À Voix Haute - Ornella, victime d'un frotteur

  • l’année dernière
Selon le capitaine de la brigade de lutte contre les atteintes à la sécurité dans les transports, 9 victimes de frotteur.euse.s sur 10 ne veulent pas déposer plainte par peur de ne pas être entendue.
Ornella a été victime d'un frotteur dans le métro, elle nous raconte ce qu'elle a vécu...

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Transcript
00:00 C'est là que je comprends qu'en fait, ce monsieur vient de m'agresser sexuellement.
00:03 C'était un anniversaire d'un ami de la famille.
00:05 Et après ça, il fallait que je rentre à la maison.
00:07 Et j'étais avec mon frère.
00:08 Et ma mère faisait que me dire "il faut que tu rentres avec ton frère parce que c'est dangereux le soir".
00:14 Mon frère disait "mais c'est pas grave, elle est habituée, ne t'inquiète pas, etc."
00:18 Et donc du coup, j'ai pris le métro seule pour rentrer.
00:20 Quand je rentre dans le métro, il y a un monsieur qui rentre avec moi,
00:23 mais je n'y prête même pas attention.
00:24 Et je m'installe.
00:25 Et là, ce monsieur se met à côté de moi aussi.
00:27 Ce monsieur commence à me toucher les parties intimes.
00:30 Il y avait aussi des gens tout près à côté de nous où on était assis.
00:33 Et personne n'a bougé, personne n'a tilté.
00:35 Et quand je commence à réaliser en fait ce qui se passe,
00:37 c'est comme si j'étais tétanisée en fait.
00:38 Je n'arrivais pas à lâcher mon téléphone, je n'arrivais plus à regarder autour de moi.
00:42 J'étais choquée de ce qui venait de se passer.
00:45 Et là, je me dis "je dois sortir de ce métro".
00:47 Mais comment je le fais de sorte que je sois en sécurité ?
00:49 Je me lève et là, ce monsieur-là me bloque avec ses bras.
00:53 Il continue à me toucher.
00:54 On arrive à mon arrêt et je crois deux secondes avant que les portes se ferment,
00:57 je sors et les portes se ferment.
00:59 Même si je ne me rappelle pas de son visage,
01:01 mais je me rappelle de son regard qui était en mode "tu m'as eu quoi".
01:03 Et là, j'ai commencé à courir, à marcher vite, à essayer d'appeler mon frère.
01:07 Il ne répondait pas, je courais dans tous les sens.
01:09 J'avais l'impression qu'il était derrière moi alors que je l'ai vu dans le métro.
01:12 Normalement, un chemin qu'on fait je crois en 7 minutes,
01:14 je l'ai fait je crois en 2 minutes tellement que j'étais stressée.
01:16 Il est arrivé à la maison, du coup je sonne et c'est ma mère qui ouvre la porte.
01:21 Je me suis dit "mais comment est-ce possible que je n'ai pas réagi ?
01:24 Comment est-ce possible que je n'ai pas crié ?
01:26 Comment est-ce possible que je ne l'ai pas repoussé ?"
01:28 Enfin tout plein de questions.
01:29 Parce que moi avant, je croyais toujours que ouais si ça m'arrive,
01:31 de toute façon moi je sais quoi faire,
01:33 je vais commencer à le filmer, je vais le taper, etc.
01:35 Et là bizarrement, je n'ai rien fait.
01:37 Donc je m'en suis beaucoup voulu.
01:38 Ma mère a dit "on va à la police direct".
01:41 Pour elle c'était logique, il faut aller à la police.
01:43 Moi je lui ai dit "non, ça ne sert à rien".
01:45 De toute façon, je ne me suis pas fait violer,
01:47 donc pourquoi j'irais à la police ?
01:48 Ce n'est pas si grave dans ma tête, je me suis dit.
01:51 Mon frère qui était à l'anniversaire,
01:52 parce qu'après ils allaient faire un after,
01:54 lui il est revenu de sa fête,
01:56 pour être là à côté de moi, me tenir dans ses bras.
01:58 Et puis là...
01:59 Il m'a dit "désolée que je ne t'ai pas ramenée à la maison".
02:09 Et je lui ai dit "ce n'est pas grave parce que ce n'est pas de sa faute".
02:12 Je ressentais sa tristesse et il se sentait coupable en fait
02:16 de ne pas être venu avec moi et de ne pas m'avoir "protégée".
02:21 Et du coup on est partis à la police.
02:23 Le policier, la première chose qu'il dit à ma mère,
02:25 "oui mais elle a été violée, c'est ça ?"
02:27 Elle dit "non".
02:28 "Tiens, ok, rentre alors du coup".
02:30 Je lui ai dit "tu vois, je n'aurais pas dû venir parce que ce n'était pas si grave".
02:32 Même lui, c'est sa réaction du policier,
02:35 c'est que ce n'est pas si grave en fait.
02:36 C'est à la fin de l'interrogatoire que le policier,
02:41 c'est un autre policier que celui-là qui nous a accueillis,
02:43 qui m'a fait comprendre l'importance de porter plainte.
02:46 C'est important parce que si jamais ce même monsieur fait ça à d'autres personnes
02:49 et que beaucoup de personnes portent plainte,
02:51 ça pèse plus lourd par après pour lui.
02:54 Et aussi, ce serait peut-être plus facile de le retrouver aussi.
02:57 Donc je me suis dit "ok, peut-être que je fais quand même quelque chose de bien".
03:00 Ça a été dur mais c'est important quand même.
03:03 Donc du coup, j'ai porté plainte contre ce monsieur.
03:06 D'après cette agression, j'ai commencé à faire des crises d'angoisse.
03:09 J'ai aussi eu une dépression aussi par après.
03:12 Ça a déclenché beaucoup de choses chez moi.
03:14 Avant, j'étais vraiment le rayon de soleil.
03:16 J'ai ramené la bonne humeur et là, à partir de ce moment-là,
03:19 j'étais très éteinte, très...
03:21 Enfin, je marchais dans l'école mais c'était comme si je n'étais pas là en fait.
03:24 Les transports en commun, après c'était très compliqué de les prendre aussi.
03:28 Pour aller à l'école, il fallait que je prenne le bus, etc.
03:31 Mais pour moi, ça me prenait deux heures en avance de mon réveil habituel
03:34 pour me préparer mentalement à aller prendre le bus.
03:37 Je vais être entourée des gens que je ne connais pas.
03:40 Il se peut que là-dedans, il y aura encore un agresseur.
03:42 Ce qui faisait que chaque fois que je prenais un transport en commun,
03:44 je mettais chaque fois, par exemple, l'application pour regarder les itinéraires.
03:49 Et je regardais chaque seconde qui passait, chaque arrêt,
03:52 combien de temps il y avait entre chaque arrêt.
03:53 C'est devenu très...
03:55 Je suis très obsédée par les itinéraires.
03:58 C'était important de savoir à quel moment j'arrive où.
04:00 Quand on porte plainte, c'est tous les détails qui demandent.
04:03 Tu étais à quelle heure là ? Tu étais à quelle minute là ?
04:06 Et quand tu ne te rappelles pas, c'est très frustrant.
04:08 Aussi, quand les gens rentraient dans les transports en commun,
04:10 c'était... Je regardais tout le monde.
04:11 Chaque personne qui rentrait, il fallait que je regarde,
04:13 il fallait que je cherche le regard des gens qui étaient là autour de moi.
04:17 J'étais devenue très...
04:18 Ouais, obsédée, on va dire.
04:20 C'est ma famille autour de moi qui m'a vraiment aidée à me relever, en fait.
04:23 Non seulement ça, mais de ma dépression en général.
04:27 Et donc, ça a fait en sorte que je puisse aller de l'avant et me dire...
04:31 Ok, c'est ce qui s'est passé.
04:33 Et c'est un fait, c'est comme ça.
04:35 Je suis traumatisée par ça, mais je peux me guérir de ça aussi.
04:39 Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux.
04:40 Parce qu'avant, expliquer cette histoire, c'était vraiment un calvaire.
04:44 J'aurais pu rétablir toute l'interview, par exemple.
04:47 Mais là, ça va mieux.
04:50 Après, par exemple, le monsieur, on ne l'a toujours pas retrouvé.
04:53 Mais je n'attends pas ça aussi.
04:55 C'est plutôt...
04:57 Je continue à vivre ma vie, en fait.
05:00 Je continue et je me relève.
05:02 Il y a d'autres épreuves aussi qui arrivent, donc il faut se préparer.
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05:11 Merci à tous !
05:13 [SILENCE]

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