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  • 15/05/2023
De plus en plus de maires sont sauvagement agressés par des militants néofascistes. Parmi ces élus qui font fait les frais de ces groupes extrémistes, Stéphane Beaudet, maire d’Évry-Courcouronnes dans l’Essonne et président de l’association des maires d’Île-de-France, a dû faire face à une tentative d’intimidation. Après le maire de Saint-Brevin-les-Pins, victime d’un incendie criminel, le maire de Boussy-Saint-Antoine régulièrement menacé et la mairesse de Longeville-sur-Mer, visée par des tirs à la chevrotine, notre invité dénonce l’excès de violence à l’encontre des élus locaux. Comment expliquer que les maires, qui sont pourtant les personnalités politiques des Français, soient la cible de ces actes criminels ? Les explications de Stéphane Beaudet.

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Transcription
00:00 Il est 8h14, on parlait tout à l'heure dans les journaux de ces maires agressés de plus en plus.
00:04 Eh bien justement ce matin vous recevez Julia, l'un d'entre eux, un homme de terrain.
00:08 Il s'appelle Stéphane Baudet, il est maire d'Evry-Courcouronnes.
00:11 Il est aussi le président de l'association des maires d'Île-de-France. Bonjour et bienvenue.
00:15 Bonjour Stéphane Baudet, merci d'avoir accepté l'invitation de Télé Matins.
00:18 Alors le maire de Saint-Brévin-les-Pins, victime d'un incendie criminel.
00:22 Le maire de Boussy-Saint-Antoine qui reçoit régulièrement des menaces.
00:25 La maire de Longeville-sur-Mer visée par des tirs à la chevrotine.
00:30 Comment expliquez-vous que les maires, qui sont pourtant les personnalités politiques préférées des Français,
00:34 soient autant la cible de violence ?
00:38 De façon malheureusement assez simple en fait.
00:41 Selon la formule de Gérard Larcher, les maires sont à portée de baffe.
00:44 C'est-à-dire qu'à la différence de tous les autres élus de la République,
00:47 ils sont sur le terrain en permanence et comme on les surnomme régulièrement,
00:51 ils sont maires à tout faire.
00:52 Les habitants ne savent plus qui exerce telle ou telle compétence
00:55 et donc le maire est le réceptacle de tout.
00:57 Et donc forcément, comme il est surexposé à la fois par son mandat local,
01:01 mais aussi par l'explosion des réseaux sociaux, le contact permanent avec les habitants,
01:07 même si une très grande majorité des habitants apprécient plutôt leurs élus locaux,
01:12 il y a quelques abrutis, quelques imbéciles qui ont fait péter les digues,
01:15 n'ont plus de limites et sont dans la menace, dans l'insulte et pour certains passent à l'acte.
01:20 Alors selon les chiffres du ministère de l'Intérieur,
01:22 les violences physiques et verbales contre les élus ont augmenté de 32% en 2022.
01:28 Vous dites d'ailleurs que ça concerne plus simplement les grandes agglomérations.
01:30 C'est bien ça ? C'est partout pareil ?
01:32 Vous l'avez vu sur les démissions.
01:35 Vous vous souvenez du décès du maire de Signe il y a trois ans.
01:39 Ça touche maintenant tous les territoires.
01:41 Je crois que ce n'est plus une affaire comme ça pouvait être le cas il y a 20 ou 30 ans
01:45 de bandes de jeunes, etc.
01:47 C'est n'importe quel habitant, n'importe quelle génération, n'importe quel niveau social
01:51 qui, parce qu'il est véléitaire, parce qu'il est consommateur de services publics,
01:55 parce qu'il est par nature impatient et parce que quand il neige c'est à cause du maire,
01:59 s'en prend à son édile.
02:01 Ici pour un permis de construire, ici pour une question de restauration scolaire,
02:05 ici parce qu'il n'a pas eu la salle qu'il voulait quand il la voulait, etc.
02:08 Donc oui, l'exposition elle est réelle pour tout le monde.
02:11 Et d'ailleurs ces intimidations et ces violences ne datent pas d'hier.
02:14 Vous-même quand vous êtes arrivé, vous avez été lue maire de Courcouronne dans l'Essonne,
02:19 je crois que vous avez eu pas mal de pépins.
02:20 Est-ce que vous pouvez nous les raconter ?
02:22 Oui, j'en ai eu de 2001 à 2004, des menaces de mort, des jeunes qui m'attendent chez moi
02:27 avec fusil à pompe, ma famille protégée, ma voiture 9 fois détruite, laminée, brûlée.
02:33 Mais ce n'était pas tout à fait pareil parce qu'en l'occurrence là je mettais fin
02:37 à un système d'achat de la paix sociale et donc j'étais dans une confrontation
02:40 d'une certaine manière que j'ai assumée et sur laquelle on peut imaginer d'ailleurs
02:44 que dans la durée j'ai plutôt eu raison de le faire.
02:47 C'était donc un public un peu ciblé.
02:49 Aujourd'hui ce n'est pas le cas.
02:50 Ce ne sont pas des délinquants qui agressent les maires, c'est tout le monde.
02:53 Quand vous faites une étude sociale par exemple dans les bus,
02:56 vous voyez que les agressions arrivent par exemple des maires de famille, des personnes âgées.
03:00 En fait c'est tout le monde.
03:01 La société est devenue plus violente, plus impatiente, plus consommatrice de services
03:06 et comme le maire est celui qui est là en face de vous.
03:09 La mairie elle est là, il est joignable sur les réseaux sociaux,
03:11 il a la gentillesse de bien vouloir répondre et donc forcément c'est à lui qu'on s'en prend.
03:15 Alors évidemment cette prolifération de la violence a des conséquences.
03:19 Depuis les élections municipales de 2020, 1293 maires ont raccroché l'écharpe.
03:26 Il y a une crise d'évocation.
03:27 Est-ce qu'on peut craindre un jour de ne pas avoir assez de maires en France ?
03:30 Non mais ça c'est dramatique.
03:32 Le socle démocratique qui fonctionne encore à peu près dans ce pays
03:35 c'est celui de l'élection municipale.
03:37 C'est encore plus vrai depuis la fin du cumul des mandats.
03:40 Votre chiffre est intéressant mais il faut le mettre en perspective.
03:43 Il y a un mandat, on était à 400 démissions à mi-mandat.
03:46 Il y a deux mandats, on était à 200 démissions.
03:48 C'est exponentiel.
03:49 C'est-à-dire que les démissions sont exponentielles.
03:51 Et quand vous regardez de plus près les démissions,
03:53 vous voyez que ce n'est pas des maires qui sont là depuis 5, 10 ou 15 ans.
03:56 C'est ceux qui ont été élus il y a trois ans, qui découvrent ce que c'est,
03:59 qui ne s'attendaient pas du tout à ce que ce soit ça et qui lâchent très vite.
04:03 Finalement c'est presque ceux qui ont le plus d'expérience,
04:05 qui arrivent à tenir le plus longtemps.
04:07 Donc pour la démocratie, c'est une véritable catastrophe.
04:10 Et selon vous, c'est quoi les solutions ?
04:11 On ne va quand même pas mettre un garde du corps derrière chaque maire ?
04:14 Non, non.
04:15 Les solutions, elles sont comme d'habitude.
04:17 Elles sont à la fois éducatives d'un côté,
04:19 elles sont dans le message collectif que l'on doit passer.
04:21 Moi je me souviens quand en tant que président de l'Association des maires,
04:24 je suis monté contre les violences des élus il y a 3 ou 4 ans.
04:26 On m'a dit "Allez vous faire voir, les habitants aussi sont agressés,
04:29 il n'y a pas que les élus qui sont moins agressés que les autres".
04:31 Non, nous sommes représentants de la République.
04:33 Nous devons avoir un statut tout à fait particulier
04:35 parce que nous sommes en risque.
04:36 On gère des familles qui sont en très grande difficulté,
04:38 on gère des familles qui ont des incendies d'immeubles et qu'il faut reloger,
04:41 on gère des familles où il y a des décès.
04:42 Enfin, on a un rôle qui est tout à fait particulier.
04:44 Il faut que le cadre juridique qui nous accompagne,
04:47 accompagne ce rôle particulier.
04:48 Alors vous êtes en train de nous dire ce matin, si je comprends bien,
04:50 que lorsqu'on est maire, on va travailler la boule au ventre ?
04:54 Il y a des secteurs sans doute, il y a des pressions.
04:58 J'ai mon collègue maire de Saint-Try à quelques centaines de mètres
05:02 de l'Evry-Courcouronnes qui est menacé, qui subit des tags.
05:05 On a eu beau faire des marches, réunir plus d'une centaine d'élus locaux
05:09 il y a trois ou quatre ans, ça continue.
05:11 Donc oui, il y en a qui vont travailler la peau au ventre
05:13 et oui, il y en a qui abandonnent parce qu'ils abandonnent,
05:15 parce qu'ils ont aussi la pression de leur famille qui s'ouvre,
05:17 parce qu'ils ont aussi des enfants dans les écoles de leur ville.
05:20 Voilà, c'est juste un rappel pour tout le monde.
05:22 Ce n'est pas facile d'être maire.
05:24 Il y a 600 000 élus locaux en France, dans les conseils municipaux.
05:27 Il y en a 90 % qui sont bénévoles.
05:28 C'est bon de rappeler ça à tout le monde.
05:30 Vous parliez des maires démissionnaires.
05:31 C'est le cas de Yannick Maures, le maire de Saint-Brévin-l'Épin,
05:34 en Loire-Atlantique, qui ne s'est pas du tout soutenu par le gouvernement.
05:38 Il sera d'ailleurs reçu par Élisabeth Borne ce mercredi.
05:41 Qu'est-ce que vous en pensez ?
05:43 C'est au gouvernement de protéger, c'est au gouvernement qui doit protéger les élus ?
05:47 Écoutez, c'est à la justice.
05:49 On a eu un bras de fer avec le garde des Sceaux il y a trois ans déjà,
05:52 après de très nombreuses violences à l'égard des élus.
05:54 On nous a expliqué que le cadre juridique actuel était très largement suffisant
05:57 et qu'il serait appliqué.
05:59 L'exemple du collègue Maures montre que ce n'est pas le cas.
06:03 Est-ce que c'est le gouvernement stricto sensu qui ne fait pas le job ?
06:06 Est-ce que c'est la justice qui ne fait pas le job ?
06:08 Est-ce que c'est le pouvoir législatif qui ne renforce pas la protection des maires ?
06:12 La question est ouverte.
06:13 Mais nous, à la MIF, nous continuons à faire des propositions.
06:15 On a fait deux livres blancs de la sécurité.
06:18 On fera une formation d'ailleurs pour les maires avec la police nationale le 8 juin prochain.
06:23 Donc on essaye avec nos petites mains de lutter.
06:26 Mais si ces faits-là ne sont pas jugés de façon exemplaire,
06:30 comme lorsque l'on s'en prend à un policier, à un pompier, à un ambulancier,
06:34 on n'y arrivera jamais.
06:35 Merci beaucoup Stéphane Baudet pour votre témoignage.
06:38 Merci d'avoir accepté l'invitation de Télématin.
06:41 Je rappelle que vous êtes le maire d'Evry-Courcouronnes
06:43 et président de l'Association des maires d'Ile-de-France.
06:45 Merci.
06:46 Merci beaucoup.

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