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00:00 C'est vous Paul Vallette, bonjour. Vous êtes historien, politologue et chercheur associé au centre de sécurité politique de Genève.
00:06 Merci d'être avec nous. On vient de voir ce reportage de notre équipe donc déployée dans l'Est de l'Ukraine avec ses résistants d'un nouveau genre.
00:15 Peut-être un mot tout d'abord de l'actualité, en tout cas ce qui nous aura animé nous les chaînes d'info tout le week-end avec cette annonce,
00:22 cette énième annonce si je puis dire du groupe Wagner revendiquant la prise de Barmout, les paramilitaires qui vont plus loin aujourd'hui
00:31 et qui annoncent qu'ils vont achever le transfert de leur position à l'armée russe le 1er juin prochain.
00:38 Ça confirme cette thèse qui est de dire que les Russes sont à l'avantage là-bas ?
00:43 Alors on est effectivement dans une bataille de communiquer, de contre-communiquer et même les agences de presse, les mieux renseignées
00:54 sont en difficulté pour vérifier la réalité de la situation dans la ville, dans ce qui reste des ruines de la ville de Barmout et surtout les alentours.
01:08 Dire qu'il y a un avantage russe paraît quand même assez difficile à valider en ce moment puisqu'il y a encore quelques jours,
01:16 notamment on avait des informations cette fois qui semblaient vérifier que les forces ukrainiennes avançaient sur les flancs.
01:26 Et donc ce qui paraît avoir été annoncé samedi c'est éventuellement la prise du dernier carré de ruines au centre de la ville,
01:36 mais la tenaille russe qui était censée encercler Barmout ne s'est pas refermée et semble avoir été l'objet de contre-attaques ces derniers jours.
01:46 Alors Paul Vallette, je ne sais pas si peut-être un micro est allumé à côté de vous ou votre ordinateur, mais on vous entend en écho,
01:53 donc si vous pouvez peut-être effectuer un réglage pour qu'on vous entende un peu mieux.
01:58 On parlait donc de cette guerre de communiquer, c'est effectivement difficile d'y voir clair.
02:04 Pourquoi les paramilitaires, pourquoi ce groupe russe qui en a fait une question d'ego finalement,
02:10 cette prise de la ville de l'Est, on voit bien tous les efforts acharnés qui ont été mis dans les combats là-bas,
02:17 pourquoi déciderait-il de quitter les lieux du jour au lendemain comme il l'annonce aujourd'hui ?
02:23 C'est difficile à comprendre, mais alors j'espère que vous m'entendez mieux.
02:28 Bien mieux, merci beaucoup.
02:30 Merci. Eh bien, manifestement ce qui semble aussi un non-dit dans cette histoire, c'est effectivement le chiffre des pertes,
02:40 qui est absolument impossible à vérifier.
02:42 Volodymyr Zelensky a dit "Bakhmout n'est que ruine, il y a là-bas des milliers de cadavres de Russes".
02:47 Oui, alors on voit bien qu'il n'y a plus de ville, il n'y a plus de Bakhmout, et ce qui a été pris n'a pas de grande valeur exploitable.
02:57 Il est pris à un autre prix qui a été lui, humain, et on peut peut-être se demander si les forces de Wagner,
03:08 encore là on n'a pas trop idée en termes d'effectifs, qu'est-ce que ça peut bien représenter ?
03:14 Sont-ils une division, un régiment, un bataillon ?
03:17 Mais les pertes auraient pu être telles que le groupe tellement décimé n'aurait plus d'effectivité au combat,
03:25 s'il fallait poursuivre et tenter d'exploiter cette supposée prise.
03:30 D'autant qu'on est dans un contexte de préparatif de contre-offensive ukrainienne qu'on nous annonce depuis des semaines.
03:37 Entre-temps, Volodymyr Zelensky a effectué une tournée européenne, a participé à ce G7,
03:43 a obtenu des gages de ses alliés, de nouvelles promesses de livraison d'armes,
03:48 notamment ces fameux F-16 américains, le véto a été levé par Joe Biden.
03:53 Oui, alors bien sûr, disons que la situation à Bakhmout même ne change pas fondamentalement
04:02 la situation générale militaire du point de vue de l'Ukraine.
04:07 D'ailleurs, on peut s'attendre à ce que son offensive se poursuive d'ailleurs sur plusieurs axes.
04:15 C'est une tactique qui les a fort bien servis dans le passé.
04:20 Donc, Bakhmout même n'est pas le seul enjeu stratégique que les forces ukrainiennes voudraient exploiter dans les semaines à venir.
04:31 Et bien sûr, l'arrivée des F-16 constitue d'abord, pour le présent, évidemment, un énorme coup moral
04:41 qui apporte du baume au cœur aux combattants ukrainiens.
04:46 La perspective d'une éventuelle meilleure couverture aérienne, mais bien sûr, qui n'interviendra que dans les mois prochains.
04:55 La route va être longue, on nous dit. D'ici à la livraison, d'ici aussi à la formation des pilotes, ça risque de prendre des mois, de longs mois même.
05:04 Alors oui, je pense qu'on ne verrait pas intervenir ces F-16 avant la fin de l'été probablement.
05:13 Entre temps, bien sûr, il y a trois mois d'opérations qui peuvent être potentiellement offensives,
05:20 ou sur des temps de repos, bien sûr, parce que les avances sont toujours en général assez étagées dans le temps.
05:30 Ce qui pourrait évidemment être le rôle des F-16 à l'automne, c'est justement la consolidation des gains territoriaux que les Ukrainiens auront pu effectuer.
05:42 Et bien sûr, leur accorder une meilleure couverture et supériorité aérienne de théâtre,
05:50 bien sûr, qui les protégerait notamment des nombreuses frappes aériennes que les Russes réalisent encore de temps à autre.
05:58 On est 15 mois après le début de cette guerre qui persiste. Il y a comme une forme d'habitude, presque de lassitude,
06:07 même parfois quand on parle avec des Ukrainiens, qui nous expliquent que les bombardements, ça fait partie maintenant du quotidien, que la vie suit son cours.
06:15 Les Russes aussi ont consolidé des positions dans l'Est. Est-ce que ce conflit, selon vous, risque de s'éterniser, de s'enliser même ?
06:27 Pour l'instant, on n'en voit pas la fin. Bien sûr, c'est ça qui crée ce sentiment d'enlisement.
06:37 Pour le reste, il ne faudrait quand même pas négliger ce qui peut se passer dans les prochains mois,
06:43 à savoir surtout, bien sûr, si les contre-attaques ukrainiennes se révèlent finalement assez…
06:50 révèlent le même degré de succès que ceux à qui on a assisté à l'automne dernier,
06:56 parce qu'effectivement, reprendre toute la partie qui menaçait, notamment Kharkiv, et puis bien sûr le dégagement de Gerson,
07:07 ça a représenté évidemment un véritable gain pour les Ukrainiens et une meilleure perspective de victoire.
07:16 Alors, il n'est pas impossible évidemment que d'autres Persées puissent se poursuivre cet automne,
07:23 ce qui bien sûr modifierait bien sûr la carte des territoires contrôlés par les Russes,
07:27 et ça, ça reste particulièrement important, puisque l'objectif est bien de se saisir du Donbass,
07:35 et puis aussi de le relier par un couloir terrestre jusqu'à la Crimée, et bien sûr le plus loin possible.
07:41 Et si les Ukrainiens sont en mesure de grignoter encore ces positions qui ont été capturées,
07:49 ça, qu'on le veuille ou non, ça sape sur le long terme la motivation des Russes pour poursuivre le conflit.
07:58 Alors, je parle des Russes ordinaires, évidemment, pas de la détermination du régime, qui semble être encore très importante.
08:06 Merci beaucoup Paul Vallette d'avoir été notre invité.