? Pour, je dirais, essentiellement trois raisons.
09:30 La première, c'est que ce n'est pas une histoire nouvelle.
09:32 C'est une histoire déjà ancienne.
09:34 Le gouvernement français, sur la longue durée, ne manifeste pas une grande capacité à maîtriser
09:42 les finances publiques et à faire baisser durablement les dettes et les déficits.
09:46 Et donc, en gros, on voit bien, par exemple, que l'objectif de déficit de 2022 a été
09:52 tenu, mais avec des dépenses supplémentaires et avec de bonnes surprises du côté des
09:57 recettes.
09:58 Alors qu'on aurait pu s'attendre à une baisse du déficit, on a juste eu la réalisation
10:02 de l'objectif de déficit annoncé.
10:04 Donc, les marchés peuvent estimer que la France n'a pas réussi à sortir de la tendance
10:12 qui est la sienne, qu'on peut résumer en un mot.
10:14 Quand il y a un accident économique, l'État intervient par plus de déficit et plus de
10:19 dette.
10:20 Par contre, quand on retourne à la normale, on ne retrouve pas rapidement un niveau normal
10:24 de baisse des déficits et des dettes.
10:26 Ça, c'est la première chose.
10:27 C'est la première chose.
10:28 La deuxième chose, c'est que le gouvernement ne manifeste pas non plus une très grande
10:35 capacité à réformer.
10:36 Il a fait la réforme des retraites.
10:39 Oui, mais enfin, vous avez vu que ça a été particulièrement laborieux.
10:41 C'est ce qu'annotait d'ailleurs l'agence Fitch.
10:43 Et que ce n'est pas terminé.
10:44 En justifiant sa dégradation.
10:45 Et que ce n'est pas terminé.
10:46 Donc, si vous voulez, si une réforme qui, aux yeux de nos partenaires, paraît à peu
10:52 près évidente parce qu'elle a été faite par d'autres depuis longtemps, etc., etc.,
10:57 si on n'arrive pas à…
10:59 Si elle conduit le pays dans l'impasse et qu'il n'y a pas d'autres réformes
11:02 qui suivent, ce n'est pas suffisant pour ces agences.
11:05 Pour ce qui est des réformes, on voit qu'il y a une certaine difficulté à réaliser.
11:09 Et puis, la troisième raison, c'est qu'à court terme, on continue à avoir des niveaux
11:14 de déficit et de dette plus élevés que ceux de nos voisins.
11:17 Et que la perspective du retour en dessous des 3%, c'est, si je comprends bien, 2027.
11:24 Oui, fin du quinquennat.
11:25 Fin du quinquennat.
11:27 Et puis, ce que les marchés observent, c'est que tout nouveau président annonce un programme
11:34 très significatif de maîtrise des dépenses et des dettes.
11:38 Et on constate qu'on a encore un niveau de dépense publique particulièrement élevé,
11:43 55% du PIB, un niveau de dette qui atteint les 115%, et un niveau de déficit qui reste
11:48 plus élevé que celui de l'Allemagne, etc.
11:50 Il y a des pays quand même plus endettés que nous, l'Italie ou la Grèce, par exemple.
11:54 Leur trajectoire n'est pas la même.
11:55 Oui, c'est vrai, vous avez raison.
11:56 Il y a l'Italie et la Grèce qui font pire que nous.
11:58 Mais nous, on avait plutôt l'habitude de nous comparer à l'Allemagne, vous voyez.
12:02 Là, le niveau d'endettement d'Allemagne, c'est quasiment deux fois moins que la France.
12:06 Exactement.
12:07 Alors qu'en 81, autour de 60.
12:09 Ouais, c'est ça.
12:10 Quasiment deux fois moins.
12:11 Alors qu'en 84, par exemple, on était au même niveau.
12:13 Donc si vous voulez, l'écart s'est creusé.
12:15 Il y avait des programmes pour nous faire rattraper notre écart.
12:18 Et non seulement on n'a pas rattrapé notre retard, mais l'Allemagne, après les crises,
12:24 reconstitue ses marges beaucoup plus rapidement que nous.
12:27 C'est donc à qui, pour vous, que la note va être à nouveau débarquée ?
12:30 Je n'en sais rien.
12:31 Parce que, soyons sérieux deux minutes, est-ce que quelqu'un croit que la France risque
12:36 d'être insolvable ?
12:37 J'allais vous poser la question.
12:38 Avec quelles conséquences, finalement ?
12:39 C'est ça le travail des agences de notation, c'est d'essayer d'apprécier le risque
12:44 d'insolvabilité et de mesurer le bon dérègle.
12:47 De faillite, pour dire le jeu, de banqueroute.
12:48 De faillite, oui.
12:49 C'est-à-dire d'incapacité à rembourser ses dettes.
12:51 Est-ce que quelqu'un de sérieux croit qu'il y a une quelconque perspective de ce type ?
12:55 Il y a une chose sur laquelle il y a un accord général sur les marchés financiers, c'est
12:59 que la France a un État solide, un système fiscal qui fonctionne très bien et des citoyens
13:04 qui payent rubis sur longue leurs impôts.
13:06 Et donc, franchement, la France, ce n'est pas comme un ménage impécunieux.
13:10 La France est assise sur un gisement qui est lécontribuable.
13:14 Mais Élie Cohen, ce n'est pas un problème d'attendre comme ça une notation d'une agence
13:17 privée, loin de nous, dirigée par des intérêts financiers privés, comme une sorte d'oracle
13:23 qui va tout déterminer.
13:25 Est-ce qu'il ne faudrait pas qu'on ait une agence de notation publique ?
13:27 D'ailleurs, on a des organes d'évaluation de notre politique publique.
13:31 Pourquoi attendre cela ?
13:32 Les agences de notation ne sont ni au service de la France ni au service de l'Allemagne.
13:39 Et ils ne prennent pas leurs instructions ni auprès du gouvernement allemand.
13:42 Ils ont des capitaux privés, ils ont des intérêts privés.
13:45 Est-ce que ça vous paraît ?
13:47 Les agences de notation donnent un signal aux investisseurs.
13:51 Ils se tournent vers les investisseurs.
13:54 Les agences de notation ne cherchent pas à induire des comportements vertueux de la part
13:58 des États ou moins vertueux.
14:00 Les agences de notation envoient des signaux aux investisseurs.
14:03 Oui, mais elles peuvent leur nuire à ces États.
14:05 Comment ?
14:06 Elles peuvent leur nuire à ces États.
14:07 Oui, mais nous sommes dans des économies libres, ouvertes.
14:08 Et les investisseurs ont le droit de prendre en considération ou de ne pas prendre en
14:13 considération les signaux que leur donnent les agences de notation.
14:16 D'ailleurs, qu'est-ce qui s'est passé après la précédente dégradation ?
14:20 Est-ce que ça a eu un impact sur les spreads de taux ?
14:22 Pas du tout.
14:23 Est-ce que ça a eu un impact sur le placement de la dette française ?
14:25 Pas du tout.
14:26 Est-ce que la situation de la France s'est dégradée par rapport à l'Allemagne ?
14:28 Pas du tout.
14:29 Mais alors là, est-ce que très concrètement, ça aura un impact sur notre quotidien s'il
14:32 y a une dégradation ?
14:33 Non, je ne crois pas.
14:34 Il n'y aura pas d'augmentation des taux d'intérêt pour les emprunts, par exemple.
14:37 Non, je ne crois pas.
14:38 Parce que la dynamique de hausse des taux d'intérêt, comme vous le savez, elle obéit
14:42 à une dynamique beaucoup plus longue et beaucoup plus sérieuse.
14:45 Nous sortons d'une période de près de 10 ans où les taux d'intérêt étaient
14:49 proches de zéro et où donc l'État s'est financé massivement à zéro.
14:54 Ce n'est pas une situation très normale.
14:56 Donc c'est la Banque centrale européenne qui a beaucoup plus d'incidence sur le coût
15:00 de notre dette que les agences de notation.
15:03 Absolument.
15:04 Et d'ailleurs, quand bien même il y aurait, hypothèse que j'écarte, quand bien même
15:10 il y aurait une situation dans laquelle la dégradation de la note française provoque
15:19 des réactions de marché sur la dette française, il est très probable que la Banque centrale
15:23 interviendra pour protéger la France, comme elle l'a fait pour protéger l'Italie avant.
15:28 On parlait tout à l'heure des marges de manœuvre du gouvernement.
15:32 Benjamin Sportouch rappelait que la réforme des retraites avait été faite justement
15:35 pour essayer de dégager des marges de manœuvre.
15:37 Cette réforme des retraites, est-ce qu'on est en mesure de dire maintenant qu'elle
15:40 a été votée, combien d'économies elle peut permettre de réaliser ?
15:44 Non, ça varie tous les jours.
15:46 Parce que…
15:47 Si même les économistes ne sont pas…
15:49 Non, pas du tout, pas du tout, parce qu'on ne sait pas.
15:51 Non, non, la réponse que je vais vous faire est très précise.
15:54 Quelle est la somme des mesures nouvelles de caractère social qui vont être prises
16:00 par le gouvernement pour faire en sorte que cette réforme passe bien ?
16:03 C'est-à-dire qu'elle est encore incomplète ?
16:05 Elle est encore incomplète.
16:06 Et donc du coup, il y a des évaluations périodiques qui sont faites.
16:10 Et tout ce qu'on peut dire, c'est que les évaluations périodiques montrent que
16:14 l'effort de réforme plus les avantages sociaux qui sont envisagés font qu'on ne
16:20 parviendra pas à un équilibre, à l'équilibre qu'on souhaitait dans 5 ou 10 ans et qu'il
16:26 faudra probablement en remettre une couche dans 5 ou 10 ans.
16:29 C'est-à-dire remettre une couche ?
16:30 Une autre réforme.
16:31 Une autre réforme ?
16:32 En augmentant l'âge de départ à la retraite ?
16:34 Toutes sortes de mesures.
16:35 Ou en reculant l'âge, ou en augmentant les cotisations, ou en dégradant les prestations.
16:39 Vous savez que c'est un vrai piano sur lequel…
16:42 Ou en augmentant la dette.
16:44 Oui, voilà.
16:45 En tout cas, cette réforme des retraites, vous le dites, elle est encore incomplète
16:48 parce que le Conseil d'État a censuré une partie de ce qui était la partie sucrée.
16:53 C'est comme ça que ça nous avait été présenté.
16:54 Notamment en ce qui concerne l'emploi des seniors.
16:57 Les mesures du Retocquet, c'était l'index senior et d'éventuelles contraintes si
17:01 les entreprises ne mettaient pas en œuvre des politiques au sein de leurs entreprises
17:06 pour améliorer la situation.
17:07 Est-ce que ce sont des mesures qui allaient dans le bon sens selon vous ?
17:11 Oui, tout à fait.
17:12 Moi, j'avais écrit un article pour dire, au moment où la réforme Borne est sortie,
17:16 que l'effort qui était demandé était un effort limité et qu'il était compensé
17:21 largement par les mesures sociales qui étaient prises.
17:24 J'étais complètement à côté de la plaque parce que cette mesure a été considérée
17:28 dans l'opinion comme une mesure d'une violence particulière.
17:32 Le gouvernement fait de la politique, il tient compte des réactions politiques et donc il
17:39 essaye de faire en sorte que les mesures sociales d'accompagnement rendent la mesure plus acceptable.
17:44 Encore une fois, quand on regarde autour de nous, penser que la France a été mise
17:51 en panne à plusieurs reprises parce qu'il y a une réforme qui fait passer l'âge théorique
17:58 de départ à la retraite de 62 à 64 ans, alors qu'en pratique les gens partent plus
18:02 tôt ou plus tard, que les Français ont déjà pris toute une série de comportements d'adaptation.
18:06 Les Français partent déjà plus tard que les 62 ans.
18:08 Exactement, ils partent plus tard.
18:09 Certains partent plus tôt également parce qu'ils font un arbitrage entre revenu et
18:13 temps qui est plus favorable au temps qu'au revenu.
18:17 Donc moi, je crois que c'est la dernière réforme paramétrique violente.
18:20 On aura à l'avenir, à mon avis, plus de réformes qui permettront des capacités d'adaptation.
18:25 Élie Cohen, vous restez avec nous, économiste, directeur de recherche et mérite au CNRS,
18:29 8h51, c'est le Fil info, Valentin Lhotès.
18:32 C'est une question de santé publique, insiste sur France Info le directeur de l'association
18:38 Respire.
18:39 Le conseil d'état donne deux mois au gouvernement pour mettre en place le contrôle technique
18:44 des deux roues, une obligation européenne que la France repousse depuis des années.
18:48 La mort de Lindsay est un échec collectif, affirme Papendia et le ministre de l'Éducation
18:54 de l'École après le suicide de cette jeune fille de 13 ans, victime de harcèlement scolaire.
18:58 La famille de l'adolescente a porté plainte contre Facebook, contre le directeur du collège,
19:03 l'Académie de Lille et les policiers pour non-assistance à personne en danger.
19:07 Qui de Bordeaux, du Havre ou de Metz remontera en Ligue 1 de foot ? Les trois pensionnaires
19:14 de la 2e division jouent leur remontée ce soir à partir de 20h45 et à vivre en direct
19:20 sur France Info mais seulement deux d'entre eux atteindront leur objectif.
19:25 Votre bulletin météo s'enrichit à partir de ce soir avec une carte de vigilance au
19:29 feu de forêt et un code couleur déjà bien connu des français.
19:33 Vert quand tout va bien, rouge quand le risque est maximal.
19:36 L'idée c'est de prévenir les incendies après un été 2022 catastrophique.
19:41 Toujours avec Elie Cohen, on parlait de la réforme des retraites, des marges de manœuvre
19:54 éventuelles.
19:55 Vous nous disiez qu'il manquait le volet social qui est censé revenir dans les prochains
20:00 mois.
20:01 Est-ce qu'il faut, on a évoqué déjà la situation des seniors, est-ce qu'il faut
20:04 aussi des mesures pour obtenir l'égalité entre les femmes et les hommes ? L'égalité
20:10 pour corriger en tout cas les inégalités ?
20:11 Oui, ça c'est un des éléments qui est apparu avec les études d'évaluation qui
20:16 ont été faites sur la réforme.
20:19 On a découvert effectivement que non seulement les mesures appliquées dans leur brutalité
20:25 créaient un désavantage pour les situations des femmes qui avaient des carrières hachées,
20:29 des interruptions etc. et qu'il fallait donc agir volontairement pour faire cette correction.
20:35 Le gouvernement a déjà envisagé des mesures et elles seront prises.
20:39 Je crois que c'est un des objectifs de la lutte contre les inégalités que de redresser
20:43 la situation au profit des femmes.
20:45 Lutter contre les inégalités c'est aussi quelque chose qui peut être vertueux pour
20:49 l'économie française ?
20:50 Oui, oui, tout à fait.
20:51 C'est-à-dire qu'on fait les économies au bout du compte ?
20:54 Non, c'est pas ça.
20:55 C'est que ça agit comme un facteur d'incitation sur le retour au marché de l'emploi et donc
21:00 sur l'élévation du facteur travail et de sa contribution à la croissance.
21:04 Vous savez que les données sur la croissance sont assez inquiétantes.
21:07 On a connu au cours des dernières années une croissance médiocre mais surtout les
21:10 gains de productivité sont proches de zéro.
21:13 Et donc que devient la machine à innover, à croître par l'innovation ?
21:19 En gros, ce qui fait la croissance aujourd'hui c'est les effets mécaniques du facteur travail
21:25 et du facteur capital et pas du tout l'amélioration par l'innovation du mix productif, la montée
21:33 en gamme, l'ouverture d'avantages de l'économie.
21:36 Donc il y a un vrai impératif qui est de retrouver des marges de gains de compétitivité
21:41 et de productivité parce que sur la longue période, l'élévation du salaire des salariés
21:47 dépendra de ces gains de productivité.
21:49 Oui, c'est vrai ce que vous aviez surpris il y a quelques semaines, Édicon, en disant
21:53 que l'inégalité salariale entre hommes et femmes pourrait être un coût supplémentaire
21:55 pour notre économie.
21:56 Vous avez choqué, surpris, que de rectifier l'inégalité salariale entre hommes et femmes
22:01 et bien pouvait être un coût supplémentaire pour notre économie alors qu'au contraire
22:05 on peut trouver dans l'égalité salariale…
22:07 J'ai dit mécaniquement, mécaniquement.
22:10 L'alignement des salaires des femmes sur celui des hommes, bien entendu, augmente
22:15 les coûts salariaux dans l'entreprise.
22:17 Mais au final c'est vertueux.
22:18 Mais au final c'est vertueux puisque de toute façon l'objectif d'une économie
22:23 et l'objectif d'un gouvernement c'est la prospérité des ménages et l'élévation
22:28 du niveau général des prix.
22:32 Il faut trouver la formule qui permette de tenir cet objectif politique et social majeur
22:38 et en même temps ne pas dégrader formidablement la compétitivité des entreprises parce qu'à
22:42 la fin du jour c'est la compétitivité des entreprises qui fait la croissance, le développement
22:46 et donc la capacité à maintenir l'état social et redistribuer.
22:49 Il y a un rapport de Jean Pisaniferri que vous connaissez, économiste également, et
22:54 c'est le Mama Fouz qui a été remis cette semaine à Elisabeth Borne et qui estime qu'il
22:57 faudra faire des investissements massifs pour lutter contre le réchauffement climatique.
23:01 66 milliards d'euros supplémentaires par an d'ici à 2030 par an, moitié privé,
23:07 moitié état.
23:08 Donc quitte à alourdir la dette, est-ce qu'on a le choix quelque part ? Je sais que vous
23:12 êtes un défenseur de lutter contre les déficits, la dette, mais tout de même là il faut investir,
23:17 vous êtes d'accord avec ça ?
23:18 Tout à fait.
23:19 Il faut dire la totalité du message de mon ami Jean Pisaniferri.
23:24 Il dit qu'il va falloir investir massivement pour gérer cette transition climatique.
23:31 Et d'abord investir dans le vide presque, dans les premières années.
23:35 Exactement.
23:36 Il dit deux choses très importantes qu'on n'a pas suffisamment signalées dans le débat,
23:40 c'est que ces investissements, à la différence des investissements classiques, ne créent
23:44 pas plus de richesse, plus de productivité et plus de croissance.
23:49 Ce sont des investissements qui vont simplement se substituer à des investissements bruns
23:55 passés qui vont être déclassés.
23:56 C'est-à-dire que des appareils de production qui pouvaient continuer à tourner et à produire
24:01 vont être fermés et ils vont être remplacés par des investissements verts dans de nouveaux
24:05 processus productifs, donc sans enrichissement global.
24:08 Et sans aggravation de la dette du coup ?
24:10 Attendez, attendez, attendez.
24:11 Et il dit en même temps, et ça n'a pas assez dit, que donc l'arbitrage consommation-investissement
24:18 va devoir se faire en faveur de l'investissement et d'une baisse relative de la consommation
24:23 et d'un appauvrissement relatif des ménages.
24:25 Alors après, comment on finance ?
24:27 Oui, il dit SFR, il faut aller fiscaliser les plus aisés, 5%.
24:32 Alors il dit deux choses.
24:33 Et ça rapporte 150 milliards.
24:34 Il dit deux choses.
24:35 Il dit il faut accroître la dette parce qu'il dit c'est de la bonne dette.
24:39 Sous-entendu, nous avons beaucoup pratiqué la mauvaise dette jusqu'à présent.
24:42 Donc c'est de la bonne dette.
24:44 Je suis d'accord avec lui, c'est de la bonne dette.
24:46 Et il ajoute, et malheureusement il ajoute, parce que c'est tout ce que les gens ont
24:50 retenu, c'est qu'il faut taxer les riches.
24:52 Et alors ? Vous en pensez quoi ?
24:53 Oui, mais vous voyez bien que ce n'est pas ça l'enjeu majeur de cette situation.
24:57 Alors il propose un ISF qui va être beaucoup plus lourd que l'ISF passé.
25:02 Mais en une seule fois de 5%.
25:04 Il faut un effort ponctuel pour les 10% les plus aisés, ça rapporte 150 milliards.
25:09 Oui, mais vous savez ce que c'est que prélever 150 milliards sur le patrimoine des ménages ?
25:13 Je ne sais pas si vous avez une résidence principale ?
25:15 Les ménages les plus aisés.
25:16 Si vous avez une résidence principale, par exemple, je prends cet exemple.
25:20 Non, il dit qu'il faut que ça porte sur les portefeuilles financiers.
25:23 Mais si votre portefeuille financier c'est l'assurance vie et que vous comptez financer
25:27 votre retraite par l'assurance vie, je vous garantis qu'un prélèvement de cette ampleur,
25:31 vous le sentirez.
25:32 Mais ça veut dire qu'ils peuvent partir ? C'est-à-dire que ces ménages les plus aisés,
25:36 il y a une crainte d'existe fiscal qui pourrait nuire à notre économie ?
25:39 Non, il y a d'abord un impact sur les patrimoines constitués.
25:44 Il dit que ça doit être les patrimoines financiers.
25:46 Si c'est les patrimoines financiers, il faut dire les choses clairement, c'est l'assurance
25:49 vie des Français qui va être...
25:51 Premièrement.
25:52 Deuxièmement, le débat que nous avons eu tout à l'heure, c'est que le rendement de
25:55 l'assurance vie est proche de zéro.
25:56 Donc quand vous avez un rendement proche de zéro et que vous prélevez 5 %, ça s'appelle
26:00 un prélèvement très significatif.
26:01 Mais sur les plus fortunés, parce que la défense du gouvernement, c'est souvent dire
26:05 que les capteurs vont partir.
26:06 Oui, mais c'est ça.
26:07 Alors c'est là où je ne suis plus d'accord avec Jean Pisaniferi.
26:09 C'est parce que, bien entendu, tout le monde dit "mais ça, ça ne va pas me concerner".
26:13 Ça va me concerner les plus riches, c'est-à-dire une petite poignée, les 43.
26:17 Mais là, on confond le patrimoine d'Arnaud avec les bénéfices d'Arnaud, avec les taxes
26:23 qui ne sont pas...
26:24 En fait, ces 60 milliards, il faudra les trouver partout, pas seulement chez les plus riches.
26:26 Par rapport à la richesse du débat.
26:27 Éric Cohen, merci beaucoup.
26:28 On n'a plus de temps, je suis désolé.
26:29 Économiste, invité du 8-30, bonne journée à vous.
26:31 [Musique]
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