Qu’est-ce que le “HHC”, dérivé synthétique du cannabis et légal en France ?
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00:00 Europe 1 bonjour, Alexandre Lemer et Omblin Roche.
00:04 Bon réveil Europe 1, il est 5h44.
00:06 On l'appelle déjà le joint légal.
00:08 Dans les boutiques spécialisées, il est effectivement possible de se procurer en toute légalité du HHC,
00:15 un dérivé de synthèse du cannabis.
00:17 Contrairement au THC, le principe actif du cannabis dont la vente est interdite,
00:23 le HHC est en vente libre alors que ses effets sont les mêmes.
00:27 Notre invité Alexandre est le docteur Philippe Battel, psychiatre et addictologue.
00:30 Bonjour Philippe Battel.
00:31 Bonjour.
00:32 Quand on va dans l'une de ces boutiques spécialisées dans le CBD qui rencontre un grand succès partout en France,
00:37 on peut acheter librement du HHC.
00:40 De quoi s'agit-il exactement ?
00:42 Alors il s'agit d'un cannabinoïde qui est l'hexahydrocanabinol,
00:48 qui est un des multiples cannabinoïdes qui sont les dérivés du cannabis
00:52 que l'on peut trouver soit de manière naturelle, soit de manière synthétique.
00:57 C'est-à-dire que soit dans la plante du cannabis, on peut trouver le fameux THC,
01:02 qui est le hexahydrocanabinol, qui est le principe actif du THC.
01:07 Tout le monde connaît maintenant le CBD, qui est un dérivé cannabinoïde
01:12 et qui a beaucoup moins d'effets psychotropes.
01:15 Et le HHC est un dérivé cannabinoïde parmi près de 150 cannabinoïdes.
01:23 On présente le HHC comme un substitut légal au THC, justement le principe actif du cannabis.
01:29 Si je traduis, ça veut dire "rôlez-vous un joint avec en gros les mêmes effets que le cannabis,
01:34 mais sans vous mettre hors la loi, en toute tranquillité".
01:37 Oui, alors c'est un argument de vente et probablement c'est le succès majeur de cette drogue
01:42 et son attractivité et de manière marketing présentée de la sorte.
01:47 En réalité, on ne sait pas exactement ce qu'il se passe.
01:50 Ce qui est vrai, c'est que si on doit faire une échelle d'effets psychoactifs,
01:55 c'est-à-dire d'un effet qui va agir sur le cerveau et qui va donner ce qu'on recherche
02:00 en fumant un joint de cannabis, c'est-à-dire une désinhibition,
02:05 une modification de ses perceptions, un sentiment de relaxation et de bien-être
02:12 et une distorsion d'un certain nombre de sens et de la pensée.
02:17 Donc on va mettre le THC en numéro 1 en suivant ces effets,
02:22 le HHC va être en numéro 2 et le CBD est en 3 ou 4 ou 5,
02:29 c'est-à-dire qu'a priori il n'a peu d'effets psychotropes,
02:31 mais plutôt des effets de relaxation, de sentiment de bien-être.
02:37 Donc oui, c'est une sorte de THC, mais a priori moins puissant que le THC,
02:44 c'est-à-dire que le cannabis.
02:46 Et que d'autre part, pour l'instant, on a un vide juridique qui ne permet pas
02:50 de classer cette drogue comme une drogue aussi interdite que le THC.
02:55 - Alors un vide juridique pour quelles raisons ?
02:57 C'est-à-dire que le HHC, en réalité, n'est pas encore officiellement classé stupéfiant en France.
03:02 C'est de cela qu'il s'agit, Philippe Battel ?
03:04 - Absolument, il est classé dans 3 ou 4 pays européens comme stupéfiant,
03:08 mais pas encore en France.
03:10 - Il a fallu de l'Estonie et l'Autriche, notamment.
03:13 - Exactement. Et là, on a vraiment envie qu'il existe au niveau européen
03:18 une politique de santé publique commune autour des drogues.
03:23 Et on peut, hélas, déplorer que ce n'est pas encore le cas.
03:27 Il faut savoir que cette molécule, elle a été synthétisée, reconnue dès 1940.
03:32 Donc ce n'est pas une nouvelle drogue comme elle est présentée.
03:36 C'est une drogue ancienne, connue parmi les milliers de drogues qui peuvent exister.
03:41 Il y a aujourd'hui une grande mode des cannabinoïdes.
03:44 C'est-à-dire que parmi le cannabis, on connaît bien évidemment le cannabis, le THC, le pétard,
03:50 tout est classique.
03:51 On connaît maintenant le CBD parce qu'on vous en vend en savon, en suppos, en huile essentielle.
03:58 - Ah oui, tout support, oui.
04:00 - Exactement. Et là, on sent bien qu'il y a peut-être un vide juridique,
04:03 mais il y a un énorme boulevard marketing pour proposer ce produit.
04:09 On a vraiment, vraiment du mal, en tout cas aujourd'hui, scientifiquement, de connaître ces effets.
04:16 On sait qu'il y a un certain nombre d'effets indésirables ou en tout cas inquiétants, secondaires, qui ont été signés.
04:22 - Alors des effets indésirables, inquiétants, secondaires,
04:25 ça veut dire que le HHC présente des risques potentiels pour la santé, Philippe Battelle ?
04:30 - Oui, bien sûr, comme le cannabis.
04:32 C'est-à-dire qu'on a les effets cannabinoïdes ou en tout cas du THC,
04:37 c'est-à-dire une certaine désinhibition, mais aussi une diminution de l'étape de conscience.
04:44 Et donc, du coup, on peut prendre un certain nombre de risques, comme par exemple conduire un véhicule.
04:50 Mais on a des effets spécifiques qui ont été rapportés, qui sont des effets cardiaques avec une tachycardie,
04:57 c'est-à-dire que le cœur qui s'emballe.
04:58 Et on ne sait pas si c'est un effet direct de la molécule sur le cœur ou si ça passe par un effet indésirable.
05:06 On a assez souvent avec les cannabinoïdes, c'est une augmentation de l'anxiété,
05:09 et en particulier cette anxiété physique qui peut parfois conduire à de véritables attaques de panique.
05:15 On a aussi des troubles digestifs avec des nausées et parfois des vomissements.
05:20 Et puis on a, comme on peut l'avoir rarement avec le cannabis, des états psychiatriques intenses,
05:27 pas simplement d'anxiété, mais de délire et de troubles majeurs du comportement.
05:34 Ils sont rares, mais ils ont été rapportés avec le HHC autant qu'avec le THC.
05:39 – Lorsque l'on entend votre description, Dr. Battel,
05:42 on s'éloigne un peu de la promesse de bien-être ou de détente telle qu'on la trouve dans ces boutiques de CBD.
05:47 Tout est fait en tout cas pour inciter la clientèle à l'expérimentation.
05:50 Il n'est pas seulement possible de fumer le produit.
05:52 Le HHC existe aussi en fleurs à infuser, il existe aussi en bonbons.
05:57 Lorsqu'on consomme des bonbons, on risque très vite de dépasser la dose tolérable en réalité.
06:03 – Ce qui est très compliqué, et on a vraiment besoin d'études sur le sujet,
06:07 c'est qu'on a beaucoup de mal à comprendre s'il existe un effet dose.
06:11 En tout cas, globalement, on sait que pour toute drogue,
06:14 plus vous en prenez, plus vous avez des effets attendus,
06:18 mais aussi le risque d'avoir des effets secondaires.
06:21 Et parmi ces effets secondaires, d'avoir une véritable addiction
06:24 et une grande difficulté à arrêter ou en tout cas à vivre
06:28 ou à faire un certain nombre de choses sans ce produit.
06:31 Pour l'instant, on a des données qui sont tout à fait partielles.
06:34 Et il y a des études qui vont être menées dans des services cliniques
06:38 pour avoir un peu plus d'avis sur ce sujet.
06:42 Mais d'une manière générale, toutes les drogues de synthèse
06:45 qui sont aujourd'hui disponibles, soit dans des boutiques à CBD,
06:48 soit directement sur Internet, nous les édictologues,
06:52 on recommande la plus grande vigilance parce que, d'abord,
06:55 la teneur en principe actif est très variable d'un produit à l'autre,
06:59 même chez le même fournisseur.
07:01 Donc vous pouvez acheter un produit, avoir peu d'effets la première fois,
07:05 puis vous rachetez le même produit et avoir peu d'effets.
07:08 Et surtout, on a ce qu'on appelle dans notre jargon
07:10 une grande variabilité interindividuelle.
07:13 Qu'est-ce que ça veut dire ?
07:14 Ça veut dire que d'un sujet à l'autre, il va expérimenter ce produit,
07:17 surtout s'il n'a jamais pris un dérivé du cannabis,
07:21 eh bien on peut s'attendre à des effets qui sont particulièrement violents et difficiles.
07:27 Sur un certain nombre de forums, on a des usagers qui rapportent des effets
07:33 qui se rapprochent franchement du QHC, en disant que c'est même un peu plus puissant.
07:39 D'autres qui disent qu'ils n'ont pas eu d'effets, ou quasiment pas.
07:42 Votre position en tant que médecin addictologue,
07:45 vigilance, vous nous l'avez dit ce matin sur Europe 1, merci Dr. Philippe Battel.
07:50 J'ajoute que la Direction Générale de la Santé a surmaintenu,
07:53 elle aussi, une vigilance sur cette molécule de HHC.
07:55 Les autorités sanitaires travaillent à une clarification de son statut juridique
07:59 qui pourrait aboutir à son classement comme stupéfiant.
08:03 Dr. Philippe Battel, merci. Je rappelle que vous êtes psychiatre et addictologue.